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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 18:35

L'un de ses films muets de long métrage les plus méconnus (Avec For Heaven's sake, de 1926), ce Dr Jack est très éloigné du film précédent. Deux thèmes, celui de l'Amérique profonde et de sa simplicité d'une part, et le volontarisme énergique du héros d'autre part, renvoient pourtant à Grandma's boy. Mais là ou il s'était composé un personnage de benêt timide et complexé par sa lâcheté, son Dr Jack est au contraire marqué par la débrouillardise et le culot, et son intégration dans la petite communauté dont il est le médecin est parfaite.

 

L'intrigue proprement dite de ce film concerne une famille riche, dont la fille (Mildred Davis) est supposée malade: son père, tombé sous la coupe d'un Tartuffe, le Docteur Von Saulsbourg qui maintient la fille et son père en état de dépendance, en interdisant à la pauvre jeune femme toute sortie, toute distraction, toute excitation, et en la bourrant de médicaments inutiles... L'avocat de la famille, qui a vu dans le petit village de sa mère les miracles accomplis par le docteur Jackson, dit Dr Jack dont le principal outil reste l'humanité, essaye de persuader la famille d'utiliser les ressources de ce dernier...

 

L'opposition entre Lloyd et Saulsbourg, ou entre le petit village tranquille et la grande ville ou habitent cette famille riche, c'est bien sur l'inévitable conflit entre le bon sens simple et rural, et la corruption et l'appât du gain, symbolisés par cet affreux profiteur barbu qui vit au crochet de Mildred et de son père. Lloyd incarne en Dr Jack un personnage moins comique, dont l'énergie phénoménale est entièrement mise au service du bien-être de ses contemporains. Il est doté d'un romantisme particulier, il est médecin, fait parfois face à la simulation (Un enfant qui fait semblant d'être malade) mais n'hésite pas à avoir recours aussi souvent que possible au stratagème (Pour renvoyer l'enfant à l'école, pour arrêter une partie de poker qui risque de coûter les yeux de la tête à une famille, et bien sur pour prouver la duplicité du Dr Von Saulsbourg...). Il est attachant, excessivement sympathique, et pour une fois parfaitement installé; le seul vrai enjeu reste amoureux, c'est la raison pour laquelle le film, tout en étant très soigné (On a l'impression que Lloyd ne savait pas bâcler un film...) fait quand même pâle figure aux cotés de son illustre sucesseur, Safety last...

 

Mais comme d'habitude, on sent que le film a été riche en rebondissements dans sa confection même. Tout au long de ces cinq bobines, c'est une construction riche et complexe qui se met en place, depuis l'exposition qui fait la part belle à la maison de la famille de Mildred, avant même de présenter le village et son docteur. Toute cette partie pastorale est fascinante, puisque l'équipe réussit à enchaîner gag sur gag sans jamais se moquer du bon docteur (Une poursuite contre la mort est même présentée au début, avec Lloyd en voiture, moto, vélo sans chaîne et finalement à pieds, pour découvrir qu'il n'y avait rien de grave), et une fois le branchement effectué entre les deux groupes de personnages, tout mène à une séquence délirante de fausse chasse à l'homme dans une maison, destinée à redonner de la joie de vivre à Mildred. Lloyd y déploie toute son impressionnante énergie, et même si c'est un peu long, On y prend bien du plaisir.

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Published by François Massarelli - dans Harold Lloyd Muet 1922 *
7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 18:58

Profitons de ce film, le premier vrai long métrage de Harold Lloyd (5 bobines) pour son patron Hal Roach, pour établir un fait: l'auteur, c'est Harold Lloyd, comme l'auteur de films de Chaplin est Charles chaplin lui--même, comme Keaton ou comme Stan Laurel; dans le cas de ce dernier, la comparaison a évidemment d'autant plus de sens que Laurel était lui aussi une vedette de l'écurie Roach (Entre 1926 et 1940), mais aussi et surtout que pas plus que Lloyd il n'a jamais signé un de ses films en tant que metteur en scène... Mais après des années à tourner des films en vedette, Lloyd savait ce qu'il voulait, il était le patron sur le plateau, et que ses films aient été tournés par Fred Newmeyer, Sam taylor, Ted Wilde ou Lewis Milestone, le style ne différait en rien d'un long métrage à l'autre.

 

Après un galop d'essai en forme de comédie allongée (A sailor made man), ce qui frappe avec ce nouveau film, c'est sa cohérence: il a été clairement conçu pour la longueur, et le développeent des personnages s'accompagne d'ue exposition très claire de tout un univers, agrémentée d'un flash-back. Ce sont des ingrédients particulièrement rares dans la comédie, et Lloyd, comme Keaton le fera plus tard avec Our hospitality, a réalisé qu'il ne pourrait pas y avoir d'adhésion du public si le film n'était pas ancré dans une certaine tangibilité au-delà du burlesque. Avec Grandma's boy, comédie tendre sur un adolescent attardé et timide qui devient un homme, on voit arriver le comédien dans la cour des plus grands, ou il côtoie à sa façon Griffith, Henry King, John Ford et Frank Borzage. Son film est un reflet d'une Amérique éternelle, dans laquelle on croise le shérif local tous les jours, tout le monde connait tout le monde, et ça sent le foin, et parfois la naphtaline...

Harold est timide, très timide. il est aussi lâche, et laisse tout passer à coté de lui: sa fiancée, pourtant suffisamment dégourdie pour lui envoyer des messages on ne peut plus clairs, la ville entière qui n'en fait pas grand cas, son rival qui profite de la situation, et sa grand-mère qui se désespère le savent bien. Jusqu'au jour ou, alors que le jeune homme réquisitionné par Noah Young est devenu adjoint du shérif pour aider à une chasse à l'homme bien mal partie, sa grand-mère lui confie un talisman qui a aidé son grand père aussi lâche que lui à devenir un héros de la confédération en 1862... Les ailes lui poussent alors de façon spectaculaire.

Bien sur, le talisman est un stratagème: la grand mère (Anna Townsend) lui a donné en vérité la poignée d'un vieux parapluie et a inventé son histoire. Mais l'essentiel est de montrer Harold convoquer la force qui est en lui. Comme d'habitude, la progression du personnage fait le sel du film, avec des gags bien intégrés à l'ensemble, et qui ne sont jamais contre lui. On notera que si la manipulation était souvent présente dans les courts métrages, c'est la première fois qu'elle est effectuée à son insu, mais pour son bénéfice; par ailleurs, avec ce film, Lloyd s'invente bel et bien un deuxième personnage, par opposition à ce gandin trop sur de lui qui n'avait aucune émotion dans A sailor made man, ou par opposition à l'arriviste prêt à tout pour assumer son rêve Américain dans Safety last. Mais ce type de peinture tendre de l'Amérique rurale reviendra, dans Girl shy (1924), mais surtout dans le très beau The Kid brother de 1927. En attendant, il montre ici une valeur essentielle parmi celles qu'il partage, très Américaine, une glorification simple du vrai courage. Ca n'est pas révolutionnaire, mais c'est l'un des thèmes qui vont revenir de film en film. Par ailleurs, le soin apporté aux décors du village, et l'intégration d'un flash-back sur la guerre de sécession, finissent de faire du film une plaidoyer intemporel.

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Published by François Massarelli - dans Harold Lloyd Muet 1922 Comédie *
20 août 2011 6 20 /08 /août /2011 15:51

Avant tout, il convient de rappeler trois choses, qui ne sont pas évidentes face à ce titanesque classique dont l'évident statut de chef d'oeuvre n'était pas gagné d'avance à sa sortie: premièrement, au moment du tournage de cette oeuvre, Murnau n'est pas encore le wonder-boy du cinéma Allemand, loin de là; deuxièmement, Nosferatu est un vol, une oeuvre copiée, ce qui a eu des répercussions en justice; et enfin on est face non pas à une révolution stylistique consciente et sure de son fait, orchestrée par des artistes avant-gardistes qui souhaitaient laisser une oeuvre, non: Nosferatu est un tout petit film, presque privé, qui ne doit aujourd'hui sa notoriété et sa survie qu'à un coup de chance fortement improbable.

Si Henrik Galeen, scénariste de ce film, était bien sur partie prenante dans l'aventure, il est clair que son script est si largement inspiré de Dracula, de Bram Stoker, que c'en est embarrassant. Bien sur, aucun arrangement n'a été cherché avec les ayant droit de la famille de l'écrivain Irlandais, Nosferatu est donc une copie pirate de Dracula, dont les auteurs ont cru bon de déguiser les noms des protagonistes: Harker devient Hutter, Dracula devient Orlok, Mina Ellen et Renfield Knock, parmi d'autres. La partie citadine du film se passe non pas à Londres, mais à "Wisborg", une ville sur la mer du Nord inventée par les soins des auteurs. Sinon, Nosferatu ne garde de l'imagerie vampirique que ce qui va être utile. Pour le reste, en dépit de tout ce qui précède, si le film est un plagiat, il reste tellement inventif qu'on en a cure. Pour être clair, il suffit de comparer ce film et le Dracula de Tod Browning, oeuvre officielle celle-ci, puisque sanctifiée par un accord en bonne et due forme entre la famille Stoker et le studio Universal, pour s'en convaincre... N'accablons pas Galeen pour ce plagiat, Murnau était manifestement coutumier des emprunts géants: en 1920, en effet, il réalise sur un scénario de Carl Mayer Der Bucklige une die Tänzerin, (Le bossu et la danseuse), en piquant Notre-Dame de Paris, puis Der Januskopf, sur un script de Hans Janovitz, qui recycle sans aucun frais The strange case of Dr Jekyll, de Stevenson. ces films-là sont perdus, donc on ne pourra pas en juger. Par contre, on connait bien Nosferatu... 

Il est parfois amusant d'aller consulter certains sites auto-proclamés encyclopédiques pour y lire des bêtises: concernant Nosferatu, on lit, non seulement sur ces sites mais aussi dans bon nombre de publications, notamment Anglo-saxonnes, que Murnau était un pionnier du film d'horreur, ce que ses films pre-Nosferatu survivants tendent à nier, et que Nosferatu est une grande date du cinéma Expressionniste (les Anglais disent German expressionnist, tendant à confondre notoirement les deux adjectifs...). c'est bien sur une crétinerie, le film étant de fait éloigné de l'expressionnisme; par contre, il est fantastique, au sens générique du mot, et c'est un film d'horreur. C'est aussi, dans l'intention de ses auteurs, un film occultiste. En attendant de revenir brièvement à ce terme, accordons que le mot d' "expressionnisme" a fini par devenir synonyme pour un grand nombre de critiques et autres historiens un mot facile à sortir pour qualifier tout ce qui vient d'Allemagne entre 1919 et 1933, et concentrons-nous sur le film...

Les auteurs de ce film sont en réalité trois: Albin Grau, Henrik Galeen et Murnau. Grau, qui co-signera la décoration du film, en est le premier architecte, attiré depuis la guerre et une anecdote personnelle qui l'avait fait découvrir la profonde superstition de certains habitants de Serbie, par les histoires de vampires... Grau ayant fondé en 1921 une société de production avec Enrico Dickmann, souhaitait faire de Nosferatu la première production Prana Films... Ce serait la seule. Henrik Galeen est déjà un vétéran du scénario en 1921, auquel on doit des collaborations notoires avec Paul Wegener... Grau a exploré un certain nombre d'endroits en compagnie de Murnau pour effectuer des repérages, l'idée ayant été assez vite de profiter de décors naturels aussi souvent que possible, soit en réaction contre le cinéma expressionniste (Qui battait de l'aile à cette époque, et qui était tributaire de studios où les visions déformées des décorateurs trouvaient à s'exprimer), soit pour des raisons budgétaires. Aujourd'hui, le film serait considéré comme une petite production indépendante... Mais ce choix de privilégier les extérieurs naturels va beaucoup faire pour le film et son étrange beauté, tout en créant une dynamique d'adaptation pour Murnau, ses acteurs et le principal chef-opérateur engagé dans l'aventure, Fritz Arno Wagner: celui-ci allait devoir s'adapter constamment aux lieux, mais aussi se contenter d'une caméra pour des raisons pratiques lorsque la troupe tournera dans des endroits reculés des Carpathes.

L'argument reste très proche de Dracula: un jeune homme, Hutter, agent immobilier dépêché par son patron auprès d'un riche noble un peu excentrique qui vit dans une vieille demeure, se fait vampiriser par le comte; celui-ci découvre une miniature de sa jeune épouse Ellen, est subjugué et décide faire le voyage séance tenante pour Wisborg; il voyage en bateau, avec des cercueils pour emmener sa terre natale de Transylvanie vers l'Allemagne, car sinon il mourra; pendant ce temps, Hutter très affaibli fait le voyage lui aussi pour empêcher le vampire de posséder son épouse, mais celle-ci est déjà entrée mystérieusement en contact télépathique avec le monstre, qui une fois débarqué à Wisborg, a amené la peste avec lui. Pendant que les gens meurent par dizaines, le vampire s'empare du corps de Ellen , qui se sacrifie en se laissant prendre jusqu'au petit matin, le lendemain, elle meurt en ayant triomphé de la bête. Parallèlement, on suit les aventures de Knock, le commanditaire du voyage de Hutter: premier vampirisé par le comte Orlok, il est devenu fou, et commente l'action dans la marge. Hutter est interprété avec un enthousiasme parfois ridicule par Gustav Von Wangenheim, Ellen au contraire est jouée avec une lenteur et une froideur un peu raides par Greta Schröder; Max Schreck (Oui, c'est un vrai acteur, et non une énigme; il a tourné peu de films, mais il en a tourné, dont un autre Murnau, Les finances du Grand-Duc, en 1923. il faut arrêter les fantasmes à son sujet!!) interprète un Nosferatu (Mot hérité du Roumain, selon le film et le roman, mais on n'en trouve pas de traces en Roumain...) digne de ce nom, longiligne, tordu, inquiétant, et pour tout dire définitif... Au sujet des tourtereaux, si Hutter est insupportable, il me semble que cela sert magnifiquement le film. En opposant son optimisme caricatural avec la noirceur des craintes d'Ellen, et son comportement fantastique (elle communique à distance aussi bien avec son mari qu'avec son bourreau) fait d'elle un vrai personnage de premier plan, qui mérite de rivaliser avec le personnage-titre. 

On ne sait pas très bien quelle est la part de Murnau dans la volonté de tourner le film, au départ, qui semble être le caprice de Grau, lui-même attiré par l'Occultisme. Il semble que Murnau qui est de toute façon exclu de toutes parts en raison de son homosexualité, ait été attiré par ce mouvement obscur et difficile à définir, mais principalement pour des raisons esthétiques. de même, Nosferatu lui permet d'expérimenter avec sa production presque en contrebande dans les montagnes, et de se lancer un défi: tourner un film fantastique en décors naturels, aller chercher l'angoisse dans de vieilles demeures, et utiliser les ressources de la caméra et du montage afin d'amener, soutenir, et augmenter l'horreur et l'angoisse. Mais par ces biais, il conte aussi une étrange histoire d'exclusion, et avouons le prend un malin plaisir à lâcher la peste sur ces pauvres gens de Wisborg et leur petite vie calme... Le film en tout cas bénéficie allègrement des décors, et profite aussi d'un goût déjà très affirmé de Murnau pour la composition. Ses deux films précédents qui ont été conservés ne brillent que par intermittence dans ce domaine, mais avec Nosferatu, est né le Murnau qui sait instantanément tirer profit d'un décor, qui cadre sans faille et qui utilise toutes les ressources de la composition et du montage... Mais oui, du montage, je sais qu'officiellement, Murnau n'est "pas un monteur", mais ce film est monté avec une telle rigueur qu'il faut se rendre à l'évidence: il a inventé le montage du film d'horreur: tout est dans Nosferatu! Et puis il y a cette obsession du cadre.

C'est frappant dans la plupart des plans, Murnau place ses personnages dans des cadres à l'intérieur du cadre; notons bien qu'il le refera, même toute sa vie, comme le montrent si bien tant de photos tirées de ses films. Dès le départ, il nous montre deux personnages enfermés dans leur cadre, Hutter et Ellen. Aux cadres formés par les alcôves confortables, les fenêtres rassurantes et les portes entrouvertes, se substituent lors du voyage en Transylvanie les ogives inquiétantes, dans lesquelles s'engager revient à se prendre au piège du vampire. Celui-ci, pris au piège d'Ellen qui se laisser vampiriser afin de tuer la menace du comte Orlok, ne voit pas que son reflet est "pris au piège" d'un miroir derrière lui... Le plan qui clôt le chapitre final de la famille Hutter voit le médecin qui a aidé Ellen, à l'écart d'une chambre, comme à l'écart du drame qui s'y joue: Hutter, en pleurs, vient de constater au second plan le décès de son épouse. derrière le lit ou se trouve l'épouse et son mari éploré, un miroir nous renvoie des fragments de leurs corps. Le médecin, comme happé par le drame humain qui les concerne tous, marche lentement, et vient se placer dans le cadre de l'entrebaillement de la porte. Enfin, l'apport de Murnau et de ses opérateurs est évident dans la batterie de trucages déployés pour donner ou accentuer l'étrangeté de l'histoire. négatif, prise de vue accélérée, image par image, surimpressions, ombres... Tout est bon, et tout fonctionne, donnant raison au cinéaste dans sa volonté d'improvisation; on est clairement à l'écart d'un production expressionniste, et de ses déformations très calculées, planifiées. Et surtout tous les extérieurs de ce film sont situés dans des lieux authentiques, et c'est peu dire que le film s'en ressent; ces grandes batisses ou le vampire élit domicile au final, les rues de Wismar ou les plans sur la grande peste ont été tournés, et puis surtout l'arrivée dans le port de ce bateau qui vient semer la mort, tant d'images inoubliables.

Murnau, qui va devenir bien vite l'un des plus grands cinéastes Allemands pour de nombreuses personnes, et l'un des grands noms du cinéma mondial, devra beaucoup à Nosferatu, auquel il reviendra souvent: un film comme Tabu (1931) y renvoie, avec son prêtre-vampire qui vient prendre possession de l'âme de l'héroïne, jusqu'à ce que celle-ci se sacrifie pour sauver son amant de la malédiction; la aussi, un bateau va représenter la progression des forces du mal... Et si j'ai effectivement décidé de rendre à César ce qui n'appartient pas à Murnau en rappelant qu'il s'agissait en quelque sorte d'une commande pour le cinéaste, n'oublions pas qu'une fois à bord d'un projet, Murnau le faisait sien à 100%. 

Si on peut voir le film, c'est grâce à une poignée de copies qui a survécu à la destruction, puisque Nosferatu a inévitablement fait parler de lui: premier film de vampires digne de ce nom, il était difficile à la Prana Films de cacher l'origine encombrante de son film. La famille Stoker a donc fait ce qu'on attendrait d'elle en toute circonstance, porté plainte, et les producteurs ont été condamnés, le film interdit et détruit sur décision de justice, jusqu'à ce que des copies survivantes aient fait leur apparition aux Etats-Unis, ou le film était dans le domaine public.

Ouf.

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Published by François Massarelli - dans Friedrich Wilhelm Murnau 1922 Muet **
28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 08:48

Grâce à l'arrangement trouvé par Chaplin et la First National autour de ce film, il a pu enfin profiter de la United Artists, le dernier de ses fondateurs à tourner pour le distributeur. L'arrangement était simple: au lieu de deux courts métrages, Chaplin a proposé de livrer un film de quatre bobines, ce qui fait quand même une bonne comédie de luxe, qui peut générer des revenus. Comme en prime le film est très soigné, tout le monde a été content... Chaplin ne bâcle en aucune façon ce dernier film (relativement) court, et convoque une certaine quantité de thèmes et de figures déjà évoquées. Il le fait avec son sens fabuleux de l'économie visuelle, et dans un cadre westernien, la seule et unique fois...

Un bagnard évadé a volé les vêtements d'un pasteur, et se retrouve à prendre sa place auprès d'une petite communauté du sud du Texas. Avant d'être repéré pour ce qu'il est, il a le temps de faire un office religieux, de participer à un thé auprès de certaines personnages du village, et de tomber amoureux d'une jeune fille (Edna Purviance); mais surtout il tombe par hasard sur un ancien 'camarade de l'université', un pickpocket (Chuck Reisner) qui comprend vite le parti qu'il peut tirer du costume et de la supercherie de son copain. Il va donc falloir l'empêcher d'escroquer toutes ces petites gens, sans se faire pincer...

Le costume sied bien à Chaplin, qui a toujours défendu l'idée qu'un habit ne fait pas le moine, mais que l'apparence est une illusion qui trompe forcément les autres. C'est ce qui arrive, avec cet étrange pasteur, et ce dès le début du film. Quatre plans suffisent à tout expliquer: 1 - Un gardien de prison colle une affiche à l'entrée de la bâtisse. 2 - Gros plan de cette affiche, un avis de recherche d'un bagnard évadé, il a une moustache, et un uniforme rayé. 3 - Un homme en maillot de bain sort d'une rivière, prend des vêtements, et constate qu'ils ne sont pas les siens: c'est un uniforme de bagnard. 4 - Notre héros, en habit de pasteur, et avec la mine compassée qui va avec, marche tranquillement vers une gare. Après, ça se gâte: un couple qui vient de fuir pour se marier lui demande de l'aide, et il est bien incapable de pourvoir leur prêter assistance, mais ça y est, aux yeux du spectateur, nous savons que cet homme est un bagnard, et le reste de l'humanité le prend pour un prêtre.

L'interprétation de ce film est marquée par les apparitions de fidèles acteurs, qui reviennent de ses derniers films. Henry Bergman, de moins en moins présent (Il avait un restaurant à gérer), apparaît dans deux courtes scènes au début, Albert Austin n'est nulle part, ou je l'ai manqué; par contre, Edna Purviance joue pour la dernière fois à ses côtés, et on voit aussi Sydney Chaplin dans deux rôles, Loyal Underwood en doyen à barbe, Chuck Reisner en exccroc (Quelle trogne!), et surtout le grand Mack Swain. Chaplin employait ses acteurs comme des pantins parfois, les laissant réagir de façon neutre à son jeu, comme Edna Purviance va souvent devoir jouer le témoin inactif dans certaines scènes. Mais quand il reconnaissait un grand acteur, il pouvait lui donner une place importante, c'est ce qui arrive avec Swain ici, qui du reste reviendra dans The gold rush. Dans le rôle du chef spirituel de cette petite communauté, il est merveilleux: alcoolique, mais en secret, qui désapprouve des agissements pour le moins étranges de ce pasteur bizarre, mais qui sait si bien se parer du masque de l'impénétrabilité lorsqu'il y en a besoin. La scène qui les voit tous deux marcher de dos, l'un et l'autre persuadé que la bouteille d'alcool qui vient de se briser par terre provient de sa poche, est un grand moment de collaboration burlesque.

Parce que ce ne sont pas tant les corps constitués qui sont la cible de Chaplin. non, ce serait plutôt les comportements des individus qui les composent: ici, il nous montre l'intolérance des braves gens devant l'excentricité de ce jeune pasteur (le fameux sermon de David contre Goliath, qui donne lieu à une pantomime parfaite, sera applaudi par un gamin qui auparavant s'ennuyait à l'église, alors que tous les braves gens sont indignés), avec une justesse étonnante. Et puis il y a Sidney, et sa tête d'hypocrite, derrière sa grosse moustache. C'est étonnant aussi de voir à quel point il pouvait s'enlaidir: quand on le voit dans sa première apparition, il est un jeune homme assez corpulent, mais pas vilain, qui fuit avec une jeune femme pour se marier... Le même, trois bobines plus loin, est un morse à moustache, les cheveux luisants et bien peignés, qui reste bouche ouverte d'indignation devant le fait que les invités du thé allaient... manger son chapeau.

Non, le seul qui soit épargné, à part Edna et sa mère dans le film, c'est le shérif (Tom Murray), qui voit à la fois en Chaplin un bagnard évadé, et un brave homme qui s'est conduit avec honneur. Hésitant à faire son devoir, il le conduit à la frontière, ou Chaplin fera l'amère expérience du fait qu'il ne sera tranquille nulle part. le final, qui le voit cavaler symboliquement une jambe aux Etats-Unis et l'autre au Mexique est après tout un reflet de toute sa vie. Une fois de plus, après The adventurer, Chaplin quitte un studio sur une fuite.

Le western est esquissé dans ce film, mais sans trop d'insistance. On constatera un hold up et une fusillade finale... On retrouve par contre une fois de plus (Après Police et The adventurer la dynamique de l'ancien prisonnier. Dans The adventurer, il était aux prises avec la société seule, mais dans Police et celui-ci, il est soumis çà la tentation de replonger par l'intermédiaire d'un autre malfrat, un vrai! Lloyd Bacon et Chuck Reisner sont donc les méchantes fées de ces deux films, qui invitent Chaplin à s'interroger sur sa loyauté. Quand il s'agit de rester fidèle à Edna Purviance, le choix est vite fait...

Bref, un film riche, drôle, qui apporte encore du nouveau tout en recyclant avantageusement des idées qui marchent bien, et qui montre aussi au public, une fois de plus, qu'il n'y avait pas besoin de vagabond: les costumes dans ce film sont totalement éloignés des habitudes, et Chaplin se contente finalement de sa moustache, ses cheveux frisés toujours aussi indomptables, et de sa démarche pour affirmer la présence de son personnage... Peut-être dans ce qu'il croyait être la dernière fois.mais le sort et le public en ont décidé autrement. Au fait, ce film a eu un gros succès.

...Pas le suivant.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1922 **