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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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20 septembre 2023 3 20 /09 /septembre /2023 18:08

A la cour d'Espagne, Dom César de Bazan (Antonio Moreno) est un noble dont la fortune a subi de sérieux revers... Lors d'un dîner accordé à la cour par le roi Philippe (Wallace Beery), César tombe amoureux d'une gitane... mais il se fait aussi voler tout l'argent qui lui reste et ne peut empêcher une saisie. Mais la belle gitane, Maritana (Pola Negri), lui ramène (un peu tard) son bien. Elle a aussi tapé dans l'oeil d'un certain nombre de personnages, donc le roi, un sacré coquin... César et Maritana sont partis pour de picaresques aventures au milieu d'intrigues de cours toutes plus rocambolesques les unes que les autres...

Quand Ernst Lubitsch et sa complice Pola Negri sont arrivés aux Etats-Unis, en 1923, suite au succès de leurs films Allemands communs, ils se sont tous deux lancés dans une adaptation de la pièce de théâtre Dom César de Bazan, d'Ennery et Dumanoir. Mais c'étaient deux films différents: l'un, celui-ci, était une spectaculaire production Paramount qui s'intéressait à tous les aspects fastueux du grand spectacle simili-historique, l'autre, Rosita, était une production United Artists de Mary Pickford, mise en scène par Lubitsch, et qui occasionnera (à tort) des regrets à l'actrice. Celle-ci regrettera d'avoir tourné un film trop intime, situé dans le cadre d'une histoire d'amour entre un prince et une danseuse...

Ici, c'est en effet le faste qui domine, mais on a le sentiment que Brenon cherche par tous les moyens à donner au public ce qu'il veut... Et globalement y parvient. Sans jamais trop se prendre au sérieux (et la pièce originale d'ailleurs, démarquage de Ruy Blas comme le serait La Folie des Grandeurs de Gérard Oury, n'était pas à proprement parler une tragédie), le film accumule les coups de théâtre à loisir... Negri est excellente, énergique et mutine mais parfois aussi tentée par le drame. Moreno sait parfaitement ne pas se prendre trop au sérieux et est engageant en héros à l'épée chatouilleuse. La photo est signée du grand James Wong Howe (qui signait encore seulement "Howe"), ce qui est un gage de beauté... La réalisation n'est pas notable par des scènes mémorables, mais Brenon fait bien son travail. Il y a uand même des séquences de foule... que Lubitsch aurait probablement adoré tourner...

 

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Published by François Massarelli - dans Herbert Brenon Muet 1923 **
28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 11:16

Trois escrocs (Thomas Meighan, Betty Compson, Lon Chaney) décident de s'associer avec un homme religieux (Joseph J. Dowling) afin de se faire de l'argent: l'homme prétend être un guérisseur, faiseur de miracles touché par la grâce divine, et toute la population de son village le vénère... Mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises...

On va le redire, une fois de plus, hein: les films ne sont pas éternels. Parfois c'est agaçant. Parfois, c'est rageant. Et parfois, c'est tragique: en témoignent ces trois minutes... Le film, réalisé par un metteur en scène disparu trop tôt et qui avait atteint une renommée non négligeable, a laissé le souvenir d'un classique et d'un chef d'oeuvre. On le comprend tout à fait, quand on voit ce qu'il en reste...

Ces extraits a été préservé parce que la Paramount avait monté dans des courts ou moyens métrages promotionnels un certain nombre de séquences de gros succès de la compagnie (The house that shadows built, en 1931, et Movie memories, en 1935); on y trouve donc la scène emblématique du film: Lon chaney, qui joue un contorsionniste, y simule une guérison miracle, à la fois pour convaincre la foule, et pour s'attirer les bonnes grâces du guérisseur (qui lui n'est pas un escroc). La scène est courte, mais intense, et Chaney est excellent, au point qu'un grand nombre de personnes, jusqu'à aujourd'hui, sont persuadés qu'il était réellement contorsionniste... Mais la séquence se poursuit: un gamin sérieusement handicapé, qui a vu la scène, souhaite lui aussi profiter du pouvoir du "miracle man", et s'avance, lâchant se béquilles, puis... courant jusqu'au brave homme, sous les yeux médusés de tous, y compris bien sûr Chaney.

C'est un modèle de montage, qui nous montre que Tucker ne se contentait pas de poser la caméra, mais qu'il avait conçu sa scène en fonction d'un effet voulu sur le public. comment ne pas penser à Borzage et son cinéma du miracle? Sauf que Borzage, sans doute, n'aurait pas joué sur l'ironie de la contradiction comme le fait Tucker ici. Et cette séquence, avec Chaney dans un grand numéro d'illusionniste, a été annoncée par d'autres, comme le prouve la photo ci-dessous... Une scène qui donne immanquablement l'envie d'en savoir, et d'en voir plus. Une autre séquence, plus détaillée, avec des gros plans fascinants de Chaney, Compson et Meighan, est disponible dans The house that shadows built, zt là encore on y sent un sens du montage, et une nervosité du rythme, qui impressionnent...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1918 Film perdu **
12 août 2023 6 12 /08 /août /2023 15:59

Après Zorro, après D'artagnan, Fairbanks passe à la légende de Robin Des Bois. Celui-ci est un mythe né au Moyen-Age, avec lequel l'histoire tend à se confondre depuis si longtemps, qu'on s'étonnerait presque des libertés prises par Fairbanks et son équipe, alors que c'est systématique: dernier en date, le film de Ridley Scott, tout en cédant à une certaine fore de réalisme, n'en est pas moins totalement faux sur bien des points historiques, relatifs à Richard et John, roi et prince, notamment. Mais à la vérité, ce qui fait le plaisir de confectionner un Robin Hood est ailleurs: si ce Robin qui fait partie de l'impressionnant cycle de films monumentaux de Douglas Fairbanks ne joue jamais la carte de la parodie, et installe définitivement un certain nombre de constantes graphiques, il y a beaucoup ici de plaisir de filmer les châteaux, de costumer les acteurs, de grimper aux rideaux et de bondir...

Mais Fairbanks, soucieux d'appliquer la recette de Dumas pour ses Trois mousquetaires, qui a longuement retardé l'entrée de D'Artagnan dans le corps des Mousquetaires, a ici résolu de créer un long prologue, expliquant par un contexte expliqué point par point durant 65 minutes la décision du comte de Huntingdon d'entrer en résistance sous le nom de Robin Hood. Et paradoxalement, c'est la meilleure partie du film! C'est là que Dwan et Fairbanks recréent leur moyen-age à eux, avec ses immenses châteaux, ses costumes, et des décors naturels superbes (Dont j'imagine que le Robin Hood de Curtiz les reprendra sans hésitation).

La deuxième partie du film vire assez rapidement au systématisme, et le personnage de Robin Hood une fois doté de ses oripeaux n'a plus rien à prouver, et bondit bien sûr dans tous les coins avec application, son seul enjeu étant de sauver Lady Marian (Enid Bennett, après quatre films en compagnie de Marguerite de la Motte) des griffes de l'affreux John... en augmentant l'échelle de ses films, Fairbanks a semble-t-il négligé de développer plus avant ses personnages pour qu'ils soient un peu plus que des pantins bondissant dans tous les sens... Il y reviendra avec le film suivant, qui le verra justement réfléchir à de nouvelles façons d'intégrer ses personnages dans les décors, en utilisant des ressources plus vant-gardistes, dont la danse. 

Mais ce Robin Hood énorme, avec ses châteaux en trompe l'oeil, est un e date importante, un film ambitieux qui semble à lui tout seul vouloir résumer les possibilités expressives des décors et des costumes au cinéma muet. Un spectacle autrement plus inéressant et qui contrairement au Puy du fou, ne tente pas de faire passer en douce un message réactionnaire derrière un pseudo spectacle historique.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Douglas Fairbanks Allan Dwan **
11 août 2023 5 11 /08 /août /2023 14:32

Paris (?)... Un homme (Eugen Klöpfer), abattu par la routine, est effondré dans un canapé, pendant que sa femme (Lucie Höfflich) s'active aux tâches ménagères dans leur intérieur exigu. Au plafond, tout à coup, des ombres fantastiques, projections de la vie de la rue, se font insistantes et l'homme ne résiste pas à l'appel du dehors... 

Un aveugle (Max Schreck) vit avec son petit-fils dans la misère. Quand l'aveugle sort, son petit-fils lui donne tout ce dont il a besoin (son chapeau, sa veste, sa canne) puis l'accompagne dehors. Il le guide...

Le premier rencontrera une prostituée, et des ennuis à n'en plus finir. L'autre, avec son petit-fils, verra sa vie basculer quand un incident le fera lâcher la main du petit... 

C'est un de ces films expérimentaux de l'avant-garde la plus remuante des années 20, celle du cinéma Allemand. L'idée de Grune était d'utiliser le cinéma pour représenter une nuit, à travers les déambulations nocturne d'un certain nombre de personnages. En une bobine, le film nous a présenté des types plus que des personnages, et rpose sur un certain nombre de clichés établis du cinéma, la grande ville/la rue comme tentatrice, fournissant plus de désir et d'ennui que de plaisir; les types dont il est question (bourgeois, prostituée, vieillard, etc) se comportent comme il est attendu d'eux dans le cadre d'une seule nuit, et l'histoire est contée avec un minimum d'intertitres (et non sans un seul intertitre comme il est souvent mentionné à propos du film, ainsi que de Der letzte Mann.

Le cadre est assez réaliste, dans l'ensemble, on est loin de l'expressionnisme de Caligari... Parmi les protagonistes, on reconnaîtra des habitués des films des grands noms de l'écran Allemand: Aud Egede-Nissen, qui passait de Reinert à Lang et de Lubitsch à Murnau; Max Schreck, le Nosferatu et un des conspirateurs des Finances du grand duc de Murnau; et enfin, Eugen Klöpfer est apparu dans l'un des rôles principaux de Terre qui flambe de Murnau.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1923 **
9 août 2023 3 09 /08 /août /2023 09:45

C'est un western contemporain: les chapeaux et chevaux des cow-boys, y croisent des voitures et la vie trépidante d'une grande métropole... Il est aussi assez difficile de le prendre au sérieux, tant les aventures de l'ouest y sont prése tées sous un jour léger... 

Dans une grande ville, le riche George Brooks (Frank Beal) couve sa fille Ellen (Kathryn McGuire) d'une tendresse bienveillante, mais elle se comporte tout de même en enfant gâtée. Elle s'affiche en permanence en compagnie d'un type interlope, Rodney Stevens (Frank Hilliard). Il serait même louche, et il en aurait après ses bijoux, que ça ne m'étonnerait pas... Brooks confie donc sa fille à l'un de ses employés, Tom Markham (Tom Mix), qui supervise son ranch en Arizona, avec pour mission de lui apprendre la vie en la bousculant un peu s'il le faut; Markham applique un traitement rôdé en jouant la comédie de la vie à la dure du grand ouest. Mais Stevens va profiter de la situation pour tenter de voler un diamant conséquent...

Côté pile, donc, un western-pour-rire, avec ses faux) indiens, une (fausse) attaque de diligence, et ses cow-boys (plus ou moins vrais). Côté face, une première moitié dans laquelle Tom Mix, en costume du dimanche (il a mis ses santiags à paillettes), se rend à Los Angeles où il doit déjà se battre dans les rues contre une mystérieuse bande... On sent que le film hésite, souhaite couvrir un large territoire tout en proposant beaucoup d'humour: un personnage décalé, un chauffeur de taxi qui est presque venu par hasard, fournit du gag au kilo...

C'est un film FBO, un tout petit studio qui avait récupéré Mix après son contrat Fox. FBO était un indépendant, dirigé par Joseph Kennedy (le père) à l'époque où ce dernier rêvait de devenir un important dirigeant de studio. C'est raté... A travers ce film parfaitement conservé (merci à la Bibliothèque du Congrès et à Lobster pour une restauration très efficace), on voit l'une des raisons pour lesquelles le western est tombé en désuétude, et s'est retrouvé durant dix années confiné aux tout petits films, à quelques exceptions près: hors les "grands sujets" des films qui avaient illuminé les années 20, The iron horse, The Covered Wagon, il n'intéressait pas un public avide de grands frissons épiques... Pas de petits westerns rigolos menés avec cascades et dérision.

Et sinon, grandeur et déliquescence, Kathryn McGuire, qui joue un rôle plus que générique de femme futile et écervelée, est l'ancienne partenaire de Buster Keaton dans Sherlock Jr et The Navigator...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1929 Western **
7 août 2023 1 07 /08 /août /2023 14:15

Grant newbury (Tom Mix) est un inspecteur de la police des frontières, spécialisé dans l'intervention de terrain... Il est chargé de mettre fin à un trafic d'immigrants sur les frontières du Sud, et se retrouve sous couverture, engagé par la bande de Jim Frazer (J. Farrell McDonald), qui sous un aspct bonhomme, est le chef d'une opération de grande envergure, qui passe par le Grand Canyon pour faire passer des immigrants chinois qui seront utilisés comme main d'oeuvre à bon marché. Mais Frazer est aussi le tuteur de la charmante Estelle Holloway (Eva Novak), une jeune orpheline de la bonne société de Chicago. Elle ignore tout des activités de son oncle, et souhaite le rejoindre pour l'été...

C'est un de ces petits westerns tricotés en série par la Fox dans les années 20 autour du personnage de Tom Mix, qui vaut mieux que ce que ses photos de publicité pouvaient indiquer: costumes exagérément décorés et précieux, immense chapeau, éperons dorés... Ici, il est comme souvent un cow-boy coincé dans le 20e siècle, mais avec une certaine ressource. Par exemple, il sera vu aussi bien sur son cheval qu'à bord d'un avion, dns un fiml qui ne s'embarrasse jamais de tergiversations... C'est trépidant, direct, sans chichis...

Bien sûr, un oeil actuel sur le film ne nous aidera pas à l'apprécier, en raison d'une part d traitement réservé aux chinois, qui au mieux sont un élément décoratif, et au pire une source de gags, mais c'est le lot de toutes les minorités dans les films muets américains; et d'autre part, la façon dont la jeune femme se retrouve totalement démunies une fois qu'elle s'est éloignée de son bivouac dans le grand canyon, nous fera probablement plus sourire que frissonner; heureusement, elle a Tom Mix! celui-ci est un de ces braves hommes sans histoires ni arrière-pensées qui peuplaient ces westerns naïfs, et il done envie de vois d'autres de ses films, pour peu qu'on mette la main dessus...

Et la star incontestée du film reste évidemment le Grand Canyon, dont les contours en 1922 étaient certainement mal connus. Le film prétend que l'équipe a inauguré e survol de la zone, et en a tiré des images superbes. Et les avantages dramatiques de cette curiosité géographique sont nombreux, et Lynn Reynolds l'a bien compris. Enfin, le lieu permet à Tom Mix et aux cascadeurs de s'en donner à coeur joie...

 

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Published by François Massarelli - dans Western Muet 1922 **
29 juillet 2023 6 29 /07 /juillet /2023 15:46

Peu de temps après la première guerre mondiale, trois escrocs faux-monnayeurs (Maude George, Mae Busch, Erich Von Stroheim) tentent d’escroquer un couple Américain en villégiature à Monaco (Rudolph Christans, Patti Dupont), mais les appétits insatiables en termes d’argent et de sexe de l’un d’entre eux, le comte (?) Karamzin (Stroheim), font joyeusement capoter toute l’affaire qui se termine dans le drame, le conflit et, en ce qui le concerne, les égouts...

 

Billy Wilder appelait « Petits cailloux » ces petites touches qu’il saupoudrait sur le développement d’un film dans le but d’amener le spectateur vers une certaine direction. Le nom est bien sûr une référence au Petit Poucet. Si aujourd'hui c’est, à l’imitation de Wilder, de Hitchcock et des autres classiques une tendance établie de nombreux films, le premier à raffiner systématiquement le recours à ces balises de sens aura justement été Stroheim.

 

Certes, avant lui Griffith s’inscrivait dans la durée, dans la résonance, mais basait le rapport entre son public et ces petites indications sur les personnages sur des intertitres: un exemple, dans Orphans of the Storm: la première vision de Jacques Sans-Oubli, futur juge qui condamnera Lillian Gish à mort, s’accompagne d’une mention sans ambiguïté : « Les Orphelines allaient souvent le rencontrer sur leur route ». Ainsi éclairci, le chemin ne posait plus de problème au public.

 

DeMille se reposait aussi beaucoup sur les intertitres pour faire passer les transitions les plus hardies. ...Notamment ses fantasmes orgiaques! Avec Stroheim, on assiste à la première tentative de faire passer ces jalons psychologiques dont l’accumulation provoque du sens par l’image seule; et c’est avec Foolish Wives que cette petite révolution prend effet… Rappelons à toutes fins utiles que le film n’est plus que l’ombre de lui-même et que la plupart de ces petites touches ont disparu, jugées redondantes par les monteurs qui ont été chargés de donner au film une durée exploitable.

 

Mais il en reste: la plus évidente de ces pistes de petits cailloux, c’est l’anecdote du soldat manchot, vu trois fois par Patti Dupont, l’actrice principale: les deux premières fois, il reste de marbre lorsqu'elle perd un manteau, et ne le ramasse pas, à l’indignation généralisée. A la fin elle réalise qu’il a perdu ses deux bras et qu’il est l’un des officiers qui ont permis la victoire des alliés. D'autres touches sont ainsi perdues: il faut dire que Foolish Wives a sérieusement subi des dégradations qui l’ont rendu méconnaissable. J'y reviens plus bas...


Le premier problème a été que ce film a bénéficié d’une publicité basée sur un malentendu : un panneau géant, changé chaque jour, annonçait de façon fantaisiste les sommes englouties lors du tournage, bâtissant du même coup une réputation fort dépensière à son auteur, ce qui allait servir à la fin à lui retirer son film des mains. Il est vrai que Stroheim, encouragé au départ par Laemmle, ne parvenait pas à trouver un point de chute à son grand œuvre. Et c’est donc lors des prises de vues d’une scène cruciale que le tournage s’est arrêté. A la décharge de Thalberg, qui prit la décision, il convient de rappeler que le cinéma Américain était dans la tourmente, suite à divers scandales, en ces années 1921-1922… Stroheim et ses excès faisaient du coup plus peur. Et Irving Thalberg avait justement été engagé par Laemmle pour tempérer ses extravagances...


D'autres problèmes tout aussi gênants se manifestèrent: l’acteur Rudolph Christians est mort, aux deux tiers du tournage et la décision de ne pas le remplacer a conduit Stroheim à des bricolages divers et généralement visibles qui ternissent certaines scènes, et bien sûr les audaces voulues par Stroheim se sont révélées excessives. Dans sa version de 10 bobines, telle qu’elle est (plus ou moins) reconstituée aujourd'hui, Foolish Wives est splendide, mais incomplet: ce ne sera évidemment pas la dernière fois dans la carrière du metteur en scène. Mais compte tenu de ce qui manque, l’absence d’une version plus conforme aux désirs de Stroheim est une tragédie.


La dimension romanesque était dans l’air du temps : Gance finissait La Roue, dont on a pu récemment redécouvrir une impressionnante version en quatre épisodes, qui totalise plus de sept heures… La version de Foolish Wives voulue par Stroheim outrepassait les 5 heures, et on comprend les réticences de la Universal dans la mesure où un tel film s'avérerait inexploitable, mais l’auteur avait inscrit la durée dans ses procédés narratifs, montrant l’évolution de tous ses personnages, montrant leur quotidien (Rituels, bien sûr, habitudes, environnement, mode de vie: qu’on songe dans les images qui restent aux contrastes entre l’hôtel luxueux mais sobre des Américains, la délirante Villa Amoroso, et le bouge du faux monnayeur Ventucci interprété par Cesare Gravina) et inscrivant le spectateur dans cette évolution plutôt que de leur proposer la solution vite fait bien fait par un intertitre.

 

Parmi les évolutions disparues bien connues aujourd’hui, il y a la fameuse fausse couche subie par le personnage de la jeune épouse, joué par Miss Dupont. Cette anecdote éclaire a posteriori son comportement, et donne un tournant d’autant plus dramatique aux événements. Un aspect disparu aujourd’hui a eu une conséquence inattendue: les trois escrocs joués par Stroheim, Maude George et Mae Busch semblent former un trio dont l’intimité sexuelle ne fait aucun doute: il couche avec les deux, pense-t-on. En réalité, seule Maude George partage ses faveurs avec ses deux associés, ce qui crée des tensions, et justifie certains regards de Busch au début du film. On le voit, ce sont les monteurs de la Universal qui ont fait de Karamzin un vilain fripon, pas Stroheim… Quoique ce dernier a créé le personnage de Maruschka: la bonne, qui a fauté avec l’escroc, est interprétée par Dale Fuller pour sa première collaboration avec l'acteur-metteur en scène. Dans la version longue, elle aussi était enceinte, apportant un contrepoint du type qu’affectionnait Stroheim, et que ses producteurs adoraient charcuter: voir à ce sujet Greed.

 

Outre cette tentation de montrer en longueur les évolutions et développements de ses personnages, le film est important dans la façon dont il prolonge un thème inhérent à toute l'oeuvre de Stroheim, et que ses films "Européens" montrent particulièrement bien... surtout ses films "Viennois" et assimilés (The Merry-go-round, The Merry Widow, The wedding march, mais aussi Queen Kelly) et Blind husbands, son premier long: la corruption des classes établies de longue date, nobles, bourgeois, lignées royales et impériales, tous gangrénés par le mensonge, les apparences, la fausseté de lignées douteuses.. C'est particulièrement rai quand on considère les trois escrocs qui prétendent tant et si bien être comte, comtesse, voire princesse, qu'on finirait par croire qu'eux aussi se laissent prendre au piège. Mais au vu du pedigree de la plupart des héros du metteur en scène, dans ses autres films, peut-être cette corruption est-elle simplement la marque de ces gens de la "bonne société", et peut-être sont-ils en dépit de leur malhonnêteté, d'authentique extraction noble, après tout: l'un n'empêche pas l'autre. Néanmoins, ironiquement la principale activité qui est la leur reste d'écouler de la fausse monnaie.

 

Autre thème qui revient comme un écho à Blind husbands (les deux titres d'ailleurs se répondent sans ambiguité): Karamzin, le faux comte, est un homme obsédé de sa masculinité, qui prend du sang de beouf au petit déjeuner, et reste incapable de voir passer une femme sans vouloir l'ajouter à son tableau de chasse, et il se distingue fortement de Mr Hughes, qui s'adresse à son épouse alors qu'il porte un pyjama très moyennement sophistiqué; un homme dont la simplicité et l'aspect direct, franc du collier, passe pour un temps pour un manque total de classe... Mais la masculinité dans la version de Serge Karamzin est non seulement d'une fausseté évidente, elle souffre aussi du fait que le brave "comte " est en fait aux ordres des deux femmes qu'il accompagne...

 

Enfin, un autre thème récurrent chez l'auteur de Greed reste la proximité traumatisante de la guerre, qui changeait la donne dans le régime Viennois de The merry-go-round: dans le Monte-Carlo de Stroheim, la guerre est omniprésente, par les séquelles qu'elle a laissées derrière elle. Les soldats estropiés, les enfants qui jouent, la présence d'un casque Allemand notamment sur la tête d'un gamin (dont on pourrait se demander comment il se l'est procuré, après tout, Monte-Carlo état quand même bien lointain du front) rappellent que le conflit qui a mis fin à l'ancien monde est encore dans toutes les mémoires... Comme un rappel du fait que le monde qui a vu naître un Karamzin, ou un Lieutenant Von Steuben (Blind Husbands) est désormais totalement détruit... Le feu de la guerre a tout emporté, tout comme les illusions véhiculées par Karamzin disparaîtront dans un incendie qu'il aura lui même indirectement causé en jouant... avec le feu.

 

Dans la version disponible, le film est beau, fort, élégant, souvent révolutionnaire... mais tout cet aspect de roman fleuve, cette accumulation de détails et ces touches cruciales (le biographe Richard Koszarski le dit bien: rien n’est gratuit chez Stroheim) ont disparu.


Temps fort, le premier grand film de son auteur, il apporte comme les autres beaucoup: outre la dimension romanesque évoquée plus haut, on voit ici l’auteur intégrer des nouveaux procédés narratifs, mais aussi s’intéresser à la technique: Foolish Wives est le premier film Américain majeur tourné sur pellicule panchromatique, qui restitue les nuances avec plus de fidélité. Stroheim continue à faire jouer ses acteurs comme il l’a fait dès Blind Husbands: à l’économie, réservant le maquillage pour ses actrices.

 

A ce propos, si Patricia Dupont est désespérément fade, quel bonheur de voir les deux comédiennes du film perdu Devil’s passkey refaire une apparition: leur jeu acide complète admirablement le séducteur faux-jeton et éclaire efficacement le thème traité par Stroheim de l’attraction des apparences. Un aspect important enfin de la mise en scène de Stroheim est évident ici: la façon dont il utilise les foules, les figurants dans les scènes de rue; y compris les scènes plus intimes (La rencontre entre Stroheim et Dupont sur le balcon à l’hôtel, par exemple) dans lesquelles il place dans le champ des vitres ou miroirs sur lesquelles se reflètent des armées de figurants affairés, tous aussi authentiques les uns que les autres. S’il souhaitait montrer à quel point le faux peut être séduisant et donc dangereux, il savait de quoi il parlait : son Monte-Carlo (Ses casinos, ses riches, ses… marais.) est tellement plus beau que le vrai.

 

Il l'est aujourd'hui d'autant plus que la restauration achevée en 2020 montre aujourd'hui, au moins, ce nous reste du film (pas d'ajout de séquence, il ne faut pas trop en demander) dans toute l'ironique beauté voulue par son metteur en scène, qui tant qu'à montrer la laideur et la corruption de ces braves gens, souhaitait le faireavec style: les couleurs (teintes, virages et pochoirs) qui illuminent les séquences de nuit, mais aussi la superbe séquence d'incendie, sont magnifiquement restituées dans cette version restaurée pour le festival du cinéma muet de San Francisco...

 

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Published by François Massarelli - dans Erich Von Stroheim Muet 1922 **
23 juillet 2023 7 23 /07 /juillet /2023 15:06

Dans un coin rural très reculé, vit une petite famille. Johanna (Mary Pickford) est la fille de la maison, et elle n'a que très peu de temps libre, entre les tâches ménagères et le jardin. Néanmoins elle est heureuse si ce n'est qu'elle rêve d'un prince charmant... Alors quand un groupe de soldats en manoeuvres, et en formation avant de partir sur le front, viennent s'installer sur la propriété, elle commence à s'intéresser à tous ces militaires, dont certains ne sont pas indifférents à son charme rustique...

C'est une comédie légère, mais le thème patriotique, bien que subtil, y est bien présent. Mary Pickford, et avec elle Douglas Fairbanks et Charles Chaplin, était du reste très impliquée dans la propagande de l'effort de guerre, et on retrouve ici (comme dans le film The little American de Cecil B. DeMille sorti l'année précédente) une sorte d'évidence: il faut s'engager en Europe...Mais force reste à la comédie, avec ce portrait comique d'une jeune fille un peu plus âgée que d'habitude, mais pas beaucoup plus dégourdie que ses rôles coutumiers...

Car Johanna n'est pas une petite fille, et le film est l'histoire de son éveil, aussi, de sa trasformation enfin. Johanna aspire à l'amour, à devenir adulte ou du moins à être traitée comme telle... Mais pour ses soupirants (dont Douglas MacLean et Monte Blue) elle EST une femme... La comédie passe par des moments cocasses, et l'un d'entre eux quoique bien innocent, a fait l'objet d'une censure dans certains états (dont, comme d'habitude, la si chatouilleuse Pennsylvanie): Johanna cherche à plaire et s'inspire de la photographie d'une danseuse, qui porte uniquement un drap plus ou moins transparent, façon Isadora Duncan... Ses parents la punissent immédiatement. La photo a été censurée sur bien des copies distribuées dans l'Est. Johanna ira jusqu'à prendre des bains de lait, confirmant l'importance du corps dans sa vision de la séduction. Une scène traitée avec délicatesse, mais dont la présentation étonnera quand même les admirateurs de Miss Pickford qui sont plus habitués à la voir assumer le rôle d'une pré-adolescente...

C'est un film de William Desmond Taylor, qui était réputé à cette époque comme un escellent réalisateur à l'aise dans tous les styles. Sa direction d'acteurs est excellente, et on sent la vedette totalement à l'aise. Elle avait la réputation d'être assez difficile à diriger vraiment et se chargeait le plus souvent d'habiter ses rôles, mais elle avait beson d'un cadre bien mené, et d'une troupe sous contrôle. Elle qui revenait souvent à ses metteurs en scène favoris parce qu'elle était en confiance, a fait appel à lui à plusieurs reprises, mais seul deux films ont survécu dont celui-ci, et aucun n'est entier actuellement. Il manque la troisième bobine de Johanna Enlists...

 

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Published by François Massarelli - dans Mary Pickford William Desmond Taylor Muet Première guerre mondiale 1918 **
2 juillet 2023 7 02 /07 /juillet /2023 19:11

Une fête entre riches bat son plein, quand le propriétaire des lieux interrompt les festivités: un bijou a été dérobé. Il va utiliser un stratagème de fiction vieuxcomme le monde: il va éteindre la lumière afin que quand il la rallume, le voleur ait restitué le collier... Mais évidemment quand la lumière revient, l'homme est au sol, un couteau dans le dos. Comme il a appelé la police, les forces de l'ordre sont rapidement sur les lieux... Après quelques instants, le médecin légiste intervient, c'est un original (Raymond Griffith) dont le costume trahit le fait qu'il est prévu qu'il se rende en ville pour une soirée. Il est donc pressé de trouver les raisons de la mort de l'infortunée victime... Mais le héros n'accepte pas le fait que la plupart des invités désignent la belle Dorothy (Sebastian) comme étant la meurtrière. L'enquête sera intense, et franchement loufoque...

C'est Cluedo, et le film ne se cache absolument pas d'être un clin d'oeil permanent au genre en vogue du whodunit théâtral. Mais le comportement, et surtout les initiatives du médecin légiste (ou "coroner", un héros qu'on n'a pas l'habitude de voir en enquêteur, mais rappelons que ce poste, aux Etats-Unis, est un peu plus légal et un peu moins médical), et de son goût pour souffler le chaud et le froid: l'une de ses premières idées est d'accuser, à chaud, à peu près toute l'assistance... Ce qui vient juste après le premier vrau gag du film: chaque policier qui arrive répète le même protocole: s'approcher du cadavre, puis intimer l'ordre à l'assistance d ene toucher à rien afin de laisser les lieux à la responsabilité du coroner à son arrivée. Mais quand celui-ci arrive, personne ne s'imagine qu'il puisse justement être celui qu'on attend.

Il aurait pu y avoir une situation à la Clouzeau, mais Griffith joue un personnage non seulement très compétent dans ses méthodes professionnelle, mais aussi très créatif. Il est aussi, de par son habit (avec le haut-de-forme de soie, un accessoire dont Griffith ne se départissait jamais), en décalage permanent avec la situation, un aspect qui joue beaucoup justement pour le comique de l'ensemble. La référence à Blake edwards vaut la peine dans la mesure où j'imagine que ce dernier a du voir ce film ou les autres comédies de Raymond Griffith... 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Raymond Griffith 1926 **
1 juillet 2023 6 01 /07 /juillet /2023 07:31

Chinatown, 1925... Un élégant monsieur en haut-de-forme (Raymond Griffith) se retrouve dans un cabaret où l'on plume allègrement tous les bourgeois qui vienent s'encanailler. Le petit personnel, dont la belle Molly (Betty Compson) tente de lui faire le grand jeu, mais il se révèle être un policier intraitable, dont l'adjoint réussit à négocier en douce une solide contribution financière des bandits pour les laisser s'enfuir. 

...Sauf que ce policier et son adjoint ne sont eux aussi que des escrocs, et la chasse au faisan, comme auraient dit Audiard et Blier, est ouverte; Molly aussi bien que The Dude from Duluth, le gandin, vont essayer de se saisir d'un collier un peu trop exhibé par un richissime homme âgé qui marie sa fille, et le feront d'abord en concurrence avant de s'allier...

C'est un film, hélas, incomplet la dernière bobine n'ayant à l'heure actuelle pas encore été localisée, etselon toutes vraisemblances, il me paraît difficile d'espérer. Mais si la résolution manque, ce qu'on a est vraiment impressionnant, le film étant d'un genre de comédie plutôt sophistiqué, sous la direction experte de Clarence Badger qui avait pourtant été, chez Sennett, à l'école du burlesque. Il est vrai aussi que les films qu'il y tournait étaient quand même le haut du panier de l'usine à gags (voir à ce sujet l'excellent Teddy at the throttle, dans lequel déjà Wallace Beery est plus ou moins un escroc mondain potentiel...).

Les ressorts de la comédie ici sont non seulement une situation de base qui est entièrement basée sur la manipulation et le mensonge, d'une part, la crédulité des pigeons d'autre part!, mais aussi un décalage justement entre la classe évidente du personnage principal, et les situations loufoques dans lesquelles son "métier" va le placer. Une sorte d'héritage d'un Max Linder, auquel la mise de Griffith fait immanquablement penser. Pas de loufoquerie non plus dans la mise en scène sûre et constamment élégante de Badger, et on aura en prime le plaisir de retrouver le grand Edgar Kennedy, un vétéran de la comédie, qui allait bientôt devenir une victime récurrente de Laurel et Hardy.

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Published by François Massarelli - dans 1925 Muet **