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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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2 juin 2024 7 02 /06 /juin /2024 10:00

Aux côtés d'un Paul Fejos ou d'un Orson Welles, Richard Oswald était un cinéaste bourlingueur, d'abord en Europe, puis aux Etats-Unis où sa fuite du régime nazi l'avait conduit. Si sa carrière à Hollywood s'est surtout effectuée dans la série B, le réalisateur actif dès les années 10 avait conservé un certain prestige jusqu'à la fin du cinéma muet, et ce long métrage de 1928 est une co-production dominée par les Italiens.

C'est l'un des atouts de l'Italie Mussolinienne: à travers son cinéma, le pays pouvait essayer de répandre un semblant de prestige, mais devant les trois mastodontes cinématographiques qu'étaient l'Allemagne, les Etats-Unis et la France, le pays ne pouvait vraiment rivaliser, d'où un système de co-productions qui assurait la possibilité d'exporter plus certainement des films. Ca passait aussi par des collaborations avec des cinéastes importés, comme en témoigne ce film. Notons que la copie visionnée attribue le film à Giulio Antamoro et Richard Oswald, mais il se peut que ce soit un geste contractuel et chauvin, en d'autres termes pour satisfaire Mussolini, une belle production cinématographique devait être considérée comme au moins partiellement accomplie par un Italien.

Au-delà de ces considérations d'économie du cinéma, le film est un mélodrame bien dans la ligne de ce que les Européens produisaient à l'époque: un jeune poête (Hans Stüwe) loue une villa à un couple, afin de se rapprocher d'une jeune femme de la noblesse (Eve Gray) qu'il souhaite courtiser. Mais alors qu'il s'installe avec son cercle d'amis, il est subjugué par le charme mystérieux et l'apparente fragilité de son hôtesse (Maria Jacobini), et commence à remarquer que celle-ci a peur de son mari (Clifford McLaglen), une brute... Le jeune homme est de plus en plus attiré...

C'est un drame classique, divisé en cinq parties (des actes, à l'Allemande, donc), qui tourne autour non seulement du poête et de ses hôtes, mais aussi de tout une faune de gens de la bonne société, des acteurs et actric es, poêtes et écrivains, qui n'ont finalement pas grand chose de plus à faire que de se lancer dans des intrigues amoureuses... Au milieu de ce parterre assez conventionnel (c'est le cadre de tant de films européens), le personnage de Vittorio, la brute, tranche de façon assez salutaire. 

Le film commence par l'arrivée de Campana, le poête, à la villa, et il est intéressant de voir comment le spectateur est amené dans ce lieu élégant avec son jardin magnifique... Le choix de faire de la villa une sorte de personnage, permet au film d'avoir une véritable prestance, c'est vrai, mais on aurait aimé que ça passe aussi un peu par la mise en scène. Des séquences apparaissent comme presque gâchées par manque d'ambition, comme celle durant laquelle Vittorio perd son épouse au jeu. Maria Jacobini la sauve partiellement par un jeu solide, dans lequel elle utilise avec brio son regard, mais voilà: là où l'année suivante Oswald saura utiliser les ressources de la lumière et de l'ombre avec plus d'efficacité dramatique (une version du Chien des Baskerville, partiellement retrouvée il y a peu), ici, il se cantonne à un registre "chateau et jardins" qui fera parfois bailler, même avec classe.

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Published by François Massarelli - dans Richard Oswald Muet 1928 *
3 mai 2024 5 03 /05 /mai /2024 20:30

Sally (Helen Foster) est une jeune femme très comme il faut, qui a rencontré dans son lycée des jeunes gens de son âge, mais qui vont la pousser à se dévergonder un peu: alcool, tabac, puis son petot ami va lui imposer des rapports... La descente aux enfers, toujours plus loin, toujours plus bas, va se poursuivre, jusqu'à l'irréparable...

Le film est une cause célèbre... A moins que ce ne soit son remake. Le scénario de Willis Kent, également producteur du film, a servi deux fois: dans les deux cas, la production a utilisé le bon vieux prétexte cher à ce qu'on appelle "l'exploitation", soit prétendre que le film sert une croisade morale, en rappelant aux parents d'être vigilants à l'égard de leurs enfants... ce que rappelle un prologue, qui fait intervenir un professionnel (probablement) qui met les adultes en garde. 

Mais cette mise en garde et ces intentions affichées, surtout, ont permis à la production d'aller plus loin que la censure ne le permet, puisqu'il leur est donné licence pour montrer les dangers du comporteent de Sally: l'alcool, la pression des copines, la drogue (glissée dans son verre, pour la rendre docile), les maladies vénériennes, la grossesse, et pour finir l'avortement clandestin et la prostitution... Sans oublierun strip poker qui a beaucoup angoissé Helen Foster durant le tournage, au point qu'elle s'est donnée du courage "liquide", soit une bouteille d'alcool de contrebande, cachée sous la table!

C'est un "quickie", un film vite fait mal fait, et on voit bien les coutures. On voit bien les intentions salaces derrière le prétexte, aussi... Mais le film est malgré tout soigné, et contrairement à son successeur (1934), il reste surtout suggestif. ...Enfin pour la majeure partie du film. La fin est lancée à partir d'une scène où il me semble reconnaître une scène choquante de La rue sans joie... Donc la production avait bon goût, c'est déjà ça!

A propos de bon goût, la maman de l'héroïne est interprétée par la grande Florence Turner... 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet ** Florence Turner
23 avril 2024 2 23 /04 /avril /2024 17:01

Le maître de Rex, un cheval prodige, a été assassiné par un bandit... Tout accuse Joe Regan, le contrebandier, et celui-ci vise à mettre la main sur la fortune d'une pure et innocente jeune femme. Heureusement, le mountie Jack Gordon veille au grain sur tous les fronts...

C'est un de ces films courts, qui offraient chz Universal un complément de programme vite fait, mais pas forcément mal fait: c'est du mélo sans scrupule, mais le film (qui ne sortira qu'en 1929) est soigné, et les acteurs (dont Helen Foster, qui n'allait pas tarder à sombrer dans le film de série Z) sont compétents. De toute façon, les personnages sont tous plus ou moins inspirés des clichés du genre, et l'essentiel du spectacle est fourni par les chevaux (c'est un film dont la vedette EST un cheval, Rex The wonder Horse)! Mais le metteur en scène sait, sur ses 47 minutes, installer une vraie tension...

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Published by François Massarelli - dans Cataclop Muet 1928 **
22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 10:53

La Pologne, au début du XIXe siècle, après les guerres Napoléoniennes... Des bourgeois, des paysans, des prêtres, des anciens soldats, des Catholiques, des Juifs de Lithuanie et de Pologne, s'unissent derrière l'idée d'une Pologne libre et tournée vers l'avenir...

...Ou du moins c'est ce que j'ai cru comprendre: le film est adapté non seulement de l'Histoire, dans son versant glorieux donc méfiance, et en plus c'est l'Histoire de la Pologne, un domaine dont je ne puis dire qu'il me soit familier... Mais il est aussi adapté d'un poème célèbre... en Pologne! D'ailleurs les intertitres suivant le poème, le film n'en est que plus complexe à comprendre.

Ajoutons à ça que le film n'a survénu que sous la forme d'une copie incomplète... Qui totalise quand même ses deux heures bien tassées.

Il reste essentiellement décoratif, à plus forte raison quand la numérisation de ce classique muet Polonais a été effectuée d'après une superbe copie en 35 mm bien conservée... malgré les trous béants dans l'intrigue. Et si il est évident que le metteur en scène avait vu les films des années 20, du Danemark, de France, d'Allemagne ou d'Italie, sans parler bien sûr des Etats-Unis, il est clair que ses tentatives d'émulation du style en vigueur (caméra mouvante, utilisation du décor notamment dans les scènes sentimentales) restent, justement, des tentatives...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 ** Potrzebie
8 janvier 2024 1 08 /01 /janvier /2024 15:11

Tout de suite, le titre: ce n'est pas une faute, ni une réinterprétation, c'est bien le titre officiel de ce film, sorti à la sauvette en 1928, et qui selon la formule consacrée s'est perdu dans les brumes de l'oubli, auquel une ressortie assortie d'une reconstitution et restauration rend aujourd'hui la vie. Cette expression à la syntaxe douteuse est probablement due à un besoin d'associer le film à une origine populaire... D'ailleurs le film est situé sur une péniche. Comme L'hirondelle et la mésange (André Antoine), La belle Nivernaise (Jean Epstein), La belle marinière (Harry Lachman), et surtout, surtout, L'Atalante, de Jean Vigo. c'est donc un genre à part entière dans l'histoire du cinéma...

L'histoire n'est pas à proprement parler révolutionnaire: Jean-Marie Grignard (Camille Bardou), marinier, rencontre une danseuse, La Concha (Suzanne Talba), dans un bar, et lui propose de venir avec lui sur sa péniche La Mouette. Il y vit avec sa servante, Gertrude (Gaby Dary), et son fils adoptif Pierre (Jean Gérard). Après des hésitations, une bagarre qui éclate à cause d'elle décide la jeune femme à accepter la proposition. Et pourtant elle n'apprécie pas outre mesure la vie sur l'eau. Elle remarque que Pierre, par contre, n'est pas indifférent à la jeune femme...

Jayet, dont c'est la première réalisation, a des ambitions. Il a manifestement été bouleversé par Gance, dont il a adopté le style des séquence de montage paroxystique... Il a probablement beaucoup vu les films des Impressionnistes (Delluc, les premiers L'Herbier et les premiers Epstein), et peut-être le premier film de Sternberg, Salvation hunters. Il a donc oscillé entre un cinéma naturaliste au jeu très sobre, et une mise en scène qui repose sur des images dont le but est de traduire les sentiments, quels qu'ils soient. Beaucoup s'y sont cassé les dents... Ici, tout dépend du degré de cliché, par exemple, Camille Bardou, en vieux marinier qui a tout à coup la tête dans les étoiles à la simple pensée de la jeune femme qu'il a rencontrée, est touchant, et la mise en scène semble incorporer sa pensée naïve. La vision de Concha, très connotée comme si souvent les femme saltimbanques dans le cinéma français, est plus embarrassante, même si le metteur en scène a su obtenir une économie de moyens de son interprète.

Le film ne s'embarrasse jamais d'images inutiles, tout en utilisant le montage pour opposer aux images de l'intrigue, des plans de nature (le soleil couchant vu depuis la péniche) et des images du travail des hommes, comme chez Grémillon... Ou Hawks.

Donc ce n'est sans doute pas le film français le plus intéressant de la période, mais il s'inscrit après tout dans une tradition assez noble, et la délicatesse de certaines séquences (Grignard rapenant la jeune femme à la péniche, au petit matin, une séquence dans laquelle tout passe par les regards) peut effectivement surprendre. Tout comme la dureté d'autres scènes,: quand Pierre se rend à la cale où son père adoptif est sur le point de violer la jeune femme qu'il vient de ramener en lui promettant monts et merveilles, et que le jeune homme semble manifester une totale indifférence à ce qu'il a vu, par exemple...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 *
27 septembre 2023 3 27 /09 /septembre /2023 18:11

Dans la steppe, une troupe de Cosaque vit joyeusement, entre raids et pillages... Mais l'un d'entre eux n'est pas très populaire: Lukashka (John Gilbert) a beau être le fils du chef (Ernest Torrence), ce dernier se lamente, car sa progéniture n'a aucun intérpet pour la guerre... Il préfère (car il est fort fripon) rester au village et lutiner les filles, surtout Maryana (Renée Adorée). celle-ci ne se laisse pas trop faire, jusqu'au jour où elle avoue son affection. Transformé, Lukashka décide de devenir un vrai Cosaque, et en rajoute tellement que son père est ravi. Mais en revenant au village, son attitude de matamore est tellement désagréable pour Maryana qu'elle lui prfère un élégant bellâtre de sang noble (Nils Asther)...

C'est sous l'égide de Léon Tolstoï que ce film a été tourné, et la MGM a tout fait poour évoquer la Russie. Des prairies pour imiter la steppe, de beaux décors naturels, la construction d'un faux village convaincant, des costumes (avec chapeau-moumoute de rigueur), et des danses appropriées. Plus, des figurants  engagés sur leur pedigree slave, ce qui n'était pas si difficile à cette époque de changements géopolitiques... Mais si George Hill est un réalisateur compétent et qui fut un ancien chef opérateur, donc partuculièrement apte à composer de belles images, il n'a eu entre les mains qu'un scénario de second ordre, des aventures toutes plus indigentes les unes que les autres... 

Et d'ailleurs, la résolution de ce film passe par des séquences qu'on jurerai emprintées au western, d'autant que les décors renvoient plus à Monumen Valley qu'à la Sainte Russie! Mais voilà, le but affiché par le studio n'était absolument pas de fournir une oeuvre d'art de grande qualité, mais bien de proposer un film d'aventures aussi bas du front que distrayant. Aussi bien Hill (qui partira du plateau avant la fin, remplacé par Clarence Brown qui a sûrement du se boucher le nez) que Gilbert que Renée Adorée, personne donc n'y trouva son compte... Sauf le spectateur peu regardant.

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet *
5 janvier 2023 4 05 /01 /janvier /2023 17:16

Yolande, une jeune fille fantasque, est en admiration devant l'horloge que son grand-père vient de finir. Il la prétend magique, et lui dit que les automates qui la peuplent racontent une histoire, celle d'un royaume dans lequel la princesse volage hésite constamment entre le preux chevalier Bertrand, voué à un destin tragique, et un ménestrel... Prise dans l'intrigue, et amoureuse de Bertrand, Yolande casse la pendule... Mais en rêve, elle reprend le fil de l'intrigue, en s'introduisant dans le royaume de l'horloge, pour y sauver Bertrand.

C'est un conte original, imaginé par les Starewitch, Ladislas, sa fille Irène mais aussi son autre fille Jeanne, celle qui joue Yolande sous le pseudonyme de Nina Star; tout le monde a mis la main à la pâte et une fois de plus Starewitch a mélangé adroitement, en multipliant les idées techniques, prises de vues réelles et animation de marionnettes. Il y recycle tout son univers, et on sent que la famille y a passé du temps... Non seulement le montage est aussi soigné et dynamique qu'il était dans La reine de papillons et La petite parade, mais en plus le metteur en scène a une nouvelle fois innové en intégrant dans son animation des photos tirées de films de sa fille Jeanne: ainsi, il a aussi pu animer une figure de l'actrice tout en ayant des attitudes réalistes, qui ne tranchent pas avec l'animation. 

Celle-ci est d'une précision et d'une vie incroyable, seul Willis O'Brien pouvait rivaliser avec Starewitch. Mais l'animation des dinosaures de l'Américain n'arrivait pas à la cheville de ce que fait le Polonais: pas avant 1933 en tout cas. Il est facile et agréable de se laisser emporter dans ce royaume cinématographique, onirique, baroque, et souvent pince-sans rire, pour 35 minutes de dépaysement...

 

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Published by François Massarelli - dans Ladislas Starewitch Muet Animation 1928 *
22 avril 2022 5 22 /04 /avril /2022 18:49

Deux jeunes femmes modernes ont décidé d'attraper en marche le train de la mode de la culture physique, et elles présentent à leurs amies (ainsi qu'à deux cousins collet monté qui qui ont des vues sur elles) un avant-goût de leurs activités: des tableaux vivants courts vêtus. La chose arrive aux oreilles de leur oncle et tuteur, qui ne souhaite pas que ses deux pupilles aillent dans cette direction, pour des raisons morales. Elles décident de le tromper en prétendant qu'il a mal compris et qu'elles étudiaient la sculpture académique, et proposent même de lui offrir une de leurs créations... Elles doivent donc engager vite fait bien fait deux fausses statues afin de rectifier le tir...

Ce sont, bien sûr, Carl Schenstrom et Harald Madsen qui vont jouer ce rôle, propice à bien des gags (et on les aura tous) mais ils vont aussi faire deux choses qui sont judicieuses: d'une part, étant respectivement contorsionniste et gymnaste, ils vont prendre en charge les cours de culture physiques, entourés donc de jolies filles en maillot comme c'est la règle chez Lauritzen; d'autre part, ils vont, et c'est peu courant, séduire les deux cousines, jouées d'ailleurs par deux authentique jumelles: car chez Lauritzen, comme les héros ou la syllabe de son prénom pseudonymique, les jeunes gens qui fournissent le plus souvent la partie "sentimentale" de ses comédies vont toujours par deux...

C'est un film assez court, conventionnel mais drôle, et le titre qui imite celui d'un documentaire Allemand qui avait du faire un joli scandale (on y enlève le maillot en permanence) montre bien que Lauritzen s'y préoccupe d'exploiter une mode qui s'incorpore assez bien dans son style de comédie... Mais ce qui compte, comme d'habitude, ce sont les deux héros qui trouvent ici un rôle physique à leur mesure. La démonstration des prouesses physiques (un peu améliorées, mais basées sur d'authentiques exploits, à commencer par l'impeccable grand écart de Schenstrom) est en particulier une séquence étourdissante... Et puis contrairement aux autre protagonistes masculins du film, on les aime, ces deux-là, que voulez-vous. Et dans ce film, Lauritzen qui ne les a pas toujours gâtés, leur a concocté une drôle d'entrée en matière sous forme de rêves à répétition (ils font d'ailleurs les mêmes) qui les voient régner sur une troupe de jeunes femmes, manger à leur faim et même séduire... Autant de prémonitions, annoncées par des fondus enchaînés entre les deux vagabonds et la paire de jumelles.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Lau Lauritzen Comédie Schenström & Madsen
19 février 2022 6 19 /02 /février /2022 15:49

Un avocat sans le sou et sans scrupules non plus tombe sur une possible affaire juteuse: recueillant les derniers mots d'un accidenté de la route, en plein carnaval de Nice, il commence à faire chanter son ancienne maîtresse, remariée à un bourgeois chatouilleux de sa réputation... Mais un mystérieux playboy, qui se surnomme lui-même Le Joker, surveille la situation et prend parti pour la jeune femme, dont la petite soeur lui plait...

C'est l'un des derniers films de la Nordisk, la compagnie Danoise fondée 22 années auparavant, et qui avait pendant un certain temps été à l'avant-garde absolue du cinéma mondial. Mais les temps sont durs, un autre pays a été identifié comme la Mecque du cinéma, et en Europe l'Allemagne, la France et l'Italie sont les nouveaux meneurs de jeu: l'enjeu pour les studios à cette période est tout bonnement leur survie, à travers la possibilité ou non de maintenir une production locale indépendante. Depuis le début de la décennie, Dreyer, par exemple, avait souvent passé les frontières, réalisant des films pour la Suède, l'Allemagne, la Norvège ou la France. Anders Sandberg tournait en Allemagne, Benjamin Christensen, parti dès 1918, était désormais aux Etats-Unis, et Urban Gad ne tournait plus.

Ce film est assez quelconque: mis en scène sans la moindre imagination, mais avec soin, il est totalement inoffensif... C'est la conséquence d'une telle situation: co-production Germano-Danoise, il est réalisé par un vétéran sans grand génie, et interprété par des Danois (Philip Bech), des Anglais (Henry Edards et Miles Mander), des Allemands (Elga Brink) et des Français (Gabriel Gabrio, Renée Heribel). Le propos est déplacé à Nice, ce qui permet de mettre en scène une sorte de société fantoche qui n'a rien d'autre à faire que de faire la fête en permanence et de se vautrer dans le champagne. Le personnage principal, interprété par Edwards, est une sorte d'Arsène Lupin, l'illégalité en moins, qui dispose de revenus considérables... 

Considérable? Le film ne l'est pas. Et la compagnie Danoise qui l'a produit n'a pas pu être sauvée...

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet
29 décembre 2021 3 29 /12 /décembre /2021 08:44

A l'écart, aussi bien de sa production courante et des films de genres reconnus (Poil de carotte, Le mariage de mademoiselle Beulemans, Le tourbillon de Paris), que de ses films dits "religieux" (La tragédie de Lourdes, L'abbé Constantin, La vie miraculeuse de Thérèse Martin), cette Divine croisière a une histoire peu banale, et je ne parle pas de son intrigue... Celle-ci lui donne un pedigree de film fou, plus proche de Gance, Capra ou Borzage: bref, un film habité.

En Bretagne, un armateur qui fait la pluie et le beau temps sur une petite communauté de marins, est beaucoup trop exigeant avec ses hommes. ceux-ci lui reprochent de les envoyer à une mort certaine en affrétant, une fois de trop, le Cordillière, un bateau qui n'a plus la solidité requise pour affronter de longues courses en mer. Ferjac (Henry Krauss) n'en démord pas et pèse de tout son poids: la mort dans l'âme, les hommes partent, mais certains ont accumulé trop de rancoeur, et se mutinent. Une première victime est le marin Kerjean, qui est passé par-dessus bord. Aux premières loges, leur capitaine Jacques de St-Ermond (Jean Murat), qui était pourtant leur porte-parole durant le conflit syndical, et qui est amoureux de Simone (Suzanne Christy), la fille de Ferjac...

Pendant la mutinerie, à terre, on attend avec inquiétude des nouvelles du voilier et de ses marins; Simone doit célébrer ses fiançailles à un riche ami de son père, contre son gré évidemment. Mais la population du village fait irruption pendant le dîner: on a retrouvé le corps de Kerjean...

Le film a été tourné à l'automne 1928, et monté par Duvivier qui devait partir tourner deux autres films, La vie miraculeuse de Thérèse Martin, puis Maman Colibri. C'est durant le tournage de ce dernier film qu'il a appris qu'après une première désastreuse, La Divine Croisière allait être coupé sans conditions, et réduit à une cinquantaine de minutes. En cause, sans doute, une trop grande disparité entre un thème mélodramatique d'obédience religieuse (une femme qui refuse de croire à la disparition en mer de celui qu'elle aime, réussit à convaincre un village entier de la soutenir et d'affréter un bateau pour sillonner les mers à la recherche du voilier disparu) et un conflit entre marins et patrons, qui était trop ambigu pour les commanditaires... Et si aujourd'hui on dispose d'une version sans doute à peu près intégrale (une copie Hollandaise de la version complète a survécu en une réduction 17,5mm de l'original, déposée au Eye institute d'Amsterdam, en plus de nombreuses versions incomplètes en 35 mm), il est difficile de comprendre réellement pourquoi le film a tant gêné, si ce n'est pas sa ferveur et sa relative absurdité... 

Pour bien comprendre l'emploi de ce mot, disons que le film n'est jamais totalement rationnel, ni totalement mystique: Simone, persuadée d'avoir perdu Jacques, se jette à corps perdu dans une oeuvre artistique, en restaurant pour le curé de la Paroisse une peinture qui orne l'église, de Notre-dame de la mer: celle-ci semble s'animer, et lui révèle que les marins du bateau perdu ne sont pas morts... Est-ce une hallucination ou une apparition, nous ne le saurons évidemment pas... Reste que l'ombre de Borzage (Street angel et son tableau miraculeux) et de ses films déraisonnables passe sur cette Divine Croisière! Sinon, l'irruption des gens du village durant le dîner de fiançailles, le conflit entre les gens du peuple et les bourgeois, résolu à la fin par un petit bout de bonne femme qui a un sacré tempérament, aidée d'un curé ouvrier débonnaire, me rappellent furieusement Metropolis... Duvivier a su, par un montage serré et une mise en scène dynamique, qui utilise aussi bien des mouvements très précis d'appareil, une interprétation forte (Henry Krauss est fantastique, à propos), que des traces de son et des gros plans fantastiques, retrouver les accents d'urgence de la scène de l'inondation dans cette partie du film; et la façon dont il mêle les gros plans et le montage rapide n'est pas éloignée... des Soviétiques!

Autant de références qui rendent le film constamment intéressant, mais aussi malaisé à appréhender, mais il n'est finalement pas que la somme de bondieuseries embarrassantes dont on parle généralement pour le décrire. Certes, le miracle (ou une série de coïncidences toutes plus improbables les unes que les autres) y joue un rôle non négligeable, mais ça reste un miracle de cinéma, du début à la fin...

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier 1928 Muet **