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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 17:15

Un hold-up à St-Jean de Monts, nous est narré par le menu. Tout se passe bien, sans qu'un mot ou presque soit échangé, jusqu'à ce qu'un des caissiers ne saisisse une arme et ne tire sur Marc (André Pousse). Les gangsters, leur butin conséquent en poche, s'enfuient, mais doivent le laisser dans une clinique avant de rentrer à Paris.

Edouard Coleman (Alain Delon), commissaire divisionnaire, mène son équipe, et va bien vite se retrouver mêlé à l'affaire. D'abord parce qu'une fois qu'il meurt (supprimé par ses camarades), le gangster blessé et Parisien va déclencher une enquête, mais aussi parce que le chef de la bande, Simon (Richard Crenna), et son épouse (Catherine Deneuve) sont ses meilleurs amis: au point où elle trompe Simon avec Edouard... A moins que ce ne soit Edouard qui trompe Simon, on ne sait plus trop bien tant l'amitié entre ces deux-là est importante...

Je ne sais pas combien de temps exactement, mais le dialogue prend très peu de place dans un film où les gens, foncièrement, agissent plus qu'ils ne communiquent. On se passe de mots, et il est vrai que parfois on ne voit pas trop comment certaines choses auraient pu être dites... Alors il y a deux coups fumants, l'un dans une banque, minutieux, l'autre presque baroque, sur un train en marche. On va le dire ici une bonne fois pour toutes, à l'imitation d'Hitchcock, Melville a voulu tenter de remplacer un vrai train et un vrai hélicoptère par des maquettes, et... ça se voit.

Et puis il y a un aspect moral, qui est inhérent au genre et qui a toujours inspiré Melville. Un code moral, qui est plus l'apanage des truands que celui des policiers, on le voit ici avec ces gens qui tentent par tous les moyens de respecter les autres gangsters... Par opposition à un policier qui n'hésite pas à recourir à des méthodes brutales, qui vont porter leurs fruits... Mais qui laissent des traces. Des traces assez ambigues: un des indics de Coleman est un travesti, qui travaille dur et auquel le commissaire n'est pas indifférent. Quand les infos sont bonnes, le commissaire est content. Quand elles ne vont pas dans le bon sens, le pandore devient homophobe, sec, et même brutal... A l'inverse, Simon tient l'un des ses lieutenants, un ancien banquier qui a tâté du chômage, informé en temps et en heure de l'évolution de la situation quand un de ses hommes les a dénoncés...

Dans cette histoire d'hommes enfin, Melville a réalisé son fantasme ultime: faire croire que l'action se passe aux Etats-Unis... dans sa tête. Ainsi le commissaire emmène-t-il son équipe, dont le fidèle Paul Crauchet, dans sa grosse Américaine... Ainsi les gangsters (dont certains sont interprétés par des acteurs Américains de série B) vont ils arborer la tenue (Chapeau Fedora, Trench-Coat) du gangster Américain des années 50 et rouler en Chevrolet. Invraisemblable? Sans doute, mais c'est le dernier film de Melville, et s'il ne le sait pas encore, du moins nous a-t-il invité dans son univers si particulier, factice, et faits de vrais sentiments et d'une infinie pudeur. Un film, aussi, très très bleu, comme les petits matins peuvent l'être.

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Jean-Pierre Melville
9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 17:02

Probablement n'avait-il pas de film glorieux à réaliser, sachant que son effort suivant serait l'innommable The skin game, un ratage intégral... Mais Hitchcock, qui avait travaillé quelques années en Allemagne, n'a eu aucun mal à accepter une commande, celle de réaliser un remake Germanophone de son dernier film, Murder. Contrairement à ce qui se passe habituellement, avec les versions multiples, ce long métrage a donc été fait après la complétion de la version Britannique, et présente quelques différences:

le casting bien sûr! en lieu et place de Herbert Marshall, le froid Alfred Abel qui s'en sort assez bien, et Olga Tschekowa reprend le rôle joué auparavant par Norah Baring; elle est hélas assez inexistante dans le film... Sinon, on remarquera quand même quelques acteurs qui vont reprendre leur rôle et se débrouiller en Allemand: Miles Mander et Donald Calthrop, dont le rôle déjà mineur va être encore plus réduit...

le montage est différent, mais essentiellement parce que Hitchcock a resserré le découpage. Pour l'essentiel, il s'agit d'un raccourci de chaque séquence, avec une petite particularité: une scène de la fin, qui a disparu du montage commun Anglais, est ici maintenue...

le sel de l'intrigue. On le sait, Hitchcock l'a dit, le véritable motif du crime est la volonté de cacher l'identité sexuelle d'un personnage. Ce qui était impossible à énoncer dans le film Anglais, mais passait par une insistance à travestir le coupable, à le montrer fragile, une vraie caricature d'homo comme le cinéma le plus vieillot pouvait en commettre... Le film Allemand respecte cette embarrassante décision mais le prétexte du crime change: on disait dans la version Anglaise que le tueur ne souhaitait pas qu'on révèle qu'il était métis, ici il ne souhaite pas que son passé judiciaire s'évente...

enfin, l'interprétation est plus sobre que le film Anglais où Marshall s'égarait dans des accents trop emphatiques. Hitchcock apprenait vite, et Mary est finalement interprété de façon plus subtile, et dans les mêmes décors et les mêmes cadrages que le film d'origine...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 17:18

Duvivier se destinait au théâtre... Mais il n'a pas pu éviter le cinéma. Sous la houlette d'André Antoine dont il avait été le régisseur et l'assistant, il a été amené à réaliser ce film qu'il a signé littéralement, à la fin, dans un geste plein de panache et de naïveté. Un film où on retrouve une certaine forme de pudeur, un pessimisme profond, mais surtout un sens inné du cinéma comme étant l'art... du bon paysage.

L'histoire est profondément embrouillée, et concerne une série de personnages qui vivent, pour certains sans le savoir, dans les conséquences d'un drame qui s'est passé plus de vingt années auparavant: un homme s'est suicidé. Pourquoi? Nous le saurons plus ou moins, grâce au drame qui va lier son ancien ami Landry Smith (Séverin-Mars), et un jeune homme qui vient chez ce dernier pour des motifs mystérieux avant de lui sauver la vie et de courtiser sa pupille...

C'est un western. Et pourtant il a été tourné en Corrèze (le département au milieu d'un triangle formé par Limoges, Aurillac et Clermont-Ferrand sur les cartes de météorologie à la télévision!), qui était alors un pays encore plus sauvage qu'aujourd'hui... Et contrairement aux films de Jean Durand tournés en Camargue, aucun effort n'a été fait pour maquiller le terrain, l'intrigue étant objectivement située sur les terres du petit Père Henri Queuille... Le tour de passe-passe était finalement assez simple: Landry Smith est lui-même Américain, et sa domestique Kate Lockwood projette en effet de voler sa fortune, et a donc fait appel à un comparse de Santa Fe, qui arrive en Corrèze au début du film avec des manières de cow-boy. C'est naïf, mais pas plus que d'habiller comme le faisait dans Un flic Melville les gangsters de 1972 de trench-coats et de les faire rouler en Cadillac pour se donner l'illusion de tourner un film noir Américain!

Car c'est bien de ça dont il s'agit pour Duvivier: montrer lui aussi un film, un pastiche des westerns qui commençaient à envahir l'écran Français, et qui avaient l'air d'avoir tout compris à ce que devaient être le cinéma. C'est d'ailleurs bien dans la manière d'un cinéaste qui allait être remarqué pour son envie de toucher à tous les genres, tous les sujets, tous les pays: Russie (Anna Karenina), Afrique du Nord (Cinq Gentlemen Maudits, Pepe le Moko), France, Canada (Maria Chapdelaine)...ou Corrèze, même combat. 

La compagnie productrice de ce film, Burdigala films, était comme son nom l'indique située à Bordeaux, et Duvivier a pu faire des repérages soignés pour ce qui allait devenir le premier film de fiction de long métrage tourné en Limousin, avec des décors souvent superbes, et parfaitement en phase avec l'action: des villages et hameaux situés en pleine forêt, des routes situées sur les flancs de pentes parfois abruptes (longeant notamment les Gorges de la Dordogne avant que ne soient construits les barrages de L'aigle et d'Argentat. Certaines séquences ont également été tournées près de Bort-Les-Orgues, près de la superbe vallée de la Dordogne avant qu'un barrage ne transforme celle-ci en un gigantesque lac. Enfin, trois lieux emblématiques de la toujours sauvage région de la Xaintrie ont été mis à profit dans un magnifique final riche en suspense et en frissons: le viaduc des Rochers Noirs, aujourd'hui condamné parce que trop dangereux), les fantomatiques ruines des Tours de Merle, un site médiéval situé en pleine forêt, et les cascades de Gimel, un endroit où un bien méchant homme trouvera une fin mélodramatique à la mesure de ses crimes...

Il en ressort un film certes mélodramatiques, embrouillé, anecdotique dans son intrigue, au jeu parfois ampoulé... mais surtout un grand désir de cinéma, une sorte de rêve de film accompli.

 

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier Muet 1919
7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 17:10

Le tout premier film fini par Melville, un court métrage de 19 minutes, a été longtemps confiné aux archives, principalement parce que son metteur en scène n'en était pas très content. Quoi qu'il en soit, c'est un curieux exercice de style, réalisé avec la collaboration d'une connaissance, un clown qui avait enchanté le jeune Jean-Pierre Grumbach lors de sa jeunesse. 

Le film suit comme il se doit les 24 heures d'une journée, entre la fin d'une performance de Béby le clown et de son partenaire Maïss, et la performance du lendemain. Des heures concentrées, mais filmées dans la relative intimité du clown, et pas tout à fait documentaires: le personnage s'est amusé à placer quelques gags dans le film...

Il en ressort un étrange exercice de style dans lequel Melville s'évertue à ne jamais se diriger vers un esprit trop positif, mais il ne va pas non plus se vautrer dans un regard misérabiliste... Le ton de ce court métrage, réalisé deux ans après la fin de l'occupation Parisienne, ressemble à un réveil douloureux après un lendemain de fête, et même par moments ferait penser à... L'armée des ombres dans le ton global, par son regard franc et direct sur la vraie vie de ces personnes qui ont choisi le difficile métier de faire rire...

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Published by François Massarelli - dans Jean-Pierre Melville
5 juin 2020 5 05 /06 /juin /2020 18:31

Il faut croire que Jeff Chandler a fait sensation en Cochise dans Broken arrow, puisqu'il a rejoué le rôle à plusieurs reprises. Dans ce film, il apparaît moins dune minute, pour y interpréter la mort du grand chef, mais il est on ne peut plus présent dans le titre...

Ce petit western (moins de 80 minutes) se situe à l'époque du schisme de la Nation Apache, entre les Chiricahuas de Cochise, donc, et les rebelles de Geronimo. Au moment où commence le film, le vieux chef meurt et confie les clés de la tribu, mais aussi du fragile traité signé avec les blancs: les Chiricahuas s'engagent à respecter la paix, pendant que Geronimo s'acharne à guerroyer. Problème: si Taza (Rock Hudson), le fils aîné, est disposé à suivre le plan de paix de son père, son frère Naiche (Bart Roberts) souhaite lui, et il n'est pas seul, se ranger aux côtés de Geronimo et des rebelles... Autour d'eux, une femme, Oona (Barbara Rush), fille d'un vieux guerrier nostalgique qui souhaite tourner la page pacifique, et convoitée par les deux frères ennemis; mais aussi une poignée de soldats menés par le capitaine Burnett (Gregg Palmer), qui tentent de faire entendre à leur hiérarchie que Taza est l'homme de la situation pour obtenir la paix...

C'est un curieux effort, qui montre bien de quelle façon le cinéma pouvait tenter de lutter contre la télévision: un western, pour concurrencer les dizaines de programmes du genre disponibles sur les petits écrans, en Technicolor alors que la télévision était en noir et blanc, écran large, et 3-D... Une surcharge pour un film de petite envergure, dans un genre où on n'attend évidemment pas le cinéaste de Magnificent obsession! Le film est fidèle à l'esprit des années cinquante, qui tentent de trouver un échappatoire au manichéisme traditionnel du western... échappatoire que Ford avait trouvé dès les années 20, mais passons. Bien sûr, on oppose d'un côté le bon Indien (Taza) et le mauvais Indien (Geronimo, particulièrement maltraité par le scénario, apparaît comme un lâche incohérent et beau parleur), de l'autre le brave blanc et le mauvais blanc. C'est gentiment naïf, assez simpliste, mais ça se suit sans déplaisir, d'autant que le décor, situé à quelques encablures de Monument Valley, est à couper le souffle... 

Et surtout Sirk remplit son contrat, et donc utilise la 3-D avec efficacité, demandant à ses Apaches de foncer vers la caméra, d'y jeter des lances, des cailloux, des flèches... Le cinéaste s'amuse aussi avec la profondeur de champ, et l'effet ne peut être que spectaculaire quand le fond de l'écran est une mesa antédiluvienne située à dix kilomètres et visible à l'oeil nu! Et à travers Rock Hudson, qu'il a si souvent si bien dirigé, Sirk réaffirme un idéal absolu, celui d'une paix paradoxale, et pour laquelle il faut apprendre à penser autrement et faire des sacrifices...  Donc historiquement, ça pêche un peu beaucoup (au fait le western n'a que très rarement, sauf chez Ford et Daves, montré les Indiens comme de fins politiciens, ce qu'il étaient quand même: à commencer justement par le légendaire Cochise), mais ça distrait, alors pourquoi s'en plaindre?

 

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Published by François Massarelli - dans Western Douglas Sirk
3 juin 2020 3 03 /06 /juin /2020 16:53

A Péribonka, au fin fonds du Québec, vit la famille Chapdelaine: le père, Samuel (André Bacqué), la mère Laura (Suzanne Desprès), le jeune fils Tit-Bé (Emile Genevois), la petite Alma-Rose, l'aîné Esdras et Maria (Madeleine Renaud), la belle jeune femme à marier de la famille. au moment où le film commence arrive le trappeur François Paradis (Jean Gabin), qui n'a pas vu Maria depuis qu'elle était une adolescente. le coup de foudre est immédiat et réciproque. Mais si Maria et ses parents vont avec plaisir revoir François, la famille est intéressée par les sollicitations de leur voisin, Eutrope Gagnon (Alexandre Rignault): avec sa terre à vaincre, son mode de vie farouche et indépendant, il représente une sorte de continuité pour Maria. Mais celle-ci lui préférerait François, ou encore Lorenzo (Jean-Pierre Aumont), un visiteur de la ville. Basé aux Etats-Unis, il représente l'attrait de a modernité. 

Tout ça pour dire que la pauvre jeune femme est bien mal pour choisir, surtout quand on lui rapporte des bois le cadavre congelé du pauvre François Paradis...

Ce film, le premier qui fut adapté du roman de Louis Hémon (au fait, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité, le roman en question est Français, écrit par un observateur de la vie au Québec), a été tourné sur place, et je suis persuadé que c'est comme ça que Duvivier a persuadé Gabin de participer. Ce dernier a pu jouer au trappeur, qui bondit de canoë en canoë, pagayant au milieu des rapides! Le cliché d'un pays constamment enneigé a été évité, et le film commence aux beaux jours, une période pleine de promesses, pour Maria comme pour sa famille: tout le monde attend quelque chose: François a de grands projets pour l'avenir, Eutrope est convaincu qu'il se mariera avec Maria, Laura pense que son mari va réussir à dompter la sauvagerie de la nature, etc... Mais l'hiver sera rude.

Le lyrisme de Duvivier éclate, comme on s'en doute quand on connaît le cinéma du bonhomme, dans la première partie. Il fait de la rencontre entre Gabin et Renaud (qui ont déjà joué ensemble dans le piteux La belle marinière) un grand moment, en apportant à leur timidité un contrepoint fait de nature, et en soulignant les sentiments naissants par le recours à de fulgurants flash-backs: le cinéaste s'y rappelle avec talent de sa période muette! Il rappelle aussi qu'il a été un pionnier du cinéma parlant avec Allo Berlin, Ici Paris, et dissocie l'image et le son en faisant intervenir des bribes de dialogue de François Paradis. Bref, Duvivier ne se contente pas d'aligner les belles images et une morale d'une dureté exemplaire, il fait du cinéma.

L'hiver culmine dans le film comme dans le roman avec la mort de Paradis, qui sonne le signal du deuil pour Maria de l'amour, et d'un "entre-deux" galvanisant: ne pas s'enterrer dans une vie de labeur qui ne débouche sur rien comme ses parents, et ne pas pour autant perdre ses repères culturels en filant aux Etats-Unis... Le message final est assez cruel, à l'image du cinéma de Duvivier. Mais celui-ci me semble ici jouer sur deux tableaux, d'un côté le chant lyrique sur la résilience obéissante des femmes Québécoises, de l'autre, l'attrait de la grande aventure. Et pour finir, une promesse de mariage qui ressemble à s'y méprendre à un renoncement. Et le prêtre violent (qui engueule quasiment Maria de pleurer sur le cadavre à peine dégelé de Paradis) ne fait que l'accentuer...

 

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier
2 juin 2020 2 02 /06 /juin /2020 16:37

Dans une exploitation minière qui vient de changer de propriétaire, un étrange homme venu d'ailleurs s'insère dans la vie de Robert Herne (Emil Jannings), mineur. Il lui confie un secret extraordinaire, une machine qui va pouvoir remplacer les travailleurs et leur donner une vie d'oisiveté tranquille... Herne va séuidre la propriétaire et s'atteler à changer le monde...

J'ai essayé de faire court, parce quoiqu'il arrive le synopsis de ce film ne peut pas faire autrement que de sonner bizarre... C'est qu'en cette aube des années 20, le cinéma Allemand n'en finissait pas de se chercher entre films d'aventures (Joe May), symbolisme (les films de Robert Reinert), et fantastique mâtiné d'expressionnisme (Caligari, Der Golem)... Algol, longtemps perdu, a été rangé dans cette dernière catégorie au hasard, et sans doute à cause de quelques photos. Mais c'est une oeuvre déroutante et surtout pesante...

Idéologiquement, c'est surtout une marque de confusion totale qui reflète asse bien l'état du pays, coincé dans une timide social-démocratie engoncée entre deux tentations extrême de la révolte. Jannings y interprète un homme tenté par le diable, qui lui a donné son pouvoir, mais dont il ne sait pas vraiment quoi faire. Et rien n'est clair dans cette étrange intrigue. Picturalement, on n'est guère mieux lotis...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920
1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 18:52

Les Goofy Gophers ont connu plusieurs incarnations, les plus notables sont réalisées par Art Davis, mais ce film appartient à la carrière de Bob McKimson; je me suis souvent plaint de l'indigence de ses films, ce qui fait que je vais me réjouir: celui-ci est plus que recommandable... On y trouve le péché mignon du metteur en scène, une confrontation entre un animal de grande taille et d'un (ou plusieurs, ici ils sont deux) animal plus petit, mais tellement plus intelligent...

Un chien, acteur professionnel, est engagé dans les Lonney Tunes à la Warner. Pris d'un soudain complexe de supériorité, il part et décide mettre à profit le fait de ne pas travailler pour réviser Shakespeare. Il va en être empêché par deux chiens de prairie qui ont tout simplement de la facétie à revendre...

Le contraste entre la méchanceté galopante des deux petites bestioles et la bêtise du chien (qui s'exprime quasiment du début à la fin de la confrontation à travers Shakespeare) est un point fort, et le film commence de façon provocatrice, par la fin d'un film dans le film... 

 

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Published by François Massarelli - dans Looney Tunes
1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 18:34

Le parcours largement teinté de rose d'une jeune chanteuse (Doris Day), veuve de guerre, flanquée de son fils et d'un agent (Jack Carson)prêt à tout pour placer sa protégée, mais qui joue de malchance: le grand manitou des programmes radiophoniques qui fait la pluie et le beau temps dans le domaine de la chanson légère est complètement aveuglé par l'admiration que sa femme porte pour le chanteur Gary Mitchell... 

Les efforts portés à l'écran font l'essentiel d'une intrigue ô combien légère, mais le film est rythmé sans un seul temps mort, les personnages sont hautement sympathiques (sauf un) et comme on est à la Warner, on a demandé à Friz Freleng de participer à la fête et de laisser Bugs Bunny donner la réplique à Doris Day, sans doute en réponse à la fameuse rencontre entre Gene Kelly et la souris Jerry à la MGM! Michael Curtiz, qui était en quelque sorte l'agent de Doris Day (c'est lui qui l'a découverte), y raconte un peu une histoire proche de leur parcours...

Et il le fait avec le sens phénoménal de la mise en scène qui est le sien, paradoxal en diable dans ce contexte de comédie musicale, il se débrouille pour que toutes les chansons soient en situation plausible, sauf une (voir plus haut!), et s'ingénie à placer la caméra, et donc le public, au coeur de l'action. C'est donc une pause dans la noirceur de son oeuvre, mais cette parenthèse rose bonbon se laisse consommer avec gourmandise...

 

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Musical Bugs Bunny
1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 08:02

On devait beaucoup aimer John Gilbert à la MGM en 1926: le principal acteur de The Big Parade passe du statut de jeune premier à celui d'un acteur polymorphe, montreur de monstres dans The Show, artiste amoureux transi dans La Bohême, et enfin bretteur et séducteur énergique dans Bardelys...

Le Marquis de Bardelys (John Gilbert), surnommé Le magnifique en raison de ses succès auprès des dames, accepte un pari avec un rival, le louche comte de Chatellerault (Roy D'Arcy): sous l'arbitrage du roi Louis XIII, il va devoir séduire Mademoiselle de Lavedan (Eleanor Boardman), la très difficile à atteindre fille d'un opposant au Royaume. Mais Bardelys n'avait pas compté sur trois imprévus: d'une part il va usurper l'identité d'un homme mort dans ses bras pour approcher la belle, et cet homme étant un anti-Royaliste notoire cela va lui porter préjudice; Chatellerault, l'infâme, va profiter de la situation pour tenter de se débarrasser de lui; mais surtout, surtout, Christian de Bardelys va pour la première fois de sa vie tomber amoureux...

Après The big parade qui montrait l'étendue de son talent, de son importance et de ses capacités, Vidor avait accepté La Bohême à contrecoeur, et je pense que c'était le cas aussi pour ce film. Il fera d'ailleurs un clin d'oeil appuyé dans Show People, quand William Haines et Marion Davies seront partagés lors d'une projection-test de Bardelys au studio, elle pleurant et lui prenant de très haut ce qu'il appelle un "punk drama"... Mais après la tragédie que Lillian Gish n'entend absolument pas atténuer par un happy-end, au moins Bardelys est-il l'occasion de se détendre un peu, et de s'amuser. Un film de vacances presque, qui permettra au metteur en scène de passer à autre chose (The Crowd), et à l'acteur, du moins le croit-il, d'acquérir un peu de contrôle sur ses films futurs, voire de les mettre en scène... ce qui n'arrivera jamais.

On est mitigé, finalement, tant le pensum semble s'être transformé en plaisir pour tout le monde: John Gilbert se fait un peu passer pour Douglas Fairbanks avec des duels à l'épée, bien réglés; Eleanor Boardman assume avec aise (elle qui dira jusqu'à la fin de ses jours garder un souvenir maussade de son admirable prestation de The Crowd) un rôle classique de jeune femme à marier doublée d'une "damsel in distress"; Roy D'Arcy accomplit son art ultra codifié de villain mélodramatique à souhait en ressortant exactement la même partition que dans The merry widow, ce qui le rend automatiquement impossible à prendre au sérieux; et en filmant une évasion spectaculaire, Vidor a bien du se faire plaisir lui aussi...

Maintenant si tout ça c'est pour rire malgré le budget conséquent et le soin apporté à la pièce montée par la MGM (Ars gratia artis, disaient-ils...), la principale raison pour laquelle le film est précieux aujourd'hui, c'est sans aucun doute parce qu'il a été longtemps perdu avant d'être miraculeusement retrouvé, amputé d'une seule bobine. Enfin, perdu, c'est un bien grand mot: il a été détruit. En 1936, pour libérer des places sur ses étagères, la direction de la MGM a sélectionné quelques-uns de ses films muets, et celui-ci était en tête de liste. On ne devait décidément pas aimer beaucoup feu John Gilbert en 1936 à la Metro-Goldwyn-Mayer... Mais le fait d'avoir été découvert dans des circonstances improbables (en France, et confié à Lobster) lui donne un petit je-ne-sais-quoi que le film n'aurait jamais eu autrement.

 

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Published by François Massarelli - dans KIng Vidor 1926 Muet