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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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15 décembre 2018 6 15 /12 /décembre /2018 09:43

Croyez-moi, ce Salome avec Alla Nazimova est un sacré sac de noeuds, l'un des rares films muets Américains qui soit pour moi quasi impossible à regarder, quel que soit l'état de la copie, et quel que soit le moment de la journée... Il a bien fallu que j'aille au bout, et ce à trois reprises, je pense qu'il n'y en aura pas une quatrième. 

Pour commencer, Charles Bryant est d'abord le collaborateur et mari d'Alla Nazimova, l'actrice Russe qui est venue au terme d'une longue errance, s'installer aux Etats-Unis. Collaborateur, car il est comme elle acteur à la base. Mari, car l'un comme l'autre a besoin d'une couverture, on appelle ça en Anglais common law husband ou wife, un époux qui sert surtout à détourner le regard des diverses lois et convenances de cette époque plutôt frileuses vis-à-vis des sexualités "différentes". Il a réalisé en tout et pour tout deux films, en compagnie de son épouse, dont l'un (A doll's house) est perdu; l'autre est toujours là, pour notre plus grand plaisir, manifestement... 

Nazimova était différente aussi par ses ambitions artistiques. Venue au cinéma par le théâtre, elle y avait cultivé une sorte de dandysme particulièrement étonnant, tout en réussissant à devenir la star d'un studio, la Metro. Quelques rares films nous sont parvenus, parmi lesquels l'étrange mais séduisant The red lantern d'Albert Capellani. Devenue plus importante, Nazimova allait montrer plus d'ambition notamment en essayant de marier le cinéma plus intimement avec les autres arts: c'est là que se situe de Salome à la croisée des chemins... Il est une adaptation (écrite pas l'actrice sous un prête-nom) de la pièce de Wilde, pour laquelle Nazimova a demandé à Natacha Rambova de créer des costumes en référence directe aux illustrations de Aubrey Beardsley pour la sortie de volume de la pièce. Et le jeu des acteurs et actrices (parmi lesquels on reconnaîtra Rose Dione, la copine de Browning et Ingram, Nigel de Brulier qui commence à se spécialiser dans les mystiques et interprète Jean le Baptiste, ou encore le grand et méconnu Mitchell Lewis qui interprète ici le roi Hérode) est largement influencé par la danse plus que par le théâtre, chaque geste résultant en une artificialité convenue d'avance, soulignée, et le plus souvent (mais c'est un avis hautement personnel) ridicule.

On a beaucoup reproché à Nazimova, 45 ans au moment des faits, d'interpréter l'adolescente Salomé supposée être âgée de 14 ans, mais c'est un faux procès. Voyez par vous-mêmes toutes les sopranos vieillissantes qui ont approché le rôle dans l'opéra de Strauss, créé dix ans après la pièce de Wilde et donc fortement sous influence (notamment avec la fameuse danse des sept voiles): Alla Nazimova sur ce point s'en sort bien, et la fausseté du résultat ne jure de toute façon pas trop avec l'artificialité du décor ou des costumes, encore moins du jeu global...

Le résultat global en tout cas est sans appel: en adaptant cette anecdote très courte, Nazimova et Bryant font durer leur plaisir de façon assez insupportable, en demandant à chaque acteur de sur-jouer sa partie: A demi-nu, décharné, De Brulier n'a sans doute pas l'habitude d'être l'objet de convoitise sexuelle, Mitchell Lewis en rajoute dans la grimace extrême, Dione en fait des tonnes, les danseurs invités à jouer les gardes du palais sont non seulement desservis par leur costume, mais en prime ils ont ordre de souligner grossièrement par tous les moyens leur côté le plus efféminé (c'est un miracle que le film réussisse d'ailleurs à ne pas déclencher l'hilarité). Et la danse des sept voiles est devenue ici une danse sans aucune sensualité, bien qu'Hérode à la vie de la performance manque de s'en étrangler de bonheur... Bref, ça ne marche pas. Mais alors pas du tout.

On peut toujours s'évanouir de félicité comme le font certains commentateurs enthousiastes, et déclarer que même raté c'était un pas de géant vers un cinéma ambitieux et artistique; on peut saluer le courage d'une artiste qui n'avait pas froid aux yeux et voulait à sa façon se placer dans le sillage de Wilde en offrant sa version d'une expérience d'art gay; on pourra même y trouver un certain humour, pourquoi pas? En attendant, ce film gonflé de prétention est d'un ennui mortel, d'un ridicule un peu trop assumé pour être honnête, et sa réflexion sur le regard et le désir de l'humain est déjà inhérente au cinéma muet Américain en pleine mutation, faisant de ce film une voie de garage. Même pas de luxe.

 

 

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Published by François Massarelli - dans 1923 Muet Alla Nazimova **
25 juillet 2018 3 25 /07 /juillet /2018 09:10

Le réalisateur Tod Browning, en 1920 et 1921, avait enchaîné les succès pour la Universal, notamment avec ses mélodrames criminels et films d'aventure interprétés par Priscilla Dean: en particulier, The Virgin of Stamboul et Outside the law, avaient été particulièrement salués par le public. Mais pour le chef de production du studio, Irving Thalberg, le metteur en scène ne va pas tarder à devenir un problème à part entière: l'alcoolisme de Browning ne fait plus aucun doute et finit par peser sur son travail. Et... ça se voit.

White Tiger est le fruit de cette situation: un film qui attendra d'ailleurs plusieurs mois sur les étagères et a probablement fait l'objet d'un remontage, et d'un re-titrage afin de le rendre ne serait-ce que présentable... Le tigre blanc du titre est une métaphore, un animal qui symbolise les criminels aux abois, devenant soudain solitaires et plus dangereux pour autrui. 

L'intrigue commence par un prologue dans lequel Hawkes (Wallace Beery), un Irlandais un peu trop copain avec la police, dénonce son copain Donovan, qui meurt dans l'opération policière qui s'ensuit. Il laisse derrière lui deux enfants, Roy et Sylvia, tous deux persuadés que l'autre est mort... Roy va grandir de son côté, et Hawkes va adopter Sylvia, la formant à son métier de cambrioleur et pickpocket. 

A Londres des années plus tard, Hawkes devenu 'Le comte Donelli' fait passer Sylvia (Priscilla Dean) pour sa fille. Ils "travaillent" à côté de Mme Tussaud's, le célèbre musée de cire, et font la connaissance d'un jeune homme, "The Kid" (Raymond Griffith), qui est un escroc d'un autre genre: il est l'automate joueur d'échecs, caché dans le support de la machine... Bien sûr, les deux jeunes gens ne se reconnaissent pas, mais ils affichent de suite une véritable complicité. Les trois vont s'associer, et filer à New York pour y effectuer des cambriolages élaborés... 

Déguisements, faux semblants, le petit monde des attractions canailles, échafaudages criminels improbables, et triangle criminel: tout ça ressemble à l'univers de Tod Browning tel qu'il se développera à la MGM, avec son complice le scénariste Waldemar Young. Mais ce qui me frappe, c'est à quel point l'intrigue de ce film ressemble à un rêve, dans lequel un improbable scénariste bifurquerait constamment. Il y a des qualités, notamment un certain humour, mais je ne suis pas sûr qu'il était déjà là au départ! L'association entre Beery, Dean et Griffith ne tient pas le coup, et comment faire passer la pilule mélodramatique du frère et de la soeur qui ne se reconnaissent pas, alors qu'ils sont précisément en compagnie de l'homme qui a trahi leur père?

Et pourtant, il y a des qualités, et des scènes intéressantes: le prologue, qui me paraît d'ailleurs tourné dans les mêmes décors que Outside the law, et en nocturne; et surtout, une scène située vers la fin: après un long passage durant lequel Roy, entre la vie et la mort, Sylvia (les deux savent désormais qu'ils sont frère et soeur, même si on ne sait pas trop comment Roy l'a appris), et un quatrième larron (Matt Moore) ont démasqué leur complice Hawkes, et l'ont ligoté; Sylvia qui croit Roy condamné à brève échéance, veut se venger sur la personne de Hawkes, auquel elle a juré de le marquer au fer rouge! Elle saisit donc un tisonnier... C'est la nuit, il y a un orage, et le rythme lent adopté par Browning fait merveille. Et quand elle ouvre la porte qui la sépare de Hawkes, elle réalise que celui-ci s'est échappé...

Le rythme, j'en parlais il y a quelques lignes, est ce style lent et contemplatif adopté par Browning, qui laissait les acteurs faire leur travail, mais les noyait dans des gestes qui tournaient parfois à la digression. Du coup, les redondances alourdissent le film, et certaines scènes, déjà mal parties (Cette idée de s'encombrer d'un automate joueur d'échecs pour un cambriolage! et pourquoi pas une animalerie tenue par une vieille ventriloque, tant qu'on y est!!), finissent par devenir incohérentes et incompréhensibles... 

Bref, on comprend que la Universal ait eu du mal à avoir envie de sortir le film, et ait viré Browning. Ironiquement, il allait revenir pour y réaliser l'un de ses films les plus connus, les plus médiatiques, et probablement l'un des pires films jamais effectués à Hollywood: Dracula!

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Published by François Massarelli - dans Muet Noir Tod Browning 1923 **
1 juillet 2018 7 01 /07 /juillet /2018 15:18

Die Flamme, ou Montmartre tel qu'il était nommé en France et dans les pays anglo-saxons, est le dernier film Allemand de Lubitsch, qui est en partance pour les Etats-Unis, où il fera la merveilleuse carrière que l'on sait. Je suis toujours un peu mitigé sur la partie Européenne de la filmographie du metteur en scène, en raison d'une trop grande versatilité, ce qui pourtant devrait être un avantage. Dans le cas de Lubitsch, qui nous a habitué grâce à ses comédies Américaines à sa fameuse "touch", qui consistait en une utilisation géniale du regard pour faire passer les situations à travers de menus détails mis en exergue, les films Allemands tournaient souvent, succès et savoir-faire oblige, autour de sombres épopées qui se prêtent mal, justement, à l'intimisme de sa mise en scène. 

Difficile du reste de juger ce film, un conte de marivaudages cruels dans lequel Alfred Abel joue manifestement le rôle d'un tentateur et Pol Negri une femme qui tente de faire oublier une mauvaise réputation: il en reste peu de choses... La version restaurée par la cinémathèque de Münich est réduite à une seule bobine, et concerne la confrontation entre les trois principaux protagonistes: Yvette (Pola Negri), prostituée amoureuse qui est prête à se sacrifier pour ne pas entraîner dans sa chute l'homme qu'elle aime; Gaston (Alfred Abel), le manipulateur qui la menace, et Adolph (Hermann Thimig), l'homme de la belle société qui revient vers la femme qu'il aime. Ce dernier étant un peu à part, l'extrait est surtout consacré à un conflit ouvert entre Pola Negri, femme forte comme Lubitsch les aimait, et Abel, en diable au sourire charmeur...

En espérant qu'un jour on puisse voir enfin le film sinon dans son entier, en tout cas dans une continuité plus décente: dans ce drame en costumes qui se joue dans des intérieurs Parisiens, il me semble que j'ai vu plus de Lubitsch que dans tout Das Weib des Pharao, qui lui a fait l'objet d'une reconstitution spectaculaire...

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Published by François Massarelli - dans Muet Ernst Lubitsch 1923 Film perdu
13 mai 2018 7 13 /05 /mai /2018 14:31

Will Rogers a eu deux carrières au cinéma, finalement: une première tentative à l'époque du muet, qui s'est finalement soldé par un échec de ses longs métrages, qu'il avait commis l'erreur de vouloir produire lui-même, et la courte mais glorieuse période durant laquelle, le cinéma devenu parlant, l'acteur chéri de l'Amérique s'est totalement réconcilié avec le grand public en tournant dans des films de Henry King, Frank Borzage et bien sûr John Ford. Ce film de trois bobines (une curiosité en soi) est donc situé à la toute fin de la première lorsque Rogers ayant essuyé une banqueroute sévère après ses tentatives de production, a trouvé refuge chez Hal Roach.

Il y incarne Jubilo, un vagabond qui, selon la tradition des histoires des années 20, cherche à la fois la fortune et la planque, en voyageant sous les trains. Une habitude prise par tellement de monde, que dans un petit patelin de Californie, le shérif Noah Young  a décidé de tout faire pour débusquer et arrêter les gens qui s'y risquent. Si dans un premier temps Jubilo tente d'échapper à la loi, il se ravise, car il a entendu parler du fait qu'à la prison locale, on allait servir un plantureux repas au nom de Thanksgiving... Mais pour des raisons qui sont difficiles à expliquer, à moins, il est difficile de se faire arrêter quand on en a le besoin...

Trois bobines, soit ici 27 minutes dans ce qui est une version intégrale de l'un des premiers courts métrages de Will Rogers pour Roach: je le disais plus haut, c'est une curiosité, car le studio se risquait peu à réaliser des moyens métrages, préférant soit des courts de une à deux bobines, le gros de la production, soit des longs métrages de six à sept. mais trois bobines, c'est soit trop long, soit pas assez... Un problème que n'a pas ce film, qui a l'avantage de laisse les personnages vivre leur aventure jusqu'au bout, et surtout de laisser Will Rogers, qui ne pouvait pas travailler dans la folie hystérique, prendre son temps. Quant à Charley Chase, le metteur en scène de ce film (signé sous son vrai nom), il a su fournir le cadre parfait pour le film, très soigné, et particulièrement bien interprété, par la fine fleur de chez Roach.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1923 *
26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 16:42

Vers 1860, en Autriche, Baruch Mayer (Ernst Deutsch) se découvre une vocation théâtrale. Mais il est Juif orthodoxe, fils de rabbin, et n'a jamais souhaité rejeter cette part de son héritage. Mais l'envie est trop forte, et il s'enfuit. Il prend alors part à une petite troupe itinérante, et est repéré par une archiduchesse (Henny Porten) qui a ses entrées dans le tout-Vienne. Baruch devient acteur, et va triompher, mais aussi commencer à renier partiellement son identité. Parallèlement, le jeune homme naïf ne va pas prêter attention au monde corrompu qui l'entoure, et ne jamais se poser de questions sur le soutien pour le moins étrange de l'archiduchesse...

Les efforts des nazis pour occulter le cinéma Juif produit en Allemagne à l'époque du muet ont bien failli réussir, mais il reste quand même quelques-un de ces films. Celui-ci, réalisé par un futur prodige (En 1925, il va réaliser avec Variété l'un des plus beaux films muets allemands), est intéressant pour commencer par une plongée totale dans un ghetto orthodoxe, montré avec délicatesse, mais aussi une certaine ironie. Et la querelle des anciens et des jeunes qui en fait le sel nous en rappelle une autre: il y a beaucoup de parallèles avec The Jazz Singer, quand même...

Mais le film perd une grande partie de son intérêt dans sa deuxième partie, celle qui est située hors de la communauté justement, à cause d'une volonté permanente de louvoyer entre ironie et naïveté. En gros, il semble qu'il n'arrive pas tant de choses que ça à ce pauvre Baruch Mayer, vu qu'il ne se rend compte de rien ou presque... Et le film, en plus de deux heures, souffre de cette tendance à la lenteur qu'avaient les Allemands des années 20... ou que préconisent les restaurateurs des oeuvres aussi, soyons justes... Mais pour la beauté de la photographie, et pour la justesse tendrement ironique de la peinture de la communauté Juive tiraillée entre la tradition ("das alte gesetz") et la tentation de la modernité, le film, un véritable conte initiatique, vaut la peine.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1923 E.A. Dupont **
16 juin 2017 5 16 /06 /juin /2017 09:10

Gloria Swanson a probablement du apprécier le changement radical dans sa carrière que lui a apporté la décision de confier la réalisation de trois de ses films à Allan Dwan, le franc-tireur qui avait non seulement survécu aux années 10 (il a débuté en 1911) mais aussi à la prise de pouvoir par les studios! Miss Swanson aussi, en 1923, tient du vétéran: certes, elle n'a débuté en 1915, mais elle a eu sa période avec Mack Sennett, puis au moins deux passages importants à la Paramount; d'une part, elle a bien sûr été une actrice de tout premier plan chez Cecil B. DeMille (Male and female, The affairs of Anatol), puis elle a été dirigée vers l'unité de Sam Wood pour lequel elle a interprété des rôles dramatiques (Beyond the rocks) mais elle s'ennuyait ferme. Donc Zaza est l'un des premiers pas pour raviver une carrière qui menaçait de tanguer sérieusement...

Et on se rappelle de quelle Peggy Pepper, devenue Patricia Pépoire, dans le film Show people de King Vidor (1928), se voyait rappeler la comédie, ce milieu dont elle venait, au moment ou elle n'en finissait pas de devenir hautaine et méprisante: il y avait, bien sûr, du Gloria Swanson dans ce portrait amusé effectué par Marion Davies; et Zaza, c'est un peu la quadrature du cercle pour Miss Swanson...

Le film provient d'une pièce à succès des music-halls Parisiens, vaguement inspirée elle-même par Nana dont ce film devient un peu une version "rose", édulcorée et centrée autour de la comédie. A paris, le théâtre Odéon a une vedette incontestée, qui a la première place dans le coeur du public: Zaza (Gloria Swanson) se comporte d'ailleurs comme une insupportable diva capricieuse, ce que l'actrice Florianne (Mary Thurman) a bien du mal à supporter dans la mesure où elle était auparavant la star... Mais si Zaza a bien le comportement détestable d'une actrice imbue d'elle-même qui revendique un traitement à part, elle est aussi folle amoureuse d'un homme, le diplomate Bernard Dufresnes (H. B. Warner) qui vient fidèlement la voir tous les soirs. Il y a un peu de rivalité avec Florianne pour le séduire, mais ça ne durera guère: Dufresnes n'a d'yeux que pour Zaza. 

Seulement, il est marié...

Du coup, on a tout Swanson en un seul film! Dwan a su combiner avec bonheur les capacités de sa star, qui vampirise l'écran avec un bonheur rare! Elle échappe aux clichés en se livrant corps et âme à son rôle, aidée par un casting impressionnant (on décernera une mention spéciale à Lucille La Verne qui joue l'alcoolique mondaine qui recueille au théâtre comme dans les salons les confidences de Zaza) et une réalisation superlative: Dwan se joue de tous les écueils, de ces faux extérieurs tournés dans un studio, qui reconstituent une rue impossible d'un village Français sublimé, de ces scènes durant lesquelles il devra diriger la foule en sachant qu'on n'aura d'yeux que pour la star... Le film ne prend pas trop son temps (84 minutes), le ton est constamment léger, entre drame et comédie, et c'est un régal. 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1923 Allan Dwan Gloria Swanson **
11 juin 2017 7 11 /06 /juin /2017 11:07

C'est sans doute avec ce film que les choses vraiment sérieuses commencent pour Germaine Dulac... Elle qui a expérimenté avec les formes établies du drame bourgeois (Voir La fête Espagnole ou La cigarette), rêvait de s'affranchir de l'intrigue pour placer l'intérêt sur la transcription visuelle des émotions et des impressions, et c'est ce film qui va lui permettre de faire exactement ce qu'elle souhaitait.

L'histoire proprement dite est un petit argument qui semble par bien des aspects être un pendant "réaliste" de l'intrigue de La cigarette: une femme, mariée à un homme plus âgé et qui la néglige, se prend à rêver de mieux. Ces rêves viennent comme en écho à l'imagination  débordante du mari du film précédent, qui se voyait cocu parce qu'il réalisait que son épouse était trop jeune pour lui. Pourtant elle lui restait fidèle du début à la fin du film! En revanche, si Madame Beudet (Germaine Dermoz) avait pu, elle ne se serait pas privée! Et son mari (Alexandre Arquillère) ne se serait probablement pas aperçu du moindre problème.

Germaine Dulac choisit de privilégier le point de vue de l'épouse, souvent délaissée pendant que son mari travaille ou sort. Cette solitude n'est pas forcée: Madame Beudet n'a pas très envie, manifestement, de s'afficher avec son mari... surtout quand pour faire rire ses amis, il joue la comédie du suicide en public! Mais dès qu'il est absent, elle l'imagine remplacé par d'autres: Dulac utilise, lors d'une scène assez drôle, la surimpression d'un tennisman qui entre dans l'appartement du couple, et débarrasse Madame Beudet de son mari! Mais la rêverie débouche souvent sur l'impasse, car l'épouse lasse est bien obligée d'admettre que le seul qui franchira le seuil pour la rejoindre sera toujours M. Beudet.

On l'aura compris: si le film est essentiellement une étude psychologique en surface, il n'en reste pas moins que ce dont il est question ici c'est d'amour physique et de frustration, celle de ne pas pouvoir se laisser aller à la passion...

Afin de terminer son arc narratif, Dulac choisit de nous montrer une réconciliation en demi-teintes: Beudet comprend que son épouse est tellement déprimée qu'elle menace de se supprimer, et il lui fait comprendre qu'il ne peut pas vivre sans elle...

Ce qui clôt en effet l'intrigue sur une note positive. Ce qui en revanche n'empêche pas Dulac de nous montrer à la fin du film le couple marchant côte à côte dans la rue, à une certaine distance l'un de l'autre. Un intertitre dévastateur assène le coup final, nous expliquant qu'ils sont unis 'par l'habitude'...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1923 Germaine Dulac **
20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 14:16

Tom Mix, à la Fox dans les années 20, c'était un peu le cowboy passe-partout. Une énorme vedette, dont l'authenticité souvent impressionnante des films (Décors naturels, grands espaces, et tant d'endroits encore préservés qui rendaient la triche de studio inutile pour qui cherchait des endroits sauvages) contrastait cruellement avec le côté fabriqué de son personnage: grand chapeau, costume exagéré, et bons sentiments érigés en médaillon inamovible... Mais Tom Mix a tourné pour Ford!

Rappelons qu'en 1923, le grand metteur en scène (Qui signait ses films "Jack" Ford, préférant le diminutif à son pseudonyme pourtant copié d'un auteur de renom) n'a pas encore réalisé The iron horse, le film qui allait faire de lui un auteur remarqué; il est arrivé à la Fox en 1920, et s'est vu confier des tâches qui tournaient autour du western: Just pals, son premier film Fox, par exemple se situe dans une petite ville qui pourrait très bien être une ville de l'Ouest après la pacification. De même pour The village blacksmith, quand à Cameo Kirby, il raconte les aventures picaresques d'une fripouille sur les bateaux à aube du Mississippi... North of Hudson Bay appartient à cette veine, confrontant le Cow-boy Tom Mix aux grands espaces du Grand Nord...

Michael Dane (Tom Mix) se rend vers le nord de la baie D'Hudson, où il envisage de retrouver son frère Peter (Eugene Palette). Mais avant l'arrivée du petit frère, Peter est tué. On accuse son partenaire Angus McKenzie, mais celui-ci jure être innocent du crime. La punition de ces pionniers est une marche forcée, sans arme ni moyen de subsistance, dans la nature: Angus va pourtant y survivre, et il est secouru par Michael... Le problème, c'est que selon l'usage, toute personne qui porte secours à un condamné à la "piste de la mort" doit désormais s'y soumettre lui aussi...

Michael Dane déjouera tous les pièges, et sauvera du même coup son ami Angus, ainsi que la jolie Estelle McDonald (Kathleen Key), une jeune femme qu'il a rencontré au début. Certes, le script passe-partout est particulièrement mélodramatique, mais il a la qualité de permettre à Ford et Mix de faire exactement ce qu'ils voulaient faire: tourner un film en liberté, dans la neige, au milieu des montagnes et des rapides! Et il y a des loups, et les tribus Indiennes locales (Du Nord, oui, mais celui de la Californie, j'imagine) sont venues prêter main forte à l'entreprise... Un bon bol d'air, pour des images saisissantes... Mais il y a aussi, dès le début, une scène domestique qui montre comment maman Dane s'apprête à dire adieu à son deuxième fils: une scène qui se répétera de film en film, et qui montre un attachement viscéral du metteur en scène à l'idée de famille, aux racines.

On regrettera évidemment que ce film de cinq bobines n'ait pas été conservé en entier, même si l'intrigue telle qu'elle est aujourd'hui, resserrée sur quatre bobines, fonctionne encore. Mais, et il est toujours le moment de le rappeler, si on a aujourd'hui récupéré environ 25 films muets de John Ford, dont certains sous la forme de fragments, combien manquent encore à l'appel?

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Published by François Massarelli - dans Muet Western John Ford 1923
21 janvier 2017 6 21 /01 /janvier /2017 15:39

Un homme raconte, lors d'un dîner informel, une histoire étrange à ses amis... Située en 1799, l'anecdote raconte un mystère sanglant, qui a conduit à la mort d'un innocent. Lors d'un orage, deux militaires se sont arrêtés à une auberge où on leur a fait une place. Puis un homme, négociant en diamants, est arrivé, mais l'aubergiste ne pouvant lui offrir une chambre, les deux militaires lui ont fait une place. Le lendemain, le diamantaire a été retrouvé mort, et on a rondement accusé le seul des deux militaires, Prosper Magnan, du crime. Mais qu'est devenu l'autre? Il a disparu... 

Pas tout à fait, car c'est l'un des convives du dîner...

Jean Epstein a adapté ici un conte de Balzac, en y expérimentant sur la subjectivité, à l'aide du montage et d'un jeu de gros plans qui tous permettent un changement permanent de point de vue. L'atmosphère légère et chaleureuse du dîner initial, qui se charge en lourdeur au fur et à mesure du déroulement de l'anecdote, l'orage et la menace palpable représentée par la clientèle quelque peu sordide de l'auberge, tout vient en réalité de l'image et de son agencement. C'est intéressant, mais comme souvent chez Epstein, c'est aussi assez froid et démonstratif. Reste une série de belles interprétations: Gina Manès, en particulier...

Sinon, afin que ce soit dit une bonne fois pour toutes: n'attendez pas ici de voir un prêtre perdu entre devoir et trouille, ni cannibalisme: ce film, n'a rien à voir avec la comédie sardonique du même nom de Claude Autant-Lara avec Fernandel, Françoise Rosay et Julien Carette.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1923 Jean Epstein
29 décembre 2016 4 29 /12 /décembre /2016 10:19

Les films de la compagnie Preferred Pictures, de B. P. Schulberg, sont assez peu remarquables en soi. Le fait que beaucoup d'entre eux aient été réalisés par le vétéran Louis Gasnier est déjà une indication... Mais le principal intérêt reste que c'est le studio qui a le premier offert un contrat à la jeune Clara Bow; parfois elle avait le premier rôle et ça donnait de bons résultats (Parisian Love), et parfois elle était reléguée, comme ici: elle joue le rôle d'Alice, un second rôle un peu trop effacé pour qu'on s'y retrouve. Les deux rôles principaux sont assumés par Ethel Shannon et un certain Harrison Ford (Aucune relation). Notons, et c'est sans doute le paradoxal principal intérêt de ce film aujourd'hui, que Maytime était un film perdu jusqu'à ce qu'on le retrouve en 2009 parmi les oeuvres muettes Américaines et Britanniques que possédaient les archives de Nouvelle-Zélande. Incomplet, les bobines restantes parfois en dangereux état de décomposition, mais regardable... du moins jusqu'au trois-cinquième de sa durée...

 Deux époques, vues l'une après l'autre: en 1895, Ottilie Van Zandt aime Dick Wayne, mais elle fait partie de la haute bourgeoisie, et lui est le fils de l'employé de son père. Tout avenir à cet amour est donc impossible... Il part pour faire fortune, pendant qu'Ottilie essaie de l'attendre... Mais la pression de sa famille pour la marier à l'improbable cousin Claude est trop forte, et le jour du mariage, Dick revient, et un scandale éclate. Une seule façon de s'en sortir: pour laver Ottilie de tout soupçon, Dick annonce qu'il va épouser la petite Alice, la voisine, qui l'aime en secret depuis toujours... On imagine que tous ces gens vont vivre malheureux pour l'éternité, néanmoins un court passage nous annonce que si Claude et Alice ont fini par mourir, les deux anciens amants ont survécu, mais ils sont trop vieux.

Nous faisons donc la connaissance, en plein jazz age, de leurs petits-enfants... Et c'est là que le film s'arrête, car les trois dernières bobines de cette oeuvrette sans prétention ni relief apparemment, n'ont tout bonnement pas été retrouvées... Un destin qui habtuellement, attend des films entiers. S'il fait se réjouir qu'une partie d'un film, fut-il sans grand intérêt, ait pu survivre, l'effet produit est assez ennuyeux: c'est exactement comme si l

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Published by François Massarelli - dans Muet Clara Bow 1923