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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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10 mai 2020 7 10 /05 /mai /2020 17:11

Dorothy Gish a été en quelque sorte rebaptisée à vie en 1918, lorsque Griffith (qui a toujours eu un faible pour elle, parce qu'elle devait lui en faire sérieusement baver) lui a confié le rôle d'une espiègle créature, complètement à l'inverse de sa soeur la toujours digne Lillian, dans Hearts of the world. Cette 'little disturber', comme elle était nommée au générique, allait façonner bien des rôles à venir, à commencer par l'une des deux plus visibles de ses interprétations, celle d'une mendiante dans Romola aux côtés de sa soeur. C'est aussi le cas pour ce film: il y a fort à parier que Wilcox avait vu dans cette petite peste à l'écran une actrice capable de remplir ses images de la dose d'espièglerie voulue...

Le cas de Nell Gwyn (comme il était orthographié, au mépris du nom historique de son héroïne, avec deux N) est plutôt curieux: il s'agit sans doute du film Anglais ayant eu le plus de succès aux Etats-Unis durant les années 20. Son auteur, un jeune réalisateur-producteur ambitieux, avait eu du succès avec Chu-chin-chow, avec Betty Blythe en 1923. Blythe était plus ou moins lessivée après avoir été une star importante pour la Fox, et cherchait des opportunités en Europe, alors que Wilcox cherchait justement à percer sur le marché Américain; le film ayant été distribué par MGM en 1925 aux USA, le réalisateur s'est dit qu'il fallait retenter le coup, avec une autre vedette Américaine. Dans ce film désormais distribué par Paramount, c'est à Dorothy Gish que le metteur en scène a fait appel pour interpréter la maîtresse du roi dans ce film en costumes pour lequel la publicité insistait bien sur l'aspect fripon: il est surtout ici question de coucheries, et l'obsession mammaire (Si on en croit les gestes déplacés qu'il tente par-ci, par-là ) de Charles II est plutôt mise en valeur par les décolletés impressionnants affichés par la star (Oui, oui, la soeur de Lillian). C'est d'ailleurs un cas d'école, et on n'a jamais l'impression que Dorothy Gish soit très mal à l'aise avec ces tenues plus que suggestives; elle assume les poses et les déshabillés provocants avec un remarquable aplomb.

Est-ce parce qu'elle savait qu'elle n'avait plus aucune chance de concurrencer sa soeur, et qu'elle n'avait plus vingt ans, ou qu'elle ne pouvait rivaliser avec les nouvelles venues de Hollywood (Evelyn Brent, Janet Gaynor, Clara Bow, Joan Crawford, Greta Garbo sont là et bien là)? Dorothy Gish, exubérante (A plus forte raison à 24 i/s!) et mutine, domine l'écran, et on n'attendait pas une telle franchise dans la sexualité de la part de la soeur de Lillian Gish: lorsque le roi, qui a installé Nell dans un palais luxueux, vient récolter son dû et éteint une à une toutes les bougies, on voit le visage de Dorothy passer de l'appréhension à la curiosité, puis à un franc sourire sans aucune ambiguité. Elle joue de toute sa candeur aussi, notamment dans les scènes du bain (Rassurez-vous, la baignoire est un tonneau suffisamment haut pour que la morale y trouve son compte) ou quelques instants après ses ablutions quand elle essaye des bas, qu'elle montre à ses amis sans aucune pudeur. Le film qui prend assez clairement le prétexte de redonner à cette personne connue de tous mais plus ou moins écartée de l'Histoire, la grande, louvoie entre la comédie avec les provocations de la star, sa rivalité affichée avec Lady Castlemaine, l'autre favorite (Juliette Compton), et le marivaudage entre le roi et la fille du peuple, et une certaine tendresse à l'égard de ces coulisses de l'histoire, qui culmine dans une belle scène de passage de témoin à la fin: le roi est mort, vive le roi... et Nell disparaît de l'Histoire.

Voici un film historique dans lequel la nécessaire reconstitution s'arrête aux costumes, aussi révélateurs soient-ils, car le film a été assez économique: Wilcox fait reposer l'essentiel de son film sur une reconstitution sans grand faste, des costumes soignés, et l'ambiance. Mais c'est cohérent dans la mesure où le film parle plutôt d'intimité à travers la belle actrice qui a réussi à faire plier un roi et à vivre un amour plutôt qu'une promotion canapé. Tout le film est subordonné à ses personnages, et surtout, surtout, à celle qui lui a donné son titre... Le film a été un succès à l'époque, mais il n'a pas engendré de réel intérêt pour le cinéma Britannique au-delà de la curiosité de voir Dorothy Gish, alors éclipsée par sa soeur, dans un inhabituel véhicule. Le film sera refait en 1934 avec Anna Neagle, qui n'est pas Dorothy Gish. Cette fois, l'orthographe initiale de Nell Gwynn sera respectée.

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Dorothy Gish *
26 avril 2020 7 26 /04 /avril /2020 11:56

A l'origine du film, une pièce de théâtre, l'une de ces nombreuses oeuvres mises en avant par les réformateurs, groupes de tempérance et autres associations religieuses: un peu à la façon du célèbre Uncle Tom's Cabin. Mais en pleine prohibition, cette intrigue anti-alcoolique aurait du perdre son attrait. Le truc employé dans le film pour réactualiser, a été de placer l'histoire dans un flash-back, entre l'arrivée d'un dandy citadin en pleine campagne (on comprendra qu'il est un bootlegger), qui se plaint du calme de la communauté, et les souvenirs d'un protagoniste local, qui lui raconte comment le village est devenu un paradis raisonnable, après avoir été un enfer...

L'intrigue tourne donc autour de Joe Morgan , un brave homme dépossédé de son entreprise par l'alliance entre quelques notables et des hommes corrompus. Morgan passe son temps à boire, et symbolise à lui seul la déchéance programmée de toute la communauté. Il leur faudra un électrochoc, à savoir la mort d'une petite fille lors d'une bagarre entre deux hommes ivres, pour que la situation change...

On va assez loin, jusqu'à la lutte à mort entre deux hommes, et même jusqu'à l'incendie volontaire du saloon par les citoyens révoltés... Le film est une petite production indépendante par les Colored players of Philadelphia, un groupe d'acteurs qui a tenté de lancer une production de films Afro-Américains non militants, et sous la responsabilité d'entrepreneurs établis. Ca  a été un échec, puisque la compagnie a du jeter l'éponge après seulement quatre films, dont celui-ci est le deuxième. Mais c'est assez soigné, avec des acteurs capables, dont Charles Gilpin, qui joue le rôle principal, et qui était une sommité du théâtre Afro-Américain, ou encore Lawrence Chenault, qui jouait souvent pour Oscar Micheaux. Une autre version de la pièce, 100% blanche celle-ci, sera produite en 1931. Il faut croire que la prohibition n'était pas des plus efficaces...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 **
25 avril 2020 6 25 /04 /avril /2020 17:39

Un chimiste (Werner Krauss) vit le parfait amour avec son épouse (Ruth Weyher) en pleine harmonie, lorsque il remarque les traces d'un trouble dans sa vie: il ne supporte plus d'utiliser des couteaux, et s'isole de sa femme. Lequel des deux événements contemporains au début de son problème a bien pu jouer dans l'apparition de sa névrose? L'arrivée de leur cousin (Jack Trevor) dont il est secrètement jaloux? Le meurtre de la voisine par son mari, qui lui a tranché la gorge avec un rasoir? Ou le professeur manifeste-t-il tout simplement une sorte de frustration quant à l'absence d'enfants dans le couple? C'est à la psychanalyse de répondre...

Pabst était un touche-à-tout dès l'époque du muet, et ce film, situé comme une parenthèse dans son oeuvre entre deux oeuvres de longue haleine toutes deux marquées par une forte inspiration sociale (Die freudlose Gasse, Die Liebe der Jeanne Ney), le voit s'intéresser à un drame bourgeois finalement assez banal. Il n'y aurait sans doute pas grand chose à retirer d'un tel cas, si Pabst n'avait fait des choix formidables: d'une part il a demandé à ses acteurs de jouer dans le plus grand naturel dans la partie qui conte l'histoire domestique. Et Werner Krauss, grand acteur expressionniste devant l'éternel, est ici plus que subtil...

Par contre, Pabst obtient des passages plus délirants dans ses séquences de rêve, qui sont souvent répétées dans le film (nous assistons au rêve dans on intégralité, puis il sera découpé en tranches pour être analysé plus tard): mais ces séquences doivent leur ton baroque plus aux choix visuels qu'au jeu des acteurs, encore. Enfin, l'analyse se solde par des recours à des scènes durant lesquelles Pabst fait rejouer les moments-clés du drame par ses acteurs, sur des fonds blanc, et dans un style de jeu neutre. Il en ressort l'impression d'une complexité de la psychologie humaine, rendue ainsi palpable pour le spectateur du film muet.

Le film était une commande ambitieuse du département Kulturfilm de la UFA, qui se spécialisait dans les documentaires, plus que dans les films narratifs. Ce qui n'empêche pas Pabst de s'amuser un peu; par exemple, il réussit parfois à teinter son intrigue d'une touche de comédie légère; surtout, il contourne une exigence de la censure: dans ce film qui a recours à Freud, pas une trace de sexualité. Pas une trace, du moins, dans le script... Dans le film, c'est autre chose. Ainsi, si la jalousie et l'absence d'enfants sont deux moteurs de la névrose, on constatera que le professeur manifeste à deux ou trois reprises, symboliquement, des traces d'impuissance, certes motivées par la jalousie. Et l'effort quasi impossible de se rendre en haut d'un phare qui grandit au fur et à mesure, est un symbole phallique qui manque de subtilité!

C'est donc à une authentique halte psychanalytique dans l'oeuvre de Pabst que nous sommes conviés, une halte faite avec goût, et qui n'est pas un film si mineur dans l'oeuvre de celui qui a dressé, de film en film, un portrait social et moral de l'Allemagne des années 20, et l'a fait en débouchant souvent sur une thématique d'une richesse impressionnante.

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 Georg Wilhelm Pabst Muet *
4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 09:51

Une affaire curieuse, mêlant escroquerie, vol en bande, et corruption généralisée, mâtinée de kidnapping, provoque l'intervention de Billy Stokes, vétéran aviateur de la première guerre mondiale et détective amateur. Réussira-t-il à récupérer l'argent volé et à innocenter le bouc-émissaire?

On pourrait se contenter d'ironiser, devant la pauvreté affichée de ce film qui se targue d'opposer deux aviateurs en pleine Floride, dans les arrières-cours les plus désolées des quartiers noirs des environs de Jacksonville... C'est fauché à l'extrême, les faux raccords sont légion, les acteurs pas vraiment au niveau, et en plus ils regardent parfois le metteur en scène hors champ leur donner des instructions. Le pire, bien sûr, ce sont les scènes aériennes tournées dans une grange devant une toile peinte, cette dernière avec des réparations visibles. On pourrait.

Pourtant, il faut avoir conscience que cette production 100% Afro-Américaine, située dans un état du Sud, et pas le plus progressiste loin de là, a du avoir bien des vicissitudes, et bien du courage pour s'accomplir. Norman était un passionné de cinéma qui s'était fixé pour mission de fournir les cinémas de la ségrégation avec des films qui n'avaient tout bêtement rien de militant, juste des films policiers, des films d'aventure, des comédies, en 35 mm avec un budget ridicule... Il a découpé son film en 6 parties pour permettre aux exploitants de montrer le film comme un serial s'ils le voulaient, et il a sciemment adopté le ton légèrement surréaliste et ultra-naïf du genre... Par moments, la proverbiale "suspension of disbelief" qui est la clé de l'adhésion au cinéma (en gros, c'est le moment où vous savez pertinemment que c'est faux, mais vous y croyez quand même)  finit même par fonctionner... un peu.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 **
27 août 2019 2 27 /08 /août /2019 17:40

Un couple de saltimbanques (Une danseuse, et un homme-canon) veut se marier... Mais comme lui est jaloux et elle veut garder sa liberté de se produire sur scène, ils abandonnent leurs idées de mariage. Puis un certain nombre de personnages viennent leur polluer l'existence, dont un industriel amoureux de la danseuse, et son épouse qui elle souhaite retrouver l'homme-canon. Bref: les portes claquent, les "ciel mon mari" sont muets, et si le rythme est bien là, l'invention est à chercher ailleurs...

Il y a sans doute quelque chose de furieusement Berlinois dans ce film, qui d'ailleurs recrute deux acteurs que l'on connaît aujourd'hui surtout par leur contribution aux oeuvres de jeunesse de Ernst Lubitsch: Ossi Oswalda et Harry Liedtke. Mais Oswald, lui, n'est évidemment pas Lubitsch! Donc cette comédie avec vieux messieurs obsédés par les jambes des danseuses reste quand même sérieusement clouée au plancher, à plat.

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Published by François Massarelli - dans Comédie Richard Oswald Muet 1926
18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 12:04

Nicolas Koline, émigré Russe arrivé à Paris en même temps que les Mosjoukine, Volkoff, Lyssenko et consorts, a été lui aussi une figure importante du cinéma Français muet, avec la compagnie Albatros d'abord,  puis en indépendant. Acteur de comédie (Il est bien sûr l'immortel cuisinier "invisible" de Napoléon) et metteur en scène à l'occasion, son cinéma était tourné résolument vers le public, et notamment celui de la comédie...

Le graisseur du P.L.M. (Paris-Lyon-Marseille, avant la création de la SNCF), Galupin (Nicolas Koline), a une vie tranquille, entre son pot-au-feu, son petit blanc, et un boulot certes salissant mais qu'il aime bien: un jour qu'il est à graisser les roues d'un train à l'arrêt, deux passagers se plaignent de son chant intempestif... John Beckler (Charles Vanel) et son secrétaire Colchester font venir le graisseur, et échangent quelques mots. Surpris devant l'optimisme de Galupin, Beckler lui fait comprendre que posséder de l'argent n'apporte que des soucis, et ils font un marché: Beckler donnera 600 000 Francs par mois à Galupin à la condition expresse que celui-ci les dépensera intégralement. Le graisseur accepte, mais ne va pas tarder à le regretter...

La famille Galupin se complète de cinq personnes; Madame Galupin (Ernestine de son petit nom) est interprétée en solide matrone par Madeleine Guitty, et sinon ils ont quatre enfants. Le ton global est celui de la farce, et pas des plus fines... Ca se laisse voir comme on dit, et Nicolas Koline est décidément bien sympathique, mais c'est tellement inoffensif que ça en devient sans saveur...

Sauf peut-être quand Galupin qui n'arrive pas à écouler son argent fait une croisière avec des marins saouls, et qu'ils abordent ce qu'ils croient être une île déserte, et qui s'avère être une station balnéaire. La bouffonnerie l'emporte... 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926
17 juillet 2019 3 17 /07 /juillet /2019 16:39

Peter (Ralph Ludwig), Lotte (Margot Misch) et Frieda (Fee Wachsmuth) sont des enfants placés dans une famille d'accueil, les Zielke: et comme on s'en doute dans un mélodrame, la vie n'est pas rose. Madame Zielke (Margarethe Kupfer) a recueilli des enfants illégitimes parce qu'elle peut en tirer quelque chose, et le père Zielke (Max Maximilian) est alcoolique et violent. Un jour, Peter et Lotte prennent très froid, et Lotte meurt de pneumonie: Peter décide de dénoncer le couple, et va se trouver placé chez une femme (Hermine Sterler) qui est très bonne avec lui. Mais son père (Bernhard Goetzke) réapparaît dans sa vie: il est batelier, et il se figure que devenu un peu plus grand, il peut faire travailler son fils...

Lamprecht choisit cette fois de s'intéresser aux gosses de Berlin, et crée à cette occasion un univers Dickensien, avec en prime un couple d'affreux parents d'accueil qui ont tout des Thénardier! Il choisit aussi de se situer à la hauteur de ses petits héros, et surtout de Peter: il est vrai que le jeune acteur, Ralph Ludwig, est excellent dans le rôle. Mais surtout, et ça lui sera reproché au vu des critiques contemporaines, le metteur en scène adopte le point de vue d'un enfant: ils souffrent, et le reconnaissent; ils envient ceux qui ont plus qu'eux (comme le prouve la toute première scène où on passe de la description des passe-temps d'une petite fille de riches, à la misère des deux héros), mais ils acceptent tristement le monde tel qu'il est, sans le questionner plus avant. Et le film ne le fait pas non plus...

Ce n'est pas la première fois que je le dis: Lamprecht est riche en compassion, et c'est un homme qui est motivé par la générosité. Ses films en font foi; mais changer le monde? Ca ne semble pas l'intéresser... Au moins son film est-il une plongée assez réussie dans la vie de ces enfants, mais on aura du mal à parler ici de réalisme, tant le film se nourrit des traditions du mélodrame et des romans simplistes. Maintenant, on ne quitte de toute façon pas l'univers de Lamprecht, puisqu'il fait ici appel à ses acteurs habituels, et que de nombreuses scènes, de par la vitalité des jeunes acteurs, nous prouvent que le tournage a du être un grand moment pour tout le monde. Cette joie de vivre transparaît au moins à l'écran...

 

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Published by François Massarelli - dans Gerhard Lamprecht 1926 Muet *
16 juillet 2019 2 16 /07 /juillet /2019 17:47

Continuant dans la veine de son film Die Verrufenen qui s'intéressait de façon naturaliste à la vie de pauvres berlinois, Lamprecht se lance dans une fresque dédiée à la vraie vie d'un immeuble sous la République de Weimar, utilisant le prétexte du lieu presque unique pour lier les histoires et les personnages entre eux.

Les personnages, c'est bien sûr le mot-clé: l'une des réussites du film dont je parlais plus tôt avait été dans la confection "prise sur le vif" de ces quelques habitants défavorisés de la capitale Allemande. Ce nouveau film n'est pas en reste, et le film repose sur plusieurs anecdotes liées au lieu, un immeuble de centre-ville qui abrite plusieurs familles et plusieurs destins:

La propriétaire, la veuve Büttner (Erika Glässner), est une méchante personne, qui n'est satisfaite que par l'arrivée en temps et en heure des loyers. Elle met un point d'honneur à menacer ceux qui ne paient pas de les mettre dehors. Elle va tomber entre les griffes d'un escroc qui va lui promettre le mariage.

...C'est d'ailleurs la faute de Ria Ricorda Roda, la "conseillère matrimoniale" (Margarethe Kupfer), une brave dame qui semble prospérer avec une affaire qui n'a sans doute pas grand chose d'honnête.

Madame Ipanovna (Olga Limburg) tient une école de danse dans l'immeuble, ce qui donne parfois de la vie dans les escaliers.

Dans les derniers étages, il y a la famille du vendeur de ballons (Berthold Reissig), et un vieux professeur de piano qui a du mal à joindre les deux bouts (Paul Bildt). Il y a aussi une dame qui a sans doute connu des jours meilleurs, madame Von Volgast (Mathilde Sussin) et son fils Dieter (Andreas Bull).

L'intrigue la plus importante, au milieu de tout ça (avec des ramifications évidemment) est celle qui concerne le bijoutier Rudloff (Eduard Rothauser) et ses deux filles: la plus jeune, Brigitte (Renate Brausewetter), travaille avec lui et est attentive aux malheurs des habitants des étages, surtout le jeune Dieter; la plus âgée, Gertrud (Aud Egede-Nissen), est mariée au conseiller d'état Helmuth Köhler (Alfred Abel), mais elle vient de passer en jugement pour avoir entraîné la mort d'un homme en conduisant. Au début du film, on apprend qu'elle vient d'accoucher d'un fils: la famille se déchire autour de la condition de la mère et de l'enfant...

Tout ce petit monde nous est présenté au début par deux infatigables commères, qui donnent un peu un ton léger au film. C'est vrai que contrairement à son précédent effort "Berlinois", Lamprecht a décidé d'insuffler un peu de comédie dans ce nouvel effort qui en dépit de similitudes de structure avec Die freudlose Gasse, reste beaucoup plus optimiste. C'est, tout de suite, un film passionnant, qui sait nous rendre proche des personnages, au moyen de scènes parfois en apparence inutiles, mais qui toutes participent d'un ensemble, soit en faisant le lien entre les êtres et les appartements, soit en créant des passerelles d'une intrigue à l'autre. 

Tout ne sera pas totalement résolu à la fin du film, mais la plupart des personnages vont évoluer, et beaucoup d'entre eux vont voir leurs problèmes résolus: ce qui n'a pas manqué d'attirer sur Lamprecht les foudres de certains critiques qui l'accusaient de légèreté, là où il avait plutôt tendance à  faire passer un message, fut-il naïf: car le futur metteur en scène d'Emil und die Detektive nous parle ici d'entraide, de main tendue et de compassion. Son film n'a rien d'un cri d'alarme politique, mais c'est beaucoup plus un éloge de la générosité, incarnée entre autres par Brigitte et son père. Mais on peut aussi voir cet aspect dans le comportement d'une ballerine anonyme, qui met en rapport Madame Ipanovna et le pianiste, sauvant ainsi ce dernier. Elle avait une bonne raison, car elle lui avait manqué de respect dans l'escalier. Et on en revient à ce que je disais plus tôt sur ces scènes apparemment inutiles: c'est parce qu'elle revient de l'étage où elle a acheté un ballon que la jeune femme bouscule le pianiste, et par voie de conséquence lui vient ensuite en aide. Tout le film fonctionne dans cette tendance à passer d'une strate (d'un étage) à l'autre, par des mouvements qui tous ont une suite, des conséquences, et une logique naturelle et désarmante. 

L'effort d'observation qui préside au film est remarquable, tout comme la mise en scène qui disparaît totalement derrière les personnages et leur destin. Ca donne un film généreux, qui emballe sans jamais faire d'étincelles inutiles. Car il est manifeste, au vu de  ses films, que Lamprecht aime demander de la retenue à ses acteurs, qui sont remarquables de subtilité. Les plus intenses restent, sans surprise, les deux "stars Langiennes", Alfred Abel et Aud Egede-Nissen, qui réussissent à ne pas déparer en jouant suffisamment le jeu. Et l'actrice, qui doit incarner dans le film une prisonnière séparée de son enfant nouveau-né, est sans doute le seul vrai lien de ce beau film avec le mélodrame. Pour ma part, je pense que l'interprétation de celle qui fut une Cara Carozza excessive dans Dr Mabuse, der Spieler, est ici irréprochable.

Voilà qui donne sérieusement envie de continuer à explorer le travail de Gerhard Lamprecht, un metteur en scène qui n'était ni Lang, ni Lubitsch, ni Murnau, ni Pabst, et qui a pourtant réussi à se bâtir une carrière hors des sentiers battus du cinéma Allemand, autour de quelques films hautement personnels, dont celui-ci est un excellent échantillon... Et à travers son plaidoyer pour la générosité et l'entraide, se niche un portrait fascinant d'une société en voie de désintégration, dont on sait ce qu'elle est devenue ensuite: alors ça donne envie de tirer la sonnette d'alarme.

 

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Published by François Massarelli - dans Gerhard Lamprecht Muet 1926 *
3 juillet 2019 3 03 /07 /juillet /2019 16:05

L'auteur de A star is born (1937) a mis du temps à percer, si on en croit son imposante filmographie: celle-ci commence en effet en 1920, soit deux ans après la fin d'un événement crucial de sa vie: sa participation à la première guerre mondiale. Ce qu'il en a retiré en tant que cinéaste? Un sens absolu du refus du compromis, et une maîtrise hallucinante des films d'action. Ce qu'il reste de ses vertes années, pourtant, est ce film: l'une des comédies les pires que j'aie pu voir... Et apparemment ce sentiment est unanime.

Il nous conte les mésaventures de Peter Good (George K. Arthur), un nigaud (en Anglais de l'époque, a boob) qui dans un petit coin campagnard et donc fort reculé de l'Amérique, est amoureux depuis toujours de son amie Amy (Gertrude Olmstead). Mais celle-ci lui préfère un beau moustachu, Benson (Harry D'Algy). Pour impressionner et récupérer sa fiancée, Peter décide de devenir un homme d'action...

Théoriquement, c'est Robert Vignola qui devrait être crédité ici, sauf que... Wellman, décidément mal perçu par le nouveau studio qu'était la MGM, a été appelé à la rescousse pour terminer le film à la place de Vignola qui était hors-jeu. C'est assez incroyable qu'un dur à cuire comme Wellman, dont on sait l'efficacité, ait pu être considéré uniquement comme un "réparateur" de films par le studio, puisque ce cas n'est pas isolé dans sa période MGM. Mais sa période de travail sur le film a été jugée suffisamment longue pour qu'il hérite d'un crédit. Je ne pense pas que le cadeau soit très valorisant!

On va le dire tout de suite: Wellman a toujours prétendu qu'il avait commencé à boire plus que de raison durant le tournage de ce film afin d'oublier et de faire passer la pilule. On ne peut que le croire, tellement ce film n'est ni drôle, ni réussi, ni intéressant. Une heure qui passe lentement, dans une torpeur malaisée... Rien à retirer si ce n'est une série d'apparitions de Joan Crawford, dont on peut se demander pourquoi la MGM l'employait au compte-gouttes! Wellman a ensuite tout fait pour se faire virer, et comme on le sait, il a ensuite trouvé refuge à la Paramount où on l'a un peu mieux traité. Ouf.

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 William Wellman Comédie Navets Robert Vignola **
12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 13:24

Quand un cinéaste s'acharne au-delà du raisonnable, tout peut arriver, y compris n'importe quoi. Mais quand il sait qu'il a raison, et que contre vents et marées, contre la production, les coupes budgétaires, le doute et même contre le bon sens, il a décidé que le film doit se faire, parfois, ça donne de l'or: Chaplin, Stroheim, Christensen et bien sûr Orson Welles sont tous passés par là. On devrait, aujourd'hui, connaître ce film comme on connaît les classiques de ces grands noms... Mais l'histoire a été injuste envers Sandberg, comme d'ailleurs avec le cinéma Danois dans son ensemble, dont on retient essentiellement un nom de réalisateur aujourd'hui, je vous laisse deviner lequel. Non que ce ne soit mérité, et non que j'estime que Sandberg puisse rivaliser sur la distance avec tous ces grands artistes.

Mais ce film, qu'il a voulu faire voire refaire puisque c'est un remake, et sur lequel il a littéralement hissé le drapeau noir, terminant le film en solo après avoir essuyé le refus de la Nordisk qui jusqu'alors le produisait, eh bien ce film, donc, est un chef d'oeuvre, un mélodrame admirable qui justifie la dithyrambe... 

Le matériau de base, c'est bien sûr le film de 1917 avec Valdemar Psilander, énorme succès dans un pays qui affectionne la noirceur dans le mélo, et doté d'une trame à toute épreuve, pour 1917 du moins: un clown, qui travaille dans un petit cirque minable, est fou amoureux; un homme de la ville vient lui apporter une promesse d'immense succès s'il accepte de se rendre à la capitale pour y devenir une star; il le fait, mais va graduellement perdre son épouse qui s'est laissée séduire par le tentateur mentionné plus haut; elle va en mourir, et le clown qui sombre dans l'alcoolisme va finalement prendre le prétexte d'une représentation pour tuer son rival en public, durant la représentation... De cette intrigue, on retiendra l'inéluctabilité du destin, l'ironie, et le choix apparemment obligatoire entre bonheur et succès, l'un ne pouvant aller avec l'autre. Tous ces thèmes sont présents dans ce nouveau film, mais Sandberg va beaucoup plus loin en accentuant d'autres aspects, déjà présents mais uniquement en filigrane. Son nouveau film, qui dure le double du précédent, va prendre son temps aussi et creuser les personnages. Beaucoup d'entre eux n'étaient que des silhouettes à l'identité plaquée (le clown naïf, le séducteur à moustache, la femme futile et frustrée, les braves vieux artistes, etc), dans ce nouveau film le metteur en scène les dote d'une identité, d'une histoire, d'une essence...

Deux choix étaient cruciaux: le premier est celui des acteurs, et sans surprise quand on connaît le cinéma Danois des années 20, Sandberg fait appel à des acteurs de plusieurs pays: à un solide casting Danois, il ajoute le Suédois Gösta Ekman pour interpréter Joe Higgins le clown; deux acteurs Français, l'un de tout premier plan, viennent compléter la liste: si on se souvient assez peu d'Edmonde Guy, modèle et actrice spécialisée dans les petits rôles "plastiques", en revanche, comment oublier Maurice de Féraudy, l'inoubliable interprète de Crainquebille et des Deux timides? Ici, il est le beau-père complice, un rôle de vieux de la balle, profondément humain. Sinon, Karina Bell joue Daisy, le belle écuyère, et Robert Schmidt lui aussi Danois, sera le séducteur Marcel Philippe, qui était un comte sans envergure dans le film initial. Ici, le rôle a été transformé de fond en comble et son arc qui va durer sur tout le film permet au personnage d'acquérir une dimension bien plus intéressante... Tout en restant, bien évidemment, le méchant incontesté du film, cela va sans dire. Le deuxième choix pour Sandberg est lié à son envie de dépoussiérer, voire d'aérer cette histoire, et sans aucun doute à la présence deux acteurs Français: de nombreux extérieurs sont tournés en France, notamment dans les rues de Paris, où Sandberg a lâché ses acteurs, au milieu de la foule; tournant à distance. C'est criant de réalisme et de vie...

Le personnage bien sûr sur lequel tout le film repose, celui du clown "Joe Higgins", est joué avec conviction par Gosta Ekman, qu'on connaît ici surtout pour sa contribution à Faust de Murnau, mais dont il ne faut pas oublier qu'il a lui-même été une immense star, participant au deuxième age d'or du cinéma suédois, tout en étendant son champ d'action dans toute la Scandinavie et les pays Germaniques. Son visage si particulier, lunaire même, passe beaucoup mieux pour faire passer l'innocence de ce personnage trahi, que pour interpréter Faust, si vous voulez mon avis! Mais dans ses mains, Joe Higgins gagne en complexité, et Sandberg en a fait un nouveau personnage: désormais, Joe Higgins assume clairement le statut de star au point d'en développer un complexe de supériorité marqué par une vanité excessive. Quand il interdit à son épouse d'accepter les cadeaux de Marcel, elle lui répond gentiment que lui accepte tous les cadeaux qui lui sont faits... Ce à quoi il rétorque que c'est pour son talent. La scène de la révélation de la tromperie reprend l'idée du premier film, en situant cette révélation dans un miroir, mais la scène est étendue, et contient plusieurs éléments de référence explicite à la vanité, à l'égarement même du personnage de Joe qui a perdu Daisy en se perdant lui-même. Au final de vengeance du premier film, on substitue ici une scène durant laquelle Joe VEUT tuer Marcel Philippe, mais la peur donnera à ce dernier une crise cardiaque: une ironie dans laquelle passent des allusions à l'impuissance, mais aussi au fait que finalement Joe comme Marcel sont tous deux victimes du péché d'orgueil du clown... Et si Sandberg ne cherche jamais à frimer, il multiplie les petites touches de mise en scène pour faire de chaque séquence un merveilleux moment de cinéma. Par exemple, quand Marcel, Daisy et Joe marchent ensemble après que ce dernier a eu la révélation de leur duplicité, ils s'enfoncent dans une rue noire, inquiétante... Quand Daisy se jette à l'eau, le reflet du nom de son mari en lettres de lumière apparaît sur la surface de la rivière... Ajoutez à ça un sens aigu de la composition, une utilisation hors pair de la figuration et de la profondeur de champ... Bref: Sandberg fait un film et il le fait à la perfection!

Ce sera malgré tout son dernier grand film, et c'est dommage. Il faut croire qu'en 1926, il n'y a pas de place pour une telle production, aussi soignée soit-elle. On a au moins la chance d'en disposer dans une très belle version, intégrale et telle que l'a voulu son metteur en scène. Celui-ci reprend donc la thématique de son premier film, avec cette image de ville corruptrice face à une ruralité simple et humaine. Un sujet encore de saison, puisque l'année suivante Murnau allait réaliser Sunrise... Mais Klovnen enrichit le mélodrame d'une façon inventive, systématique, et ce avec un bonheur constamment renouvelé...Si ceci était l'unique film de Sandberg, il aurait définitivement sa place dans l'histoire, et pas seulement en bas d'une page.

En attendant, en bas de cette page, justement, voici le film:

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/klovnen

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 Muet DFI A.W. Sandberg *