Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 décembre 2021 7 19 /12 /décembre /2021 08:22

L'explorateur Jacques d'Athys (René Cresté) revient d'orient avec une protégée, la petite Tih-Minh (Mary Harald), qui lui aurait sauvé la vie (on n'en saura guère plus sur ce sujet); ils s'aiment et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si leurs voisins du côté de la propriété Niçoise des D'Athys n'étaient trois espions interlopes: l'asiatique Sitka (Louis Leubas, qui sera affublé de cette appellation qui fleure bon une certaine xénophobie, durant toute la série), le mystérieux docteur Gilson (Gaston Michel) et l'étrange Marquise Dolores de Santa Fe (Georgette Faraboni), dotée de puissants pouvoirs occultes. Très vite, les trois affreux s'en prennent à Tih-Minh. Jacques, ainsi que son fidèle domestique Placide (George Biscot), vont avoir du pain sur la planche...

En 1919, Feuillade qui est toujours sous contrat à la Gaumont est encore sous surveillance: en dépit de son phénoménal succès, Les Vampires s'est attiré les foudres des apôtres de la bienséance et des bonnes moeurs imposées, et ce style de feuilleton est désormais impensable pour la firme de la Marguerite. Plus grave, la situation politique ambiante, sous l'influence d'une victoire assumée sur l'Allemagne, donnera encore plus de gages à ces attitudes conservatrices dans le contexte de la "chambre Bleue Horizon", une assemblée nationale dominée par une droite pressée de se mêler de tout... C'est dans ce contexte que le cinéaste a été prié de revoir le dosage de ses feuilletons: moins de crime, moins de turpitudes, et le curseur placé résolument du côté du bien. La première manifestation de ce retour aux bonnes moeurs était Judex, un film qui sera détesté par une partie de ceux qui aimaient les 5 Fantômas de Feuillade et évidemment Les Vampires. Puis d'autres films suivront, dont cette étonnante série...

Comme souvent avec le metteur en scène, les quatre ou cinq premiers épisodes contiennent les meilleurs moments, ceux qui installent le mystère et les grandes lignes. Les suivants seront surtout là pour prolonger en attendant une conclusion. C'est dès le premier épisode qu'on voit la teneur de ce que va nous raconter Feuillade: des enlèvements à la pelle, dont la victime sera presque toujours Tih-Minh, justifiant du même coup le titre (car il faut bien reconnaître qu'en dépit de quelques initiatives, la jeune femme est plutôt passive, voire, je tremble au moment de l'écrire, un peu idiote); des mystères comme la présence d'une trentaine de femmes, dépenaillées, muettes et amnésiques, dans la villa des espions, un mystère qui n'est pas totalement expliqué dans le film; des intrusions nocturnes; des déguisements... Bref, la routine de ces films, si ce n'est qu'on nous fait souvent comprendre que le mal, c'est mal, et le bien, c'est bien.

Après avoir assisté à l'émergence chez Feuillade de la magnifique Irma Vep, et vu le prolongement de cette dernière par Musidora qui interprétait la mystérieuse Diana Monti dans Judex, on sera frappé par l'absence d'un personnage féminin vraiment intéressant dans Tih-Minh: la famille d'Athys est complétée par la mère (une sainte femme), la soeur (admirable de dévouement et qui ne posera jamais vraiment de questions; Tih-Minh, la pauvre, est ballottée d'enlèvement en enlèvement, et souvent ses initiatives prouvent qu'elle est essentiellement une petite fille écervelée! Georgette Faraboni en médium et hypnotiste incarne le mal, mais elle n'est pas suffisamment charismatique pour faire de la concurrence à Musidora. Jane (Ou Jeanne) Rolette, qui joue la domestique fiancée de Placide est sans doute la mieux lotie... Bref, Feuillade n'est sans doute pas le plus féministe des cinéastes, mais ici il finit par justement mettre en scène cette pénurie en revenant constamment sur les dangers qui menacent l'héroïne paradoxale en titre! Et cette mise en abyme s'accompagne d'une sorte de présentation ironique du monde, dans laquelle Jacques d'Athys, bourgeois bien né qu'on imagine catholique jusqu'au bout des ongles, comme Léon Gaumont et Feuillade lui-même, d'ailleurs, est le valeureux héros... Mais regardez le film, et vous verrez: sans Placide et Rosette, point de salut, comme Judex sans Cocantin, Daisy Torp et le Môme Réglisse, comme Philippe Guérande sans Mazamette dans Les Vampires!

Comme pour conjurer toute chance d'influence néfaste du cinéma (un député dira à cette époque que le crime est enseigné dans la salles de cinéma, à la faveur d'une obscurité complice qui rend possibles tous les comportements déviants), c'est un peu comme dans Judex: on ne verra pas ici la police, étrangement absente de ces exactions dans lesquelles trois pays, trois fripouilles, un diplomate et un explorateur de bonne famille s'affrontent avec insistance. Un rêve éveillé, en somme... C'est la meilleure lecture pour ce feuilleton sans queue ni tête, aux images délibérément poétiques de l'arrière-pays Niçois...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1919 Muet Louis Feuillade **
3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 17:27

Cheyenne Harry, le hors-la-loi, sacrifie tout, y compris ses copains bandits, à la survie d'un enfant nouveau-né qu'ils ont trouvé dans le désert... 

On reconnaît ici l'intrigue de The three Godfathers, les deux versions: celle de Richard Boleslavski en 1936 et celle de John Ford en 1948, qui rendait ouvertement hommage à Harry Carey récemment décédé... Et si ce film de 1919 est antérieur, il ne s'agit même pas de la première version! C'est la deuxième fois que l'histoire était filmée, et la première fois sous la direction d'Edward LeSaint, c'était déjà avec Carey.

Officiellement, le film de Ford est perdu, mais on peut trouver sur la chaîne Youtube du Eye institute d'Amsterdam, un fragment intrigant de 2:55 qui ne peut être qu'issu de ce film. L'actrice qui y joue est bien Winnifred Westover, qui ne jouait pas dans la première version, et en moins de trois minutes, le fragment regorge de touches typiquement Fordiennes. C'est situé selon toute vraisemblance vers la fin du film... Ces moins de trois minutes sont-elles tout ce qui a été conservé du film? 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Western John Ford Muet 1919
21 mai 2021 5 21 /05 /mai /2021 17:06

Olof (Lars Hanson) est le fils d'une très bonne famille; dans un prologue lyrique et fortement trompeur, il se prend d'amour pour une jeune femme, une amie d'enfance probablement. Ils sont à deux doigts de se déclarer leur flamme, mais... La séquence suivante montre Olof, en plein jeu, qui délaisse la première fille pour une autre, plus prometteuse. Le ton est donné: le film sera le voyage initiatique d'un homme qui aura les plus grandes difficultés à se décider. 

Olof est fermier et héritier, ça n'empêche pas ses parents d'avoir la firme morale et rigoriste: ils s'offusquent de le voir coucher avec une employée de leur ferme, et ils le chassent. Il s'en va de toute façon, déterminé à réussir malgré tout, et le croit-il sur le coup, à épouser l'infortunée: ça n'aura pas lieu. Mais ce qu'il va vraiment faire, c'est parcourir le vaste monde (du moins une petite portion, toute scandinave): il va se faire engager au bord d'une rivière pour un travail de bûcheron.

C'est là que se situera le passage du film sans doute le plus célèbre: à nouveau amoureux, à nouveau en pleine séduction, Olof va utiliser les grands moyens; on raconte qu'aucun bûcheron n'a jamais réussi à parcourir une longue distance debout sur un tronc d'arbre, il va le faire... et il réussit, car l'effet voulu s'est réalisé: la jeune femme (Edith Erastoff) qu'il convoite a tremblé pour lui après l'avoir pris de haut.

Mauritz Stiller, qui était l'un des premiers à penser le cinéma en très grand, applique dans cette épopée sentimentale mi-ironique mi-flamboyante sa règle d'or: il faut qu'un film repose sur un montage d'attractions, de scènes-clés. Pour rester chez Stiller, pensez l'incendie ou la poursuite dans la neige avec les loups pour Gösta Berling, ou le flash-back du massacre dans Le trésor d'Arne. Sa séquence de la rivière, parfaitement montée et interprétée de manière époustouflante (bien sûr que Lars Hanson a été doublé mais pas toujours et on ne voit absolument pas les coutures) est un point culminant du film... Un film qui a aussi en réserve un sale tour à jouer à son personnage principal, qui a bien besoin de se faire remettre à sa place...

Le parcours initiatique prendra fin par un retour au bercail, après une leçon d'humilité un peu décalée, et particulièrement violente: son départ a eu un effet sur la jeune femme qu'il avait dévoyée, et elle en a hérité une descente aux enfers... Pas Olof, pourtant, qui réussit à la fin à conquérir en homme libre encore mieux que le coeur de sa belle: il gagne l'estime de son futur beau-père. 

Et c'est sur Netflix!

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1919 Muet Mauritz Stiller
30 avril 2021 5 30 /04 /avril /2021 08:52

Pour un premier film, BLIND HUSBANDS est sacrément réussi. Le titre (Maris aveugles) n’est pas de Stroheim lui-même. Selon sa propre version, le cinéaste a essayé d’imposer à la Universal le titre The Pinnacle, mais Carl Laemmle, le patron de la petite firme, a refusé, ayant peur de la confusion avec le jeu (Pinochle). Les crédits sur certaine copies signalent la provenance comme étant The Pinnacle, a play by Erich Stroheim : une pièce très probablement fictive, mais dont la mention permet juste au réalisateur d’apposer son titre de prédilection au film, même d’une manière détournée.


Qu’un producteur comme Laemmle ait accepté de donner sa chance à un réalisateur débutant sur un film d’un genre somme toute sophistiqué reste étonnant, 89 ans après. On se perd en conjectures, et ma théorie, partagée sans doute avec beaucoup, est que Stroheim, qui n’était pas trop gourmand pour avoir le droit de faire un premier film, représentait un pari pas si risqué, et l’opportunité d’une publicité basée sur un acteur d’emblée fascinant, un investissement rentable a priori. De plus, le menu de Blind husbands promettait du sexe et de la sophistication…


L’histoire est celle d’un couple Américain, Les Armstrong, interprétés par Francellia Billington et Sam de Grasse, en villégiature à Cortina d’Empezzo, en même temps qu’un officier Germanique, Erich Von Steuben. Celui-ci tente de séduire la jeune femme, qui résiste. Une autre partie de l’intrigue nous montre Sepp (Gibson Gowland), un guide autrefois sauvé par le Docteur Armstrong, qui va s’acquitter de sa dette en sauvant sa vie.


Le métier dont fait preuve Stroheim est impressionnante; il maîtrise le sens du découpage, et va traiter le drame et le mélodrame en vrai révolutionnaire: Non seulement il donne au triangle amoureux une nouvelle forme (un quasi rectangle amoureux, en fait) mais il utilise virtuellement TOUTES les facettes de ses personnages, les rend complexes, riches et de chair. Ceux-ci ne sont plus seulement cernés d'une phrase, mais atteignent une vérité inédite, sans qu’il y ait nécessairement besoin de tous expliquer par des sous-titres: le style de Stroheim, bien que déjà verbeux dans ses intertitres (Son défaut le plus gênant aujourd'hui, et une manie quasi littéraire) aime à valoriser le détail, en lui donnant du sens. Il se sert des rituels (Notamment militaires, dans l'habillage et le déshabillage et les petits détails de la toilette: fixe-chaussettes, résilles, caleçons...), traditions et manies des personnages, et bien sûr il va plus loin que de demander à ses petits rôles de faire de la figuration : un couple de second rôles en lune de miel va participer au drame à la fin du film en intégrant une équipe de secours, et les servantes sont campées de façon très différenciées (L’une d’entre elles inaugure le cycle Stroheimien des amours ancillaires, dont se souviendra toute sa carrière durant Renoir). Le triangle amoureux (Et, donc, rectangle) est complété par Sepp (Gibson Gowland), qui s’interpose de façon très efficace entre Steuben et la jeune femme. Sepp et le docteur font front commun, mais le plus intéressant est le coté rendez-vous manqué: éconduit par la jeune femme, le lieutenant, menacé de mort par le mari persuadé d’être trahi, va malgré tout prétendre l’avoir séduite: le mari, lui ayant promis la vie sauve si il mentait, ne le tuera pas. Cette logique sardonique colore tout le film d’un parfum assez capiteux : on peut bien sûr admirer la puissance du jeu de Stroheim, parfait en ignoble séducteur-matamore, qui prétend tout au long du film maîtriser l’alpinisme, mais finit l’ascension sur les genoux, essoufflé, et titubant. Sam de Grasse a été sciemment utilisé pour son manque de relief, et parce qu’aussi sympathique soit-il, on comprend la tentation potentielle d’aller voir ailleurs… Y compris vers un Steuben, une contrefaçon douteuse. le mensonge et la dissimulation, éternels thèmes Stroheimiens, à la scène comme à la ville.


En plus de sa tentative de complexifier le triangle, Stroheim impose à ses acteurs peu connus un jeu intériorisé, en faisant comme on l’a vu ressortir les rituels, détails vestimentaires, les décors vraisemblables (Bien que tournés en Californie, ce que trahissent les "Alpes" du film). Le réalisateur visionnaire impose à ses acteurs masculins de jouer sans maquillage, une constance de son œuvre… à une exception près. Il en ressort une vérité, un jeu digne qui situent Stroheim plus du coté de Lois Weber ou William de Mille que d'un style histrionique. Mais les actrices ne seront pas toujours aussi bien loties : Il les préfèrera débutantes, ou si possible habituées du burlesque(Maude George, Zasu Pitts, mae Busch, Dale Fuller, Josephine Crowell). Ici, la terne Francellia Billington appartient à la première catégorie.


La réputation de grand méchant cynique dont souffre Stroheim-réalisateur n’est pas compréhensible : certes, il est question ici de coucherie, de tromperie, de vieux couple qui a besoin de retrouver l’amour, mais l’auteur utilise le contrepoint pour démentir toute accusation de méchanceté : le jeune couple en lune de miel, par ailleurs parfaitement défini comme étant gentiment gnan-gnan, va sortir de son cocon à la fin lorsque une expédition de secours se forme, et la jeune femme va assister Mme Armstrong. Sepp, de son coté, consolide son amitié indéfectible mais conseille son ami de mieux aimer sa femme. A la fin, seul le méchant, par ailleurs bien pitoyable de film, meurt, mais il s’appelle Steuben, un terme qui le rapproche de Sterben, l’infinitif de mourir en Allemand. Les références de Stroheim aux Autrichiens, aux Allemands, et aux aristocrates ne sont jamais loin de la mort, de la fin, d’une évocation d’un monde disparu… Foolish wives couve sous Blind husbands.


A la fin du film, les deux gentils couples s’en vont, Sepp pleure de devoir quitter son ami… Cynique, Stroheim ? Un vrai moraliste, oui! On doit le dire, dans ses films, Stroheim n’aime peut-être pas tous ses personnages, mais ceux qu’il apprécie, il a décidé de nous le faire partager…


Le film a remporté un gros succès, qui bénéficiera à tout le monde : Laemmle aura prouvé que la Universal ne fait pas que des petits films de rien du tout, et Stroheim a prouvé qu’il était un metteur en scène. La firme n’était donc pas près de le lâcher…

 

Il existe pour finir deux versions du film, toutes deux disponibles en DVD: la version intégrale sortie en salles en 1920 a disparu de la circulation, et pendant un temps toutes les copies disponibles étaient des variations sur la version ressortie à la fin des années 20, et amputée d'une vingtaine de minutes. C'est l'édition Américaine, par exemple distribuée par Kino. Une autre version, tirée de la même source que la version Américaine d'origine (et donc du négatif original) a été retrouvée en Autriche en 1982: c'est une version plus longue que l'Américaine, mais son montage est différent, beaucoup de plans sont plus longs. A la base pourtant ce sont les mêmes séquences: aucun événement supplémentaire en vue. Les intertitres sont en Allemand et tempèrent la "couleur locale" Autrichienne voulue par Stroheim. Donc c'est une meilleure version en terme de montage strict, mais elle n'est pas "la version initiale" voulue par Stroheim et la Universal en 1919...

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Erich Von Stroheim Muet 1919 *
17 avril 2021 6 17 /04 /avril /2021 18:16

La famille Maguire est mal partie: non seulement l'oncle ne fout rien, non seulement le père (qui vient de revenir après 5 années d'absence, passées probablement au café du coin parce que plus loin ça aurait représenté un effort) a transformé le fait de feignanter en discipline olympique, mais en prime la fille, Mary (Mae Murray) vient de se faire virer de son travail. Elle trouve néanmoins une idée: dans le même numéro d'un journal local, elle a lu un article sur une danseuse qui a disparu dans la nature et se cacherait dans les environs, et elle a appris qu'un établissement en mal de respectabilité cherchait une attraction: elle se fera donc passer pour Gloria Du Moine...

Ca va être difficile, bien sûr, surtout quand les hommes vont entrer dans l'équation: d'un côté, le jeune playboy Jimmy Calhoun (Rudolf Valentino) qui est enchanté à la vision de "Gloria", de l'autre, le vrai fiancé (Bertram Grassby) de la vraie Gloria Du Moine, un escroc international qui voit en Mary une occasion de continuer à duper le monde...

C'est une petite merveille, à sa façon: sans aucune prétention, cette comédie Universal permet à Mae Murray de faire ce qu'elle aime par dessus tout: danser, être le centre du spectacle et minauder. Mais cette fois, c'est totalement en phase avec le ton délibérément farfelu du film. On excusera Mae Murray de ressembler à une caricature de Mary Pickford quand celle-ci tente de jouer les Irlandaises de caractère, parce que là encore la caricature fonctionne à merveille... Tout le monde s'est manifestement beaucoup amusé dans ce film, qui a été tourné parfois avec une intention délibérée de doubler la vitesse, donc le final est époustouflant de drôlerie.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1919 Muet Comédie Rudolf Valentino Mae Murray **
27 mars 2021 6 27 /03 /mars /2021 16:49

Mary Bussard (Marion Davies) n'est pas vraiment une "Bussard de Boston): sa maman s'est mariée à John, un représentant de cette famille d'insupportables pères-la-pudeur, et (comme le dit un intertitre) "heureusement pour elle, elle est décédée"... A la mort de son beau-père, Mary apprend qu'elle n'héritera que sous deux conditions: la première, c'est de vivre avec la famille Bussard pendant un an; la deuxième c'est de ne pas se marier avant la fin de la période d'essai. Elle rejoint sa famille, et c'est un cauchemar: le frère de son beau-père étant celui qui n'a pas réussi, ils sont encore plus mesquins! Pour se distraire, Mary peut compter sur les visites de James Winthrop (Norman Kerry), mais celui-ci se retrouve en butte avec l'opposition des Bussards qui aimeraient bien caser leur fille plutôt que Mary, avec l'élégant playboy...

C'était déjà le cinquième film de Marion Davies, mais c'est surtout un moment important puisque c'est sa première comédie... Et la grande surprise, c'est que ce fut un grand succès! On sait que l'ombrageux propriétaire de Cosmopolitan, William Randolph Hearst, n'aimait pas que sa protégée se compromette dans le rire, mais c'est exactement ce qu'elle voulait faire... Et avec la patte experte d'Allan Dwan, l'omniprésent metteur en scène qui fisait déjà merveille en compagnie de Douglas Fairbanks, elle est excellente. Le film, lui, ne l'est pas tout à fait même si on retrouve l'univers assez particulier des films Cosmopolitan: une lente exposition, beaucoup d'intérieurs, et vers la fin un décor qui écrase tout! Pourtant Dwan reste concentré sur son intrigue et ses personnages... Et il trouve toujours des solutions pour s'approcher de ceux-ci, et tirer parti du naturel d'une actrice qui se réjouit enfin de faire ce qu'elle aime.

Forcément, il oppose d'un côté l'abominable famille de Boston, leur mesquinerie et leurs préjugés, et la tendresse incarnée dans cette jeune femme qui transfert les affections absentes sur son tout petit chien, ou encore Norman Kerry en élégant homme du monde, qui est sympathique en toute circonstances: ce type jouerait le bourreau dans un village espagnol en pleine inquisition, qu'on l'aimerait quand même. Et puis sans doute ce film a-t-il permis à Davies de parvenir à imposer à Hearst des films plus proches de son tempérament: Little old New York, Enchantment ou Beauty's worth... Pas mal.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Marion Davies Allan Dwan 1919 Muet *
18 novembre 2020 3 18 /11 /novembre /2020 13:43

Marcene Elliott (Pauline Starke) vit seule avec sa "tante" Julie, qui la maltraite... Elle est délaissée, détestée de tout le voisinage, mais lors de sa rencontre avec un jeune homme, elle tombe amoureuse... Daniel (Les Cody) et Marcene coulent quelques jours heureux, puis Daniel, compositeur, retourne en ville pour coucher sur papier la symphonie que lui a inspiré l'amour de la jeune femme... Ce sera un échec, mais à tous points de vue: d'une part le public lui réservera un accueil glacial, mais en plus la jeune femme, enceinte, accouchera seule d'une petite fille, alors que son soupirant tarde à se manifester... Quand il reviendra, il apprendra que la jeune femme est morte... Mais est-ce bien la vérité?

C'est un film miraculé de Maurice Tourneur, situé dans sa carrière quelque part entre The blue bird et The last of the Mohicans (co-signé avec Clarence Brown, qui en a probablement assumé une grande part). C'est l'art de Tourneur à son apogée: une histoire assez classique, bien qu'avec quelques intéressantes complications (l'ambiguité du personnage de Daniel, joué par Lew Cody en séducteur moustachu, mais dont l'amour semble assez sincère), mais où tout est transcendé par un jeu d'une puissante subtilité, et la maîtrise impressionnante du cadre, partagée par le metteur en scène et ses techniciens (le seul nom qui soit sûr est celui du décorateur Ben Carré): les éclairages, la composition, et cette merveilleuse stylisation qui permet à Tourneur de redéfinir l'espace à des fins de caractérisation et de psychologie.

Les personnages, je le disais déjà avec l'intrigant Daniel, ne sont pas unidimensionnel, et le film se plait même à passer d'un personnage principal à l'autre, 41 ans avec Psycho! Je ne sais pas si le film est complet (il en subsiste 5 bobines) mais la copie présentée ces dernières années, retrouvée il y a peu, semble cohérente, et nous permet de découvrir un beau petit film d'un grand auteur, mélangeant son style formel déjà observé dans The blue bird, à la lisière du fantastique, et le mélodrame plus conventionnel...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Maurice Tourneur
7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 17:18

Duvivier se destinait au théâtre... Mais il n'a pas pu éviter le cinéma. Sous la houlette d'André Antoine dont il avait été le régisseur et l'assistant, il a été amené à réaliser ce film qu'il a signé littéralement, à la fin, dans un geste plein de panache et de naïveté. Un film où on retrouve une certaine forme de pudeur, un pessimisme profond, mais surtout un sens inné du cinéma comme étant l'art... du bon paysage.

L'histoire est profondément embrouillée, et concerne une série de personnages qui vivent, pour certains sans le savoir, dans les conséquences d'un drame qui s'est passé plus de vingt années auparavant: un homme s'est suicidé. Pourquoi? Nous le saurons plus ou moins, grâce au drame qui va lier son ancien ami Landry Smith (Séverin-Mars), et un jeune homme qui vient chez ce dernier pour des motifs mystérieux avant de lui sauver la vie et de courtiser sa pupille...

C'est un western. Et pourtant il a été tourné en Corrèze (le département au milieu d'un triangle formé par Limoges, Aurillac et Clermont-Ferrand sur les cartes de météorologie à la télévision!), qui était alors un pays encore plus sauvage qu'aujourd'hui... Et contrairement aux films de Jean Durand tournés en Camargue, aucun effort n'a été fait pour maquiller le terrain, l'intrigue étant objectivement située sur les terres du petit Père Henri Queuille... Le tour de passe-passe était finalement assez simple: Landry Smith est lui-même Américain, et sa domestique Kate Lockwood projette en effet de voler sa fortune, et a donc fait appel à un comparse de Santa Fe, qui arrive en Corrèze au début du film avec des manières de cow-boy. C'est naïf, mais pas plus que d'habiller comme le faisait dans Un flic Melville les gangsters de 1972 de trench-coats et de les faire rouler en Cadillac pour se donner l'illusion de tourner un film noir Américain!

Car c'est bien de ça dont il s'agit pour Duvivier: montrer lui aussi un film, un pastiche des westerns qui commençaient à envahir l'écran Français, et qui avaient l'air d'avoir tout compris à ce que devaient être le cinéma. C'est d'ailleurs bien dans la manière d'un cinéaste qui allait être remarqué pour son envie de toucher à tous les genres, tous les sujets, tous les pays: Russie (Anna Karenina), Afrique du Nord (Cinq Gentlemen Maudits, Pepe le Moko), France, Canada (Maria Chapdelaine)...ou Corrèze, même combat. 

La compagnie productrice de ce film, Burdigala films, était comme son nom l'indique située à Bordeaux, et Duvivier a pu faire des repérages soignés pour ce qui allait devenir le premier film de fiction de long métrage tourné en Limousin, avec des décors souvent superbes, et parfaitement en phase avec l'action: des villages et hameaux situés en pleine forêt, des routes situées sur les flancs de pentes parfois abruptes (longeant notamment les Gorges de la Dordogne avant que ne soient construits les barrages de L'aigle et d'Argentat. Certaines séquences ont également été tournées près de Bort-Les-Orgues, près de la superbe vallée de la Dordogne avant qu'un barrage ne transforme celle-ci en un gigantesque lac. Enfin, trois lieux emblématiques de la toujours sauvage région de la Xaintrie ont été mis à profit dans un magnifique final riche en suspense et en frissons: le viaduc des Rochers Noirs, aujourd'hui condamné parce que trop dangereux), les fantomatiques ruines des Tours de Merle, un site médiéval situé en pleine forêt, et les cascades de Gimel, un endroit où un bien méchant homme trouvera une fin mélodramatique à la mesure de ses crimes...

Il en ressort un film certes mélodramatiques, embrouillé, anecdotique dans son intrigue, au jeu parfois ampoulé... mais surtout un grand désir de cinéma, une sorte de rêve de film accompli.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier Muet 1919
22 avril 2020 3 22 /04 /avril /2020 17:20

Après la guerre, un groupe d'hommes et de femmes se déchire dans de complexes conflits privés, qui sont autant d'échos à la soif se se sortir du chaos de la guerre. Alarmé par la propagation des idéaux socialistes, un homme très religieux, Johannes, essaie de convaincre ses concitoyens de se retrousser les manches, pendant qu'un industriel qui croyait avoir tout gagné en préservant ses usines durant la guerre, fait face à la ruine quand un incendie criminel se déclare... De son côté, sa fille qui a mal interprété les idéaux du "prophète" Johannes, se met à prêcher la révolte armée...

1919, c'est bien sûr le grand retour du cinéma Allemand qui va subir une intense mutation, celle-ci étant généralement considérée comme commençant par le film Caligari. Sauf que c'est aussi le retour de l'Allemagne, passant par le chaos total après la débâcle qui a suivi l'abdication de Guillaume II, et bien sûr la reddition et l'armistice. Le chaos ressenti par tous s'incarnait politiquement, à gauche (la révolte Spartakiste à Berlin, une tentative d'installer une République Soviétique à Munich, qui a tourné court après quelques semaines, et des manifestations quotidiennes dans tout le pays) et à droite (les réactions musclées de l'extrême droite aux événements populaires, la création de nombreux mouvements qui se posaient an remparts contre la social-démocratie). Le cinéma s'est fait le reflet de ces événements, souvent sous un jour symbolique, à travers quelques films qui reviendront sur la période. Pabst, Lang, s'en sont inspirés... Mais Robert Reinert n'a pas attendu.

C'est, je pense, à Caligari qu'on d'oit d'emblée comparer cet étrange film, l'un des deux plus notables d'un cinéaste qui avait bien compris qu'en l'absence d'une idéologie gouvernementale bien définie, tout était permis. Et Nerven, comme l'autre film connu de Reinert Opium, mais de façon moins flagrante, s'inscrit volontiers dans une période de disparition de la censure, avec ses nombreux recours à la nudité symbolique. Mais il s'inscrit aussi dans la recherche d'une façon d'inclure le cinéma dans le champ d'action expressionniste.

Caligari venait à un moment où la cinématographie nationale avait besoin d'un coup, et c'est vrai que l'utilisation des décors, le jeu outré de Veidt et Krauss, ont beaucoup fait pour installer la mode d'un cinéma Allemand, dont le socle était la scène: au sens théâtral comme au sens cinématographique du mot. Mais en 1919, le cinéma Allemand se confrontait aussi, comme toutes les nations à l'issue de la guerre, au choc avec le cinéma Américain qui depuis le début des années 20 avait choisi comme principale technique narrative le montage. Et si Caligari se distingue de multiples façons, ce n'est certes pas par le montage... Nerven, si.

Le film est étonnant, qui réussit à partir d'images totalement délirantes qui parlent de la guerre sans vraiment la représenter, à montrer aussi bien le bazar ambiant (des manifestations qui furent prises sur le vif, il n'y avait semble-t-il qu'à sortir dans la rue si on en croit le film), en essayant de rester aussi respectueux que possible (les causes de l'agitation sont présentées comme légitime, mais le prophète Johannes supplie ses concitoyens de s'accomplir dans le travail), et situe l'essentiel du débat dans l'inconscient, grâce à l'intervention d'un psychanalyste et un protagoniste qui fait une vraie névrose. Et par dessus le marché, le film trouve son apothéose dans une représentation Nietszchéenne de l'homme!

Le titre est donc largement du à une interprétation volontiers simpliste de la révolte en cours au moment où le film a été tourné: si les hommes veulent tant changer les choses, c'est parce qu'ils laissent parler leur nerfs... Le mot va devenir un leitmotiv, d'où le titre... Une démarche étonnante, qui cache surtout une envie de traiter le sujet de l'Allemagne contemporaine, d'une façon aussi frontale que possible, tout en laissant place à la distorsion poétique de l'expressionnisme.

Et ne nous laissons pas attraper par le résumé plus haut, qui nous donne l'impression d'assister à une préfiguration du pire du pire de l'oeuvre Gancienne (quelque chose comme La fin du monde rencontre Lucrèce Borgia): si l'intrigue est compliquée, symbolique et bordélique à souhait, le film, qui choisit un rythme très rapide et l'accumulation de possibilités au sein de chaque scène, est d'un style qu'on n'attend pas dans un film Allemand de 1919, et qui sera rare dans le reste de a décennie suivante... Qu'il prêche des idées ouvertement conservatrices est un fait, mais il le fait avec style! Ca ne portera pas spécialement chance à son metteur en scène dont la vision gentiment réactionnaire assurait paradoxalement le succès de ses deux oeuvres les plus révolutionnaires: il est mort en 1928, à 56 ans, totalement oublié d'une histoire du cinéma qui avait pourtant les yeux rivés sur l'Allemagne... Caligari avait gagné.

Aujourd'hui, on eut retrouver ce film hautement unique et glorieusement expérimental, dans une copie sévèrement privée d'un tiers de son métrage, mais remis en ordre d'état de marche par les magiciens de la Cinémathèque de Munich...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Robert Reinert *
4 mars 2020 3 04 /03 /mars /2020 16:11

Sans être aussi connu que Broken Blossoms, ou aussi flamboyant que les énormes Birth of a nation et Intolerance, cette petite comédie tendre et à la petite musique douce et nostalgique est un bien beau film: avec Lillian Gish, bien sur, dont le point de vue reste le principal point d'ancrage d'une narration souvent douce-amère , mais aussi avec Bobby Harron, dont c'est l'un des derniers rôles en vedette pour Griffith.

Je ne reviendrai pas en longueur sur les circonstances tragiques et jamais élucidées de sa mort (On estime qu'il se serait suicidé en raison du choix de Richard Barthelmess pour interpréter Way Down East), mais c'était une grosse perte: on connaît son interprétation magistrale du "Garçon" de Intolerance, et son visage juvénile (ici, il a 26 ans) et malléable lui permet dans True Heart susie d'interpréter de manière convaincante un pré-ado aussi bien qu'un jeune adulte.

L'histoire, située dans l'Indiana, est la chronique rurale d'une petite communauté à l'écart des bouleversements du monde, dans laquelle vivent Susie (Gish) et William (Harron); inséparables, ils se sont aimés comme des enfants jusqu'au jour où par un stratagème, la jeune fille a réussi à envoyer William à l'université, sans lui révéler qu'elle était sa bienfaitrice. Revenu quelques années après et devenu pasteur, il se marie avec la première pimbêche venue (Clarine Seymour, qui allait bientôt décéder aussi), mais Susie souffre en silence car elle sait que ce mariage est une erreur, non seulement de son point de vue à elle, mais aussi par rapport à William qui ne se rend pas compte que sa femme le mène en bateau...

Une fois accepté le trou béant du scénario, par ailleurs typique du mélo facile (Mais pourquoi diable Bettina -Seymour- se marie-t-elle avec William?), le film est un enchantement, basé sur la dichotomie propre au muet (Et si bien illustrée par les films The Kid Brother de Harold Lloyd, Tol'able David de Henry King ou même en plus complexe et intérieur, l'inégalable Sunrise de Murnau) de l'opposition entre une ville qui corrompt, et une campagne authentique et sincère, les deux étant symbolisées par une femme. Le film déroule tranquillement sa trame, à coupe de séquences ponctuées d'intertitres avec clins d'yeux permanents d'un Griffith narrateur, dans un style lumineux et forcément doux.

Mais bien sur, les fans de Lillian Gish sont à la fête, avec une Susie qui ne se laisse jamais aller à devenir une figure tragique, restant du début à la fin une femme-enfant: elle a déjà, par un deuil précoce (Elle est orpheline) une certaine maturité, qui la pousse à se comporter en vraie grande soeur avec ce grand nigaud de William, mais grandie trop vite, elle garde en adulte son allure d'enfant. Le contraste avec Bettina est assez peu subtil, mais Griffith et Clarine Seymour ont bien chargé le personnage, avec un certain succès: il ne s'agit pas ici de faire dans le réalisme, et la comédie se satisfait de cette exagération. C'est d'ailleurs un film pour lequel on convoquerait volontiers les comparaisons avec les grands longs métrages burlesques: Keaton s'inspirera de cette veine Griffithienne dans The goat, ou dans Our Hospitality. Sinon, j'ai déjà fait allusion à Harold Lloyd, mais le jeu de Lillian Gish fait aussi penser à Harry Langdon, en particulier par sa lenteur, son décalage, et l'importance de ses yeux par rapport à un corps dont elle souligne la gaucherie.

Après une séquence un peu plus relevée, dans laquelle Bettina fait face à son destin, et doit affronter les conséquences de ses mensonges, une tempête et la maladie, le film permet aux amoureux d'avoir une seconde chance, et on les revoit une fois de plus, à distance, par le souvenir des enfants qu'ils ont été. On est loin du cynisme, du tumulte des grandes épopées, on est en pleine Americana, et que voulez-vous, on en redemande... On retrouvera une partie de cette atmosphère dans Way Down East.

https://www.youtube.com/watch?v=NxpjXrzWW4Q

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet 1919 Comédie Lillian Gish *