
Le grand déclencheur, ça a été The big parade: le film de King Vidor a changé pour toujours la façon dont le cinéma Américain allait désormais voir la guerre. Avant, c'était Hearts of the world, The four horsemen of the apocalypse ou Shoulder arms: la tragédie, l'opéra même, voire la comédie, mais quelque soit la teneur dramatique, il y avait toujours un "nous" et un "eux"... Avec The big parade, on a découvert, enfin, que la guerre est une souffrance partagée, un gouffre dans lequel l'homme perd son humanité. ce qui ne l'empêche pas de rester, occasionnellement, un héros. Après le film de Vidor, d'autres sont venus s'ajouter et confirmer cette nouvelle façon de voir. Dans cette période qui va de 1925 à la fin du muet, on peut évidemment compter Wings (1927) de William Wellman, et le magnifique film All quiet on the western front (1930) de Lewis Milestone. De façon moins flagrante, Seventh heaven (1927) et Lucky Star (1929) de Frank Borzage, et Four sons (1928) de John Ford, s'ajoutent par certaines séquences à la liste. Enfin, ce film de Walsh, l'un des rares à avoir survécu, est l'un des plus gros succès de la période...
Deux Marines, le capitaine Flagg (Victor McLaglen) et le sergent Quirt (Edmund Lowe) sont d'éternels rivaux, depuis toujours: à chaque fois que Flagg fait une conquête féminine, Quirt se débrouille pour la lui piquer... Mais c'est la guerre, et Flagg est le che d'un bataillon au repos sur l'arrière, dans un petit village: il est très bien, du reste, car le cafetier local a une jolie fille, Charmaine (Dolores Del Rio), dont Flagg est vaguement amoureux. Bref, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si d'une part Quirt ne venait relever le capitaine de son commandement, le temps d'une permission à Bar-Le-Duc, et bien sûr, s'il ne fallait pas de temps à autre aller chatouiller les Allemands...
L'impression qui domine, est celle d'une fuite en avant. Flagg et Quirt n'ont pas d'attache, semble-t-il, ils vivent tout entiers pour leur mission... Mais ça ne les empêche pas d'avoir une vraie lucidité sur les hommes qui les entourent. Flagg en particulier est une vraie mère poule, du moins par derrière... Et Walsh divise son film en deux sortes d'épisodes: ceux consacrés à la vie qui continue, à l'arrière, malgré la menace permanente, et ceux-là sont de la comédie pure et dure. Les autres parties du film sont bien sûr les scènes de guerre, et elles tranchent sur les autres par leur dureté et leur réalisme...
Le propos de Walsh est de montrer que l'homme a besoin en temps de guerre d'une sorte d'espace neutre, et Charmaine est cette garantie pour les deux hommes... Pas que pour eux, car Charmaine, qui clame haut et fort qu'elle ne vendra pas son coeur, devient chez le sentimental Raoul Walsh une mère poule pour tous les soldats qui peuvent mourir un jour où l'autre. Elle agit même en mère de substitution pour un jeune artiste-peintre dont Flagg pense qu'il n'a rien à faire dans cette guerre.
Mais rien à faire: le côté bourru des hommes entre eux en attendant la bataille, le "repos du guerrier" incarné par une fille pas farouche, tout ça est daté, et pas vraiment concluant... Trop de picaresque finit par rendre le film un peu suspect, et puis on n'oublie pas qu'il y a une pièce à succès, justement. Walsh a mieux dépeint la guerre dans Objective to Burma, par exemple... Reste qu'on aimerait au moins voir ce classique jamais édité en DVD dans de bonnes conditions!
Une dernière chose: je ne le trouve certes pas convaincant, mais ce What price glory? de Raoul Walsh, a au moins un avantage pour lui: il n'est pas l'immonde remake de 1952, l'un des films les plus atroces de John Ford.


























