Un hold-up à St-Jean de Monts, nous est narré par le menu. Tout se passe bien, sans qu'un mot ou presque soit échangé, jusqu'à ce qu'un des caissiers ne saisisse une arme et ne tire sur Marc (André Pousse). Les gangsters, leur butin conséquent en poche, s'enfuient, mais doivent le laisser dans une clinique avant de rentrer à Paris.
Edouard Coleman (Alain Delon), commissaire divisionnaire, mène son équipe, et va bien vite se retrouver mêlé à l'affaire. D'abord parce qu'une fois qu'il meurt (supprimé par ses camarades), le gangster blessé et Parisien va déclencher une enquête, mais aussi parce que le chef de la bande, Simon (Richard Crenna), et son épouse (Catherine Deneuve) sont ses meilleurs amis: au point où elle trompe Simon avec Edouard... A moins que ce ne soit Edouard qui trompe Simon, on ne sait plus trop bien tant l'amitié entre ces deux-là est importante...
Je ne sais pas combien de temps exactement, mais le dialogue prend très peu de place dans un film où les gens, foncièrement, agissent plus qu'ils ne communiquent. On se passe de mots, et il est vrai que parfois on ne voit pas trop comment certaines choses auraient pu être dites... Alors il y a deux coups fumants, l'un dans une banque, minutieux, l'autre presque baroque, sur un train en marche. On va le dire ici une bonne fois pour toutes, à l'imitation d'Hitchcock, Melville a voulu tenter de remplacer un vrai train et un vrai hélicoptère par des maquettes, et... ça se voit.
Et puis il y a un aspect moral, qui est inhérent au genre et qui a toujours inspiré Melville. Un code moral, qui est plus l'apanage des truands que celui des policiers, on le voit ici avec ces gens qui tentent par tous les moyens de respecter les autres gangsters... Par opposition à un policier qui n'hésite pas à recourir à des méthodes brutales, qui vont porter leurs fruits... Mais qui laissent des traces. Des traces assez ambigues: un des indics de Coleman est un travesti, qui travaille dur et auquel le commissaire n'est pas indifférent. Quand les infos sont bonnes, le commissaire est content. Quand elles ne vont pas dans le bon sens, le pandore devient homophobe, sec, et même brutal... A l'inverse, Simon tient l'un des ses lieutenants, un ancien banquier qui a tâté du chômage, informé en temps et en heure de l'évolution de la situation quand un de ses hommes les a dénoncés...
Dans cette histoire d'hommes enfin, Melville a réalisé son fantasme ultime: faire croire que l'action se passe aux Etats-Unis... dans sa tête. Ainsi le commissaire emmène-t-il son équipe, dont le fidèle Paul Crauchet, dans sa grosse Américaine... Ainsi les gangsters (dont certains sont interprétés par des acteurs Américains de série B) vont ils arborer la tenue (Chapeau Fedora, Trench-Coat) du gangster Américain des années 50 et rouler en Chevrolet. Invraisemblable? Sans doute, mais c'est le dernier film de Melville, et s'il ne le sait pas encore, du moins nous a-t-il invité dans son univers si particulier, factice, et faits de vrais sentiments et d'une infinie pudeur. Un film, aussi, très très bleu, comme les petits matins peuvent l'être.