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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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20 avril 2019 6 20 /04 /avril /2019 09:43

Ce film est une véritable curiosité, dont l'existence même pose de nombreuses questions: qu'est-ce que Monty Banks, comédien Italo-Américain qui n'a jamais vraiment percé (disons qu'on ne l'associera pas avec Chaplin, Langdon, Keaton, Laurel ou Lloyd...) faisait à Londres en 1928? Pourquoi lui a-t-on confié ce film? Et par dessus tout, qui a laissé faire les transgressions contenues dans cette étrange comédie burlesque Britannique?

Sur un transatlantique, nous faisons la connaissance d'un certain nombre de personnes: un gentil jeune couple d'amoureux, la femme de chambre de la jeune femme, un escroc international et sa bande, trafiquants de drogue, et deux pickpockets alcooliques: concernant ces derniers, nous avons deux transgressions en une: que Fy Og Bi (Doublepatte et Patachon) soient des escrocs minables, passe encore, mais de redoutables pickpockets, ça ne leur va pas - et l'alcoolisme pratiqué par Madsen ici comme une religion et qui donne d'ailleurs son nom au film, ça fait très bizarre!

L'intrigue concerne le fait que pour écarter les soupçons, le bandit va se débarrasser d'un peu de cocaïne, en la cachant dans le vêtement du jeune amoureux, qui va immédiatement avoir des ennuis avec la justice. Les seuls témoins sont les deux vagabonds, mais ceux-ci sont débarqués dans un port par l'équipage: bref, course-poursuite, quiproquos divers, etc...

C'est plaisant, autant qu'une comédie décérébrée puisse l'être. Mais si on comprend très bien que la compagnie British International Pictures, qui souhaitait faire honneur à son nom, ait voulu faire du cinéma avec les deux immenses vedettes européennes qu'étaient Harald Madsen et Carl Schenström, j'aimerais savoir comment ce dernier a été amené à trahir son personnage et se laissant raser la moustache, et en apparaissant à la fin du film sous son vrai visage, celui d'un gentleman, certes grand, mais surtout élégant et semble-t-il désespérément normal. Oui: normal. Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark...

 

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Schenström & Madsen Comédie
18 avril 2019 4 18 /04 /avril /2019 10:00

Avant-dernier film muet de Tod Browning, ce film taillé pour choquer un maximum, montre à la fois les caractéristiques de l'univers tout entier de Tod Browning, et ses limites de plus en plus flagrantes. Marqué par un montage serré et très sec, il fait preuve d'une mise en scène réduite à l'essentiel, et tout y est question d'atmosphère: la photo bien sûr, le jeu des acteurs: en pleine jungle, ils sont sales, suants, malades et on est en plein réalisme brutal. Et toutes les péripéties vont délibérément vers le sordide...

Phroso (Lon Chaney), un prestidigitateur de foire, est fou amoureux de sa jeune épouse, mais se rend compte qu'elle souhaite partir avec l'aventurier Crane (Lionel Barrymore). Celui-ci le lui explique, et dans la bagarre qui s'ensuit, Phroso se blesse et restera paralysé en dessous de la ceinture. Ce qui ne l'empêche pas de se mouvoir: quand il apprend quelques mois après que son épouse a trouvé refuge dans une église, il s'y rend, et c'est en rampant qu'il vient constater qu'elle est morte... dans l'église, il y a une petite fille, et Phroso jure alors devant Dieu qu'il fera payer Crane et sa fille...

Près d'une vingtaine d'années plus tard, "à l'ouest de Zanzibar", en pleine jungle, Phroso dirige un petit trafic de vol d'ivoire. Il ourdit une machiavélique vengeance qui implique d'attirer Crane, et de méthodiquement transformer sa fille (Mary Nolan) en une épave alcoolique. Mais il souhaite aller plus loin, en prenant appui sur une loi indigène qui décrète que quand un homme meurt, ses épouses et filles doivent l'accompagner dans la mort...

Tod Browning, illusionniste jusqu'au bout, utilise tous les écrans de fumée possibles et imaginables pour nous faire passer la pilule de cette "loi ancestrale" susceptible de sérieusement dépeupler les villages, et d'ailleurs noie tout son film dans la fumée, la boue, la nuit. C'est l'un des films MGM les plus désespérément noirs de toute la décennie... C'est aussi, probablement, une épure du style,ou du non-style de Browning. On constate que trois années avant le tournage de son Dracula, il installe son atmosphère particulière en multipliant les images d'animaux qui grouillent, garde ses distances face à tout ce beau monde, et laisse faire ses acteurs qui tout adoptent un jeu fait de grimace et d'excès: on est loin de la machine à glamour, et on voit que le studio commençait à ne plus trop savoir quoi faire, ni de Chaney, ni de Browning.

L'acteur commençait d'ailleurs à opérer une transition vers une carrière à la Lewis Stone, et désormais n'était plus l'amant délaissé, mais bien le père frustré (même s'il avait joué un peu les deux dans Laugh clown laugh); et dans Thunder, son dernier film muet, il jouerait un vieil homme sur le point d'être mis de côté... Avec West of Zanzibar, c'est un peu à un baroud d'honneur que le comédien nous convie: il y interprète pour la dernière fois un infirme qu'il doit jouer aussi physiquement que possible et joue avec force de son visage extraordinaire...

Et le metteur en scène oscillait entre succès et films problématiques. Je pense que West of Zanzibar n'ajoute rien à sa légende, et se contente de faire semblant de renouveler une formule en poussant au plus loin le bouchon de la cruauté, du bizarre et du malaise. ...le tout dans l'illusion, bien entendu. Et encore, le film a la réputation d'avoir été sévèrement coupé par la MGM avant sa sortie (ce que prouvent des photos de scènes qui sont absentes du film, dont une troublante apparition de Chaney avec un costume d'homme-poule, quatre ans avant Olga Baclanova)! Cela étant dit, cet avant-dernier muet de Browning vaut bien mieux que son film suivant, Where east is east, un film absolument et résolument vide du moindre intérêt.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Tod Browning Lon Chaney Muet *
16 avril 2019 2 16 /04 /avril /2019 10:25

Quel casting! Joan Crawford, Anita Page et Dorothy Sebastian, accompagnées de Nils Ashter et Johnny Mack Brown, sont des jeunes gens bien nés comme on dit, qui vivent en Californie. Nous allons suivre leurs soirées, leurs amours aussi, parfois en rivalité les un(e)s avec les autres... L'héroïne de ce film est Diana (Crawford), la plus énergique mais aussi la plus délurée des trois filles. Elle pense que la jeunesse est un moment dont il faut profiter, et le fait savoir, ce qui lui donne une réputation désastreuse auprès des parents! ...auprès des hommes aussi, du reste, même si ça ne les empêche pas d'en profiter. En dépit de son attirance pour elle (qu'elle fait tout pour encourager), le playboy Ben (Mack Brown) hésite à l'épouser; il finit par demander sa main à Ann (Page), qui le manipule depuis quelques temps en compagnie de sa mère obsédée par l'idée que sa fille puisse faire un "beau mariage". Pendant ce temps Diana trouve refuge auprès de sa meilleure amie Bea (Sebastian) qui s'est mariée avec Norman (Ashter): l'amour de ce dernier est étouffant au point qu'il a tendance à mettre son épouse sous cloche...

Trois femmes, trois comportements différents... Le film n'est pourtant pas porté par une vision morale très classique. Et cette histoire de femmes dessine aussi, en creux, un intéressant et impitoyable portrait des hommes, qui se servent du comportement parfois "risqué", souvent scandaleux, des jeunes femmes, jusqu'à ce qu'ils désirent se ranger, auquel cas les mêmes jeunes femmes deviennent tout à coup infréquentable. Il y a une ellipse, dans ce film, à laquelle on peut faire dire ce qu'on veut: est-ce que Ben a couché avec Diana? c'est probable, d'autant que l'une des raisons d'être de l'intense jalousie de Norman est cet euphémisme parfois rappelé par Bea rappelant qu'avant son mari, "il y avait eu des hommes"...

La cible de ce film, un énorme succès de l'année 1928 pour la compagnie Cosmopolitan et la MGM, était la jeunesse de la fin du jazz age, du moins en quelque sorte: le script a tout fait pour incorporer un maximum de cette ambiance de fête permanente de la bonne société Californienne des années 20, en favorisant le point de vue de quatre personnes: tous ont entre 20 et trente ans... Et pourtant il y a une sorte de morale parentale derrière. C'est sans doute un brin paternaliste, certainement motivé par une certaine démagogie bien dosée... c'est aussi constamment intéressant par une mise en scène inventive, notamment par le superbe travail de caméra.

Sachant que Beaumont n'est pas à proprement parler un grand metteur en scène, juste un technicien compétent qui fait ici sans doute son meilleur film, il convient de rappeler à quel point le cinéma Américain dans on ensemble est devenu un vivier artistique fabuleux en cette miraculeuse année 1928. Quand on voit ce que le metteur en scène du soporifique Beau Brummel (1924) est devenu capable de faire avec ce film, on en a une preuve en or... quant à Joan Crawford, excellente de bout en bout dans ce petit film qui repose sur son énergie, elle devra reprendre quasiment le même rôle dans deux autres films: un des derniers films muets en 1929, Our modern maidens, de Jack Conway, puis l'un des premiers films parlants de Crawford, Our blushing brides, de nouveau dirigée par Beaumont. Aucun des deux n'est proprement inoubliable... Celui-ci, la matrice, de par le reflet de la société de 1928 qu'il propose, de par son invention et la fraîcheur de ses interprètes qui se trouvent confrontées au rôle pur la première fois (Page reviendra dans les deux films suivants et Sebastian pour le troisième), a bien mérité son statut de classique.

 

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet **
12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 15:12

Deux hommes, l'un un noble, poète de profession (Georges Pomiès) et l'autre son valet (Michel Simon), sont appelés sous les drapeaux. Une soirée organisée par la maman de Jean Dubois D'ombelle, à laquelle était invité une huile de l'état-major, a eu l'effet contraire à ce qui était escompté, puisque les deux hommes font leur devoir dans la même chambrée. Et si le destin de leur pays est entre leurs mains, je pense que le pays est bien mal parti...

Ils se sont mis à plusieurs (Renoir, son assistant Claude Heymann et Alberto Cavalcanti, un complice fréquent à cette époque) pour adapter une pièce de André Mouézy-Eon et André Sylvane. Je n'ai aucun mal à imaginer la pièce, d'ailleurs, un simple support pour comique troupier... Mais si on peut se demander ce qu'allait chercher Renoir dans un tel sujet, lui qui avait tenté de lancer un naturalisme à la française avec Nana, le visionnage du film nous permet de voir ce que le metteur en scène a plutôt pu tirer de ce sujet ingrat: une pochade, certes, mais dans laquelle il a su insuffler de l'énergie.

Parfois peut-être un peu trop: le réalisateur a encore une fois fait confiance à sa bonne étoile, c'est-à-dire improvisé dans le n'importe quoi ambiant, en décidant en particulier de transcrire SA vision d'une caméra mobile. On est loin de Murnau, mais cette idée de faire jouer ses comédiens, et de lancer le caméraman un peu dans tous les sens, débouche parfois sur des effets burlesques assez réussis. Ca commence d'ailleurs par une scène efficace, et manifestement planifiée, qui oppose les valets (Michel Simon et Fridette Fatton), qui dressent la table en ayant les plus grandes difficultés à se lâcher l'un l'autre, puis dans le même lieu, Jean D'ombelle et sa fiancée sont sagement assis côte à côte sans même se regarder. Chaque partie de la scène commence par le même mouvement de caméra, qui part d'un tableau quelque peu coquin si on sait le regarder, et se termine par un travelling arrière vers le même tableau. Seulement notre opinion est faite: le coeur de Renoir, comme le notre, va à ces domestiques qui vivent leur amour au grand jour...

Sinon, le film est généralement trop long, trop brouillon, trop frénétique et trop loufoque (oui, c'est donc possible!). Mais il est aussi doté d'un antimilitarisme à l'ancienne, dans lequel on tape sur les officiers, et ça, c'est indispensable, surtout par les temps qui courent... une scène hilarante de classes désastreuses nous promène par ailleurs du côté de chez Hal Roach...

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Published by François Massarelli - dans Jean Renoir Comédie Muet 1928 *
21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 15:49

Barbara Manning (Bebe Daniels) est une jeune héritière d'une famille riche, et particulièrement excentrique d'hypocondriaques. Au moment de sa majorité, elle doit passer sous la tutelle d'un nouvel oncle, après avoir été sous la responsabilité d'un autre: ce dernier, obsédé par la santé, l'empêche de tout faire depuis sa plus tendre enfance, de peur que son père ne s'emballe. L'autre souhaite que sa filleule s'émancipe de cette obsession sanitaire et vive un peu... Quand la jeune femme décide de se rendre au sanatorium qui appartient à la famille, l'oncle en question va être servi: l'établissement est tombé dans les mains de l'étrange docteur Todd (William Powell): celui-ci n'est pas un vrai docteur, mais un bandit, et le sanatorium est devenu une plaque tournante du trafic d'alcool frelaté... Mais bien sûr, elle ne s'en rend pas compte, et va bénéficier du soutien inattendu d'un trafiquant qui est en réalité un journaliste en plein reportage sensationnel (Richard Arlen)...

La plupart des films Paramount de Bebe Daniels ont disparu, et au vu de ceux qui nous restent, c'est dommage! Venue du slapstick avec Harold Lloyd, elle combine un talent de comédienne romantique, avec une absence de scrupule pour participer occasionnellement à de la comédie un peu plus physique. Et ici, elle mène le jeu avec humour et une grande dose de charme. Elle y joue comme du temps de Harold Lloyd une ravissante farfelue, qui ne se rend absolument pas compte du fait que l'établissement qui l'accueille est tout sauf un hôpital, justement: totalement imbue d'elle-même, absolument pas ouverte au monde, la jeune femme est précisément un pendant féminin de l'hypocondriaque Harold Lloyd de Why Worry? qui ne se rend absolument pas compte que l'île Sud-Américaine sur laquelle il vient de débarquer est en proie à une révolution sanglante...

Le film est l'oeuvre de Gregory La Cava, dont la vaste œuvre reste pour moi un grand chantier de découverte... Il a le don pour faire coexister, justement, la comédie et la romance, notamment en glissant dans le sanatorium le journaliste infiltré, joué par Richard Arlen, qui va être à la fois élément perturbateur et objet de l'affection de l'héroïne... Et bien sûr, la confrontation avec William Powell est féconde. Celui-ci, clairement, s'amuse à jouer les terreurs... Son style partagé entre un jeu clair et direct, naturel mais souvent inquiétant (il a fallu attendre le parlant pour qu'il lui soit proposé des rôles positifs), et un abandon comique qui éclate lors d'une scène au ralenti, quand le "docteur Todd" est victime de l'évaporation du chloroforme, et participe à un superbe ballet surréaliste. Et Bebe Daniels, certes la star du film, n'a pas non plus peur d'affronter la comédie, et se livre ici à quelques plaisanteries, pour lesquelles elle n'a pas eu besoin de doublure. On appréciera notamment son numéro de surf sur planche improvisé, et une scène de beuverie loufoque...

On n'en revient pas: ce film a été un flop monumental, suite à des critiques unanimement négatives à l'époque de sa sortie. Dans ce cas, sa survie est un miracle, une fois de plus...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1928 Gregory La Cava ** William Powell
17 août 2018 5 17 /08 /août /2018 16:09

Corinne Griffith est une actrice qui a eu sa petite heure de gloire dans les années 20, en particulier grâce à son mari, Walter Morosco : il produisait ses films un peu à la façon de William Randolph Hearst produisant Marion Davies. Miss Griffith n'avait certes pas le talent de cette dernière, mais entre des mains expertes, elle pouvait se révéler une actrice intéressante. En particulier dans ce film...

Toni Lebrun, orpheline Autrichienne recueillie par son oncle et sa tante pâtissiers, ne se voit pas faire des bretzels toute sa vie, et ambitionne de chanter à l'opéra. Elle a même un diplôme authentique, qui lui a ouvert les portes d'un théâtre Viennois... Auquel elle se rend, sans savoir que c'est un établissement un peu plus leste que ses désirs lui font miroiter. Tenu par la solide entremetteuse Mme Bauer (Maude George), on y vient pour voir, plutôt que pour écouter, et Toni ne tarde pas à s'en apercevoir. Tombée dans le piège de M. D'avril (Lowell Sherman), un vil séducteur à la recherche de chair fraîche, elle fuit en compagnie de l'habilleuse Rosa (Louise Dresser), sans savoir que celle-ci est une authentique baronne, qui va l'amener avec elle à Monte-Carlo...

On retrouve dans cette comédie, le canevas d'un conte de fées légèrement détourné, et passé au travers du filtre de la comédie légère, plutôt du genre de celles dans lesquelles évoluait Colleen Moore, que Marion Davies : un certain glamour, plutôt que du slapstick, affleure volontiers dans le film. Il faut dire que les acteurs n'y sont pas pour rien, surtout Lowell Sherman, qui y reprend à peu près son rôle de Way Down East avec une justesse confondante. Mais Lewis Milestone, qui a sans doute conscience de tourner une bluette, laisse poindre assez souvent une certaine ironie, et dirige constamment Corinne Griffith en appuyant sur le côté naïf du personnage. Du coup, le film en bénéficie souvent. Et surtout, le metteur en scène se place en maître du cadre et du champ, en utilisant toutes les ressources de décors mobiles et particulièrement bien rendus.

On est bien sûr bien loin des autres films contemporains du metteur en scène et je pense qu'il fait considérer ce Garden of eden comme une halte bienvenue das la carrière du prodige qu'était Milestone au temps de sa splendeur, entre Two Arabian Knights et The Racket, dont ce film ne possède ni les audaces, ni la verdeur... Au moins il ne manque ni de verve, ni d'énergie, ni de charme.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1928 Lewis Milestone **
18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 09:22

Tito (Lon Chaney) et Simon (Bernard Siegel) sont deux frères, deux clowns itinérants, qui un jour recueillent une enfant perdue, Simonetta. Ils sont jeunes, et Tito, particulièrement sentimental, insiste auprès de son ami bourru... Les années passent, et le duo a de plus en plus de succès. Simonetta devenue une belle jeune femme (Loretta Young), Tito se rend compte que ses sentiments ont changé... Il ne voit donc pas d'un très bon oeil l'idylle naissante entre la jeune femme et le comte Luigi (Nils Ashter), qu'il soupçonne d'être un incorrigible séducteur...

Herbert Brenon était un choix inattendu pour diriger Lon Chaney en 1928; à cette époque, la MGM avait l'habitude de confier les "véhicules" de l'acteur aux metteurs en scène maison, des techniciens compétents qui ne faisaient pas trop d'ombre à la star (William Nigh, George Hill, Jack Conway) ou à Tod Browning, son ami et complice. Le dernier film avec Victor Sjöström était The tower of lies, d'après Selma Lagerlöf, et ça avait été un échec, tout comme l'étrange Mockery tourné par Benjamin Christensen... L'Irlandais, artiste établi et meneur irascible, était un réalisateur fin et ambitieux, et il est à noter que ce long métrage de huit bobines joue dans une catégorie bien différente des films de Chaney de l'époque: c'est un mélodrame, pur et dur, et la résolution en est notable dans la mesure où Chaney échappe à toute tentation du mal...

Les clowns ont inspiré à Chaney un personnage inoubliable, celui de He who gets slapped. Ici, il incarne un vieil artiste, bien sûr amoureux de la jeune femme qu'il a élevé. Pour Lon Chaney, c'est un rôle en or, qui lui permet de montrer toute la gamme de ses talents, dans les registres les plus sentimentaux: le père, l'amoureux transi, l'artiste frustré, et surtout, l'homme vieillissant: à cette époque (en témoignent des films comme Mr Wu, Tell it to the marines, ou les fragments de Thunder, voire le médiocre Where east is east), Chaney s'intéressait particulièrement au vieillissement de l'homme. C'est poignant, quand on pense qu'il n'avait que 45 ans durant le tournage de ce film, et qu'il n'avait plus que deux années au compteur... Et comme de juste, il va aller au bout de son interprétation, en utilisant le costume d'artiste qui pour lui fonctionnait le mieux pour installer son univers de contrastes intimes...

Loretta Young est merveilleuse, et on a du mal à croire, non seulement qu'elle n'avait que 14 ans, mais aussi qu'il s'agit de son premier film... L'histoire a retenu que l'actrice a beaucoup souffert de la direction de Brenon, qui était je le répète un excellent metteur en scène (Ce film en fait foi, tout comme son Peter Pan de 1924), mais aussi un salopard qui aimait se choisir une victime désignée... Jusqu'à ce que Lon Chaney s'en mêle, protégeant Young comme il l'avait fait pour Mary Philbin contre les injonctions délirantes de Rupert Julian en 1925.

Tout ceci, bien sûr, ne se voit pas dans le film, mais ce qui se voit, c'est la délicatesse avec laquelle Chaney, Young et Brenon ont réussi à rendre cette histoire triste de clown amoureux qui se sacrifie en sachant que son âge le condamne aussi bien pour ses sentiments que pour son métier, et la grandeur de Chaney est doublé d'une mise en scène impressionnante pour son sacrifice, qui est, comme souvent dans l'univers de Lon Chaney, particulièrement ouvragé...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney 1928 * Herbert Brenon
28 juin 2018 4 28 /06 /juin /2018 19:09

Retrouvant le scénariste Hans Kräly, son complice des années Allemandes, et bien sûr l'immense acteur Emil Jannings avec lequel il a tourné maintes fois avant de venir en Californie, Ernst Lubitsch a signé avec The Patriot un film que beaucoup parmi ceux qui ont eu la chance de le voir estiment être un chef d'oeuvre. Dans un premier temps, c'est Dmitri Buchowetski qui devait réaliser le film, mais Lubitsch, qui entamait une collaboration plus que fructueuse avec la Paramount, a finalement été appelé à la rescousse...

L'intrigue concernait le Tsar Paul (Jannings), un monarque en bout de course, qui n'accordait sa confiance qu'à un seul homme, son ami le Comte Pahlen (Lewis Stone). Mais celui-ci, pris entre son affection pour son ami et la raison d'état, jugeant le roi fou et criminel, entreprend de le trahir dans les règles...

On a particulièrement dit du bien de la mise en scène de Lubitsch, qui avait été éloigné des grosses productions depuis Rosita, et s'est plu à jouer avec les ombres avec talent, et à adopter un jeu de caméra mobile. En témoignent aujourd'hui les seules trois minutes de la bande-annonce, seule trace du film avec les photos de plateau, qui nous promet un spectacle fabuleux, que nous ne verrons sans doute jamais plus... Pas plus qu'une copie intégrale de Die Flamme ou quoi que ce soit de Kiss me again...

 

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Published by François Massarelli - dans Film perdu Ernst Lubitsch 1928 Muet
3 juin 2018 7 03 /06 /juin /2018 09:08

On date généralement l'apparition du film de gangsters des débuts du parlant, et en particulier avec la sortie de Little Caesar, de Mervyn Le Roy, Scarface de Hawks, et The public enemy de William Wellman. On sait aussi que les premières représentations de la criminalité sont à chercher chez Griffith avec le superbe mais didactique The musketeers of Pig Alley, sorti en 1912, et chez Walsh dont Regeneration (1915) représente un peu la frange la plus naturaliste de ce type d'évocation. Mais à la fin des années 20, quelques film ont constitué un peu le chaînon manquant de cette évolution, en particulier deux films de Josef Von Sternberg dont un seul a survécu (Underworld, 1927, le film perdu étant The dragnet, 1928), et The racket de Lewis MIlestone...

Ce dernier est dû à deux compagnies, et deux hommes essentiellement: d'une part, c'est une production Caddo de Howard Hughes, dont les films étaient distribués par Paramount; ce n'est pas qu'un deal de distribution, puisque le film utilise une star du studio (dont, il est vrai, la compagnie ne savait plus quoi faire...), Thomas Meighan; d'autre part, on sait que la Paramount, justement, était le studio dans lequel Sternberg s'est senti si bien qu'il y a réalisé ses chefs d'oeuvre cités plus haut... Et si The racket est signé de Lewis Milestone, comment ignorer le fait que Hughes l'a produit, quand on sait à quel point l'ombrageux producteur s'impliquait? 

Adapté d'une pièce à succès de Bartlett Cormack, The racket est non seulement une plongée dans l'univers nocturne du gangstérisme de 1928, c'est aussi une réflexion dure et narquoise sur les limites de la loi et sur le système qui a permis l'éclosion d'une criminalité hors normes aux Etats-Unis. Dès le début, le ton est donné par une séquence dans laquelle un homme, d'abord anonyme, manque de mourir dans un traquenard: alors qu'il marche dans la rue, la nuit, d'un côté à l'autre, depuis les fenêtres d'appartements, des hommes se font signe... Puis on lui tire dessus, mais on le rate. A ce moment, l'homme (Thomas Meighan) voit l'un de ses assaillants (Louis Wolheim) sortir de son immeuble, l'air satisfait. Ils parlent, comme si c'était de tout et de rien, de ce qui vient de se passer, et le deuxième homme conseille au premier de changer de "racket", un terme ambigu qui peut aussi bien vouloir dire activité, qu'activité criminelle. Les deux hommes se séparent, mais on ne sait pas qui est qui. Ces deux hommes sont-ils des gangsters, ou des policiers? Et si les deux tâches sont partagées, on est bien incapable de déterminer lequel des deux est du bon côté de la loi.

C'est tout l'univers de ce film exceptionnel, dans lequel le même homme, le capitaine McQuigg (Meighan) qui combat inlassablement le système politico-mafieux dont Nick Scarsi (Wolheim) est le maillon le plus voyant, s'attablera parfois avec les bandits à leur invitation. Et lors d'une scène magistrale, non seulement quand le policier s'assied aux côtés du bandit, il boit comme lui, sans sourciller alors qu'on est en pleine prohibition, mais en plus il suffit qu'il se rende aux toilettes pour qu'un crime ait lieu dans la salle de restaurant! Et Nick Scarsi est un habitué du poste de police, non seulement pour raisons professionnelles, mais aussi par savoir-vivre: il vient rendre visite à ses amis, en quelque sorte. Dans ce jeu du chat et de la souris, pourtant, les flambées de violence sont fréquentes, et toujours impressionnantes: Milestone était au sommet de son art, et Hughes savait qu'il pouvait lui demander ce qu'il voulait, le metteur en scène le lui donnerait sans faille.

On comprend a posteriori pourquoi le film a été censuré (en particulier à Chicago): il dépeint un monde dans lequel le crime et la loi semble pouvoir facilement se mélanger, et met le nez dans des affaires gênantes pour l'époque, sans se priver de dire que la politique participe au partage du gâteau. Mais derrière cet aspect fumant de reportage un peu crapuleux, c'est une merveilleuse confrontation qui nous est proposée, doublée du portrait de deux hommes surtout. L'un d'entre eux a su s'accommoder sans états d'âme de la situation qui lui permet une quasi impunité, et l'autre ronge son frein, en attendant le jour ou lui aussi tordra le cou à ses principes, et ce jour-là, clairement, Nick Scarsi passera un mauvais quart d'heure. La preuve dans le film.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lewis Milestone 1928 Howard Hughes Noir
15 avril 2018 7 15 /04 /avril /2018 12:30

Les deux acteurs Carl Schenström et Harald Madsen, respectivement un grand longiligne et un très petit râblé, étaient des stars au Danemark, de 1921 à 1942, soit jusqu'à la mort de Schenström. Mais cette célébrité ne s'arrêtait pas aux frontières, comme le prouve la liste de leurs surnoms: Fy en By en Scandinavie, Pat und Patachon en Allemagne, Long and short en Grande-Bretagne, et Doublepatte et Patachon en France; si le format de la plupart de leurs films, le plus souvent réalisés par Lau Lauritzen, reste le long métrage, ils ont souvent été considéré comme l'inspiration pour Laurel et Hardy, ce qui ne tient pas complètement debout, pour un certain nombre de raisons: leurs films n'ont jamais réellement percé aux etats-unis, même si certains y ont été projetés; Laurel et Hardy ont été "couplés" dans des films avant d'être un duo, et leur dynamique s'est créée toute seule, poussant le studio à répéter l'expérience; et enfin Roach a toujours mis ses acteurs en équipe, dès 1915: Lonesome Luke était aussi une équipe, avec Snub Pollard et Bebe Daniels autour de Harold Lloyd. Mais la présence physique inversée des deux acteurs, leur complémentarité, et le fait que de film en film, bien qu'il ne s'agisse jamais vraiment des mêmes personnages, ils aient peu ou prou maintenu le même rapport, pousse évidemment à la comparaison. Par contre, autour de Schenstrom et Madsen, le film leur échappait; ils étaient constamment une sorte de cerise sur le gâteau, au milieu d'une intrigue qui ne les concernait que peu, et vagabondaient de boulot en boulot, le grand menant le petit... Ils assistaient aux amours malheureuses de jeunes bellâtres pour des filles de bourgeois. Quelque fois, ils les aidaient. Dans certains films, Lauritzen a été ambitieux: Son Don Quichotte (1926) en particulier dépassait le cadre de la comédie, et imposait un jeu bien différent aux deux acteurs; la durée de 180 minutes en faisait un film autrement plus important que les aimables comédies de 90 minutes qui composaient l'essentiel du duo. Parfois, enfin, ils s'exportaient, et sous la direction d'un autre (Monty Banks, Gustav molander, Urban Gad, ou Hans Steinhoff par exemple), jouaient pour d'autres filmographies: Suède, Norvège, Allemagne, Grande-Bretagne, comme Asta Nielsen avant eux, le Danemark étant décidément un petit pays.

Pour terminer ce tour d'horizon, il convient d'ajouter que leurs films possédaient un air de famille, parfois obéissant à une formule, et qu'il y avait des passages obligés: il devaient se situer dans un environnement qui permette des belles prises de vue de la nature Danoise, il y avait des jolies filles, baigneuses en maillot, voire sans en certaines occasions. La vie des gens était celle du Danemark des années 20, un pays en apparence tranquille, sous les influences Scandinaves au nord, germaniques au sud, et empreint de ces deux cultures...

Schenström, contorsionniste, et Madsen, artiste de cirque aux multiples talents, sont d'abord une présence physique, enfantine. Quoi qu'ils fassent, ils ne peuvent qu'être visuellement ridicules, une exagération qui n'est pas forcément soulignée par les autres protagonistes. Ils vont ensemble, ce qui n'exclut pas qu'un scénario les fasse se rencontrer dans un film. Madsen est le plus lunaire des deux, avec sa cambrure exagérée à la Chaplin, et sa petite taille, sans oublier son air volontiers ahuri. Mais c'est aussi le plus bouillonnant, souvent celui par lequel le malheur arrive... Schentröm a beau jouer plus facilement l'adulte, il a des éléments enfantins lui aussi, une immaturité notamment sexuelle, qui passe par une timidité manifestée physiquement. Et l'un comme l'autre est amené parfois à s'impliquer corporellement, comme dans l'un des films ou ils se baignent effectivement dans une eau gelée...

Filmens Helte est l'un des meilleurs longs métrages du duo, d'ailleurs le plus vu ou revu, qui a fait l'objet d'une reprise en salle sous forme d'une compilation en 1979, et dix ans plus tard en France. Le film est amusant, montrant comment les deux héros sont amenés en catastrophe (le mot est très bien choisi) à remplacer au pied levé les deux jeunes premiers d'un film, tourné par un artiste autoritaire à la Stroheim. On assiste par ailleurs aux tribulations des jeunes premiers, qui ont quitté le plateau en raison d'un conflit avec le producteur, père de  leurs fiancées. Tout finira bien: le film désastreux sera un succès, les jeunes acteurs seront réintégrés, et le producteur consentira aux mariages.

Voilà, c'est tout... sauf que tout ceci serait excellent, s'il n'y avait un détail embarrassant: les films conservés du duo ont été achetés par la chaîne Allemande ZDF, et remontés en épisodes de 25 minutes, narrés en Allemand. Y compris les films parlants, dont on a tout simplement fait sauter la bande-son originale. dans une opération digne de la boucherie effectuée par Chaplin sur The gold rush, certains des films sont à peu près cohérents et possèdent encore l'essentiel de leur métrage. Mais que penser du Don Quichotte réduit à deux épisodes de 25 minutes, à la place de 180 minutes? Ce film est heureusement disponible en streaming sur le site du Danske Film Institut, sans sous-titre toutefois:

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/filmens-helte

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Comédie Lau Lauritzen Schenström & Madsen Danemark DFI *