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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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28 juillet 2017 5 28 /07 /juillet /2017 16:37

Blood and sand, de Fred Niblo, est sorti en août 1922. Après The Sheik, c'est le deuxième film avec lequel Rudolf Valentino a fait décrocher la timbale à la compagnie Paramount... Un succès considérable, pour un film qui divise jusqu'à aujourd'hui, entre les tenants d'un esprit "camp", qui se refusent à prendre ces histoires de toreador au sérieux, et prennent du bon temps avec un tel film, et les cinéphiles plus exigeants, qui considèrent ce film comme un navet de la pire espèce. Vous remarquerez que j'écarte d'emblée l'idée qu'on puisse prendre le film au sérieux, et l'aimer pour ses qualités de narration et d'interprétation: tout simplement parce que c'est impossible.

Et ça l'était déjà pour Stan Laurel et ses amis de Amalgamated Pictures en 1922: ce film sorti en novembre 1922 rassemble sous un titre aussi explicite que possible un certain nombre de scènes qui parodient le long métrage de Niblo avec un humour qui s'embarrasse de peu de subtilité ou de délicatesse: après tout l'original non plus ne faisait pas dans la dentelle...

Stan Laurel est donc Don Rhubarb Vaselino, un jeune Espagnol féru de corrida, qui va se marier avec la jolie Caramel (Julie Leonard), mais ensuite tomber entre les griffes de la vamp Filet de Sole (Leona Anderson), ce qui lui sera fatal. Une scène parodie l'inévitable danse de Rudolf Valentino, Laurel ayant pour partenaire son épouse Mae. Autre passage obligé des films de Valentino, la séance de déshabillage et habillage, qui là encore a inspiré la joyeuse bande de gagmen.

C'est joyeux, idiot, et surprenant par la longueur du film: c'est l'unique fois dans cette série de courts métrages que Laurel sera en vedette d'un film de plus de deux bobines. Il existe d'ailleurs des versions raccourcies de ce titre, mais tant qu'à faire, il faut le voir in extenso, dans sa version de 29 minutes. Petite recommandation pour finir: fuyez la version de 39 mn sur Youtube: elle a été passée à 18 images par seconde, et se traîne lamentablement. Le film est drôle et sans prétention aucune, mais il nécessite qu'on le respecte un peu... Par contre, au risque de surprendre, voici à ma connaissance l'unique film dans lequel on passera outre le destin du taureau dans ce sport répugnant qu'est la tauromachie: car en dépit d'une scène dans laquelle il envoie valser les animaux, ce Don Rhubarb Vaselino me paraît bien inoffensif dans l'arène...

Un dernier détail qui tempère un peu l'impression que cette parodie soit meilleure que l'original: on connait la tendance très implantée des comédies muettes pour jouer sur les stéréotypes les plus lourds. Dans ce film situé en Espagne, il y a plusieurs scènes qui jouent sur les clichés des... Italiens. La consommation massive d'ail et de tomates, à laquelle Vaselino fait allusion en parlant à sa maman, ou encore le fait que dans la taverne où dansent le couple Laurel, on mange manifestement des Spaghetti con polpette... C'est gênant, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Laurel & Hardy 1922 *
19 juillet 2017 3 19 /07 /juillet /2017 17:01

Musidora est tellement associée à son rôle d'Irma Vep dans Les Vampires de Feuillade, ou à l'inquiétante Diana Monti de Judex, qu'on a tendance à ignorer la foule de choses que cet impressionnant petit bout de bonne femme a fait durant les années 10 et 20. Et bien sur, là ou on n'attend pas vraiment une femme parce que les hommes sont stupides, elle a réalisé des films. Et pas qu'un peu... Mais pas beaucoup sont arrivés jusqu'à nous. Dans les années 10, l'essentiel de ses réalisations s'est fait dans l'ombre de Feuillade, sous la tutelle de Gaumont. Mais dans les années 20, la jeune femme décidément indépendante a laissé sa propre curiosité prendre le dessus, et s'est intéressée à l'Espagne... C'est là qu'elle a tourné ce film également connu sous le nom de L'Espanola, un mélodrame d'un peu moins d'une heure dans lequel elle interprète deux rôles, amoureuses d'un seul et même homme.

Juana est une modeste serveuse dans une auberge d'Andalousie, et elle aime une gloire locale, un torero. Mais un jour, celui-ci s'intéresse à une jeune femme de passage, une étrangère. La jalousie que manifeste Juana passe par de nombreux appels au secours, et la jeune femme se met en danger, allant jusqu'à provoquer un taureau. Mais en baissant sa garde, le torero aussi se met en danger... Et un jour, dans l'arène, c'est le taureau qui gagne... Le règlement de comptes qui s'ensuit sera sanglant...

Le romantisme noir qui imprègne le film est semble-t-il un reflet de l'atmosphère qui régnait sur le plateau, Musidora était en effet tombée amoureuse de son consultant es-taureau, ce qui lui a inspiré de mettre beaucoup d'accent sur cette activité dont je ne me lasse pas de dire qu'elle ne me satisfait que quand l'humain est massacré. Mais revenons à nos moutons... Le film est surprenant non seulement par sa brièveté qui le rend plus noir encore, mais aussi par le brio avec lequel Musidora interprète une femme et son contraire, le soleil blond et factice d'une étrangère de passage, et la douleur sombre d'une femme aux cheveux noirs comme la mort, fière comme pas deux. Et la réalisatrice sait le pouvoir vénéneux de son visage, et sa caméra ne s'éloigne guère des expressions de ces protagonistes, obtenant une tension dramatique impressionnante.

Bref, voilà une redécouverte qui s'impose.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Musidora
21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 09:30

Il semble qu'après 1920, la carrière de Maurice Tourneur ait connu des revers sérieux. D'abord, Zukor et la Paramount ont refusé d'exploiter son film The glory of love, qui sortira finalement sous l'égide d'un obscur distributeur, et sous un nouveau nom en 1923: While Paris sleeps; il semblerait que ce film, le troisième et dernier avec Lon Chaney, ait disparu. Le froid avec Paramount résulta dans la fuite de Tourneur qui allait recommencer à tourner pour plusieurs studios, mais on le sait avec les carrières fluctuantes de gens comme Neilan et Stroheim, les années vingt n'étaient pas une période rose pour les metteurs en scène épris d'indépendance. Lorna Doone, réalisé pour Ince et distribué par la compagnie First National, au milieu de tout cela, ressemble à une survivance de la décennie précédente dans bien des domaines.

Le film peine pourtant à dépasser sa beauté plastique le charme de ses scènes: j'y ai vu des images sublimes, comme dans les autres, mais je me suis ennuyé. L'histoire, adapté d'un classique, concerne le destin presque tragique de Lorna (Madge Bellamy), jeune fille de la noblesse recueillie par des brigands infâmes, la famille Doone. Pourtant elle va réellement être épargnée, et devenir la fille adoptive du "seigneur" des lieux, Ensor Doone. Plusieurs années après, le passé la rattrape lorsque s'échoue (Littéralement) sur les terres des Doone son ami d'enfance (John Bowers), et entre les deux tourtereaux l'amour va bientôt naître, malgré la menace représentée par ces malfrats de Doone, tous plus dangereux les uns que les autres.

Tourneur reconstitue l'Angleterre du 18e siècle en Californie, et s'offre des compositions impeccables, un recours discret mais décisif aux ombres, et à l'occasion se fend de mises en scènes spectaculaires: le baptème d'un prince, une bagarre généralisée, en particulier, sont notables.

Le film, pourtant, manque de rythme, et en dépit des intérieurs délicatement illuminés, de la façon dont Tourneur place encore ses personnages au coeur de la nature, c'est un joli film qui tourne un peu à vide. Madge Bellamy est bien jolie, mais elle n'insuffle pas à son rôle l'énergie qu'avait, disons, Barbara Bedford dans The last of the mohicans, ou la profondeur presque vécue de Seena Owen dans Victory. Le reste de la carrière de Tourneur, qui continuera à tenter de rester indépendant, mais finira par claquer la porte des studios Américains après un désaccord sur le plateau de The mysterious Island à la MGM, tendrait à confirmer l'impression que, décidément, le metteur en scène a fait son temps...

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Published by François Massarelli - dans Maurice Tourneur Muet Thomas Ince 1922 *
14 mai 2016 6 14 /05 /mai /2016 15:49

Inspiré par la pièce de William Gillette, déjà adaptée à l'écran en 1916 dans un film Essanay, ce film fait bien sur suite au succès énorme de Dr Jekyll and Mr Hyde, le triomphe de Barrymore en 1920 réalisé par John Stuart Robertson pour Paramount. C'est cette fois une production Goldwyn, et l'équipe a eu les coudées franches... D'autant que le studio battait sérieusement de l'aile, 18 mois avant son rachat par Metro. Albert Parker s'est déjà illustré auprès de la royauté Hollywoodienne, puisque il a tourné aussi bien avec Douglas Fairbanks qu'avec Mary Pickford, et le casting nous réserve une jolie surprise avec l'apparition de Carol Dempster dans un rôle plus qu'improbable: elle joue la femme dont Holmes tombe amoureux...

Etudiant à Cambridge, Sherlock Holmes (John Barrymore) résout sa première affaire: il s'agit d'une sombre intrigue autour du prince héritier d'un pays Germanique, le Prince Alexis (Reginald Denny). Celui-ci est soupçonné d'un vol, mais le véritable voleur n'est autre que le sinistre professeur Moriarty (Gustav Von Seyffertitz). A l'occasion de cette affaire, Holmes a rencontré son alter ego, le jeune et brillant Docteur Watson (Roland Young). Quelques années ont passé, et le détective recroise le prince. Celui-ci fait face à une odieuse affaire de chantage, à nouveau orchestrée par Moriarty, qui s'est approprié les lettres du prince à son ancienne fiancée, depuis décédée, par le biais de la soeur de celle-ci, Alice Faulkner (Carol Dempster). L'affaire intéresse d'autant plus Holmes qu'il a croisé les pas de la jeune femme, et ne s'en est jamais remis...

Ainsi, la preuve est faite: on peut prendre un acteur doué, l'entourer avec d'autres acteurs compétents, un sujet en or, un metteur en scène très capable avec un goût évident pour la composition faite d'ombre et de lumière, un studio qui vous laisse carte blanche, des décors intelligemment composés, des stock-shots de Londres parfaitement appropriés, et... Faire un film assez ennuyeux, bien que deux futurs acteurs géniaux y débutent: Roland Young, et surtout William Powell. Même sans moustache, même sans verre à la main, on a reconnu l'impayable Nick Charles. Rendez-vous manqué, donc, même si décidément on finit par penser que cette pièce adaptée de Holmes n'était pas une bonne source pour le cinéma. Contrairement à...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet John Barrymore 1922 Sherlock Holmes Reginald Denny ** William Powell
1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 18:55

Quand on pense à Olcott, ce qui viet à l'esprit, c'est bien sûr ce pionnier qui tourne un monumental Ben-Hur en 1907, qui dure toute une bobine: 15 minutes! Ou encore le film religieux From the Manger to the cross, tourné en Palestine en 1912, et qui est l'un des premiers longs métrages Américains. Ou bien pour finir, les films tournés en Irlande par la Kalem qu'il dirigeait (The lad from old Ireland), et qui tentèrent de créer dès 1910 un cinéma Irlandais fait de traditions et de folklore, à l'abri du voisin Britannique encombrant. Bref, on ne pense pas aux années 20, car le monsieur était là avant Griffith. C'est au mieux un ancêtre...

Sans aller jusqu'à crier au génie, il faut donc voir ce beau petit film, tourné un peu à l'écart des studios (Même si Olcott y reviendra jusqu'à sa retraite en 1928). Il est consacré à une intrigue assez proche de certains mélodrames, et centré sur deux enfants. Ils fuient la misère de leur famille adoptive qui ne veut plus d'eux et s'en vont à la recherche d'un hâvre de paix dans la campagne de Nouvelle-Angleterre. Ils aperçoivent une maison qui leur semble idéale, où vit une femme âgée. Celle-ci, qui vit dans le souvenir d'un drame familial, n'est pas disposée à se laisser séduire, mais les amis et voisins vont essayer de temporiser afin de donner une chance aux deux enfants...

On est dans un univers qui serait situé entre Way down east (Vivia Ogden joue d'ailleurs dans Timothy's quest, à peu près le même rôle que dans ce long métrage de Griffith), sans l'intrigue "adulte", et Sparrows, sans l'horreur sous-jacente. Cinéaste vétéran, Olcott n'est pas un manieur de caméra, ni un monteur, c'est en revanche un directeur d'acteurs. Ils sont tous excellents, à commencer par les deux enfants... La copie, hélas, est clairement incomplète, laissant quelques zones d'ombre sur des événements passés auxquels il est souvent fait allusion. Et on a l'impression qu'Olcott, sans jamais vouloir entrer en compétition avec les réalisateurs des années 20, a su garder l'oeil ouvert... En tout cas, le film vaut la peine d'être vu...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Sidney Olcott **
24 avril 2016 7 24 /04 /avril /2016 19:15

Avec ce film inspiré de Charles Dickens, Lloyd est en terrain connu, ayant déjà tourné des adaptations de l'écrivain Anglais, la plus notable étant bien sur son A tale of two cities de 1918 pour la Fox. Mais cette nouvelle tâche pour la First National est beaucoup plus intéressante, confrontant le metteur en scène Britannique à deux vedettes particulièrement atypiques, en plus d'un casting absolument irréprochable. En effet, cet Oliver Twist est un "véhicule", comme on disait alors, pour Jackie Coogan, révélé l'année précédente par Chaplin dans The Kid, et que la First National souhaitait exploiter dans une série de films de qualité avec des histoires qui pourraient être vues par toute la famille. Pour l'épauler, il fallait bien sur un acteur capable de reprendre le rôle du méchant par excellence, l'odieux Fagin, aussi bien dans le jeu que dans le physique. Et bien sur, c'est Lon Chaney qui s'y colle...

On suit donc en 74 minutes les aventures d'Oliver Twist, né dans des circonstances douteuses d'une mère qui n'a pas survécu à l'accouchement, puis élevé dans des circonstances abominables dans une institution qui exploite plus les pauvres qu'elle ne leur offre une vie décente. Puis, l'apprentissage auprès d'un croque-mort avec des préjugés tels contre son employé qu'il ne voit pas à quel point le gamin est la victime de tous ceux qui' l'entourent, et enfin l'arrivée à la grande ville d'Oliver qui s'est enfui, et qui se retrouve confronté à deux mondes: celui du crime qui semble être la destinée de tous les destitués, et l'autre, celui de la bourgeoisie, vers la quelle aussi bien le hasard que la vérité de sa naissance le poussent...

Les décors sont superbes, la photographie de Glen McWilliams aussi: souvent nocturne, elle profite à fond des textures présentes, le bois des poutres, les briques, les fumées... C'est de l'excellent cinéma de studio, arrivé à son apogée. Lloyd, on le connaît, ne va pas s'amuser à changer Dickens, et il livre un film au scénario aussi direct, linéaire et chronologique que possible, en profitant au maximum de sa star de 8 ans, qui se livre physiquement et avec déjà un solide métier. Il a eu, il est vrai, un excellent professeur... Autour de Jackie, on reconnaîtra bien sur le grand George Siegmann, qui fait un costaud des plus convaincants, la grande Gladys Brockwell, qui jouait si souvent les femmes déchues, et qui trouve un de ses plus beaux rôles avec Nancy, la prostituée au grand coeur. ...Et puis il y a Chaney.

C'est un de ses grands rôles, mais il y a parfois une confusion de nos jours: il ne fait hélas pas imaginer que Chaney ait été ici en quelque façon la star. Il était encore, après tout, un acteur de composition qui, étant sans contrat, passait d'une compagnie à l'autre au gré des apparitions. Pour un Blizzard (The penalty, 1920), combien de Fagin, combien de rôles mémorables certes, mais de second plan? Il fallait attendre The hunchback of Notre-Dame (1923), puis surtout The phantom of the opera (1925) pour qu'il devienne enfin une valeur sure. En attendant, son Fagin est splendide, veule à souhait, totalement convaincant en professeur du crime et décidément très ambigu, l'acteur ayant eu en plus le bon goût de débarrasser le personnage de tout ce qui renvoyait au judaïsme selon Dickens.

Que le film soit une adaptation sage mais réussie, dans l'ombre de Griffith auquel Lloyd fait souvent penser ici, c'est indéniable. C'était une oeuvre de prestige qui a parfaitement rempli son contrat, mais pour un travail d'illustration, c'est plus que joliment fait...C'est 'un des meilleurs films muets de son auteur, qui en était fier jusqu'à la fin de sa vie.

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Published by François Massarelli - dans Lon Chaney Frank Lloyd Muet 1922 *
11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 09:21

Ce film possède un atout embarrassant: Clara Bow. Je m'explique: la jeune apprentie actrice, qui venait de débuter dans un long métrage, dont l'intégralité de ses scènes avaient été coupées au montage, revenait donc à la charge à la faveur de cette production indépendante, largement financée par des dons locaux, dédiée à une vision romanesque d'un métier, celui des chasseurs de baleines en nouvelle-Angleterre. Bien sur, Clara Bow ne chassait pas la baleine, mais son personnage était inséré dans l'intrigue mélodramatique du film, parce qu'en 1922 comme en 2016, on ne fait pas un film dramatique avec des prises de vues documentaires, aussi réussies soient-elles. Et du coup, aujourd'hui, l'aspirante actrice, qui s'en tire d'ailleurs fort bien dans son rôle de petite peste empêcheuse de tourner en rond, est devenue le principal argument de vente de ce digne représentant d'un monde finalement assez peu connu: les productions indépendantes à l'époque du muet. Les grands studios et leurs héritiers, les fox, MGM, Warner, Paramount, ont tous eu la possibilité de faire connaitre, de ressortir voire de préserver leur production. Mais les petits? Pour en revenir une bonne fois pour toutes à Clara Bow, clarifions: oui, c'est le premier rôle significatif de la future "It" girl au cinéma, mais non, inutile d'y chercher son style, sa coiffure, son dynamisme espiègle mais annonciateur d'une vie intérieure débordante et sensuelle. Ici, pour un second rôle et pas plus, Clara Bow est essentiellement une petite peste à la Griffith, un de ces seconds rôles féminins dont la fonction est d'embêter le plus possible les rôles principaux, tout en se mettant convenablement en danger de temps à autre, afin de faire rebondir les péripéties... Inutile donc d'y chercher le quelconques prémices d'une carrière de premier plan...

Je viens de mentionner Griffith: comment faire autrement? Elmer Clifton était son assistant, nu vrai (On sait que tout ce qui portait casquette, mégaphone et bandes molletières dans les années 20 se présentait comme l'un des assistants du maître sur The Birth of a nation, de Stroheim à Browning en passant par Ford, mais d'authentiques assistants, sur la durée, Griffith n'en a pas eu autant. Clifton, lui, a bien occupé ce poste, de 1915 à 1920, sur trois films: The Birth of a nation, Intolerance (Dans lequel en prime il jouait un rôle significatif, celui du Rhapsode amoureux de Constance Talmadge) et Way down East (dont il a d'ailleurs été amené à tourner lui -même certaines scènes, tout en doublant Richard Barthelmess dans les séquences fameuses de la fonte des glaces). Il a aussi tourné un certain nombre de longs métrages dans les années 10, le plus souvent issus de la production secondaire de Griffith. Aucun de ses films ne se distingue particulièrement, à part celui-ci, mais je me suis amusé à chercher des éléments sur lui sur internet, et je suis tombé (Sur Wikipédia, certes) sur cette phrase: "He was the first filmmaker to discover the talents of Clara Bow, whom he cast in Down to the sea in ships released on March 4,1923." ...Clairement, on tourne en rond. Heureusement, l'article précise aussi "The independently produced film was well reviewed for its visual authenticity.", ce qui est plus intéressant; car oui, le film de Clifton avait bien cette réputation d'authenticité visuelle. C'est probablement le seul de ses films a pouvoir être vu aujourd'hui, profitons-en donc!

Située en Nouvelle-Angleterre donc, à New Bedford dans le Massachussetts, l'intrigue de Down to the sea in ships conte les aventures de quelques individus engagés dans et autour de la chasse à la baleine, au sein d'une communauté Quaker. Le père Morgan (William Walcott), un ancien baleinier reconverti en propriétaire d'une flottille, et principal employeur de la communauté, souhaite marier sa fille unique Patience (Marguerite Courtot) à un homme du même métier (Et quaker de surcroît), mais elle rêve quant à elle de retrouver le petit garçon qui jouait avec elle, enfant, et qui est depuis parti vers la grande ville. Si Patience est l'enfant unique, c'est parce que son frère aîné a disparu lors d'un naufrage en compagnie de son épouse. Seule leur fille Dot (Clara Bow) a survécu, une adorable petite peste qui a clairement a bougeotte. Visant à mettre la main sur les bateaux, deux fripouilles vont s'immiscer dans les affaires de Morgan: Finner, va essayer de provoquer une mutinerie sur un bateau, pendant que Siggs va essayer d'amadouer le vieux Morgan en se faisant passer pour un ancien baleinier et quaker. Mais Allan Dexter (Raymond McKee), l'ancien compagnon de jeux, revient au pays, bien décidé à revoir celle à laquelle il a pensé tout ce temps. Il a deux problèmes: bien qu'aisé et en bonne santé, il n'est ni quaker, ni baleinier. Devant le refus de Morgan, qui préfère promettre sa fille à l'infâme Siggs, Dexter se fait employer sur un bateau, décidé à devenir harponneur sur le tas... La chasse va être riche en péripéties, d'autant que pour suivre un jeune marin dont elle s'est entichée, Dot est elle aussi passagère clandestine sur le même baleinier...

Beaucoup de personnages, tous présentés durant les quinze premières minutes. Le film prend ses précautions pour installer suffisamment de drames, de mélodrames, d'enjeux et de coups de théâtres potentiels, pour être sur de capter son audience. Toutes ces conventions mélodramatiques fonctionnent très bien, et sont mises en scène avec goût, d'autant que les deux chef-opérateurs ont su tirer parti efficacement d'un tournage essentiellement en décors naturels. Sans parler des scènes prises en mer bien entendu, la photogénie naturelle de a Nouvelle Angleterre, la beauté des bateaux de la deuxième moitié du XIXe siècle sont très bien rendues, et certaines scènes nocturnes sont très réussies. La communauté Quaker est fort bien documentée, avec un certain respect également, ce qui est remarquable, puisque en même temps, Clifton se sert dramatiquement de la rigueur de l'obédience pour servir le mélodrame. De l'école Griffith, le metteur en scène retient le sens du détail documentaire, qui le pousse à saupoudrer d'informations annexes son film, mais sans les gros sabots de l'auteur Griffith, qui ne résistait pas à une occasion de se faire mousser (Voir à ce titre les mentions hors-sujet sur les Bolcheviks dans Orphans of the storm, par exemple...). Mais dans cette production qui exalte l'histoire locale de la Nouvelle-Angleterre, l'essentiel du film consiste bien sur en ces images prises sur le vif en pleine mer, durant lesquelles d'innocents mammifères se font d'ailleurs authentiquement massacrer (Il n'y en aura que trois, deux baleines et un dauphin, dans le film, mais c'est après tout bien suffisant). Elles sont fascinantes, dynamiques, et Raymond McKee et d'autres acteurs paient vraiment de leur personne. le montage en est très serré, et près de cent ans après leur tournage ces séquences gardent leur pouvoir intact...

Maintenant, je parlais il y a quelques instants de conventions, le film en est rempli, et la plus embarrassante, au-delà de la présence de quelques femmes indigènes (On disait probablement des "Indiennes" à l'époque...) semblant plus ou moins réduites en servitude ça et là, mais ce qui n'a rien de surprenant pour une histoire sise en plein XIXe siècle dans le Massachussetts côtier, est bien sur le fait que Siggs, l'infâme bandit qui tente de ravir la charmante héroïne à son papa, afin de mettre main basse sur l'héritage, est en fait... un Jaune! Eh oui, il a dans son patrimoine génétique un soupçon de sang Chinois, donc toute alliance avec la belle dame blanche serait un crime. Pour les Quakers du XIXe, comme pour les spectateurs et censeurs du XXe, bien entendu.

A part Clara Bow, les acteurs de ce film n'ont pas eu une carrière très remarquable, à part peut-être McKee et Coutot, et encore. Les deux acteurs étaient mariés, et l'un, un vétéran de la première guerre mondiale, a eu une carrière en dents de scie de 1915 à 1929 (Son film probablement le plus notable était Three women, de Ernst Lubitsch, dans lequel il avait un pettit rôle, mais il partageait également la vedette avec Lon Chaney dans A blind bargain de Wallace Worsley... aujourd'hui perdu.) Marguerite Courtot, de son côté, a interprété quelques serials jusqu'à 1923. Si l'actrice, cantonnée à un rôle sage de bonne fille qui reste à la maison, ne se distingue pas outre mesure, McKee a une présence très intéressante dans les scènes maritimes, surtout lorsqu'il est harponneur à l'avant d'un canot, en face d'un authentique cachalot de 90 tonnes...

La copie montrée en avant-première en novembre 1922 à New Bedford, Massachussetts, tournage local oblige, durait près de deux heures trente, en douze bobines. Les copies ensuite sorties en distribution nationale avait été réduites à 9 bobines. Certaines scènes (Surtout terrestres, les distributeurs n'étaient pas fous et avaient su repérer dans les scènes maritimes l'essentiel de l'intérêt du film) ont clairement souffert de cette réduction. mais quoi qu'il en soit, ce film survivant garde intacte sa dignité et son importance relative, au-delà de la présence d'une future star.

Down to the sea in ships (Elmer Clifton, 1922)
Down to the sea in ships (Elmer Clifton, 1922)
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Published by François Massarelli - dans Muet Clara Bow 1922 *
24 février 2016 3 24 /02 /février /2016 16:43

Voilà une rareté, une vraie! Il s'agit d'un petit film mélodramatique, issu d'une co-production Anglo-Néerlandaise; le film a été tourné dans des décors intéressants, dont un bateau (Du type de ceux, j'imagine, qui faisaient à l'époque la traversée entre la Belgique et la Hollande, et la côte Est de l'Angleterre, via la Mer du nord). Il conte une histoire de cirque, un genre à part entière dont le cinéma muet avait le secret.

Jim est un artiste de cirque, qui a créé une série de numéros liés à l'imagerie du western. IL trouve un empli dans un cirque tenu par une brute épaisse, et va devoir entrer en rivalité avec son patron pour le coeur d'une jeune femme, sa partenaire. mais les deux tourtereaux ne se connaissent-ils pas déjà? et quels secrets inavouables le mystérieux Jim, qui a beaucoup bourlingué, cache-t-il?

Inavouables, inavouables... On ne le sait pas vraiment. Tout au plus le jeune homme a-t-il été mêlé, à son corps d"fendant, dans la mort d'une de ses anciennes partenaires, en Amérique du Sud. mais qu'importe, on est ici en pleine mélodrame! D'ailleurs, c'est assez décevant, en dépit des jolis décors (Qui tranchent un peu sur les décors habituels de ces films. Ici, assez peu de studio... de la débrouille, essentiellement. Le film n'a pas été conservé dans une copie intégrale, il en subsiste un condensé, avec des intertitres Français et Flamands, disponibles grâce à la cinémathèque Eye. Et le principal argument de vente du film reste, bien sur la présence, cinq ans avant Underworld de Sternberg, d'une future vedette Américaine, stationnée alors à Londres: Evelyn Brent. Méconnaissable... N'est pas Sternberg qui veut.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922
20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 10:25

The three must-get-theres est un film étonnant à plus d'un titre; c'est une parodie parfaitement assumée, des Trois mousquetaires d'ailleurs, comme le jeu de mots glorieusement affligeant du titre le laisse comprendre. Une pochade tellement délirante qu'on jurerait qu'elle a été conçue pour le plaisir d'une soirée privée, d'autant que les décors en sont "volés" à Douglas Fairbanks, qui venait de tourner sa version du roman de Dumas. Fairbanks avait de l'humour, il aimait bien Linder, il n'a pas eu à se faire prier trop longtemps pour prêter ses décors et son studio...

Après les deux films Américains précédents (Seven years bad luck et Be my wife), plus sophistiqués, c'est toujours un peu curieux de voir Linder se vautrer dans une telle débauche de gags idiots, mais la plupart sont très inventifs. Beaucoup d'entre eux utilisent un don pour le gag chorégraphié, comme dans Seven years bad luck, et l'observation est souvent mordante. Les clichés et les passages obligés du roman sont soulignés, les anachronismes pleuvent: Linder et son équipe ne font aucun effort pour cacher poteaux et fils électriques, les gardes du Cardinal se déplacent à moto, on utilise le téléphone, etc...

L'ensemble est une inventive pochade qui permet en somme de s'amuser sans pour autant se prendre au sérieux... Mais ce n'est en rien un effort destiné à rire entre amis, le film a vraisemblablement été conçu dès la base comme un film pour le grand public, au vu des moyens, et du casting: Bull Montana, Jobyna Ralston y participent, et le grand Fred Cavens a servi de consultant pour le travail d'escrime... Et certaines séquences ont un pouvoir assez fort, puisqu'il m'est désormais impossible de voir le film de Fairbanks et Niblo sans penser à celui-ci, ce qui tend à détruire un peu l'effet de sérieux...

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Published by François Massarelli - dans Comédie Muet 1922 Max Linder ** Dumas
23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 16:56

Der var eingang, ou Il était une fois, le cinquième film de Dreyer reste probablement l'un de ses moins connus, et forcément, on le comprend d'autant mieux que la moitié en a disparu, et que si la cinémathèque Danoise a procédé à une reconstitution à partir de ce qui reste, elle est tout sauf confortable à regarder: il manque entre autres la fin, et plusieurs passages intermédiaires, qui en rendant le visionnage difficile. C'est d'autant plus dommage qu'il s'agit, à sa façon, d'un film unique dans l'oeuvre: une comédie narrée à la façon d'un conte de fées, en deux parties, dont une sous forte influence du Lubitsch de La princesse aux huîtres, et l'autre plus traditionnelle pour le metteur en scène, tournée en plaine forêt, avec une approche plus naturaliste:

Dans le royaume d'illyria, le roi (Peter Jerndorff) souhaite marier sa fille (Clara Wierth, également connue sous le nom de Clara Pontopiddan) qui ne manque pas de prétendants, mais qui est tellement capricieuse que c'est quasi impossible de la contenter. Elle a une fâcheuse tendance à exiger qu'on pende les princes qui ne lui plaisent pas, et aucun ne lui plait... Arrive alors le prince du Danemark (Svend Metling), qui est rejeté comme les autres, mais qui va user de subtilité: il réussit à trouver un stratagème pour compromettre la jeune femme, qui va le suivre contrainte et forcée, sans l'avoir reconnu, puis vivre avec lui dans une cabane au fond des bois un quotidien auquel elle n'est pas préparée, jusqu'à ce que l'amour fasse son travail.

La première partie est sans doute la plus épargnée par les années, et on apprécie de voir Dreyer, même s'il n'est pas toujours à l'aise, pousser ses acteurs, en particulier Clara Wierth, à l'excentricité et au grotesque. Le film se poursuit avec un stratagème, qui va pousser la jeune femme à voir le monde d'une façon différente et à changer, comme dans Le maître du logis... Le film est une commande, une adaptation d'une pièce un brin nationaliste, qui souhaitait montrer la rigueur et l'humanité dont savent faire preuve es Danois, et cet aspect de conte de fée vient de ce que la pièce était en fait basée sur plusieurs sources, dont Hans Christian Andersen... Et The taming of the Shrew, de Shakespeare.

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer Muet 1922 DFI *