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15 septembre 2023 5 15 /09 /septembre /2023 21:26

Les années 50: dans un quartier de Manhattan condamné à plus ou moins brève échéance (un panneau devant les ruines de vieilles maisons insalubres qui ont déjà été détruites annonce fièrement la construction du Lincoln Center), les jeunes Américains défavorisés s'affrontent: d'un côté, les Jets, les petits voyous blancs, qui revendiquent haut et fort leur mainmise sur le quartier, ce qu'ils affirment comme un droit inaliénable, obtenu par leur naissance sur place; de l'autre, les Sharks, la bande des garçons Porto-Ricains, arrivés massivement dans les années 50 sur la métropole, et qui eux aussi revendiquent leur citoyenneté, ce que les autres refusent de reconnaître... Fatigués, les policiers comptent les points entre cynisme et curiosité. Les jeunes Porto-Ricaines, plus désireuses que leur frères et fiancés de s'assimiler, restent aussi sur la touche. C'est dans ce contexte qu'à la faveur d'un bal organisé par des organisations de charité, Tony (Ansel Elgort), l'ancien Jet qui a fait de la prison, rencontre Maria (Rachel Zegler), la jeune soeur de Bernardo, le caïd des Porto-Ricains. Le coup de foudre est instantané, les ennuis aussi...

Ce n'est que la troisième fois que Spielberg effectue un remake; la première fois, c'était avec Always en 1989, un film mineur adapté d'un pur film de studio, A guy named Joe, réalisé en 1943 par Victor Fleming). Puis il y a eu War of the worlds en 2006. C'est significatif, d'autant que jusqu'à présent, Spielberg a surtout fonctionné en références aux genres plutôt qu'à des films particuliers. Il aurait pu, par exemple en lieu et place de 1941 ou Raiders of the lost ark, refaire n'importe quelle comédie musicale ou n'importe quel film d'aventures, mais il a toujours préféré réaliser des oeuvres originales, même si parfois il y glissait des bribes d'autres choses, comme des péripéties de The lost world (1997) qui faisaient furieusement penser malgré l'intrigue très différente à The lost world, l'adaptation de 1925 d'un roman de Conan Doyle... Mais avec West Side Story de Robert Wise, on s'attaque à du lourd, du mythique même, et ce à plus d'un titre: le film d'abord, réalisé par Wise suite à un immense succès sur Broadway, qui lâchait (ou semblait le faire) dans un New York contemporain les bandes rivales qui s'affrontaient sur fond de désoeuvrement, de crise identitaire et d'histoire d'amour mal partie; l'oeuvre théâtrale ensuite, qui avait été simplifiée voire édulcorée afin de cadrer avec le code Hays, et qui cette fois en 2020 pouvait être abordée plus frontalement.

Plus que jamais, c'est Romeo and Juliet, ce que Spielberg a souligné de façon plus nette encore que dans le film de 1961: l'intrigue de  la pièce de Laurents, Sondheim et Bernstein ne faisait pas mystère d'avoir été entièrement créée dans le moule de la tragédie de Shakespeare, mais le parler contemporain, l'environnement urbain et les circonstances socio-économiques étaient utilisées pour le gommer, pour fondre la tragédie dans les années 50-60. L'idée maîtresse de Spielberg est de garder le socio-économique en étant plus réaliste encore, tout en soulignant sans aucune ambiguité la provenance initiale de la tragédie, parfois en faisant directement référence au texte de Shakespeare. Oui, car (et j'imagine que ça a été critiqué) le dialogue du film a été réécrit, justement parce qu'en 2021, il y a des choses qu'un film peut afficher sans complexe, mais qui était impossible en 1960. Les personnages de cette nouvelle version ONT une sexualité, elle est affichée sans qu'on puisse s'y tromper. 

Ils SONT aussi, et sans ambiguité là non plus, Porto-Ricains ou Polonais, Italiens ou Cubains. C'était je pense une nécessité absolue principalement pour les personnages d'origine Hispanique, et en maintenant cette exigence ethnique sur le casting, Spielberg s'est rajouté une difficulté supplémentaire, car il a fallu recruter à tour de bras des acteurs-chanteurs-danseurs... Et le pari est plus que réussi. A Natalie Wood et George Chakiris viennent désormais se substituer Rachel Zegler (d'origine Colombienne), Anita DeBose (d'origine Portoricaine) ou David Alvarez (Canadien, d'origine Cubaine). L'énergie dont ils font preuve est complétée par l'authenticité culturelle. Cette exigence n'est jamais que décorative dans le film, puisqu'il est évident qu'au-delà du projet personnel fou de Spielberg qui voulait donner à voir, dit-il, une nouvelle version d'un des spectacles préférés de son père, le film se veut une nouvelle parabole sur l'état des Etats-Unis ou du monde à l'issue de quatre années de délire trumpiste... Dans ces conditions, le choix de restituer fermement à ses personnages leur vraie dimension culturelle et ethnique fait sortir le film du pittoresque pour lui donner une dimension de tragédie ancrée dans la réalité. Un tour de force, après tout, pour une comédie musicale...

En choisissant de garder l'intrigue dans les années 50, Spielberg permet au jazz et au cinéma de se mélanger en toute cohérence, et ne se prive pas de demander à ses acteurs d'évoluer dans une reconstitution à l'authenticité indéniable des quartiers de New York; mais il permet aussi d'éclaircir la lecture socio-économique de son intrigue, sans la polluer de façon excessive par un recours au monde des années 2020. Puisque le monde s'enfonce dans le brouillard ethnique et raciste des années 50, autant y retourner, donc... Ce qui n'empêchera pas le couple de Tony et Maria de poser les bonnes questions et d'apporter les bonnes réponses, mais pour le reste de l'humanité présente sur le film, il n'y a pas de doute: c'est chacun chez soi, chacun pour soi, et tout le monde contre tout le monde. Une simplification donc, qui sert le propos, puisqu'on sait que la lecture contemporaine du monde simplifie tout à l'extrême et que désormais ce qui marche en toute circonstance c'est le "nous" contre "eux", voir à ce sujet les incidents de Charlottesville, les réactions de la droite Américaine à Black Lives Matter, la politique de Poutine et son invasion (motivée par une propagande qui souligne la noblesse de la démarche, si "nous" ne sommes pas coupables, alors forcément c'est "eux"), la montée (relative et pour l'instant enrayée mais sachons nous méfier) d'un nouveau candidat aux idées ouvertement fascistes en France, présenté comme le sauveur face à l'obscurantisme, ou enfin la simplification des forces politiques autour des Musclor de tout poil: Bolsonaro, Orban, Poutine ou Le Pen...

Donc le film, en soulignant les années 50 rend beaucoup plus facile la peinture de nos années troublantes. Ce qui le situe en droite ligne de ses films les plus "sérieux", les oeuvres épiques (Empire of the sun) romanesques (The color purple, The war horse) ou historiques (Schindler's list, Amistad, Saving private Ryan, Munich, Lincoln, The Bridge of Spies ou The Post).

Et à partir de tous ces ingrédients, Spielberg réussit là où on attendait parfois un ratage par trop de précautions. Après tout, c'est un peu son habitude, celle de réussir l'impossible, ce dont il a fait une marque de fabrique (j'ai toujours pensé que son péché mignon était précisément rendre visible ce qui était impossible). Cette virtuosité se conjugue ici à un sans faute à tous points de vue: le film est respectueux des différences et de la vérité des comportements, montre clairement deux mondes s'affronter mais souligne les parcours individuels; la tragédie musicale s'effectue sous nos yeux et à nos oreilles avec une énergie constante, et reprenant génialement à son compte les déambulations dans les quartiers de New York, et en permettant aux danseurs de se cogner allègrement dans le décor, mais cette fois la caméra est au plus près de l'action: toutes les scènes sont basées sur une utilisation du cadre, du mouvement d'appareil, du placement aussi de la caméra (le bal, en particulier, avec une utilisation magistrale de la technique du motion control pour nous montrer un vrai, un beau coup de foudre), qui nous rappelle que Steven Spielberg est l'un des plus grands (non, LE plus grand, assez de faux semblants) de la première génération des cinéastes innés, ceux qui sont nés dans un monde dont le cinéma était déjà la principale activité culturelle et en ont développé une connaissance profonde et naturelle... Ici, ça se voit, si on y prête attention, sans qu'il y ait ce besoin irrépressible et ridicule de bouger la caméra pour bouger la caméra (hello, Peter Jackson)... Et sinon, narrativement tout le monde y trouve son compte. Les acteurs sont tous danseurs, chanteurs, et le naturel est permanent; le film est remarquable aussi en élargissant significativement la thématique des errements du "nous contre eux" dont je parlais plus haut: non seulement le film illustre les égarements de l'affrontement ethnique, mais aussi (déjà présent dans le texte original avec la splendide chanson America) un affrontement des genres, avec deux sensibilités qui se font face: les hommes perdus dans leur lutte identitaire à coup de barres de fer, les femmes désireuses de s'assimiler... Une lutte des sexes parfois drolatique, qui débouche tout à coup sur le drame lorsque Anita (Ariana DeBose) va se faire violer par les Jets en colère... puis on se rendra directement vers la tragédie.

Un personnage qui a fait couler beaucoup d'encre contre lui est celui de Buddy Boy, qui apparaît dans le contexte des années 50 comme la fille qui refuse de ne pas être un garçon, un personnage trans qui refuse la binarité donc. Certains pays ont réagi par de la censure, et d'autres ont condamné une manipulation qui serait hors de propos ou hors contexte. Mais de même que d'accepter des sexualités différentes en 2020 n'empêche pas l'homosexualité, par exemple, d'avoir toujours existé (il faut être un tout petit triste sire comme Eric Zemmour pour s'imaginer que le monde est en proie à une soudaine "mode LGBTQ"), le personnage d'Anybody (iris menas), rejeté par tous, en particuliers par ses pairs, les garçons qui se reconnaissent dans les Jets, est une façon de souligner la complexité du rejet. Une façon qui n'a rien de binaire, dans un monde qui cherche désespérément à le rester... En développant le personnage de "garçon manqué" dans cette direction, le film achève de relier les deux époques.

Bon, on l'aura compris, ce film qu'on n'a pas forcément vu venir, dont la nécessité n'apparaissait pas de prime abord, est en réalité un chef d'oeuvre de son auteur, un film qui coche toutes bonnes cases certes, mais qui le fait avec naturel. En reprenant l'actrice Rita Moreno qui interprétait Anita dans le film de Wise et Robbins, en soulignant au générique final la proximité avec celui de 1961 (ici, les noms viennent se surimposer sur des plans de murs, portes, ruines, autant d'éléments rouillés, poussiéreux ou en lambeaux; l'original montrait dans son générique des murs surchargés de graffiti, qui étaient bien sûr les crédits des protagonistes et techniciens du film) , Spielberg nous rappelle d'où vient son film. Un remake qui n'oblitère jamais l'original, mais qui part avec bonheur dans de nouvelles directions, la principale étant de se situer paradoxalement dans notre monde à tous, tout en étant furieusement situé dans les années 50 à partir d'une intrigue née en 1594. Un film à la sensibilité à fleur de peau aussi, qui culmine dans une représentation déchirante d'un amour fou qui est arrêté en plein vol. Un film majeur de Steven Spielberg.

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Steven Spielberg Danse
8 novembre 2020 7 08 /11 /novembre /2020 10:09

Un musical tardif, qui a coulé la Universal ou presque, avec une star géniale en totale liberté qui se plie à une intrigue cousue main (même si elle vient d'un musical de Broadway) l'autorisant à toutes les extravagances, tout en étant empreint d'une authentique amertume... Ca sonne comme un OFNI, d'ailleurs ça l'est... C'est un film non seulement à voir, mais aussi à réévaluer. Comme je le disais, la chose n'a pas spécialement été un succès...

Charity Hope Valentine, avec son nom triplement significatif, a deux principales occupations: d'une part elle travaille en tant qu'hôtesse dans un bar à danser, où elle offre une peu de compagnonnage moyennant finances, à des clients désoeuvrés; d'autre part elle rêve du prince charmant: au moment où commence le film elle est en couple avec Charlie, un Italien ombrageux qui est aussi marié... Mais ça ne dure pas longtemps, car il lui pique son argent et la flanque à l'eau à Central Park. Elle se met donc en quête d'un prince charmant...

c'est une quête sentimentale qui va être opérée par une indécrottable sentimentale dans un monde en totale mutation: le bar où travaille Charity est montré en contraste aux bars et dancings de la jet-set, où Charity va suivre une rencontre de passage, l'acteur Vittorio Vitale (Ricardo Montalban): un prétexte gourmand pour Fosse de se moquer de la danse à la mode, dans un éblouissant ballet. Ayant rencontré un "type bien", Oscar (John McMartin), qui est surtout d'une fadeur, d'une pruderie et d'une niaiserie absolues, elle le suit dans une soirée religieuse, menée par Sammy Davis Junior avec des congrégants qui sont tous des hippies, et sinon elle doit faire face à son propre ratage, et ce jusqu'au bout du film...

Fosse a donc adapté un musical et en a complètement éclaté la dimension scénique, en libérant tout: dissociant parfois l'intrigue des numéros chantés, interrompant les chansons pour du dialogue ou le contraire, opérant d'incroyables digressions, toujours avec Shirley MacLaine en ligne de mire. Celle qui avait fait du base-ball à l'université et hésité devant une carrière dans le ballet, met son énergie au service du film, et l'excentricité profonde du projet lui sied parfaitement. La superbe musique de Cy Coleman (à mi-chemin entre le jazz et un commentaire ironique sur l'état de la pop en ces années post-psychédéliques) et la profonde ironie des paroles de Dorothy Fields font de Sweet Charity un film à nul autre pareil.

Je suis un peu plus mitigé sur certaines des idées novatrices voire iconoclastes de Fosse (dont c'était le premier film, et qui maîtrise de nombreux aspects au-delà de la chorégraphie): cette manie qu'il a de substituer des arrêts sur images, traités et appauvris, à des séquences en mouvement, est intéressante en soi mais finit par irriter. Et le dernier chapitre, celui dans lequel Charity glisse vers la réalisation de l'échec, est sans doute un peu long: le film est en cela un filmouth, film géant et pur produit des années 60, qu'on se rappelle les durées de My fair lady ou The sound of music... De même, le choix de Fosse pour une fin amère se justifie, mais elle reste quand même assez déroutante. Si l'amertume en est justifiée, la version "rose" alternative est en soi plus intéressante... Au regard du film, ces remarques ne sont pas grand chose: je le répète, il n'y a pas deux films comme celui-ci, qui mérite le coup d'oeil.

Ah, j'oubliais: on m'en voudrait probablement de ne pas mentionner que le musical de Broadway dont ce film est une adaptation était une variation sur Les Nuits de Cabiria de Fellini. Comme je ne supporte pas ce monsieur, ni son cinéma, je vais juste dire que personnellement je m'en fous. Voilà.

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Shirley MacLaine Bob Fosse Danse Filmouth
13 septembre 2019 5 13 /09 /septembre /2019 17:16

Un homme parmi d'autres, dans les transports en commun d'une ville plus ou moins moderne, se laisse attraper par l'absurdité des situations et de gestes mécaniques à la Metropolis que lui et tous les humains, pauvre pions d'un système diabolique, font machinalement. Mais l'homme (Thom Yorke) devient sans le vouloir un grain de sable dans la machine, et va conquérir de façon inattendue sa part de liberté en allant à contre-courant pour pouvoir s'approcher d'une femme qui a croisée...

Thom Yorke a sorti un nouvel album en solo cette année, baptisé Anima, qui est comme son premier disque Eraser un album austère largement fait de musique électronique. Anderson, chargé par Netflix d'assurer à sa façon la promotion de l'album en question, a choisi trois chansons et a bâti en collaboration avec un certain nombre de chorégraphes un spectacle de danse inattendu, auquel Yorke, toujours à l'affût de nouvelles expériences, s'est livré avec bonheur.

C'est donc certes anecdotique, mais ce quart d'heure promotionnel raconte une histoire qui se situe dans la continuité immédiate d'oeuvres comme Metropolis, et explore aussi l'ombre de Kafka (nous sommes à Prague, du reste), en utilisant en priorité des techniques de truquage physiques, plus que numériques. Et fidèle à ses convictions, Paul Thomas Anderson tourne en 35 mm. Quel dommage qu'il faille voir ça sur Netflix (ou à la Cinémathèque Française, bientôt, en collaboration avec le cinéma Le Concorde de La Roche Sur Yon!!!), le site qui joue à l'heure actuelle les fossoyeurs du cinéma...

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson Musical Danse
25 mars 2019 1 25 /03 /mars /2019 17:25

Décembre 1983: les Talking heads investissent les planches du prestigieux Pantages à Los Angeles, qu'ils comptent bien remplir de gens et de sons. Le concept, pour ce groupe fer de lance de la New Wave Américaine, est de reconstruire littéralement un groupe et son public à partir de rien: David Byrne (Chant, guitare) arrive donc sur une scène nue et pas préparée, une guitare à la main, et s'approche du micro pour chanter Psycho Killer, le premier single du groupe (de 1977), seulement accompagné d'une cassette dont le son vient d'un gros magnétophone posé à ses pieds: un ghetto blaster, comme on disait alors, en cette époque de fusion des genres et de rap naissant.

Puis il est rejoint par la bassiste du groupe Tina Weymouth, pour interpréter Heaven; Chris Frantz (batterie) et Jerry Harrison (Guitare et claviers) les rejoignent sur respectivement le troisième et quatrième morceau, puis les musiciens continuent à s'ajouter à la formule, pendant que les petites mains s'affairent à construire au fur et à mesure le décor du spectacle. Une fois tout ce petit monde (avec en plus des quatre membres, rien moins que cinq musiciens: deux choristes, un guitariste, un clavier et un percussionniste) en place, la mise en scène continue, constamment changeante: des projections font évoluer le décor, Byrne et Weymouth changent de tenue, cette dernière chante d'ailleurs une chanson (Genius of love) en grande prêtresse de l'encore plus avant-gardiste Tom Tom Club, et un éclairagiste se promène tranquillement dans les rangs des musiciens pour les illuminer de spots qui projettent des ombres changeantes...

Et durant tout ce temps, le groupe assure. Certes, en cette fin 1983, le groupe est plus qu'installé et respecté. Mais la façon dont le concert se passe est purement magique: une énergie folle de tous les instants anime ces neuf musiciens, les chansons sont une fusion constamment excitante de simplicité harmonique et de polyrythmie avancée, l'Afrique (dont le groupe a commencé à s'inspirer avec le superbe album Fear of music en 1979 est ici combinée d'éléments funk particulièrement bien assumés... qu'ils soient membres permanents ou "employés", les neuf artistes donnent tout et sont traités à même enseigne, par un David Byrne qui assure à lui tout seul une partie impressionnante du show, mais l'essentiel, bien sûr, c'est la musique: et là, on est servi, le groupe ayant suffisamment de bonnes choses à son actif pour que le spectacle soit réussi. Donc, pas un seul temps mort, pas un moment de repos.

Et on voit bien ce qui a intéressé Jonathan Demme, un documentariste passé chez Corman, ou un fictionniste chevronné fasciné par l'intrusion du documentaire, on ne sait plus très bien: car un groupe qui expose sa mise en scène dans toute sa nudité, tout en jouant live des chansons que personne ne peut réussir - ou rater- à sa place, c'est du pur documentaire avec de vrais morceaux de tension dedans, et ça peut, si c'est bien fait, faire un film formidable.

Et c'est exactement ce que les Talking heads et Jonathan Demme ont fait: un chef d'oeuvre, de part et d'autre. Le metteur en scène, qui fera interpréter live la chanson Heaven dans Philadelphia (où Denzel Washington citera aussi le titre de la chanson Making flippy floppy) se souviendra longtemps de cette expérience enrichissante.

PS: oui, bien sûr, les Talking heads interprètent les fabuleux Once in a lifetime, Life during wartime et Take me to the river

 

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Jonathan Demme Danse
6 mars 2019 3 06 /03 /mars /2019 17:55

Si tu vas à Rio, n'oublie pas de monter là-haut... en effet!

L'intrigue de cette petite comédie musicale est très accessoire, et le film se présente clairement comme une tentative pour un studio moindre (la RKO) de concurrencer la Warner qui en cette année 1933 a déjà sorti trois comédies musicales révolutionnaires avec des ballets de Busby Berkeley, sur son propre terrain... On y voit un orchestre Américain, dirigé par Gene Raymond, et avec entre autres Fred Astaire et Ginger Rogers, se rendre à Rio pour un engagement dans un hôtel... Ils doivent y donner un spectacle, et évidemment le spectacle ne va pas pouvoir se faire à moins de trouver une idée de génie...

C'est un pur produit de son époque, après tout, et si on ne peut pas dire que Flying down to Rio arrive à la cheville de Footlight parade, 42nd Street et Gold diggers of 1933, au moins, sa vulgarité assumée, son côté gentiment foutraque et sa glorieuse loufoquerie lui assurent au moins une place dans l'histoire... Grâce aussi, soyons juste, à quelques passages formidables: une hallucinante variation d'un quart d'heure sur la Carioca (...PrYoupi), pour commencer, durant laquelle le scénario part purement et simplement et saute de la carlingue sans parachute; une série d'interventions spectaculaires de Fred Astaire, qui n'a pas volé le statut de star que ce film lui a volé; et UNE séquence à laquelle Berkeley n'avait pas pensé...

Bon, certes, en prime il y a Dolores Del Rio, impériale en amoureuse Brésilienne, à tel point qu'on aurait sans doute bien pu appeler le film Flying down to Del Rio... Mais Merian Cooper, le producteur de ce film, avait vraiment la passion de l'aviation, comme le prouve la séquence hautement improbable qui clôt le film: des girls fortement déshabillées qui dansent...

Et alors me direz-vous?

...sur les ailes d'un groupe d'avions. Sans Kong.

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Pre-code Danse
20 août 2018 1 20 /08 /août /2018 17:03

Réalisé durant le printemps 1934, mais sorti en septembre, soit après le retour du Code de production qui limitait sérieusement la liberté (et donc les côtés subversifs) des films produits dans les studios Hollywoodiens, Dames est la dernière grande comédie musicale de la Warner, cette fameuse série dont les ciné-chorégraphies assurées et filmées par Busby Berkeley étaient le centre d'attention. C'est aussi un cas d'école, car il me semble que c'est le premier de ces films dans lesquels les fameuses séquences musicales se font, mais oui, voler la vedette par la comédie !

La faute au casting, à n'en pas douter... Horace P. Hemingway (Guy Kibbee) se rend chez son cousin par alliance, le richissime et excentrique philantrope et père la pudeur Ezra Ounce (Hugh Herbert). Celui-ci lui promet de lui doner, en avance sur son testament, dix millions de dollars, à condition que ce brave Horace, bon père de famille, mari sans histoire (De Mathilda interprétée âr Zasu Pitts), et emballeur de saucisses de son état, mène une vie irréprochable. Facile, pense Horace... Mais deux éléments vont lui mettre des bâtons dans les roues : d'une part, sa fille Barbara (Ruby Keeler) est amoureuse du lointain cousin Jimmy (Dick Powell), un acteur (!!!), donc la brebis galeuse de la famille aux yeux d'Ezra ; d'autre part, sur le chemin qui le ramène en comagnie d'Ezra, Horace tombe entre les mains expertes d'une showgirl, Mabel (Joan Blondell)... Qui une fois en ville saura le faire chanter pour le pousser à financer pour Jimmy un show du genre qu'Ezra déteste : il y a des filles (« dames ») dedans...

La formule habituelle des films Warner se double ici d'une solide comédie de mœurs avec quiproquos et portes qui claquent, dans laquelle Guy Kibbee excelle. Ajoutez à ça Zasu Pitts et Hugh Herbert, et dès le départ, on a une promesse de comédie bien charpentée. Dans la lutte désespérée du cousin Ezra pour rester du côté de la probité, on notera un gag récurrent : à chaque fois qu'il est pris de hoquet, le bon Ezra se sert une goulée d'un élixir dont il est absolument persuadé qu'il va le guérir, sans jamais s'percevoir qu'il s'agit probablement de la gnôle frelatée de la pire espèce... Il est contagieux en plus, et Mathilda et Horace le rejoignent dans une scène de saoulôgraphie particulièrement appuyée.

Et puis il y a le code... Donc Busby Berkeley se retient beaucoup, notamment dans un numéro charmant et collet monté, qui plus est chanté par Joan Blondell : pas une bonne idée, maintenant on sait pourquoi Busby Berkeley avait souhaité ne proposer u'un numéro « parlé » à l'actrice dans le ballet Remember my forgotten man, dans Gold Diggers of 1933! Sinon, le ciné-chorégraphe laisse libre cours à son génie délirant dans I've only got eyes for you, où il démultiplie Ruby Keeler d'une façon très extravagante. Enfin, avec Dames, il se lâche un peu, ose nous convier dans la salle de bains des « filles » célébrées dans la chanson.

Mais tout en ayant leurs mérites, ces numéros ne possèdent pas la vitalité, la nouveauté, le mordant des splendeurs passées telles qu'elles sont apparues dans 42nd street, Footlight parade et Gold Diggers of 1933. Le film avec lequel Busby Berkeley commencera à son tour à mettre en scène non seulement les numéros musicaux mais aussi toute l'intrigue, sera d'ailleurs le moins bon de tout le cycle : bien fait, oui, mais terriblement fade... Ce qu'on ne peut pas dire de celui-ci, dans lequel pour la dernière fois, l'intrigue et les personnages jouent à cache-cache (ou à cache-sexe ? Je sors?) avec la censure : Joan Blondell, attendant Horace dans sa cabine en nuisette, les Dames dans leur baignoire sous une couche abondante de mousse, et les très efféminé Ezra qui proclame fièrement qu'il « Disapproves of females »... La friponnerie faisait encore un peu de résistance, mais ça n'allait pas durer.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Musical Busby Berkeley Danse
14 août 2018 2 14 /08 /août /2018 17:55

 

Un show en pleine dépression? Un show sur la dépression, plutôt!  Et pour le monter, les bonnes volontés sont les bienvenues. On suit les aventures de Carol, Trixie, Polly, et de leur voisin le mystérieux compositeur Brad, qui chante si bien mais se fait prier pour venir sur scène. Et lorsqu'il se laisse enfin faire, les ennuis commencent, puisque le jeune homme est l'héritier d'une puissante famille de financiers de l'est qui prennent assez mal son intronisation dans le milieu du show business...

Bien sur, il y a plus de chances de voir ce film rangé sous une bannière "Busby Berkeley" que Le Roy. Pourtant, tout en venant après deux films formidables également dus à la patte Berkeley, mais signés par Lloyd Bacon, en charge des scènes jouées (Footlight Parade et 42nd Street), cette comédie se prète assez bien à la comparaison avec les autres films majeurs de Le Roy. D'une part parce que contrairement aux deux films de Bacon qui obéissent à la même règle fondamentale (faisons un show, mettons des bâtons dans les roues du producteur, et attendons la fin pour lâcher les gros numéros de Busby berkeley), celui-ci tourne autour d'un prétexte de comédie plus traditionnel, et permet aux comédiennes et aux comédiens de développer une histoire pas entièrement dissoute dans le spectacle. Ensuite, en faisant intervenir Warren William et Guy Kibbee en hommes du monde qui tombents amoureux de deux showgirls, la vraie comédie de moeurs est plus encore de la partie. Et on retrouve la mise en scène discrète de Le Roy, son talent pour limiter le passage du temps en quelques mètres de pellicule, et son ton direct, quasi journalistique, à mille lieues du baroque des autres metteurs en scènes-artistes de la WB.

Quant à Berkeley, eh bien, ses scènes sont parfaitement intégrées, et vont encore plus loin que dans les films précédents, en particulier le grand final, Remember my forgotten man, qui prend le parti de montrer la crise et l'un de ses effets pervers de façon brutale et noire. Curieuse façon de terminer ce qui reste une vraie, une authentique "comédie" musicale, et décidément l'un des fleurons du genre. Et tant qu'à faire, rappel: il y a Joan Blondell et Warren William, et les petites manies de Berkeley en matière de numéros musicaux hallucinogènes. Donc c'est rigoureusement indispensable! Sans parler du fait que les films dans lesquels le jeune premier s'attelle à dépiauter les vêtements de sa petite amie avec un ouvre-boîte, ça ne court pas les rues...

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Musical Busby Berkeley Mervyn Le Roy Danse
28 juillet 2018 6 28 /07 /juillet /2018 08:50

Luna (Lali Ayguadé) et Diego (Nicolas Ricchini) sont gardiens d'un parking, et ils se relaient tous les soirs et tous les matins. Pour commencer, nous assistons à l'arrivée de Luna, qui doit troquer ses vêtements de ville (Colorés, légers) contre un uniforme. On sent que la journée de travail à venir ne se sera sans doute pas plaisante. Puis elle s'installe, et... Son patron lui demande de vérifier sur l'un des écrans quelque chose qui se serait passé durant la nuit, et ce qu'elle va voir va considérablement changer ses journées. Ainsi, d'ailleurs, que les nuits de veille de Diego...

Palme d'Or à Cannes en 2016, ce film Espagnol (Ou Catalan) est une merveille: dansé, oui, mais il ne correspond pas aux critères habituels, ni d'un film dansé (A plus forte raison avec la présence dans les deux premiers rôles de deux danseurs réputés, l'un et l'autre appartenant à la même compagnie, celle de Lali Ayguadé), ni à ceux de la comédie musicale. Vous savez, ces moments, dans les musicals de l'âge d'or d'Hollywood, où un artiste (Gene Kelly, Fred Astaire, Cyd Charisse) se met à danser en pleine rue, et ce comportement est pris finalement comme argent comptant par ceux qui l'entourent? Oh, bien sûr, parfois comme dans Singing in the rain, il y a un petit regard de travers, d'un flic par exemple. Mais dans l'ensemble la danse y est plus une métaphore qu'autre chose. Les films dansés, c'est différent: le film capte la danse, et celle-ci s'organise autour du montage, et des rigueurs de l'art cinématographique. Sans la danse, le film n'est donc pas possible. 

Donc Timecode n'a rien à voir avec ces deux traditions. L'essentiel du film y est justement narratif, joué, finement observé, et basé sur le regard justement. Ce que voient Diego et Lun sur leurs écrans, c'est à chaque fois l'autre, qui pour la caméra de surveillance, et pour le seul bénéfice de l'autre, danse. Pas des chorégraphies parfaites, non, justement. Des gestes d'abord esquissés, puis de plus en plus assumés. Le chassé-croisé dure jusqu'à ce qu'on se dise qu'il serait bien que ces deux-là puissent, un moment, partager une garde. Et ça tombe bien: eux aussi, et c'est merveilleux...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Danse
25 avril 2018 3 25 /04 /avril /2018 14:39

L'unique film du metteur en scène de Broadway John Murray Anderson, spécialisé dans les "prologues" pour séances de cinéma (Voir à ce sujet l'excellent Footlight parade de Lloyd bacon, chaudement recommandé pour l'excellence de ses séquences musicales réalisées par Busby Berkeley), est cette production controversée de 1930. La principale controverse en réalité provient du titre: on attend évidemment en 2018 d'un film qui s'appelle The King of Jazz, qu'il nous présente du jazz, ou qu'il y ait un rapport avec la musique Afro-Américaine... Or il n'en est rien. Et pour cause.

Car en 1930 si rien ni personne ne peut vous empêcher quelle que soit votre origine ethnique d'écouter Duke Ellington, Louis Armstrong ou... Paul Whiteman, le mélange n'est pas possible sur pellicule. Sur scène non plus, d'ailleurs! Donc ce King of jazz est dédié à celui qui avait été ainsi surnommé par les médias de l'époque, le rondouillard chef d'orchestre Paul Whiteman. Les tenants d'un jazz pur et dur qui ont vu le film ont eu la dent dure avec ce personnage, qu'ils ont accusé de tous les maux. Ce qui apparaît dans ce film-revue, est que Whiteman était un vulgarisateur qui avait à coeur de fournir une musique populaire de qualité, et savait s'entourer: on entendra les légendaires instrumentistes ou chanteurs Bing Crosby, Frankie Trumbauer, Joe Venuti ou Eddie Lang (ces deux derniers, respectivement violoniste et guitariste, étant l'inspiration principale de la collaboration future entre Stéphane Grappelli et Django Reinhardt)... Les partitions portent aussi de grands noms, à commencer par George Gershwin. Excusez du peu...

Mais The King of Jazz avait plus d'un atout dans sa besace: une forme assez libre, un Technicolor rutilant, des séquences de comédie qui parfois duraient quelques secondes (et qui nous permettent de retrouver Glenn Tryon, Laura La Plante, Slim Summerville ou Walter Brennan, pour de rares fractions de secondes à l'écran), et un metteur en scène libéré des contraintes de la scène et qui pouvait s'approcher comme il le voulait de son show, plus une idée de génie, qu'on attribue à Whiteman lui-même: le film a été tourné en muet (du moins pour ses séquences musicales) et post-synchronisé ensuite. Ca paraîtra idiot, mais personne n'y avait pensé avant! On le voit, la Universal avait mis les petits plats dans les grands...

...Et pourtant le flop, malgré la popularité de Whiteman, a été retentissant. Du coup, le film a été découpé en tranches, afin que ses parties puissent nourrir les programmes de courts métrages durant quelques années. Aujourd'hui, la reconstruction diffusée sur blu-ray Criterion est donc un sauvetage miraculeux... D'un film qui serait sympathique, mais assez quelconque, s'il n'y avait l'intérêt historique d'y voir l'orchestre jouer une version de Rhapsody in blue tel que Ferde Grofé l'avait orchestré pour Whiteman en 1924, et en couleurs dans des décors délirants, entre art déco et kitschorama... Ou le plaisir bizarre du Technicolor Bichrome, décidément tellement plus séduisant que son descendant en trichromie... ou tout simplement le plaisir d'assister à la naissance d'un nouveau style de musical, dont les films de Berkeley seront les rejetons immédiats.

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Pre-code Danse Criterion Technicolor
1 novembre 2017 3 01 /11 /novembre /2017 09:39

Après les cartons successifs de On the town, An American in Paris et Singin' in the rain, le premier et le troisième étant co-réalisés par Kelly et Stanley Donen, il était inévitable que Gene Kelly tente une aventure complètement solo. C'est ce qu'est cet étrange film, unique en son genre dans l'histoire de l'unité d'Arthur Freed. Mais le moins qu'on puisse dire c'est que ce film était voué à l'échec commercial... Il est formidable d'ailleurs qu'il ait pu être réalisé...

Le projet prend sa source d'une part dans l'esprit bouillonnant de Kelly, qui a trop d'idées à la minute pour ne pas avoir envie de les exploiter, et dans la volonté d'étendre le musical au-delà des frontières communément admises depuis les années 30 et 40. Donc, après avoir, le plus souvent à la MGM, créé des ballets de plus d'un quart d'heure qui s'intégraient de façon impressionnante dans des narratifs plus traditionnels, et réalisé prouesse technique après prouesse technique (Danser avec une souris de dessin animé, avec un fantôme de lui-même, ou encore transformer les rues, les vraies et celles de studio, en un terrain de jeu), Kelly avait révolutionné le musical de façon durable en créant pour le public une figure identifiable, un brave type comme eux. Le temps était venu de faire un film entièrement consacré à la danse...

Donc, en trois ballets cinématographiques, Invitation to the dance se débarrasse des oripeaux conventionnels de la comédie musicale, en supprimant l'intrigue et les dialogues. Et Kelly s'est entouré d'un nombre impressionnants de talents Européens notamment, pour danser avec lui: Tamara Toumanova, qu'on reverra aussi bien dans Torn Curtain d'Hitchcock, que dans The private life of Sherlock Holmes de Billy Wilder, ou encore Claude Bessy font des apparitions notables (Toumanova hors de son registre classique); le metteur en scène a vraiment voulu créer une version totalement cinématographique de la danse. Une fois de plus, les prouesses de ce film (Qui reprend l'idée d'utiliser le cartoon sur un des trois ballets) sont uniquement disponibles sur film, les ballets en sont impossibles à reproduire hors de l'espace filmique...

Ce n'est absolument pas une surprise, Invitation to the dance doit énormément au cinéma muet, dont il reprend l'expressivité. Le premier des trois ballets contient d'ailleurs des allusions à Chaplin et au Cirque; le titre en est Circus. Il s'y inspire aussi partiellement de la fameuse séquence de pantomime policière qui ouvre Les enfants du Paradis pour faire bonne mesure. Le deuxième segment, Ring around the rosy, le plus "moderne", reprend l'idée de La ronde, en montrant au passage avec une grande ironie une vision surréaliste de la bonne société "avancée" de New York. La musique en est signée par André Prévin, très présent au piano. Enfin, Sinbad the sailor reprend le fétiche du danseur-comédien-metteur en scène-chorégraphe pour l'uniforme, en contant un Sinbad danseur, qui passe du pays des mille et une nuits, au pays des cartoons de Hanna et Barbera. C'était j'imagine prévu comme le clou du film... On peut noter que la partition de ce conte est inévitablement tirée de l'increvable Schéréhazade de Rimsky-Korsakov. Mais je pense que le deuxième segment reste le meilleur moment du film. 

Pourquoi l'échec, alors? Les gens avaient besoin d'une histoire, d'une part. Et si Freed a soutenu Kelly, on ne peut pas en dire autant du studio, qui a tout fait pour étouffer le film: tourné en 1952, post-produit en 1953, prévu pour sortir en 1954, et sorti finalement en double programme en 1956, rare film Américain à sortir en 1: 33:1 au milieu des superproductions en Cinémascope qui envahissaient les écrans... Je ne suis pas surpris. Mais je le suis beaucoup plus qu'on ait fini par oublier un peu ce film, qui me semble résumer à sa façon, en 90 minutes bien remplies, l'art si particulier d'un des plus grands chorégraphes de tous les temps, qui n'oublie jamais d'être avant tout un cinéaste.

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Gene Kelly Danse