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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 10:53

La Pologne, au début du XIXe siècle, après les guerres Napoléoniennes... Des bourgeois, des paysans, des prêtres, des anciens soldats, des Catholiques, des Juifs de Lithuanie et de Pologne, s'unissent derrière l'idée d'une Pologne libre et tournée vers l'avenir...

...Ou du moins c'est ce que j'ai cru comprendre: le film est adapté non seulement de l'Histoire, dans son versant glorieux donc méfiance, et en plus c'est l'Histoire de la Pologne, un domaine dont je ne puis dire qu'il me soit familier... Mais il est aussi adapté d'un poème célèbre... en Pologne! D'ailleurs les intertitres suivant le poème, le film n'en est que plus complexe à comprendre.

Ajoutons à ça que le film n'a survénu que sous la forme d'une copie incomplète... Qui totalise quand même ses deux heures bien tassées.

Il reste essentiellement décoratif, à plus forte raison quand la numérisation de ce classique muet Polonais a été effectuée d'après une superbe copie en 35 mm bien conservée... malgré les trous béants dans l'intrigue. Et si il est évident que le metteur en scène avait vu les films des années 20, du Danemark, de France, d'Allemagne ou d'Italie, sans parler bien sûr des Etats-Unis, il est clair que ses tentatives d'émulation du style en vigueur (caméra mouvante, utilisation du décor notamment dans les scènes sentimentales) restent, justement, des tentatives...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 ** Potrzebie
8 janvier 2024 1 08 /01 /janvier /2024 15:11

Tout de suite, le titre: ce n'est pas une faute, ni une réinterprétation, c'est bien le titre officiel de ce film, sorti à la sauvette en 1928, et qui selon la formule consacrée s'est perdu dans les brumes de l'oubli, auquel une ressortie assortie d'une reconstitution et restauration rend aujourd'hui la vie. Cette expression à la syntaxe douteuse est probablement due à un besoin d'associer le film à une origine populaire... D'ailleurs le film est situé sur une péniche. Comme L'hirondelle et la mésange (André Antoine), La belle Nivernaise (Jean Epstein), La belle marinière (Harry Lachman), et surtout, surtout, L'Atalante, de Jean Vigo. c'est donc un genre à part entière dans l'histoire du cinéma...

L'histoire n'est pas à proprement parler révolutionnaire: Jean-Marie Grignard (Camille Bardou), marinier, rencontre une danseuse, La Concha (Suzanne Talba), dans un bar, et lui propose de venir avec lui sur sa péniche La Mouette. Il y vit avec sa servante, Gertrude (Gaby Dary), et son fils adoptif Pierre (Jean Gérard). Après des hésitations, une bagarre qui éclate à cause d'elle décide la jeune femme à accepter la proposition. Et pourtant elle n'apprécie pas outre mesure la vie sur l'eau. Elle remarque que Pierre, par contre, n'est pas indifférent à la jeune femme...

Jayet, dont c'est la première réalisation, a des ambitions. Il a manifestement été bouleversé par Gance, dont il a adopté le style des séquence de montage paroxystique... Il a probablement beaucoup vu les films des Impressionnistes (Delluc, les premiers L'Herbier et les premiers Epstein), et peut-être le premier film de Sternberg, Salvation hunters. Il a donc oscillé entre un cinéma naturaliste au jeu très sobre, et une mise en scène qui repose sur des images dont le but est de traduire les sentiments, quels qu'ils soient. Beaucoup s'y sont cassé les dents... Ici, tout dépend du degré de cliché, par exemple, Camille Bardou, en vieux marinier qui a tout à coup la tête dans les étoiles à la simple pensée de la jeune femme qu'il a rencontrée, est touchant, et la mise en scène semble incorporer sa pensée naïve. La vision de Concha, très connotée comme si souvent les femme saltimbanques dans le cinéma français, est plus embarrassante, même si le metteur en scène a su obtenir une économie de moyens de son interprète.

Le film ne s'embarrasse jamais d'images inutiles, tout en utilisant le montage pour opposer aux images de l'intrigue, des plans de nature (le soleil couchant vu depuis la péniche) et des images du travail des hommes, comme chez Grémillon... Ou Hawks.

Donc ce n'est sans doute pas le film français le plus intéressant de la période, mais il s'inscrit après tout dans une tradition assez noble, et la délicatesse de certaines séquences (Grignard rapenant la jeune femme à la péniche, au petit matin, une séquence dans laquelle tout passe par les regards) peut effectivement surprendre. Tout comme la dureté d'autres scènes,: quand Pierre se rend à la cale où son père adoptif est sur le point de violer la jeune femme qu'il vient de ramener en lui promettant monts et merveilles, et que le jeune homme semble manifester une totale indifférence à ce qu'il a vu, par exemple...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 *
27 septembre 2023 3 27 /09 /septembre /2023 18:11

Dans la steppe, une troupe de Cosaque vit joyeusement, entre raids et pillages... Mais l'un d'entre eux n'est pas très populaire: Lukashka (John Gilbert) a beau être le fils du chef (Ernest Torrence), ce dernier se lamente, car sa progéniture n'a aucun intérpet pour la guerre... Il préfère (car il est fort fripon) rester au village et lutiner les filles, surtout Maryana (Renée Adorée). celle-ci ne se laisse pas trop faire, jusqu'au jour où elle avoue son affection. Transformé, Lukashka décide de devenir un vrai Cosaque, et en rajoute tellement que son père est ravi. Mais en revenant au village, son attitude de matamore est tellement désagréable pour Maryana qu'elle lui prfère un élégant bellâtre de sang noble (Nils Asther)...

C'est sous l'égide de Léon Tolstoï que ce film a été tourné, et la MGM a tout fait poour évoquer la Russie. Des prairies pour imiter la steppe, de beaux décors naturels, la construction d'un faux village convaincant, des costumes (avec chapeau-moumoute de rigueur), et des danses appropriées. Plus, des figurants  engagés sur leur pedigree slave, ce qui n'était pas si difficile à cette époque de changements géopolitiques... Mais si George Hill est un réalisateur compétent et qui fut un ancien chef opérateur, donc partuculièrement apte à composer de belles images, il n'a eu entre les mains qu'un scénario de second ordre, des aventures toutes plus indigentes les unes que les autres... 

Et d'ailleurs, la résolution de ce film passe par des séquences qu'on jurerai emprintées au western, d'autant que les décors renvoient plus à Monumen Valley qu'à la Sainte Russie! Mais voilà, le but affiché par le studio n'était absolument pas de fournir une oeuvre d'art de grande qualité, mais bien de proposer un film d'aventures aussi bas du front que distrayant. Aussi bien Hill (qui partira du plateau avant la fin, remplacé par Clarence Brown qui a sûrement du se boucher le nez) que Gilbert que Renée Adorée, personne donc n'y trouva son compte... Sauf le spectateur peu regardant.

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet *
5 janvier 2023 4 05 /01 /janvier /2023 17:16

Yolande, une jeune fille fantasque, est en admiration devant l'horloge que son grand-père vient de finir. Il la prétend magique, et lui dit que les automates qui la peuplent racontent une histoire, celle d'un royaume dans lequel la princesse volage hésite constamment entre le preux chevalier Bertrand, voué à un destin tragique, et un ménestrel... Prise dans l'intrigue, et amoureuse de Bertrand, Yolande casse la pendule... Mais en rêve, elle reprend le fil de l'intrigue, en s'introduisant dans le royaume de l'horloge, pour y sauver Bertrand.

C'est un conte original, imaginé par les Starewitch, Ladislas, sa fille Irène mais aussi son autre fille Jeanne, celle qui joue Yolande sous le pseudonyme de Nina Star; tout le monde a mis la main à la pâte et une fois de plus Starewitch a mélangé adroitement, en multipliant les idées techniques, prises de vues réelles et animation de marionnettes. Il y recycle tout son univers, et on sent que la famille y a passé du temps... Non seulement le montage est aussi soigné et dynamique qu'il était dans La reine de papillons et La petite parade, mais en plus le metteur en scène a une nouvelle fois innové en intégrant dans son animation des photos tirées de films de sa fille Jeanne: ainsi, il a aussi pu animer une figure de l'actrice tout en ayant des attitudes réalistes, qui ne tranchent pas avec l'animation. 

Celle-ci est d'une précision et d'une vie incroyable, seul Willis O'Brien pouvait rivaliser avec Starewitch. Mais l'animation des dinosaures de l'Américain n'arrivait pas à la cheville de ce que fait le Polonais: pas avant 1933 en tout cas. Il est facile et agréable de se laisser emporter dans ce royaume cinématographique, onirique, baroque, et souvent pince-sans rire, pour 35 minutes de dépaysement...

 

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Published by François Massarelli - dans Ladislas Starewitch Muet Animation 1928 *
22 avril 2022 5 22 /04 /avril /2022 18:49

Deux jeunes femmes modernes ont décidé d'attraper en marche le train de la mode de la culture physique, et elles présentent à leurs amies (ainsi qu'à deux cousins collet monté qui qui ont des vues sur elles) un avant-goût de leurs activités: des tableaux vivants courts vêtus. La chose arrive aux oreilles de leur oncle et tuteur, qui ne souhaite pas que ses deux pupilles aillent dans cette direction, pour des raisons morales. Elles décident de le tromper en prétendant qu'il a mal compris et qu'elles étudiaient la sculpture académique, et proposent même de lui offrir une de leurs créations... Elles doivent donc engager vite fait bien fait deux fausses statues afin de rectifier le tir...

Ce sont, bien sûr, Carl Schenstrom et Harald Madsen qui vont jouer ce rôle, propice à bien des gags (et on les aura tous) mais ils vont aussi faire deux choses qui sont judicieuses: d'une part, étant respectivement contorsionniste et gymnaste, ils vont prendre en charge les cours de culture physiques, entourés donc de jolies filles en maillot comme c'est la règle chez Lauritzen; d'autre part, ils vont, et c'est peu courant, séduire les deux cousines, jouées d'ailleurs par deux authentique jumelles: car chez Lauritzen, comme les héros ou la syllabe de son prénom pseudonymique, les jeunes gens qui fournissent le plus souvent la partie "sentimentale" de ses comédies vont toujours par deux...

C'est un film assez court, conventionnel mais drôle, et le titre qui imite celui d'un documentaire Allemand qui avait du faire un joli scandale (on y enlève le maillot en permanence) montre bien que Lauritzen s'y préoccupe d'exploiter une mode qui s'incorpore assez bien dans son style de comédie... Mais ce qui compte, comme d'habitude, ce sont les deux héros qui trouvent ici un rôle physique à leur mesure. La démonstration des prouesses physiques (un peu améliorées, mais basées sur d'authentiques exploits, à commencer par l'impeccable grand écart de Schenstrom) est en particulier une séquence étourdissante... Et puis contrairement aux autre protagonistes masculins du film, on les aime, ces deux-là, que voulez-vous. Et dans ce film, Lauritzen qui ne les a pas toujours gâtés, leur a concocté une drôle d'entrée en matière sous forme de rêves à répétition (ils font d'ailleurs les mêmes) qui les voient régner sur une troupe de jeunes femmes, manger à leur faim et même séduire... Autant de prémonitions, annoncées par des fondus enchaînés entre les deux vagabonds et la paire de jumelles.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Lau Lauritzen Comédie Schenström & Madsen
19 février 2022 6 19 /02 /février /2022 15:49

Un avocat sans le sou et sans scrupules non plus tombe sur une possible affaire juteuse: recueillant les derniers mots d'un accidenté de la route, en plein carnaval de Nice, il commence à faire chanter son ancienne maîtresse, remariée à un bourgeois chatouilleux de sa réputation... Mais un mystérieux playboy, qui se surnomme lui-même Le Joker, surveille la situation et prend parti pour la jeune femme, dont la petite soeur lui plait...

C'est l'un des derniers films de la Nordisk, la compagnie Danoise fondée 22 années auparavant, et qui avait pendant un certain temps été à l'avant-garde absolue du cinéma mondial. Mais les temps sont durs, un autre pays a été identifié comme la Mecque du cinéma, et en Europe l'Allemagne, la France et l'Italie sont les nouveaux meneurs de jeu: l'enjeu pour les studios à cette période est tout bonnement leur survie, à travers la possibilité ou non de maintenir une production locale indépendante. Depuis le début de la décennie, Dreyer, par exemple, avait souvent passé les frontières, réalisant des films pour la Suède, l'Allemagne, la Norvège ou la France. Anders Sandberg tournait en Allemagne, Benjamin Christensen, parti dès 1918, était désormais aux Etats-Unis, et Urban Gad ne tournait plus.

Ce film est assez quelconque: mis en scène sans la moindre imagination, mais avec soin, il est totalement inoffensif... C'est la conséquence d'une telle situation: co-production Germano-Danoise, il est réalisé par un vétéran sans grand génie, et interprété par des Danois (Philip Bech), des Anglais (Henry Edards et Miles Mander), des Allemands (Elga Brink) et des Français (Gabriel Gabrio, Renée Heribel). Le propos est déplacé à Nice, ce qui permet de mettre en scène une sorte de société fantoche qui n'a rien d'autre à faire que de faire la fête en permanence et de se vautrer dans le champagne. Le personnage principal, interprété par Edwards, est une sorte d'Arsène Lupin, l'illégalité en moins, qui dispose de revenus considérables... 

Considérable? Le film ne l'est pas. Et la compagnie Danoise qui l'a produit n'a pas pu être sauvée...

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet
29 décembre 2021 3 29 /12 /décembre /2021 08:44

A l'écart, aussi bien de sa production courante et des films de genres reconnus (Poil de carotte, Le mariage de mademoiselle Beulemans, Le tourbillon de Paris), que de ses films dits "religieux" (La tragédie de Lourdes, L'abbé Constantin, La vie miraculeuse de Thérèse Martin), cette Divine croisière a une histoire peu banale, et je ne parle pas de son intrigue... Celle-ci lui donne un pedigree de film fou, plus proche de Gance, Capra ou Borzage: bref, un film habité.

En Bretagne, un armateur qui fait la pluie et le beau temps sur une petite communauté de marins, est beaucoup trop exigeant avec ses hommes. ceux-ci lui reprochent de les envoyer à une mort certaine en affrétant, une fois de trop, le Cordillière, un bateau qui n'a plus la solidité requise pour affronter de longues courses en mer. Ferjac (Henry Krauss) n'en démord pas et pèse de tout son poids: la mort dans l'âme, les hommes partent, mais certains ont accumulé trop de rancoeur, et se mutinent. Une première victime est le marin Kerjean, qui est passé par-dessus bord. Aux premières loges, leur capitaine Jacques de St-Ermond (Jean Murat), qui était pourtant leur porte-parole durant le conflit syndical, et qui est amoureux de Simone (Suzanne Christy), la fille de Ferjac...

Pendant la mutinerie, à terre, on attend avec inquiétude des nouvelles du voilier et de ses marins; Simone doit célébrer ses fiançailles à un riche ami de son père, contre son gré évidemment. Mais la population du village fait irruption pendant le dîner: on a retrouvé le corps de Kerjean...

Le film a été tourné à l'automne 1928, et monté par Duvivier qui devait partir tourner deux autres films, La vie miraculeuse de Thérèse Martin, puis Maman Colibri. C'est durant le tournage de ce dernier film qu'il a appris qu'après une première désastreuse, La Divine Croisière allait être coupé sans conditions, et réduit à une cinquantaine de minutes. En cause, sans doute, une trop grande disparité entre un thème mélodramatique d'obédience religieuse (une femme qui refuse de croire à la disparition en mer de celui qu'elle aime, réussit à convaincre un village entier de la soutenir et d'affréter un bateau pour sillonner les mers à la recherche du voilier disparu) et un conflit entre marins et patrons, qui était trop ambigu pour les commanditaires... Et si aujourd'hui on dispose d'une version sans doute à peu près intégrale (une copie Hollandaise de la version complète a survécu en une réduction 17,5mm de l'original, déposée au Eye institute d'Amsterdam, en plus de nombreuses versions incomplètes en 35 mm), il est difficile de comprendre réellement pourquoi le film a tant gêné, si ce n'est pas sa ferveur et sa relative absurdité... 

Pour bien comprendre l'emploi de ce mot, disons que le film n'est jamais totalement rationnel, ni totalement mystique: Simone, persuadée d'avoir perdu Jacques, se jette à corps perdu dans une oeuvre artistique, en restaurant pour le curé de la Paroisse une peinture qui orne l'église, de Notre-dame de la mer: celle-ci semble s'animer, et lui révèle que les marins du bateau perdu ne sont pas morts... Est-ce une hallucination ou une apparition, nous ne le saurons évidemment pas... Reste que l'ombre de Borzage (Street angel et son tableau miraculeux) et de ses films déraisonnables passe sur cette Divine Croisière! Sinon, l'irruption des gens du village durant le dîner de fiançailles, le conflit entre les gens du peuple et les bourgeois, résolu à la fin par un petit bout de bonne femme qui a un sacré tempérament, aidée d'un curé ouvrier débonnaire, me rappellent furieusement Metropolis... Duvivier a su, par un montage serré et une mise en scène dynamique, qui utilise aussi bien des mouvements très précis d'appareil, une interprétation forte (Henry Krauss est fantastique, à propos), que des traces de son et des gros plans fantastiques, retrouver les accents d'urgence de la scène de l'inondation dans cette partie du film; et la façon dont il mêle les gros plans et le montage rapide n'est pas éloignée... des Soviétiques!

Autant de références qui rendent le film constamment intéressant, mais aussi malaisé à appréhender, mais il n'est finalement pas que la somme de bondieuseries embarrassantes dont on parle généralement pour le décrire. Certes, le miracle (ou une série de coïncidences toutes plus improbables les unes que les autres) y joue un rôle non négligeable, mais ça reste un miracle de cinéma, du début à la fin...

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier 1928 Muet **
27 décembre 2021 1 27 /12 /décembre /2021 19:03

Un homme arrive dans les Alpes, où il vient retrouver une femme, qui s'est mystérieusement installée à Tignes, où elle passe un hiver très rigoureux... C'est son épouse, la cantatrice Amiscia Négeste (Lil Dagover), que Lord Absenston (Gaston Jacquet), venu d'Ecosse, tente de ramener avec lui. Entre eux, de l'amour, bien sûr, ce sera toujours indiscutable. Mais surtout, une ombre, celle du théâtre: car quand il l'a demandée en mariage, Lord Absenton a été clair: finie la carrière, désormais elle serait toute à lui... 

Amoureuse, Amiscia renonce donc à sa retraite, et accepte de suivre son mari. Ils font, malgré tout, une halte à Paris, où plus que jamais, le "tourbillon" va reprendre Amiscia. Un tourbillon de soirées, mais bien vite aussi de théâtre et de musique, entretenu par un ami fidèle, Jean Chaluste (Léon Bary): lui aussi avait été jusqu'à Tignes, pour y retrouver son amie, et il s'était incliné devant le mari. Mais pour combien de temps?

En dépit de la présence de cet autre homme (et d'autres, dont René Lefebvre en criticaillon manipulateur et revanchard), le film ne nous conte jamais l'adultère. Finalement, le triangle qui nous est présenté est surtout celui représenté par Amiscia, son Lord et le "tourbillon" de la vie Parisienne, le théâtre, oui, mais pas que: comme une sorte d'éternelle jeunesse, à laquelle Amiscia ne parviendrait pas à s'extraire. Car on n'essaie pas de nous vendre, ici, comme dans Rigolboche de Christian-Jacque, où Mistinguett sexagénaire campait une artiste qui avait 30 de moins, une vague idée qu'Amiscia soit une jeune et fringante chanteuse. Lil Dagover, après tout, avait 41 ans au moment de la sortie du film, et si elle n'a pas besoin de maquillage, elle fait augustement son âge. Du coup, la présence de Chaluste d'un côté (sans aucun doute plus jeune qu'elle, certainement plus jeune que son mari!) et de Lord Asbeston de l'autre, tendrait à illustrer un drame du renoncement: non seulement au théâtre, mais aussi à la vie mondaine, et du même coup à la jeunesse... Une scène du prologue, qui nous montre la rencontre malgré eux des deux hommes, dans les Alpes, autour d'un âtre, tendrait à confirmer cette lecture.

Rien ne l'illustre mieux qu'une scène, extraordinaire, de représentation: en effet, l'angoisse de la chanteuse, éveillée par des entrefilets moqueurs et assassins (sur son âge, notamment, et sur l'éternel retour des artistes), est attisée dans les coulisses par la rumeur d'une impréparation sévère de l'artiste. Les deux premiers actes se passent mal, et le troisième commence par un désastre; Lil Dagover y est magnifique, et Duvivier qui utilise toutes les ressources de la mise en scène pour transcrire les émotions qui s'emparent de son personnage, y est absolument génial, réussissant dans une scène de cinq minutes absolument tout ce qua seulement tenté de faire ce pauvre Marcel L'Herbier durant toute sa production muette: utiliser le cinéma et le cinéma seul pour véhiculer une émotion... Tout le film, qui aurait pu n'être qu'un mélodrame de plus ou de moins, est en fait illuminé par ces deux atouts: Dagover et Duvivier. Jamais à ma connaissance l'actrice n'avait été aussi juste, et le metteur en scène a trouvé en toutes circonstances des moyens novateurs de soutenir cette puissante interprétation, et de la compléter.

Et une fois de plus, on remarquera chez Duvivier l'importance figurée du son. Cet inconnu (et pour cause) du cinéma muet a toujours une place chez lui, comme je le faisais remarquer à propos des accents absents de Mademoiselle Beulemans, mais présents quand même à travers les prises de vue de la vie Bruxelloises, des tavernes pleines de monde, et des trognes qui articulaient si bien qu'on pouvait lire l'accent Belge sur leurs lèvres! Eh bien ici, il continue à utiliser le son sans y avoir accès, en nous montrant la musique et le chant durant une danse, qui fait un bon usage des surimpressions et des intertitres, et bien sûr dans cette scène de désastre au théâtre, le chaos sonore a un rôle primordial...

Bref: c'est un chef d'oeuvre, qu'une vision inconfortable d'une version incomplète (Chaluste y était à peine visible, donnant l'impression d'être soit un espion, soit une allégorie!) m'avait il y a quelques années fait écrire que le film était "morne... adapté d'un succès de librairie, le films enfile les poncifs les uns après les autres, sans laisser les acteurs, à une exception près, faire leur boulot"... Je n'avais pas tout faux, puisque la prestation que je sauvais est celle de Lil Dagover! Mais pour le reste, cette erreur de débutant montre bien qu'il est important de voir les films dans les meilleures conditions possibles. Profitons-en donc pour saluer l'édition par Lobster d'un ensemble de neuf films du metteur en scène, dans de superbes copies...

 

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier 1928 Muet **
3 octobre 2021 7 03 /10 /octobre /2021 16:30

Un fils de très bonne famille veut se marier avec la fille d'un boutiquier, sa mère (Alice Joyce) s'y oppose... Elle souhaite utiliser des stratagèmes pour empêcher ça, il n'est pas en reste: alors qu'il est supposé partir en Europe avec sa mère, le fils décide de lui échapper et de rester en ville pour se marier; de son côté, la mère envoie une cousine à sa place et incognito, revient elle aussi parce qu'elle a deviné les intentions de son fils... Les voilà tous dans la maison, la nuit, à se faire mutuellement peur: Jack, Mary, la mère, sa bonne (Zasu Pitts), et même un cambrioleur (Jean Hersholt) très au courant des allers et venues des gens de la haute, qui pensait trouver la maison vide, tout en prenant les deux femmes pour des consoeurs...

C'est à l'origine une pièce de théâtre, qui profite de la vogue des maisons hantées tout en proposant quelque chose de différent. D'une part c'est splendide, très réussi, avec les acteurs idéaux de bout en bout: Alice Joyce est parfaite en mère snob, Hersholt aussi en cambrioleur de luxe. Et Zasu Pitts en bonne évaporée est comme à son habitude un régal permanent, et elle est d'ailleurs avec son regard absent le principal vecteur de la comédie. 

Sans parler du fait que ce film est le deuxième à ma connaissance à opposer l'actrice à Jean Hersholt. Qu'il est plaisant de les retrouver ensemble... Si Melville Brown, relativement habile artisan, ne se distingue pas par la mise en scène, on profite ici du savoir-faire acquis par les studios Américains au niveau de la photo de John Sturmar, largement nocturne: l'influence des films européens y est savamment diluée dans 'efficacité Américaine. Si ce film n'est pas The cat and the canary, il reste un vrai plaisir, un petit bijou de comédie bien dosée.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1928 **
19 septembre 2021 7 19 /09 /septembre /2021 09:13

Deux trajectoires inversées: les deux vedettes de ce film sont Ramon Novarro, qui peinait à confirmer les espoirs suscités par ses apparitions dans les films de Rex Ingram en 1922-1924, et par sa participation à Ben-Hur (son meilleur rôle avec Scaramouche), allait bientôt glisser vers la série B, avant de se fondre dans l'anonymat des anciens acteurs du muet... Pendant ce temps Joan Crawford, de plus en plus présente dans les films MGM, allait connaître un succès phénoménal avec Our dancing daughters et les autres films de la même formule. 

C'est une adaptation d'un livre, All the brothers were valiant de Ben Ames Williams, dont Irvin Willat avait déjà réalisé une version avec Lon Chaney en 1923 pour Metro, aujourd'hui perdue. Le rôle de Chaney est ici repris par Ernest Torrence, le grand acteur versatile au physique parfois étonnant. La première demi-heure est par certains côtés annonciatrice de Steamboat Bill Junior, dans lequel il tiendra la vedette aux côtés de Buster Keaton...

Des quatre frères Shore, trois sont marins: les plus grands, dont l'aîné Mark (Ernest Torrence) est d'ailleurs capitaine. Le petit frère, Joel (Ramon Novarro), attend son tour et pour l'instant passe le plus clair de son temps avec la jolie voisine Priscilla (Joan Crawford), dont la nature de la complicité qui l'unit à lui ne fait aucun doute. Un jour, alors que les trois marins sont rentrés au port, Joel leur force la main en utilisant un stratagème et se fait engager sur le bateau de son grand frère, en partance pour Singapour.

Mais juste avant, il apprend que son père et celui de Priscilla se sont mis d'accord pour marier Mark et la jeune femme, bien que celle-ci ne le souhaite pas. Coincé entre son amour pour elle, sa loyauté pour son frère et le désir de naviguer, Joel laisse faire. Mais une mutinerie larvée va précipiter les frères dans le chaos...

C'est un film d'aventures en trois parties, extrêmement bien construit et qui commence quasiment dans la comédie, où Novarro est très à l'aise en petit frère qui a de la ressource... Le tout début nous fait croire un instant que le film commence par une mutinerie (les deux adolescents Joel et Priscilla jouent!) est surprenant, et la suite confirme pendant 25 minutes cette atmosphère légère. Le mariage arrangé précipite le film dans le mélodrame...

Par la suite la mise en scène est d'une grande solidité, avec une mention spéciale pour les scènes de tempête, parfaitement convaincantes grâce à des effets spéciaux brillamment utilisés, et les scènes de conflit entre les mutins, Novarro d'un côté et Torrence de l'autre, qui multiplient les péripéties, tout en évitant de donner à Crawford le statut d'une simple potiche! C'est une belle réussite, dans laquelle on a même droit à une apparition d'Anna May Wong: même si elle n'est pas créditée, c'est un rôle important.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 *