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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 17:46

Roxie Hart (Phylis Haver) est mariée à un saint homme, Amos (Victor Varconi). travailleur modeste mais intègre, celui-ci sait bien qu'il n'est pas en couple avec une femme très rigoureuse, mais il l'aime trop pour lui en vouloir. Jusqu'au jour ou elle abat froidement son amant (Eugene Pallette) alors que celui-ci venait de lui annoncer avoir décidé de couper les ponts, et donc de ne plus payer pour tous ses désirs. Si elle se défend d'avoir eu la moindre liaison extra-conjugale, Amos a bien compris que Roxie n'est pas innocente dans l'affaire, et il est déterminé à aller jusqu'au bout pour lui épargner la corde: le meilleur avocat, notamment. Celui-ci, aguerri et très rapace, met les grands moyens... à tous les sens du terme: ironiquement, Amos est obligé de lui voler une somme coquette d'argent (Acquise de façon douteuse) afin de payer ses honoraires. Pendant ce temps, persuadée qu'elle joue le rôle de sa vie, Roxie se laisse aller à sa nouvelle célébrité crapuleuse...

 

Miraculeusement préservé de l'outrage des ans, le film Chicago est une cause célèbre des coupeurs de cheveux en quatre: quoique supervisé et dirigé pour une large part par Cecil B. DeMille, il est signé de son assistant Frank Urson. Cela s'explique par le fait que le grand metteur en scène, accaparé par le film King of Kings, était un peu le VRP de la religion en cette année 1927, et n'avait pas envie de tenter le mélange des genres avec cette histoire de meurtrière de petite vertu qui gagne un procès en agitant férocement tout ce qu'elle peut agiter. Et dommage pour lui, car s'il l'avait signé, ce serait l'un de ses chefs d'oeuvre. Sardonique, divisé adroitement en trois actes, ce méchant petit film a une énergie, un esprit et un visuel superbe (Par Peverell Marley), en même temps qu'une morale assez conservatrice: tout le monde n'est pas pourri, mais ce n'est pas loin, heureusement, le mari de la jeune intrigante est là pour relever le niveau, ainsi qu'une femme qui, dans l'ombre, nettoie les stupidités et les turpitudes des autres...

 

Le film porte du début à la fin la marque des films de Cecil B. DeMille, avec son sens du raccourci visuel, ses sous-entendus, sa façon de mettre en scène le décor et les accessoires pour souligner ou mettre en valeur une notion, un concept. On pourra trouver Phyllis Haver parfois excessive, mais ce serait oublier que le propos est ici clairement de faire de la comédie au vitriol. Victor Varconi, en revanche, s'en sort plutôt bien. Il est évident que le film ne mâche pas ses mots sur les femmes du jazz age, qui en prennent pour leur grade! Mais le film est aussi une sorte de cousin des belles comédies, déja fortement satiriques, de 1919-1920 (Why change your wife?, Don't change your husband...), dans lesquelles DeMille s'amusait à représenter la bourgeoisie Américaine. autre temps, autres moeurs, autres rangs aussi: les deux "héros" de ce film sont issus de la classe ouvrière, et contrairement aux films d'après-guerre, on n'a plus de sympathie partagée pour les deux protagonistes... Néanmoins le constat est alarmant: pour l'amour de sa vie, dont il sait qu'il se résume à un gâchis, Amos est prèt à tout, y compris à s'abaisser, dans une scène noire aux éclairages savants qui rappellent que DeMille et Peverell Marley sont des artistes du cinéma, tout simplement...

 

Même s'il ne faut pas oublier que le signataire du film, Frank Urson, y a effectivement travaillé (Notamment durant les deux premières semaines de tournage), le film porte tellement la marque de DeMille qu'il ressemble par moments à une compilation des meilleurs moments, reprenant donc le style détaillé des comédies, le sens du spectaculaire dans les scènes-clés, la science de l'éclairage, et même une scène de "cat fight" qui nous renvoie à Carmen, avec la juste dose de chairs féminines exposées, avec le concours très volontaire de Julia Faye et Phyllis Haver. Par ailleurs, le (Splendide) film de DeMille qui suivra, The Godless girl, reprendra la thématique de la culpabilité féminine sous un angle nettement moins frivole...

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1927 **
10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 10:57

Ce film occupe une place très particulière dans le cinéma Hollywoodien des années 20: il représente un étrange mélange dans l’œuvre de DeMille; d’une part, il s’agit une fois de plus d’une comédie matrimoniale, centrée cette fois sur le mari, joué par Wallace Reid, confronté bien malgré lui au choix entre la tranquillité du droit chemin, et l’attrait du péché. Ensuite, le film est une expérience visuelle quasi constante, à l’instar des mélos de 1915 et 1917, dans lesquels le réalisateur et ses techniciens utilisaient la lumière à des fins dramatiques; On remarquera d’ailleurs le nom de Karl Struss au générique… Enfin, le réalisateur invente ici le « All-stars », battant le rappel de la plupart de ses acteurs fétiches: Wallace Reid, Gloria Swanson, Bebe Daniels, Monte Blue, Agnes Ayres, Theodore Roberts, Raymond Hatton, tous sont là, dans des rôles plus ou moins importants. Et les silhouettes de domestiques, notamment, sont confiées à Lucien Littlefield ou Julia Faye. Polly Moran fait même une apparition en danseuse excentrique dans un cabaret.

Le film, inspiré d’une pièce de Arthur Schnitzler adaptée par Jeanie McPherson, est divisé en trois parties d’inégale longueur. Dans la première, Reid et Swanson interprètent deux jeunes mariés, après quelques semaines de bonheur, qui s’accordent une soirée pour s’encanailler; lors de la sortie, l’homme repère au restaurant une jeune femme (Wanda Hawley) qui ne lui est pas inconnue, une ancienne camarade d’école désormais « chercheuse d’or », accompagnée d’un milliardaire ; choqué qu’elle soit tombée aussi bas, le mari décide de la réformer; la jeune femme accepte, sachant quel parti elle pourra tirer de la situation; tout cela n’est pas du goût de l’épouse, qui verra revenir son mari lorsque celui-ci aura totalement compris ce que veut son ancienne amie.

La deuxième partie, très courte, voit se télescoper deux intrigues: les deux jeunes mariés souhaitent se retrouver après la crise seuls à la campagne, et le mari tombe suite à un quiproquo dans un piège; surpris dans les bras d’une jeune femme (Agnes Ayres) à laquelle il croit avoir sauvé la vie (Qui va d’ailleurs lui voler son argent au passage), il est bien obligé de voir partir son épouse. Dans la dernière partie les deux époux décident séparément de se laisser aller, et le mari, après toutes ces situations durant lesquelles il aura été victime de son bon cœur et de sa naïveté, va tomber pour la première fois sur une sainte en cherchant une vamp (Bebe Daniels). Inévitablement il retournera chez son épouse, après avoir eu des doutes sur la moralité de cette dernière, surpsies au bras de leur meilleur ami commun (Elliot Dexter). D’ailleurs, le spectateur a, lui, plus que des doutes…

Wallace Reid semble ne pas être tout à fait dans son élément; c'est un indécrottable naïf , systématiquement victime des agissements féminins, qu’il ne comprend pas du tout, du début à la fin du film… Il est intéressant de constater que dans ce film, DeMille et McPherson inversent les rapports Swanson /Daniels par rapport à WHY CHANGE YOUR WIFE?, même si ils jouent sur l’image de l’une et de l’autre pour semer le doute chez le spectateur: déguisée en parodie de caricature de vamp (Plus encore que la vamp typique des premières scènes de SINGING IN THE RAIN, avec des robes plus ou moins similaires, bardées de fausses toiles d’araignées), Bebe Daniels est en vérité une femme qui se sacrifie pour sauver son mari, dont la vie est sérieusement en danger suite à une blessure de guerre, alors que la frêle épouse, dont le mari clame la pudeur, organise en son absence une partie fine durant laquelle il se peut que sa vertu ait souffert… On termine le film sur ce doute, et si le mari n’en sort pas moins naïf, ce sont toutes les femmes qui en prennent pour leur grade...

Si le film n’apporte rien au cycle des comédies matrimoniales de DeMille, se contentant d’en rafraîchir la trame et de la transposer de manière à intégrer 12 acteurs de premier plan de l’époque, il en va tout autrement de la mise en scène, qui réintègre des expériences comme DeMille ne se permettait plus depuis THE WHISPERING CHORUS. l’accent est mis ici sur l’éclairage de nouveau, sur les décors, extrêmement travaillés et rendus très abstraits (Sauf dans la deuxième partie; celle-ci ne se fait pas trop remarquer, à part dans une très jolie scène entre Monte Blue et Agnes Ayres, dont les deux visages sont caressés par une lumière lunaire du plus bel effet, mais en totale contradiction avec l’action…), notamment dans les scènes de boîte de nuit, toutes différentes, représentant à chaque fois une étape vers la débauche : au final, la scène chez Bebe Daniels voit un décor envahi par le noir, le mobilier de la dame étant en harmonie avec sa robe… La lumière est utilisée dans le film pour rythmer les parties : la fin des la première partie voit le jeune couple éteindre progressivement toutes les lumières, avant de n’être plus que des silhouettes dans la pénombre, la deuxième partie se clôt sur la scène entre Monte Blue et Agnes Ayres déjà citée… La structure ainsi soulignée reste démarquée par des éléments visuels ; ce n’est pas un défaut dans un film plutôt bavard en intertitres... 

La copie actuellement diffusée de ce film est teintée, colorée de diverses façons, ce qui est du plus bel effet, mais ce sont surtout les titres qui en bénéficient (avec une exception frappante, un tableau vivant de Bebe Daniels). La composition de ceux-ci tend d’ailleurs à prouver que cette coloration est d’origine. L’effet est très joli, mais il sert aussi à renforcer le texte. Celui-ci est envahissant, la majorité des gags étant fournis par les cartons. Cela renforce l’idée d’un narrateur qui prend le pouvoir, qu’on est en droit d’imaginer, mais avec un film muet, c’est gênant… Mais on a quand même des belles surprises : lorsqu’un titre ironise sur la fable du films prodigue, on se prend à rêver : venant de McPherson et DeMille qui s’apprêtent à nous donner en 1922 et 1923 les plus belles leçons de prêchi-prêcha qui soient, c’est cocasse. Et l'intrigue centrale nous montre une frêle jeune femme qui n'hésite ni à tenter de tromper son mari, ni à voler pour remettre l'argent qu'elle a dérobé dans la caisse de l'église, et son mari chrétien fondamentaliste est un incommensurable crétin; le film est riche en utilisations brillantes des détails de la vie quotidienne, voire intime, comme seuls Stroheim et DeMille savaient le faire. Et l'ironie de Schnitzler reste bien présente du début à la fin avec une morale assez élastique qui sera la même dans The marriage circle (de Lubitsch, 1924), en plus positif, et dans Eyes wide shut (de Kubrick, 1999), en franchement noir...

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1921 Comédie *
9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 18:40

Encore un film matrimonial de Cecil B. DeMille? Oui, mais celui-ci est vraiment spécial, à plus d'un titre. Tout d'abord, il a failli être mis en scène par William de Mille, le frère, qui est d'ailleurs l'auteur de l'argument, et qui est réputé pour sa finesse, par opposition aux gros sabots de Cecil; ensuite, il reprend la trame de Don't change your husband (1918), en la retournant, en l'épurant; notons également que le réalisateur se passe de deux de ses démons ici: Jeanie McPherson n'est pas créditée au scénario, et aucune scène d'orgie lascive pseudo-biblique ne vient ternir l'ensemble; enfin, il s'agit d'un des derniers films dans lesquels le réalisateur dirige Gloria Swanson, et celle-ci est désormais particulièrement à l'aise dans cet univers: c'est bien simple, le réalisateur lui fait reposer le film sur ses frêles épaules. Tant mieux.

 


D'ailleurs, les épaules de miss Swanson sont l'un des signes mis en oeuvre tout au long de ce film au cours duquel les figures de comparaison (D'une épouse à l'autre, d'un mari à sa femme) égrennent les habitudes, rituels domestiques, signes de classe ou de vulgarité, etc: comme dans les autres comédies de la même série, il s'agit ici pour un couple de se remettre en question et de passer par l'épreuve du changement, afin de se rendre compte, la crise passée, que c'est inutile. On voit donc Beth (Swanson) se séparer de son mari (Thomas Meighan) qui va se consoler avec son amie d'enfance (Bebe Daniels). Une fois le divorce accompli, Beth va changer radicalement, affichant des tenues provocantes afin de rivaliser avec les robes de sa la nouvelle Mrs Gordon, sortant dans les endroits chics et au final se battant de façon assez énergique avec sa rivale. Si le film est loin d'être féministe, au contraire (Il nous apprend tout simplement que la femme a tort jusqu'à ce qu'elle s'en rende compte et se range à l'avis de son mari... De plus, si une femme se bat, c'est pour conserver le droit d'être une épouse...), il n'en a pas moins eu un énorme succès, grâce notamment à la clarté de son intrigue, clairement centrée autour des trois personnages du triangle, et interprétée par des acteurs rodés et populaires; DeMille, fidèle à son habitude, accumule les signes du temps, phonographes et leurs disques (les chansons prenant une fois de plus part à l'intrigue), hôtels chics, visite dans les magasins, et fait feu de tout bois, multipliant les rimes: c'est parce qu'il ne voit pas souvent les épaules de son épouse que Meighan tombe dans les filets de Daniels; Celle-ci, mannequin dans une boutique de lingerie, enlève son jupon lors d'un essayage de négligé afin de mieux séduire l'homme, qui s'étonne en revanche, une fois le négligé offert à sa femme, de la présence d'un jupon: Beth est décidément trop prude pour se permettre des tenues révélatrices... A l'empressement de Daniels pour se révéler correspond chez Beth la peur maladive (Swanson est irrésistible) de trop montrer: une fois le négligé enfilé, elle se montre d'ailleurs à son mari, cachée derrière une grosse couverture.

  


La salle de bains, habituel révélateur de la beauté, est ici l'arêne du quotidien, l'endroit ou mari et femme s'affrontent à coup de mesquineries et d'habitudes, présente dès l'ouverture du film pour montrer la crise du couple. La scène, comparaison entre mari et femme, sera reprise pour montrer qu'une fois remarié, l'homme est toujours logé à la même enseigne: la salle de bain reste un lieu de conflit. Autre scène frappante: Meighan ne souhaite d'abord vraiment pas tromper sa femme, même si celle-ci, de toute évidence, est frigide et repousse toutes ses avances. Pourtant il a bien failli: DeMille nous présente Daniels et Meighan enlacés devant un miroir, et en un seul plan, nous montre une tentative du héros qui s'enhardit, la réaction de Daniels, sans équivoque, et puis la réaction de Meighan à sa propre initiative: lui aussi se voit dans le miroir, et refroidi, ne l'embrassera pas. Malgré tout, le parfum de la jeune femme est déja sur son menteau, il est trop tard: l'épouse saura à qoi s'en tenir...

 


Les acteurs sont en terrain connu: Swanson est depuis trois ans la collaboratrice de DeMille, et elle est fidèle à elle-même, excellente, se rappelant sa formation chez Sennett; Daniels est moins bonne, jouant surtout sur sa vulgarité; elle manque un peu de subtilité sans doute, mais ce n'est pas de la subtilité que DeMille lui réclame. Quant à Meighan, il est moins flegmatique, moins majordome en somme que dans Male and female (1919)... Sa gaucherie sert élégamment le propos, et le final du film l'escamote (Le mari a un accident, laissant les deux épouses quasiment s'entretuer pour s'occuper de lui), nous rappellant qu'il s'agit surtout d'une lutte entre femmes, ce qui nous rappelle un peu Male and female et l'alternance de l'affection prodiguée par Crichton aux deux jeunes femmes présentes avec lui sur l'ile.


Typique des comédies "risquées" de la période, Why change your wife prouve une fois de plus que la mise en scène de DeMille allait décidément pâtir de l'arrivée de la censure prochaine. Les sujets évoqués, les moyens mis en oeuvre allaient vraiment disparaître de son cinéma, et la subtilité et le spirituel laisser la place au religieux, et disons le, à l'hypocrisie, notamment dans Manslaughter (1922) et les Ten commandments (1923). Bref, cette comédie du divorce remplit largement son but, qui est rappelons-le de nous divertir d'une satire pas trop poussée, et de le faire mieux que dans les autres films du même genre. On se réjouit de disposer d'une oeuvre qui résume aussi bien le style d'un cinéaste, même si on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il serait advenu du film si William l'avait réalisé.
 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1920 *
9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 18:28

L'un des plus connus parmi les classiques muets de son auteur, Male and Female, connu en France sous le titre de L'admirable Crichton (Du nom de la pièce dont le film est une fidèle adaptation), représente une étape décisive dans la carrière d'un auteur qui a, à son apogée (Vers 1918) pratiqué une mise en scène d'une grande sophistication, mais va désormais revoir ses ambitions. Ce film en porte un peu la marque, le metteur en scène n'ayant plus rien à prouver en matière d'élégance, et sans doute a-t-il aussi trouvé, avec sa troupe (Thomas Meighan, Theodore Roberts, Gloria Swanson, Bebe Daniels...) des acteurs sur lesquels se reposer, et un cadre théâtral bien charpenté, qui lui permet d'économiser ses moyens. Ses plans se font plus longs, et l'alternance entre l'intérieur (Bourgeois, bien sur) de la première partie du film, et les extérieurs (Exotiques, comme il se doit) de la deuxième, lui font élargir le cadre, et on peut remarquer qu'il se concentre beaucoup moins sur le détail dans la deuxième heure, et laisse le soin aux acteurs d'exprimer l'essentiel. Désormais sa chez lui, la composition se fera plus statique.

 

Parmi les constantes de l'oeuvre, nombreuses dans ce film, on notera une de ces fameuses scènes de bain, systématiquement associé à la classe sociale de l'héroïne (Une armée de bonnes s'occupe de Swanson ici-ne serait-ce que pour la cacher à notre regard; on retrouvera d'ailleurs une scène semblable dans la Princesse aux huitres de Lubitsch) ainsi qu'à la futilité féminine, souvent évoquée dans ses comédies.

L'histoire du film est connue, qui procède de deux thêmes: d'une part, une étude satirique des moeurs de la Haute société, vue du point de vue d'un domestique dévoué et moraliste, qui prend une tournure inattendue lorsque ce petit monde fait naufrage et que le valet, de par ses capacités, devient littéralement le roi. D'autre part, l'émergence d'une histoire d'amour entre la maitresse et son domestique revient au thême déja exploré des rapports inter-classes, ce qui nous renvoie à The golden chance. Cet aspect du film permet la scène la plus célèbre du film lorsque Meighan et Swanson se voient transportés à l'antiquité, et que l'on assiste eberlués à des visions d'un kitsch retentissant, incluant une Gloria jetée aux lions, avec une vraie Swanson et un vrai lion(Elle en parlait encore 60 ans plus tard, avec une certaine émotion); comme de juste, cette dernière scène, qui nous rappelle les métaphores malencontreuses de Don't change your husband, est restée la plus célèbre du film, et est certainement un sommet en matière de ridicule : une vraie faute de goût, qui préfigure aussi bien les orgies déplacées de Manslaughter que l'ensemble des films antiques de l'auteur. Mais le reste, distrayant et spirituel, est un beau moment de cinéma muet, léger,avec un coté "rêve éveillé" qui en fait un lointain cousin des futurs courts de Buster Keaton, avec ce voyage dans les îles, plus burlesque que satirique, et les scènes dans laquelle les enfants de bonne famille, vêtus de peaux de bêtes, se soumettent de façon presque masochiste au bon vouloir de leur domestique apportent un coté bouffon à l'ensemble, qui contraste avec la gravité du retour final à la civilisation.

 

En bref, voici une oeuvre finalement assez étrange, mais attachante, qui est d'autant plus représentative de la carrière de DeMille que, outre les aspects repris de l'oeuvre antérieure, le metteur en scène y fait allusion à son Squaw man: prenant acte du fait que leur amour est impossible, Crichton et sa maitresse se séparent: elle va rester en Angleterre et lui va épouser la bonne, et immigrer vers les Etats-Unis, ou ils vont trouver le bonheur en achetant un ranch: DeMille cite ouvertement des plans de son premier film (Dont il a fait un remake en 1918) dont il reprend la composition, et en reprend également le sens, terminant ainsi le film sur une comparaison entre le vieux monde et l'ancien, qui tourne bien évidemment à l'avantage de l'Amérique, le seul pays ou Crichton peut être lui-même. Autre écho de l'oeuvre, certains thêmes de ce film seront repris dans le mineur (Mais très distrayant) Four frightened people de 1933. Male and female est donc assez clairement une vraie synthèse de l'oeuvre de son auteur.

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1919 *
9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 18:23

Sorti quelques mois à peine après Old Wives for new, ce nouveau film du cycle de comédies est un véritable chef d'oeuvre, constammant réjouissant. Il est à l'origine de tout un pan glorieux du cinéma Américain, et on pourrait sans aucun doute évoquer des cousinages stylistiques et thématiques avec les oeuvres de Lois Weber (Too wise wives, en 1921), Stroheim (Foolish wives, 1922 mais aussi l'utilisation du détail, le sens des objets et la mise en oeuvre des signes dans tous ses films) ou bien sur Lubitsch (The Marriage circle, 1924, pour ne citer que celui-ci). L'un des grands atouts de ce nouveau film, c'est bien sur l'inversion par rapport au précédent qui se focalisait sur un héros. C'est non seulement une femme qui est au centre du film, mais qui plus est, elle est incarnée par Gloria Swanson, qui prète son expressivité géniale, en particulier, à une batterie de gros plans ravageurs qui ne rompent jamais le rythme de l'ensemble.

 

Au couple du film précédent se substitue un nouveau mariage dont l'épouse déplore le ronronnement, surtout lorsqu'à la faveur d'une soirée elle peut comparer son mari (Eliott Dexter, de retour) avec un bellâtre. Elle finit par demander le divorce, et découvrira chez son nouveau galant des défauts encore pires que ceux de son ex-mari, celui-ci profitant de la séparation pour changer et se réformer. Par dessus le marché, son nouveau mari la trompe, et elle reviendra vers son mari, et ils vivront bien sur très heureux. Les échos de Old Wives sont légion, mais on pourrait citer les acteurs (Sylvia Ashton métamorphosée, Elliott Dexter bien sur, Theodore Roberts, et la jolie Julia Faye, dans un role secondaire révélateur pour les principaux protagonistes), l'environnement des héros, qui sont une fois de plus (Il faudra s'y habituer...) des bourgeois aisés aux professions libérales évoluant dans des maisons luxueuses, et une obsession des détails qui ancrent l'histoire dans la réalité contemporaine; l'un des plus frappants est l'utilisation de gramophones, paradoxaux pour un film muet, permettant à la caméra d'enregistrer les étiquettes des disques qu'écoutent les protagonistes, mélodies d'époque bien sur mais surtout miroirs des situations dans lesquelles ils évoluent; autres détails, la façon dont Gloria Swanson compare ses maris, détaillant les qualités du nouveau, et les défauts du précédent (Les chaussures élimées de l'un, les bottines flambant neuves de l'autre; les mauvais cigares de l'un contre le fume-cigarettes de l'autre, etc...); à ces réemplois et variations stylistiques, viennent s'ajouter des échos internes au film, cohérents et très lisibles, qui utilisent les gags de l'histoire de façon dynamique: ainsi, un détail récurrent et trivial peut-il prendre un relief inattendu: l'obsession de son mari pour les oignons empêche à un moment l'héroïne de l'embrasser, mais chez son nouveau mari, c'est l'odeur de l'alcool qu'elle décèle. Ces deux anecdotes, l'une et l'autre déterminantes, sont racontées strictement par les images. Nous sommes, déja, un peu chez Lubitsch.


Une innovation presque anodine, ici, aura une intéressante résonnance: lorsque le bellâtre tente de séduire Swanson, il lui fait miroiter des situations qui déclenchent chez elles des visions fantasmatiques; ces visions sont l'une des premières incarnations des obsessions mythologico-biblico-passéistes et érotiques de l'auteur, et on le sait, elles auront une impressionnante descendance... Il reviendra très vites sur ces inserts.
Un aspect inévitable du film, dont il ne me semble pas trop pertinent de se plaindre, est l'incroyable futilité du personnage de Leila (Swanson), qui juge beaucoup sur l'apparence; c'est d'une part typique de l'époque, ou encore de l'impression qu'on se fait des femmes de cette fin de décennie: futile, certes, mais son obsession du paraître va de fait provoquer chez son mari une véritable prise de conscience des liens de tendresse qui les unissent, le véritable sujet à n'en pas douter. De plus, ce désir de se changer selon les désirs de son épouse va lui permettre à plusieurs reprises de faire preuve d'une grande noblesse; par contre, on pourrait épiloguer (Inutilement, mais bon) sans fin sur la dure loi du genre, qui impose à Sylvia Ashton de couler son mariage dans Old Wives for new, alors que Elliott Dexter le sauve dans Don't change your husband. C'est d'autant plus inutile que tout, pour les deux films, est dans le titre. Nous étions donc prévenus.

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1918 *
9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 18:19

Quelques semaines après la complétion de son Whispering Chorus, Cecil B. DeMille s'attelle à cette tache, afin de capitaliser sur l'achat des droits par la Artcraft, et tourne de ce fait l'une des premières comédies de sa série "matrimoniale": des titres cousins, des scénarios dont les rebondissements portent sur l'adultère, le divorce, la séduction, le crime passionnel et la lassitude conjugale; d'autres suivront: Why change your wife, Don't change your husband...

 
Le thême de l'échange, contenu dans le titre, explicite en fait le parcours du film, dans lequel un homme las de son épouse (Qui a bien changé depuis sa prime jeunesse, désormais incarnée par Sylvia Ashton, la future Momma Sieppe de Greed, et qui force la dose de façon burlesque en abominable souillon obèse) va progressivement réussir à utiliser les circonstances pour obtenir un divorce, en utilisant les frasques extra-conjugales d'un ami, et finira par épouser une frêle et tendre jeune femme, qui plus est vertueuse. Le film fit un peu scandale en son temps, il faut dire que DeMille a forcé la dose, depuis le mari qui séduit effrontément une jeune femme rencontrée par hasard, encouragé par son propre fils, jusqu'à une séquence de boite de nuit dans laquelle un vieux beau qui a déja plusieurs conquêtes à sa table répond favorablement aux avances d'une dame d'une autre table, plutot ouvertement délurée, et qui l'invitera directement chez elle sans se faire désirer trop longtemps. Le tout est enrobé d'un parfum de comédie élégante, qui en fait le pendant satirique des grands mélodrames bourgeois de l'auteur.


Le film a été tourné rapidement, mais de ce tournage découle un rhythme assez trépidant. De fait, l'efficacité prime, pour un ensemble qui n'ennuie jamais, et dont les ruptures de tons sont remarquables. Comédie oblige, le montage est plus haché, plus nerveux, et bien sur les acteurs sont un rien moins subtils. Par rapport aux films ultérieurs, les acteurs sont moins notables, plus anonymes, par opposition aux Swanson, Meighan, Daniels... des films qui suivront; néanmoins on retrouvera ici avec plaisir, outre Sylvia Ashton, Elliott Dexter (Déja dans The Whispering Chorus), Gustav Von Seyffertitz, l'un des fréquents seconds role du muet, confiné aux roles de traitre, et qui joue un secrétaire avide (Et prêt à tout, je n'en dis pas plus), et bien sur l'inamovible Theodore Roberts est déja là. Le petit monde de Cecil B. DeMille est complété par l'inévitable Jeanie McPherson, dont le role de narratrice se fait ici plus neutre contrairement à sa tendance à envahir les intertitres de Whispering Chorus. Bref, ce film est constamment une bonne surprise, qui donne envie de revoir tout le cycle des comédies du mariage de l'auteur...

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1918 *
9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 18:15

Chaplin estimait que Demille parvenait à maturité avec ce film, une étonnante production dans laquelle le metteur en scène explore une nouvelle fois le drame bourgeois, exploitant le thème de la déchéance et ses ramifications sur la famille d'un héros et son entourage, mais cette fois-ci, il en profite pour expérimenter avec la surimpression, de façon très appuyée.

Un homme frustré par sa médiocrité trafique les comptes de sa société pour offrir une vie plus décente à sa femme. Pris par le remords (Et par crainte des suites judiciaires) il s'enfuit, et réussit par une machination à se faire passer pour mort, assassiné. Et comme nous sommes dans un mélodrame, il sera accusé de son propre meurtre, mettant en danger, s'il fait éclater la vérité, le bonheur de sa '"veuve", remariée. Le titre Français, Le rachat suprême, met l'accent sur le dilemme du héros. Une constante de ce film est la matérialisation des pensées, de la conscience et des graves questions que se posent les personnages par des surimpressions très travaillées et traitée avec une grande attention. Nous sommes en 1918, et les films suédois (Korkarlen de Sjöström) ou Allemands, friands de ces techniques, n'ont pas encore eu leur influence fantastique; du reste, pas de monstres, et à peine un fantome dans ce film, qui rappelle une fois de plus les films russes de Bauer par son esthétique bourgeoise faite d'une reconstitution minutieuse des décors et des toilettes, et de la représentation de la conscience du héros(le "choeur chuchotant" du titre). Une autre utilisation de la surimpression permet à DeMille d'économiser les plans, représentant l'héroïne comprenant sa situation, sa bigamie, et la menace qui pèse sur l'enfant qu'elle attend, le tout grâce à des images qui gravitent autour d'elle; on anticipe sur la vision des 7 péchés capitaux quittant le corps de Madeleine dans King of Kings (1927), et le résultat, en un seul plan, est efficace.


Le film a bien sur vieilli par son sujet et la sempiternelle représentation d'une bourgeoisie en décadence; Mais, comme dans les trois films précédemment évoqués, le jeu des acteurs (Raymond Hatton, Elliot Dexter, et la troupe habituelle de DeMille), la photographie (Alvin Wyckoff), les décors et costumes déjà mentionnés sont tous excellents. Le sens de l'économie et la rigueur du montage permettent une foie de plus d'aller directement à l'essentiel. Une nouveauté, annonciatrice de cieux plus lourds, en revanche: le symbolisme de la conscience du héros, systématiquement visualisée par ce "Whispering Chorus", n'est déjà pas en soi terriblement heureux, mais de surcroît il autorise DeMille et Jeanie McPherson à user du commentaire d'auteur sur la situation, une constante irritante de leurs films ultérieurs, et une des sales manies les plus ennuyeuses des films contemporains de Griffith.

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1918 *
31 décembre 2010 5 31 /12 /décembre /2010 10:58

 

  

Situé entre les débuts westerniens de DeMille et la consécration de The Cheat, Carmen (Scénarisé par le grand frère, William C.) est un film de prestige, l’une de ces œuvres qui ont contribué à établir la réputation du metteur en scène et celle de la Paramount. De plus, le rôle titre est joué par Geraldine Farrar, la première star DeMillienne. La présence d’une cantatrice dans un film muet, à plus forte raison inspiré de l’art lyrique peut faire sourire aujourd’hui, mais en fondant leurs films de prestige sur la personnalité très « médiatique », comme on ne disait pas encore, de Geraldine Farrar, le metteur en scène et le studio pouvaient attirer les spectateurs et rivaliser avec la Fox, qui lançait Theda Bara à l’époque, tout en basant leur star sur des éléments plus sérieux que le flou artistique qui présidait à la vie publique de la star de Cleopatra. D’ailleurs, Bara a joué dans un Carmen (Raoul Walsh) à la même époque, ce qui tendrait à prouver qu’il n’y a rien de farfelu à imaginer une rude concurrence entre les deux firmes…

 

Sur l’argument du film, il faut sans doute rappeler que, contrairement à Feyder qui en 1926, basera son Carmen sur la nouvelle de Mérimée et portera ses efforts sur la dimension romanesque et épique de l’anecdote, DeMille (Et sans doute Walsh, dont le film apparemment perdu créditait toutefois la nouvelle sans référence à l’œuvre de Bizet) choisit de flatter le public populaire et de broder autour de Bizet. De fait, son film va au plus court et, en 56 minutes (Dans la copie visionnée) accumule autant de péripéties et de morceaux de bravoures, incluant tous ceux que l’on attend. Le résultat est constamment plaisant à défaut d’être génial, et par quelques fulgurances, le metteur en scène se rappelle à notre bon souvenir: le cadre est toujours parfaitement composé, et la Paramount n’a pas lésiné sur les moyens pour le remplir; la topographie californienne sert habilement de cadre à cette histoire de dupes, de gendarmes et de voleurs, et toux ceux (Et nous sommes certainement nombreux) qui ont vu la parodie de Chaplin tournée dans la foulée, retrouveront avec plaisir les mêmes falaises dans le décor, avec quasiment les mêmes voleurs dans le cadre… Certaines scènes-clé semblent hélas bâclées, le réalisateur cédant à mon sens à la tentation de laisser les plans parler d’eux-mêmes, et d’illustrer plus que d’interpréter, ce qui débouche sur un manque d’implication. Un peu de montage n’aurait pas nui à la fameuse bagarre entre cigarières par exemple; mais dans l’ensemble, le film est d’une grande clarté, et il y a des moments vraiment inspirés: le choix de cadrer Geraldine Farrar et Wallace Reid (Don José, moins drôle que le Don Hosiery de Chaplin, hélas) dans des plans assez rapprochés permet à DeMille de favoriser ses stars (Famous Players in Famous Plays, disait le slogan de la Paramount) et de construire une tension jusqu'au meurtre final, filmé à l’économie (Deux plans) mais parfaitement efficace: José lève son couteau, et DeMille coupe sur un gros plan de Miss Farrar, dont le rictus nous apprend que le coup a porté… Les deux amants, visage grimaçant, se détachent parfaitement sur un fond noir... Quant au jeu des acteurs, il n’est ni pire ni meilleur que ce que l’on peut imaginer, d’autant que ce film fait partie de la série des « grands sujets » (Joan the Woman, The Ten Commandments…) dont on peut penser que le metteur en scène préférait les mettre en scène de façon ample voire pompière, gardant la plus grande subtilité pour ses films plus intimistes. Cela aura des effets un peu embarrassants sur Joan, par exemple, mais ici, les péripéties se succèdent à un rythme suffisamment soutenu pour que cela passe tout seul.

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Published by Allen john - dans Muet Cecil B. DeMille 1915 *