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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 16:56

Der var eingang, ou Il était une fois, le cinquième film de Dreyer reste probablement l'un de ses moins connus, et forcément, on le comprend d'autant mieux que la moitié en a disparu, et que si la cinémathèque Danoise a procédé à une reconstitution à partir de ce qui reste, elle est tout sauf confortable à regarder: il manque entre autres la fin, et plusieurs passages intermédiaires, qui en rendant le visionnage difficile. C'est d'autant plus dommage qu'il s'agit, à sa façon, d'un film unique dans l'oeuvre: une comédie narrée à la façon d'un conte de fées, en deux parties, dont une sous forte influence du Lubitsch de La princesse aux huîtres, et l'autre plus traditionnelle pour le metteur en scène, tournée en plaine forêt, avec une approche plus naturaliste:

Dans le royaume d'illyria, le roi (Peter Jerndorff) souhaite marier sa fille (Clara Wierth, également connue sous le nom de Clara Pontopiddan) qui ne manque pas de prétendants, mais qui est tellement capricieuse que c'est quasi impossible de la contenter. Elle a une fâcheuse tendance à exiger qu'on pende les princes qui ne lui plaisent pas, et aucun ne lui plait... Arrive alors le prince du Danemark (Svend Metling), qui est rejeté comme les autres, mais qui va user de subtilité: il réussit à trouver un stratagème pour compromettre la jeune femme, qui va le suivre contrainte et forcée, sans l'avoir reconnu, puis vivre avec lui dans une cabane au fond des bois un quotidien auquel elle n'est pas préparée, jusqu'à ce que l'amour fasse son travail.

La première partie est sans doute la plus épargnée par les années, et on apprécie de voir Dreyer, même s'il n'est pas toujours à l'aise, pousser ses acteurs, en particulier Clara Wierth, à l'excentricité et au grotesque. Le film se poursuit avec un stratagème, qui va pousser la jeune femme à voir le monde d'une façon différente et à changer, comme dans Le maître du logis... Le film est une commande, une adaptation d'une pièce un brin nationaliste, qui souhaitait montrer la rigueur et l'humanité dont savent faire preuve es Danois, et cet aspect de conte de fée vient de ce que la pièce était en fait basée sur plusieurs sources, dont Hans Christian Andersen... Et The taming of the Shrew, de Shakespeare.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/der-var-engang

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer Muet 1922 DFI *
23 mai 2015 6 23 /05 /mai /2015 11:08

Le premier film de Benjamin Christensen fait clairement partie du haut du panier, dans la liste pas si longue des longs métrages importants du début des années 10: comme les films de Tourneur en France, de Bauer en Russie, il fait avancer le cinéma à pas de géant... à sa façon, fort distinctive: le metteur en scène ne se contente pas de creuser un sillon personnel, il multiplie les audaces et les expérimentations, en terme d'éclairage, de composition, de direction d'acteurs, d'écriture de l'intrigue, et même de complication! Christensen, en ancien chanteur d'opéra (Il était baryton), se plait à accomplir tous ces prodiges dans une intrigue hautement mélodramatique qu'il a écrite, qui ose tout avec aplomb, tant et si bien qu'on va plus loin encore que le ridicule: on va vers le baroque le plus absolu... Pour notre plus grand bonheur.

1913: Une guerre menace le Danemark, et tous les corps d'armée se préparent au pire. Le lieutenant Von Hauen (Christensen), un valeureux et honnête militaire, met donc ses affaires en ordre, confiant à son épouse un testament en bonne et due forme: il faut savoir se préparer à toute éventualité... Mais les circonstances vont pourtant aller très loin dans l'imprévu. Madame Von Hauen (Karen Caspersen), en effet, a une sorte de liaison purement platonique avec un intrigant Latin, le dangereux comte Spinelli (Hermann Spiro). Mais celui-ci n'en veut-il qu'à sa vertu? Il passe du temps à trafiquer d'étranges messages cryptés, envoyés par pigeons voyageurs depuis un vieux moulin abandonné. Le comte Spinelli, sous ses allures de séducteur mondain, est en réalité un agent de l'ennemi, chargé de séduire la dame pour soutirer des secrets, car tout le onde sait que le père du lieutenant est l'un des plus importants dignitaires de l'armée Danoise. Et ce qui devait arriver arrive: un soir, Spinelli s'introduit chez les Von Hauen, et dérobe des papiers importants, et de son côté Von Hauen se rend compte de ce qu'il croit être une véritable infidélité de son épouse. Le lendemain, il est arrêté pour trahison, et va refuser toute tentative d'aide de son épouse. De son côté, Spinelli, le seul à pouvoir innocenter le lieutenant, se trouve coincé dans la cave du moulin sans espoir de sortir... Madame Von Hauen et son fils ainé vont pourtant remuer ciel et terre pour tirer Von Hauen de ce mauvais pas avant qu'il soit exécuté...

La principale vertu du film est sa science de la lumière. Dès les premières scènes les talents combinés en matière de photographie comme de dramaturgie, de Christensen et de son chef-opérateur Emil Dinesen sont évidents: en particulier, une grande partie de l'intrigue est située dans la maison Von Hauen, dont la pièce la plus souvent vue à l'écran est le salon, tout en profondeur. Au fond du champ, une grande fenêtre diffuse souvent de la lumière extérieure, tout comme une plus petite située dans la partie de la pièce qui est la plus proche du proscenium. Les variations minutieuses d'ensoleillement vont participer de façon fort brillante à l'atmosphère de chaque scène. Une séquence en particulier est remarquable: madame Von Hauen rentre chez elle, elle sait que son mari a été arrêté. La maison est sombre, et seules les fenêtres diffusent un peu de lumière. La bonne allume partiellement la pièce, suivie de sa patronne, mais celle-ci sort du champ, et la bonne la suit, éteignant. De façon subtile et sans aucun intertitre, Christensen nous a montré de quelle façon l'héroïne refuse de laisser la vie continuer comme avant... Le moulin qui va donner son nom au film (Le traître a pris le pseudonyme de X, inspiré par les ailes en croix du moulin qu'il utilise pour ses actions d'espionnage) est lui aussi une source de séquences visuelles de grande qualité: ombres chinoises superbes, avec la silhouette inquiétante du moulin vers lequel évoluent les mystérieuses ombres de cavaliers, mais aussi des vues en intérieur de la vieille bâtisse, pour lesquelles le metteur en scène a là encore utilisé un contraste saisissant entre l'obscurité quasi totale du lieu, et la lumière venue de l'extérieur. Il est d'ailleurs frappant que les scènes d'intérieur du moulin n'ont pas du tout été tournées en studio, mais bien dans un authentique moulin, comme en témoignent les nombreux plans qui montrent une ouverture (Porte ou fenêtre) qui laisse filtrer un peu de la quiétude extérieure: champs, paysages idylliques, etc...

Et si l'intrigue est compliquée, Christensen se plait à la rendre plus impénétrable encore, en laissant promettre de fausses joie, comme un procès au cours duquel madame Von Hauen se rend, pour innocenter son mari, mais celui-ci va contre-carrer ses plans, en refusant une aide qui révèlerait à la face du monde ce qui à ses yeux est le déshonneur de l'adultère! Au public, qui s'attend à ce moment à une fin heureuse, Christensen impose donc d'attendre de nouvelles péripéties, qui ne vont pas manquer d'arriver. D'une part, le grand fils des Von Hauen va se rendre en prison pour « voir son père une dernière fois », ce qui aura des conséquences, et a l'avantage d'impliquer encore plus le spectateur; ensuite un rêve va révéler la marche à suivre à l'épouse en lui rappelant le lien entre « X » et le moulin. Elle se rend donc vers ce dernier pour y trouver des preuves impliquant Spinelli; ais la situation est compliquée par deux facteurs: d'une part, Spinelli a bien laissé des preuves sur place. D'ailleurs il est toujours coincé dans le sous-sol du moulin, mangé par les rats! Et d'autre part le moulin est en pleine zone de combats, on va donc voir la frêle jeune femme traverser le champ de bataille au milieu des explosions, alors que la mort rôde autour d'elle...

Bref, on l'aura compris: c'est hautement improbable, mais parfaitement indispensable, et le film bénéficie en prime d'un montage serré, d'une utilisation dynamique du placement de la caméra, avec parfois des subtils mais décisifs déplacements. Le film est en avance, et pas seulement parce qu'il prédit une guerre dans laquelle les Danois (Von Hauen) auront maille à partir, entre autre, avec les Italiens (Qui seront dès 1914 les alliés de la France et de l'Angleterre); non, il est en avance sur Feuillade, sur Griffith, sur DeMille (qui mènera lui ses recherches sur la lumière deux ans plus tard, dans son très impressionnant The cheat)... Son art du mélodrame débouche sur un film excitant, extravagant, et franchement époustouflant. L'un des meilleurs films de cette première moitié de la décennie, si ce n'est le meilleur.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/det-hemmelighedsfulde-x

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Published by François Massarelli - dans Muet Scandinavie 1914 Benjamin Christensen DFI *
28 avril 2015 2 28 /04 /avril /2015 16:48

Un an après L'abîme, ce nouveau film de Urban Gad avec Asta Nielsen déçoit. On quitte l'intrigue filmée dans les rues de Copenhague, et ses audaces fulgurantes d'érotisme pour suivre des acteurs un rien ampoulés de salon en salon, mollement engoncés dans une intrigue bourgeoise, plate et ridicule. Asta Nielsen y interprète une talentueuse écuyère courtisée par à peu près tout le Danemark, qui refuse les avances d'un riche bijoutier (Gunnar Helsegreen) mais se jette (Littéralement) dans les bras du Comte Von Waldberg (Valdemar Psilander). Le bijoutier, Hirsch, ne s'avoue pas vaincu et revient à la charge, par la ruse plutôt que par la séduction... Il va piéger les deux amoureux, et le drame va, bien sur, finir mal, très mal pour la belle artiste.

Le film est donc un retour à du tout-venant après la réussite de leur premier film, mais Asta Nielsen, malgré tout, tire plutôt bien son épingle du jeu. Certes, la subtilité ni la retenue n'ont jamais été son fort, mais elle se bat avec une belle énergie, pendant que Gad, comme s'il prenait ses distances avec le film (Au scénario duquel il a pourtant contribué), tend à éloigner sa caméra, et créer au moins dans des scènes qui sont souvent réduites à un tableau, un semblant de vie. Mais une scène frappante lui permet d'élever un peu le débat: un miroir nous frappe par son omniprésence, pendant que dans le bureau du bijoutier, Stella vient le voir. Le miroir nous est encore plus évident lorsque Gad l'utilise pour prolonger le décor de son intrigue, et sert enfin au bijoutier lui même qui voit dans le miroir, la jeune femme qui lui dérobe des bijoux derrière son dos! Et dans la même scène, un insert vital permet à Gad d'aller plus près des acteurs qui jouent tous deux une scène avec une certaine duplicité... Quant à Asta Nielsen, elle continue à impressionner par l'aisance physique avec laquelle elle joue des séquences entières, comme une scène durant laquelle elle doit empêcher son petit ami de se suicider... Elle y met tout son coeur, peut-être pas de quoi rattrapper le film, mais c'est toujours ça de pris.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/den-sorte-drom

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Published by François Massarelli - dans Muet Asta Nielsen 1911 DFI Urban Gad *
23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 17:14

L'Abysse, comme le film est appelé en France, est le premier film de Urban Gad avec Asta Nielsen, tourné au Danemark. Paradoxalement, le couple ne va pas attendre avant de répondre aux sirènes de l'écran Allemand, puisqu'ils vont partir tout de suite après l'immense succès obtenu par ce film... L'essentiel de leur carrière commune sera donc faite en Allemagne, mais l'un et l'autre resteront indissociables du scandale de ce premier film, qui en 1910, à une époque durant laquelle les films commencent à s'allonger et la narration quitte les conventions des studios, semble revendiquer une place de premier plan pour le cinéma Danois: il est le plus spectaculaire des mélodrames naturalistes et sensuels, spécialité locale...

Un jeune homme, fils de vicaire, rencontre sur un tramway en plein Copenhague une jeune femme, professeur de piano, dont il tombe tout de suite amoureux. Leurs rencontres se font de plus en plus fréquentes, et un jour Knud (Le jeune homme, interprété par Robert Dinesen) invite Magda (Asta Nielsen) à se joindre à sa famille qui se rend à la messe. Elle le concainc de l'accompagner au cirque, et lors de a journée, se laisse aller à danser de façon provocante avec l'un des artistes. Durant une nuit, l'un des forains vient la chercher, et elle s'enfuit avec lui, et devient partie intégrante du spectacle, avec une danse particulièrement lascive... Pourtant, l'aventure avec le beau ténébreux (Poul Reumert) tourne court: il a tendance à flirter avec toutes les danseuses qu'il rencontre, et la jalousie s'installe bien vite pour Magda...

Dès le départ, le nauralisme du film est frappant, surtout au regard de ce qui se mijotait à l'époque dans les deux seuls pays capables de rivaliser avec le cinéma danois, l'Italie et la France: la rencontre entre Magda et Knud est saisie sur le vif, dans un vrai tramway, au milieu des vrais gens. Les nombreuses scènes d'extérieur sont tournées à même la rue, et respirent la vie; elles sont autant de témoignages émouvants plus de cent ans après d'une Copenhague révolue. Mais le jeu des acteurs, dans l'ensemble, suit cette tendance au naturalisme, et Asta Nielsen paie de sa personne en permanence: on sait que le film est surtout célèbre pour avoir été censuré aux Etats-unis en raison de l'incroyable sensualité d'une scène de danse, et à la voir aujourd'hui, on comprend: Poul Reumert est au milieu d'une scène, ligoté debout par Asta Nielsen. celle-ci se frotte tout autour de lui, en s'attardant en particulier sur certains endroits, et lui tourne autour durant 3 bonnes minutes! Une autre scène, durant laquelle les amants maudits s'affrontent au terme d'une jalousie trop aiguisée, semble avoir été interprétée avec une violence pas si simulée que ça... Le film suit, bien sur, un canevas mélodramatique qui fait toujours triompher le bon droit, ou à défaut mourir les pécheurs, mais en attendant il nous gratifie d'un spectacle qui a du sembler révolutionnaire à plus d'un Européen en ce début d'une importante décennie pour le cinéma danois.

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Published by François Massarelli - dans Asta Nielsen Muet 1910 DFI Urban Gad *
9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 17:53

Le titre original de ce film étonnant (Du skal aere din hustru) signifie en Danois "tu honoreras ton épouse", et il est repris en conclusion de l'intrigue. Une intrigue parfois austère, que Dreyer considérait comme une comédie, et qui était inspirée d'une pièce à succès de Svend Rydom, La chute du Tyran... Dreyer souhaitait profiter de cette histoire de tyran domestique qui a mené son épouse à la crise pure et simple, et à quitter au moins momentanément le domicile familial, pour narrer un conte fait de gestes quotidiens, anodins et banals auxquels pour une fois on allait pouvoir s'intéresser. A ce titre, le réalisateur a souhaité, mais n'a pas obtenu de la Palladium, la société productrice, tourner dans un vrai appartement: devant la difficulté technique, il a été préconisé de tourner en studio, mais en laissant Dreyer s'occuper à sa guise de la décoration. Le résultat est superbe de précision, de banalité, avec des papiers peints, des meubles, des riens qui semblent avoir toujours été là, et qui rendent bien l'impression du quotidien d'une famille, réglée autour de la personne du chef de famille...

Viktor Frandsen (Johannes Meyer), un homme dont la carrière a connu des meilleurs jours, est un vrai tyran pour sa famille, en particulier pour son épouse Ida (Astrid Holm). Celle-ci a une confidente, Mads, la vieille nourrice de son mari (Mathilde Nielsen). Exaspérée de voir Ida souffrir des remontrances incessantes et du caractère exigeant de son mari, elle lui conseille de prendre du champ, et va s'installer à la maison, opposant aux caprices de Viktor sa propre main de fer, et lui faisant surtout goûter à la vérité d'une vie domestique bien remplie...

C'est un grand film, relativement osé pour son époque puisque l'essentiel de l'intrigue y est domestique... L'enjeu est simple: pour Viktor, il faut qu'Ida revienne, afin de le libérer de son nouveau carcan; pour Ida, Mads et d'autres (Essentiellement des femmes: la mère d'Ida est complice, ainsi que Karen, la fille des Frandsen), c'est différent: leur souhait est que Viktor non seulement fasse amende honorable, et comprenne non seulement à quel point il a pu blesser son épouse et ses enfants par son comportement, mais aussi qu'il ressente la portée de chaque geste du quotidien, qu'il comprenne à quel point le travail domestique est difficile. D'où l'importance soulignée constamment dans l'intrigue, de chaque geste. A la fin du film, il est possible pour le spectateur de savoir exactement quels sont les rituels de la maison... Quant à l'aspect de comédie, il est amené en particulier par la confrontation entre les deux fortes têtes que sont Viktor et Mads... Mais l'homme ne fait pas le poids devant la digne mais redoutable vieille dame.

Il manque encore un peu de chemin à faire pour Dreyer et ses collaborateurs pour qu'on puisse taxer leur film de féministe, mais il s'agit au moins d'un pas en avant dans la mesure ou il est question non seulement de respect, mais aussi d'aller au-delà de la convention hiérarchique du mariage, pour revenir à ce qui devrait être le fondement même de tout ménage qui se respecte: l'amour et la tendresse. Parmi les objets importants du film, le battant en forme de coeur d'une pendule qui égrène les heures du ménage, aura le dernier mot. Dreyer avec ce film au plus près des corps et des visages accomplit une oeuvre moderne, qui porte déjà en elle bien des éléments qui feront la réussite de la Passion de Jeanne d'Arc.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/du-skal-aere-din-hustru

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer Muet 1925 DFI Criterion **
28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 13:27

Bien qu'il ait été un metteur en scène important en Scandinavie, et ce dès les années 10, Holger-Madsen est aujourd'hui oublié, éclipsé par d'autres Danois à peu près contemporains. Bien sur, Dreyer et Christensen sont, à des degrés divers, des gens importants, dont l'oeuvre internationale est aujourd'hui, surtout concernant Dreyer, reconnue et célébrée à sa juste valeur. raison de plus pour s'intéresser à cet étrange film qui remet les pendules à l'heure: non, si on oublie Le voyage dans la lune et ses plagiats, Aelita n'est pas le premier film à présenter un voyage spatial vers une autre planète, et ce film bat le film soviétique de Jakob Protazanov de 6 bonnes années.

Avanti Planetaros, scientifique et aventurier avide de missions hallucinantes, désire aller sur Mars. Il n'a que peu de soutiens, et se fait moquer de lui par la communauté scientifique, mais va au bout de son projet, et réussit à assembler une équipe. Parti sur Mars, il s'y fait accueillir par un peuple plus avancé que les hommes, qui a enfin fait son deuil de la violence et de l'inégalité, et les hommes sont bouleversés, à tel point qu'ils vont aller porter la leçon sur notre bonne vieille planète...

Forcément, comme avec tous les films de science-fiction, la représentation du vaisseau et de tout ce qui s'y rapporte, des costumes aux masques, prête à sourire par le kitsch inconscient, mais tant pis, on a l'habitude de devoir s'adapter. Non, ce film au message ultra-pacifiste (A une époque durant laquelle, ne l'oublions pas, le Danemark était engagé dans la guerre aux côtés de l'Allemagne, dans une coalition des plus douteuses) et volontiers utopiste se suit sans déplaisir, par son coté gonflé, et une exaltation tempérée par une mise en scène très rigoureuse. Il y a juste ce qu'il faut de péripéties et d'enjeux pour que le spectateur qui acceptera de se laisser aller en profite pleinement. Du reste, le message est aussi assez caustique, surtout quand on voit les terriens sortir leur arme à la première occasion, et tuer un autochtone à coup de grenade, pour démontrer leurs petites habitudes... Non, c'est sur, le message est généreux, fort et suffisamment sincère pour mériter le respect.

La ou le bât blesse, c'est dans l'insupportable soupçon d'antisémitisme (Qui ne serait pas très difficile à confirmer, tant ce genre d'idées boueuses était dans l'air à cette époque) qui flotte dans le fim à chaque apparition de l'insupportable professeur Dubius, qui ressemble un peu trop à la caricature d'Israelite que les nazis se feront un plaisir de répandre quelques décennies plus tard, et comme par hasard, c'est lui qui doit prendre en charge les doutes, les railleries et l'opposition de la communauté scientifique à l'égard de la famille Planètaros, retranchée derrière son portrait si propre de Christophe Colomb. Trop, c'est trop...

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/himmelskibet

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Published by François Massarelli - dans Muet Science-fiction 1918 Holger-Madsen DFI