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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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8 avril 2020 3 08 /04 /avril /2020 15:59

Mis en chantier après Street Angel de Frank Borzage, qui réunissait Charles Farrell et Janet Gaynor, il me semble que Fazil est une bonne indication d'une volonté délibérée d'érotiser l'acteur, dont les scènes sentimentales dans Old ironsides ou dans les deux films qu'il avait interprété pour Borzage, montraient surtout sa gaucherie (calculée), son côté enfant... Avec Fazil, Hawks avait pour mission de le transformer en un bouillant objet de convoitise pour les spectatrices, un peu à la façon d'un Valentino, en particulier dans sa version "Sheik", auquel ce film fait souvent penser...

Fazil (Farrell) est un prince Arabe fier, et respectueux des lois et coutumes de son pays (le film s'obstine à parler de "race", plutôt que de pays, mais n'étant pas coutumier des gros mots, je m'abstiendrai), doit se rendre à Venise pour une mission diplomatique. Il y fait la connaissance de Fabienne, une jeune Française en villégiature: c'est le coup de foudre réciproque, suivi du'n mariage hâtif... Mais Fazil, à Venise, se révèle un amant capricieux, et un mari jaloux. En particulier, il interdit à son épouse de laisser un autre homme la regarder. Remis à sa place, Fazil repart seul chez lui... Aidée de ses amis qui lui enjoignent de rebrousser chemin, Fabienne se met en tête de le rejoindre...

...et ça finira mal, selon un code bien inscrit dans la tête des gens: east is east, and west is west, and never the twain shall meet, soit l'orient et l'occident ne peuvent pas cohabiter. En d'autres termes, le film fonctionne entièrement sur la base raciste de l'idée qu'un Arabe avec une "Blanche", c'est impossible. Un fantasme délirant, infect et inacceptable aujourd'hui (si vous pensez différemment de ce que je viens d'écrire, je vous interdis de me lire), mais si parfaitement intégré à l'époque qu'on en a imprimé des kilomètres de pellicule. C'est même tout un genre, qui fonctionne sur le frisson de l'interdit, l'exaltation et l'adrénaline du mystérieux: The Sheik, The son of the Sheik, The Arab...

L'intérêt de cette entrée tardive dans le canon est de présenter avec Fabienne, une héroïne autrement plus dégourdie, et bien intéressante non seulement que les autres du genre, mais aussi et surtout que Fazil. En Greta Nissen, l'autre Greta (venue de Norvège via le Danemark), Hawks trouve une actrice qui est à la fois profondément sensuelle, sans exagération, et très naturelle. Fabienne tient tête à Fazil et s'essaie même à l'éduquer sur leur égalité. Les femmes de l'époque avaient conquis le droit de vote, aux Etats-Unis, car ce n'était pas un pays sous-développé comme la France, et cette démarche vers l'égalité informe beaucoup le personnage, et place le curseur du film sur un terrain plus intéressant que le racisme bête et brutal. C'est cette volonté d'égalité qui trouble Fazil (Farrell, évidemment, est troublé), et qui couplé à la franchise érotique du film, le rend finalement assez intéressant, tout en se vautrant dans la dernière bobine dans un tout-venant mélodramatique assez rébarbatif. Quelques belles scènes, d'autres au moins notables par leur aspect direct: le coup de foudre est situé de part et d'autre d'un canal, à Venise, et vu de trois points de vue: celui de Fazil, puis celui de Fabienne, et enfin du point de vue d'un gondolier qui passait par là; la scène du réveil de la nuit de noces est d'une sensualité sans égal; et enfin, la visite par Fabienne du harem de son mari, dont elle n'avait pas connaissance, est un festival de tenues pour lesquelles l'adjectif diaphane a sans doute été inventé...

On le voit, si sa légendaire façon directe de raconter (ici tout est linéaire) est déjà là, on est dans un domaine qui reste assez étranger à l'univers futur d'Howard Hawks, tel qu'il se constituera à l'époque du parlant. Du reste, au vu du film, avec les à-côtés les plus cocasses voire saugrenus (pourquoi avoir demandé à Dale Fuller de porter un nez postiche, par exemple? Pour l'enlaidir? était-ce vraiment nécessaire?) qui semblent trahir le fait que pour le metteur en scène, tout ça n'était pas bien sérieux... Et le film suivant de Charles Farrell, qui recadrera les choses, permettra de situer cette recherche de l'érotisme du personnage, plus près de son caractère naïf: il sera Allen John Pender dans le merveilleux The river de Frank Borzage.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Howard Hawks Muet
26 février 2020 3 26 /02 /février /2020 16:02

Une coproduction Germano-Danoise, un casting Européen, et au final, un film qui semble être complètement passé inaperçu en cette fin d'année 1928, alors que tous les regards étaient sans doute tournés vers les microphones Hollywoodiens, ces étranges objets auparavant inutiles et dont on attendait beaucoup... On ne refait pas l'histoire mais quel dommage. 

On ne refait pas l'histoire, mais on peut tout au moins l'illustrer ou s'en servir à bon escient pour un conte. Celui-ci est tragique, cruel même, mais l'auteur a eu l'excellente idée d'y imposer le rythme d'une comédie, en se reposant beaucoup, au début du moins, sur l'abattage mutin de la dynamique actrice Karina Bell: en pleine révolution, la citoyenne Léontine est donc la bonne, femme de chambre et confidente d'une noble, jusque là épargnée par les affres de la Terreur, et qui s'apprête à convoler en justes noces avec un émigré. Sandberg donne dans ses premières bobines un rôle assez important à cette domestique, qui restera un personnage de premier plan jusqu'à l'avant-dernier quart du film; c'est elle qui va chercher à manger qui négocie avec les commerçants, qui reste le rempart de sa maîtresse contre le destin.

Celle-ci, nommée Alaine de l'Estelle (Diomira Jacobini), semble ne pas trop se soucier de cette Révolution dont elle ne comprend sans doute pas la portée, toute à sa promesse de bonheur, fût-il fugace... Et il le sera, car en même temps que son fiancé, l'officier émigré Prosper (Paul Henckels), Alaine voit arriver une troupe Révolutionnaire, conduite par deux officiers: Montaloup (Fritz Kortner) et son ami et second Marc Aron (Gösta Ekman)... Ils sont assez prompts à prononcer l'arrêt de mort de Prosper et Alaine, qui a fauté en hébergeant dans sa chambre d'auberge l'officier. Montaloup, sur la suggestion du mystérieux Marc Aron, accorde aux deux jeunes mariés le droit de passer une dernière nuit, mais Prosper, obsédé par sa survie, refuse d'entendre raison. Il négocie avec Marc Aron, qui accepte d'échanger sa place avec lui: quand l'officier émigré fuit, seul, Alaine comprend que le Lieutenant Révolutionnaire vient d'échanger sa vie contre une nuit d'amour...

L'histoire est hautement romantique, et a déjà été filmée dans les années 15, sous la direction de August Blom, qui n'est quand même pas n'importe qui! C'est donc à du matériau éprouvé que s'attaque Sandberg, qui ne change pas grand chose de l'intrigue (en gardant en particulier une durée de 75 minutes sur les 95 du film, pour l'épisode à l'auberge), mais se réfugie dans le souffle de l'aventure, en reconstituant de façon brillante et économique le Paris de la Révolution, et en poussant son sens du détail très loin.

Il se repose aussi beaucoup sur les acteurs: vous ne pouvez avoir échappé aux deux grands noms du cinéma Allemand (même si Ekman est Suédois, il a tourné dans Faust après tout) qui ont participé à la distribution du film, et Sandberg a confié un rôle fantastique à Kortner, qui n'est jamais un personnage diabolique: au contraire, c'est un idéaliste révolutionnaire qui souffre de devoir faire exécuter son meilleur ami... Le metteur en scène confie par contre à Gösta Ekman une impressionnante figure romantique. Un amant inattendu, qui préserve une grande part de mystère jusqu'au bout... Dans ce film qui comme je le disais est rythmé comme une comédie, Sandberg utilise aussi le suspense lié au temps en rythmant ses bobines de vues d'une pendule: nous savons que l'exécution des amants est planifiée pour 6 heures... L'essentiel de l'action se passe la nuit, et les scènes nocturnes bénéficient du savoir faire du réalisateur et de son chef-opérateur Chresten Jorgensen, qui a déjà travaillé avec lui. Les scènes nous montrant Léontine, cherchant à se faire "des amis", c'est-à-dire à corrompre quelque soldat, et errant au milieu des bivouacs improvisés dans l'auberge, sont absolument splendides. 

Donc, une fois de plus c'est dommage, mais que voulez-vous? Les films de qualité, qui sont sortis cette année-là pour se planter en beauté, son tellement nombreux, qu'on ne peut plus s'en étonner. Reste que c'était le dernier film muet d'un auteur précieux, et totalement oublié depuis, qui n'allait jamais, dans les dix années qui lui restaient à vivre, retrouver le succès: c'est fâcheux!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet A.W. Sandberg 1928
19 octobre 2019 6 19 /10 /octobre /2019 17:15

Couvée par sa maman très (trop) Catholique, la belle Andalouse Mercédès (Alice Roberte) qui se destine la mort dans l'âme au couvent, se trouve dans une situation inattendue: un fringant Parisien, venu pour affaire dans l'Andalousie de ses ancêtres, a eu un accident et doit trouver le repos chez elle. Ils tombent amoureux, et Angel (Charles Vanel) repart donc à Paris avec celle qui va devenir sa femme.

Sauf qu'à Paris, il y a Suzanne (Arlette Marchal), qui fut longtemps la maîtresse d'Angel, et qui ne savait pas qu'elle allait être supplantée... Elle va donc tout faire, au nez de Mercédès et et la barbe d'Angel, pour reprendre celui qu'elle considère à elle... Pour sa vengeance, elle a décidé de mettre Mercédès dans les mains d'Harry (Harry Pilcer), un danseur TRES séduisant.

Avant-dernier long métrage de Durand, La Femme Rêvée est un peu son va-tout, sa presque dernière chance. Le metteur en scène, après la première guerre mondiale, n'a jamais vraiment retrouvé son enviable position de 1914, quand il était le prince de la comédie de destruction et le paradoxal roi du western Camarguais... Remis en selle par Perret en 1925, il entendait avoir du succès avec ce film, mais il est resté confidentiel.

Et pour cause: de salon en casino, de scènes bien réglée et rangée en conversation mondaine qui bien que muette nous est donnée in extenso, on attend longuement, avec de moins en moins de patience, qu'il y ait un peu de cinéma là-dedans. Quand enfin le film s'emballe, à une demi-heure de la fin, on est ravi, mais c'est trop tard: on a déjà assisté à l'ennuyeux drame bourgeois dans lequel Charles Vanel et sa subtilité, Arlette Marchal et son jeu dune grande sobriété, doivent servir de faire-valoir aux scènes entre Pilcer (assez quelconque, pour résumer) et Roberte (pas convaincante, en tout cas bien moins que dans son rôle magnifique dans un film de Pabst tourné juste après); un comble!

Bon, au moins dans cette dernière demi-heure, avons-nous un Vanel qui prend enfin le taureau par les cornes, des scènes Espagnoles d'une grande beauté qui rappellent un peu l'univers des westerns Camarguais de Durand, un accident de voiture, du suspense, et enfin une tempête et un orage aussi spectaculaires que métaphoriques, pour lesquels une vraie bourrasque a servi d'intermédiaire, et des truquages très accomplis ont permis d'ajouter de bien inquiétants éclairs...

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Published by François Massarelli - dans Jean Durand Muet 1928 **
6 octobre 2019 7 06 /10 /octobre /2019 17:04

Le réalisateur de ce film est un obscur artiste d'avant-garde, qui a par ailleurs co-réalisé par la suite deux obscurs films de long métrage... Celui-ci, qui dépasse deux bobines (à 675 mètres) et tutoie la demi-heure, est un de ces nombreux essais cinématographiques qui ont pullulé à l'époque du muet et dont certains sont autrement passés à la postérité: entre Anemic Cinéma (Marcel Duchamp), Retour à la raison (Man Ray) ou Entr'acte (René Clair) d'un côté, et Un chien Andalou (Luis Bunuel) et A propos de Nice (Jean Vigo) de l'autre.

Il y a ici une intrigue, qui sert de prétexte à des jeux de montage et de point de vues: un couple, qui passe du bon temps à la fête foraine, hésite entre rester et profiter des manèges (ce que désire la dame, qui est très contente des plaisirs qu'elle trouve ainsi au milieu de la foule) et quitter la fête pour se rendre dare-dare à l'hôtel le plus proche (le monsieur se verrait bien faire ça en effet) parce qu'il faut bien dire que quand le désir est là, il faut en profiter... Ils vont suivre madame, et continuer en compagnie d'un autre couple (qui fournit, mais oui, de la comédie), et se retrouver face à un fakir qui va leur faire passer un test...

Un test assez obscur lui aussi, qui implique des manèges, encore des manèges... Renard a pris un malin plaisir à multiplier les prises de vue sur les montagnes Russes, c'est saisissant. Par ailleurs, il louvoie constamment entre l'exercice formel, et le récit avec narration, et se laisse comme il est de bon ton dans l'avant-garde contemporaine à des motifs érotiques pour rendre le désir du couple (mais également de l'autre monsieur) palpable. Comme on dit, cet exercice de style est une vraie curiosité...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928
6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 16:06

Chance? C'est un bien grand mot! Disons que la chance, dans la vie de Dolly dite Angel Face, n'a pas un grand rôle, car elle sait très bien ce qu'elle fait. Au moment où commence le film, elle est standardiste dans un hôtel, et plutôt que de gagner sa vie honnêtement, profite de sa position pour faire la chasse aux monsieurs riches. Elle est repérée par des "amis", d'autres escrocs, Brad (Lowell Sherman) et Gwen (Gwen Lee) et ceux-ci font un "coup" avec elle... A l'issue duquel elle part avec l'argent, tout bonnement: bref: sans foi ni loi, c'est une pro.

Elle rencontre un jeune homme, Steve Crandall (Johnny Mack Brown), qui est Sudiste et qu'elle croit riche. Or, il ne l'est pas. Du moins pas encore. Et quand elle l'apprend, il est trop tard: ils sont déjà mariés. Et sinon il y a deux autres développements imprévus: d'une part, elle tombe amoureuse de sa victime potentielle, mais surtout, Brad et Gwen font irruption dans sa vie: difficile dans ces conditions de se racheter une honnêteté...

Ca commence par une étourdissante comédie dont la principale force est sa star, Norma Shearer dont on voit bien à quel point elle est heureuse, elle qui était de plus en plus abonnée aux rôles "positifs" tels que les concevait Louis B. Mayer gardien de la morale à la MGM, de jouer un femme profondément malhonnête, aguerrie, et sans aucun scrupule! La comédie repose entièrement sur la complicité inévitable qui s'établit entre elle et nous, et tout ou presque passe par un visage étonnamment expressif.

La scène la plus réjouissante reste celle durant laquelle Dolly tente de séduire le "millionnaire", du moins croit-elle, en révélant ses atouts: une paire de jambes comme il n'en a jamais vues! Sauf que justement, il n'en a jamais vu, et il s'efforce de les couvrir au fur et à mesure. La scène serait efficace telle quelle, mais Shearer en rajoute à notre bonheur par un jeu d'expressions et de réactions formidables...

Sans véritablement se gâter, ça baisse un peu en intérêt quand l'histoire d'amour prend le dessus, d'autant que Johnny Mack Brown a quand même la charge de jouer un benêt... Heureusement, Lowell Sherman et Gwen Lee sont eux toujours du mauvais côté de la loi et maintiennent à flot le salutaire esprit canaille du film. N'empêche, cette petite comédie sans prétention est une preuve de plus du talent de Norma Shearer, qu'une grande proportion des films parlants qu'elle a tournés n'ont pas su exploiter à sa juste mesure.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Comédie *
19 juillet 2019 5 19 /07 /juillet /2019 11:36

C'est l'un des derniers films muets de son auteur, et il y reprend le souffle social bien particulier qui faisait déjà l'intérêt de Die Verrufenen en 1925. C'est donc de nouveau un film sur Berlin et ses habitants, sur un thème qui a été beaucoup représenté au cinéma, en particulier dans le cinéma Allemand: on avait déjà du mal à ne pas penser à G. W. Pabst en voyant Menschen untereinander de 1926, qui était un peu comme l'envers de la médaille de Die Freudlose Gasse... Mais ici, on pensera forcément à Das Tagebuch einer Verlorene qui sera réalisé et sorti l'année suivante... C'est à mon avis quelque chose qu'il faut s'efforcer de chasser de son esprit, d'une part parce que les films sont différents, ensuite parce que les intentions sont différentes: une fois de plus, Lamprecht constate, il ne juge pas, ni ne milite pour quelque révolution sociale que ce soit. Ici, en revanche, contrairement aux trois autres de ses films "Berlinois" qu'il m'a été donné de voir, le metteur en scène et sa scénariste fétiche Luise Heilborn-körbitz se tiennent à l'écart de toute volonté de happy-end...

Else (Lissi Arna) est une jeune femme insouciante, amoureuse de Hans (Mathias Wieman), et qui pense pouvoir contourner facilement l'interdit paternel (Gerhard Dahmann) de prendre du bon temps: elle sort donc en douce, mais trouve porte close le soir quand elle revient. Pas d'autre solution pour elle que d'aller frapper à la porte de son petit ami. Dans un premier temps, les deux amoureux font chambre à part, et Hans prétend à son colocataire Max (Paul Heideman) que Else est sa soeur. Mais quand ils trouvent tous trois un travail sous la forme d'un numéro de music-hall, ça devient plus dur à prétendre, d'autant que Max est amoureux d'Else. Une fois la vérité admise le verrou saute: ils couchent ensemble... Et les ennuis commencent: le père qui a eu vent de la publicité autour de sa fille la retrouve et met la police sur le coup, et le patron des trois comédiens commence à tourner autour de Else. Celle-ci, de plus, est obligée de se cacher: La descente aux enfers a commencé...

Il y a dans ce film un aspect arbitraire avec lequel j'ai du mal: Hans dit au père d'Else que s'il continue à la chercher comme il le fait, elle sera obligée de rester dans la rue, et elle finira à la rue... Ca ressemble un peu à un mauvais jeu de mots, mais c'est surtout une faiblesse d'un film dont la prétention est de rester un reflet de la vie: derrière le déterminisme un peu malsain, se cache une vraie grosse convention de mélodrame. Mais ça n'est que partiellement embarrassant, tant le film peut aussi passer pour une fable. Une fable un peu simpliste, mais dans laquelle Lamprecht nous intéresse, deux heures durant, au destin contrarié d'une jeune femme qui est de son temps: Lissi Arna, certes, n'est pas Louise Brooks, mais elle sait insuffler une énergie, une combativité à son personnage, qui emportent l'adhésion. 

Et s'il ne se départit rarement de son style direct et sans fioritures, Lamprecht se fait aussi plaisir, en amoureux du cinéma, avec une séquence superbe, où il détaille en dix minutes le destin de son héroïne, sans jamais la montrer. Une prouesse de montage et d'un choix d'objets et de symboles, montrés à l'écran, qui vont nous renseigner sur la nouvelle vie de femme entretenue de la jeune femme: les préparatifs d'un bain, une collection de Pékinois, les multiples couches d'habillage préparées par les mains d'une domestique, les bouteilles de parfum... Puis les chaussures élégantes, qui sont accompagnées des souliers noirs avec des guêtres de son amant. Enfin, un paravent sur lequel l'une après l'autre, les couches de vêtements viennent s'accrocher... mais la chemise de nuit, elle, y reste aussi: le dernier plan de la séquence est situé sur le côté d'un lit: le bras nu d'une femme éteint la lumière. A côté de la lampe, trahissant la situation, une miniature montre l'image d'une femme totalement nue.

Le film a aussi sa dimension morale, bien sûr, et le rôle joué par Hans est à la fois celui du traître (il va quasiment la répudier sur des soupçons injustifiables) et celui d'un homme qui va faire une tentative de sauvetage de la jeune femme une fois qu'elle travaillera 'unter die Laterne', sous le lampadaire, donc dans la rue. Une dimension naïve qui rappelle le credo de Lamprecht: commençons par agir et ne cherchons pas la solution politique. Un credo répété de film en film, qui allège leur portée au vu des critiques contemporains, mais qui donne curieusement à ces oeuvres oubliées une cohérence rare. Et in intérêt certain: je le répète, on peut penser aux autres cinéastes autant qu'on voudra, il n'empêche, ces films ne ressemblent qu'à eux-mêmes, hors des modes, des genres et des catégories courantes du cinéma de Weimar.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Gerhard Lamprecht Muet *
6 juillet 2019 6 06 /07 /juillet /2019 11:57

"Autour de...", c'était depuis Autour de La roue (de Blaise Cendrars, consacré au film-fleuve de Gance) le type de titre qui était donné aux films documentaires consacrés au tournage d'un film. Gance, qui financera lui-même outre Autour de La Roue (une bobine), un Autour de Napoléon (deux bobines) qu'on aimerait revoir, et un Autour de La fin du monde (également deux bobines) précieux qui contient de nombreuses images absentes du film fini, a créé une tendance, mais il n'était pas l'auteur unique des films en question. C'est également le cas de ce court métrage, signé par un journaliste et cinéphile, justement admirateur de Gance et de son cinéma, comme de L'Herbier.

L'idée de Dréville était simple: se déguiser en petite souris (ou pour reprendre l'expression Anglais, en "mouche sur le mur") et filmer le tournage de l'énorme superproduction L'Argent, de Marcel L'Herbier, en essayant de tout embrasser. La liberté dont Dréville a bénéficié sur le tournage se voit à l'écran, et on ne peut qu'être enthousiaste devant un film (de 39 minutes) aussi complet sur le quotidien d'une équipe de film. Il fait voir les images que Dréville a réussi à prendre de Brigitte Helm, Marie Glory, Henry Victor ou Pierre Alcover, tous concentrés sur la réussite d'un film auquel ils croyaient. Il reste que le plus fascinant à regarder est toujours L'Herbier, investi au point de modeler chaque mouvement de chaque geste pour ses acteurs... Et la technique cinématographique, dont l'amateur Dréville n'avait qu'une connaissance de fan, devient souvent non seulement le sujet objectif du film, elle est aussi utilisée à un degré d'invention rare pour un documentaire...

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Marcel L'Herbier **
14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 10:18

Le quatrième et dernier film Universal de Leni, qui allait décéder quelques mois plus tard, est assez proche de The cat and the canary, le premier, et le film probablement le plus célèbre de sa production Américaine. Il s'agit d'une énigme à tiroirs autour d'un thème de maison hantée, la maison étant cette fois un théâtre. Un immense avantage à cette intrigue, bien sûr, était qu'à la Universal, quand on avait besoin d'un décor de théâtre ou d'opéra, on avait déjà ça sous la main, depuis 1925!

L'intrigue commence par une représentation théâtrale perturbée: l'acteur principal, John Woodford (D'Arcy Corrigan), vient en effet de mourir en scène. Une mort louche, dont la police scientifique ne tirera rien, car le corps a disparu quelques minutes seulement après le constat du décès, et la panique qui s'ensuivit. Une affaire donc jamais élucidée, et propre à renvoyer chez eux tous les employés des lieux... Mais quelques années plus tard, sous la responsabilité de McHugh (Montagu Love), un solide producteur, les propriétaires, les frères Josiah (Burr McIntosh) et Robert Bunce (Mack Swain), font rouvrir les lieux, en compagnie d'une troupe qui contient beaucoup des anciens acteurs de la troupe, et quelques petits nouveaux: Richard Quayle (John Boles) va pouvoir retrouver sa petite amie l'actrice Doris Terry (Laura La Plante). Les rôles de John Woodford iront désormais à Harvey Carleton (Roy D'Arcy) qui auparavant jouait les "villains" à moustache, et d'autres acteurs complètent la troupe: on y reconnait en particulier Margaret Livingston, qui joue une femme manifestement ambitieuse qui s'attache très vite aux pas de Robert Bunce. Slim Summerville joue un électricien, et Bert Roach est le régisseur...

Evidemment, tout le monde est suspect, pour la police, qui s'arrache d'ailleurs bien vite les cheveux, mais aussi pour le public; l'intérêt n'est pas, pour nous, d'essayer de deviner qui a commis le crime, ni si les fantômes qui ne vont pas manquer de s'accumuler sont authentiques ou faux. L'intérêt bien sûr est de trouver du plaisir, en compagnie d'un casting exceptionnel, mais aussi d'un metteur en scène qui prend un plaisir gourmand à investir absolument chaque recoin du fabuleux décor, avec sa caméra. Le plaisir de filmer ici est tellement manifeste, que je suis persuadé qu'il y a plus d'un critique tatillon en France qui condamnerait ce film à vue pour sa virtuosité!

Quel dommage que Leni n'ait pu mettre ensuite sa virtuosité, justement, au service du cinéma fantastique de la Universal, comme c'était prévu. Il y a dans ses trois oeuvres Américaines qui nous restent, The cat and the canary, The man who laughs, et ce dernier film en forme de chant du cygne muet, tellement de promesses, qu'on n'ose imaginer comment il aurait pu donner sa version de Dracula, ou de la Momie... Et cet amoureux du spectacle, qui était un génie de la composition, savait mieux que personne imaginer les mouvements de caméra, et il était gonflé de surcroît, comme dans une des premières scènes où il demande carrément à son opérateur de passer sous le rideau dans la scène de panique, soulignant sans vergogne la présence continuelle d'une caméra au milieu des protagonistes... Il met en scène la peur des acteurs, devenus soudain malgré eux les marionnettes de plusieurs metteurs en scène: un ou plusieurs meurtriers, des policiers, un producteur qui cache quelque chose... devant le public du théâtre, ou plus simplement devant nous spectateurs, lors des répétitions, les cabotins jouent avec leur vie. Un cinéaste singulier, unique, qui avait certainement beaucoup à dire.... Flûte.

 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Paul Leni 1928 **
26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 10:18

Fin décembre 1928, le film a été présenté et a été instantanément un triomphe: qu'on en juge: une année et quelques mois après The Jazz Singer de la Warner, la compagnie Fox pouvait se vanter d'avoir accompli une prouesse: un film 100% parlant, tourné en nombreux décors naturels et en son direct! Une obsession du studio, qui avait expérimenté sur plusieurs courts et moyens métrages avec les aléas du tournage parlant en extérieurs, et qui ne s'arrêterait pas là: The big trail (1930) est une épopée pour en témoigner.

Alors, Cummings ou Walsh, Walsh ou Cummings? Au départ, c'était le grand Raoul qui non seulement devait diriger le film, mais aussi interpréter le rôle du "héros" Cisco Kid. Quand il a eu un accident qui lui a d'ailleurs coûté son oeil, il a été remplacé par Cummings et le rôle a été repris par Warner Baxter. Maintenant, le film entier porte sa marque, à travers un certain nombre d'éléments: le picaresque, incarné ça et là par des acteurs qui sont ses copains (J. Farrell McDonald dans la séquence d'ouverture, James Marcus: tous deux composent des silhouettes de quidams inoubliables); les références à New York à travers le personnage de Edmund Lowe; et une multitude gags ethniques, références aux Irlandais, Chinois, Italiens, et Hispaniques qui peuplent l'Ouest de Walsh... 

Cette histoire de bandit au grand coeur, trahi par la femme qui l'aime mais qui s'en sort au prix d'un grand sacrifice, n'a bien sûr pas un gramme d'intérêt, et on en oubliera très vite les contours. Quand au reste, il remplit le contrat du film: ça parle. pas très bien, et les accents de Dorothy Burgess et Warner Baxter donnent envie d'abattre le troupeau, mais le public de 1928 a du être conquis! Reste la curiosité d'un film situé dans les grands espaces aux confins de Monument Valley et qui nous fait entendre les sons des chevaux, coups de feu et autres diligences. Le cinéma devait sans doute en passer par là.

11 années plus tard: Stagecoach.

 

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Western Raoul Walsh
24 avril 2019 3 24 /04 /avril /2019 19:16

La Russie Tsariste vit ses derniers jours: sur le front, le Grande Duc Eugene (Charles Farrell) commande des soldats de moins en moins motivés; à l'arrière la famille impériale est sous l'influence d'un "moine noir" qui ne sera jamais nommé, mais il est inutile de nous faire un dessin. Dans la campagne, une jeune femme, Tasia (Dolores Del Rio) a été recueillie par des paysans, suite à l'assassinat de sa mère maîtresse d'école, et l'emprisonnement de son père qui souhaitait éduquer les paysans aux arts. Tout ce petit monde va se retrouver embarqué dans la même tempête, dans la même "danse rouge"...

Après son spectaculaire What price glory? de 1926, et le vénéneux Sadie Thompson qui le voit diriger Gloria Swanson en 1927, Walsh s'est donc illustré à la Fox, avec ce véhicule pour les deux stars de la firme. L'idée d'opposer cet éternel enfant de Charles Farrell et la sculpturale actrice mexicaine Dolores Del Rio promettait d'aboutir à des scènes intéressantes, et nous ne sommes pas déçus. La belle actrice a beau avoir publiquement regretté les rôles qu'on lui donnait à la Fox (Principalement à cause de la légèreté de la garde-robe), elle est assez proche de Garbo en un sens: elle rend n'importe quel personnage intéressant...

Par ailleurs, c'est du pur mélodrame, situé entre dénonciation des conditions sous les tsars, d'une part, et démonstration d'autre part des horreurs d'une révolution qui fait semblant de donner le pouvoir à des paysans alcooliques. A ce titre, je pense que Walsh n'a pas cru une seconde, et qu'il a traité le tout comme un film à mener tambour battant en s'amusant du mieux qu'il pouvait. Je préconise qu'on fasse de même.

N'empêche! le talent du metteur en scène pour nous embarquer dans une aussi improbable histoire, son sens de la composition qui éclate en particulier dans les séquences révolutionnaires (pas un paradoxe quand on connaît le tempérament du metteur en scène qui a appris à Griffith a gérer les scènes de bataille), et la façon dont il obtient de chaque acteur, particulièrement Farrell, Del Rio et Ivan Linow, un naturel reversant: tout ça, pour un petit film de rien du tout, est renversant.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Raoul Walsh