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9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 16:49

Pour cette histoire Ecossaise, on trouve Mary Pickford dans un rôle dramatique qu’aurait pu lui confier Griffith : elle est l’unique héritière du chef d’un clan (Récemment noyé lors d’une tempête) sur une île éloignée au large de l’Ecosse, et en tant que telle, elle devra assumer la tâche de mener le clan. Alors qu’elle se prépare à se marier avec l’homme qu’elle aime et qui l’aime depuis l’enfance, la vraie famille de celui-ci arrive et tente d’emporter le jeune homme sur le continent, forçant plus ou moins la jeune femme à renoncer à leur idylle.

Ce petit film qui aurait pu en d’autres mains devenir un navet décoratif va devenir un peu plus grâce à Tourneur et son équipe (Van Der Broek et Andriot sont les chef-opérateurs, les décors sont de ben Carré). Ils composent un décor qui respire moins le folklore que le malaise de ces îles, tel qu’il sera capté par Michael Powell plus tard. Les plans du front de mer, avec tout le clan qui assiste résigné au naufrage du bateau qui ramène les pêcheurs, ont une beauté lourde de sens, avec ces rochers éparpillés, et cette dénivellation inconfortable.

Le film ayant été tourné dans l’est, il se peut que ce soit la côte du Maine, souvent employée pour ce genre de productions. Les personnages sont souvent représentés en silhouettes, un procédé qu’affectionnent Tourneur et son équipe. Le film est un vague mélodrame, amis on appréciera son âpreté : voici, une fois de plus dans cette adolescence du cinéma Américain, un film adulte. Notons toutefois que la fin est sujette à caution, puisque j’ai vu un happy-end, alors que Mitry, dans L’Anthologie du Cinéma, se rappelle avoir vu pour le même film une fin tragique.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1917 Maurice Tourneur *
9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 16:46

Ce film est une histoire de prestige, avec la grande actrice Clara Kimball Young. Ce sont les temps héroïques du cinéma, et Tourneur se consacre à une intrigue complexe de quasi possession, et de passions, qui sera par ailleurs filmée aux débuts du parlant: Svengali, de Archie Mayo, avec John Barrymore et Marian Marsh, est sorti par Warner en 1931.

Clara Kimball Young, à l'époque des Griffiths et Ince, faisait partie des premières actrices prestigieuses qui avaient réussi à obtenir ce que Mary Pickford s'était battue pour avoir: le nom au dessus du film! Elle est ici chez elle, et le metteur en scène la met en effet en valeur d'une façon novatrice, en jouant sur le décor, d'autant que la belle, du moins au début du film, est modèle pour les sculpteurs et peintres du quartier latin. Puis, sous la coupe d'un étrange personnage qui l'emprisonne dans une passion factice, elle va devenir l'objet de tous les fantasmes en devenant une immense vedette, au risque de se perdre...

Cette histoire de George du Maurier de génie qui hypnotise la femme de ses rêves permet au moins à Tourneur de continuer à explorer les possibilités narratives du tournage en intérieurs, avec une scène de concert aux multiples angles de prise de vue : le public vu de la scène, deux membres du public vus en plan rapproché, la cantatrice vue en plan rapproché, vue de dos depuis l’orchestre, etc.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1915 Maurice Tourneur *
9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 16:41

Alias Jimmy Valentine (1915) est l'un des plus connus parmi les films muets Américains de Maurice Tourneur. Robert Warwick y est un cambrioleur génial qui mène une double vie. Après un séjour en prison, il fait l’objet d’une expérience : le gouverneur de l’état (Frderick Truesdell) le sort de Sing-sing car il croit (A tort) en son innocence, poussé il est vrai par sa fille (Ruth Shepley) qui a un faible pour le jeune homme. Celui-ci décide de vraiment devenir honnête, au grand dam de ses deux anciens collaborateurs (Johnny Hines et Alec B. Francis), mais l’inspecteur Doyle (Robert Cummings) souhaite coincer le héros, qui va se trahir dans une scène au suspense inattendu.

Ce film, aux cotés de The musketeers of Pig Alley (1912), de Griffith, et Regeneration (1915), de Raoul Walsh, est l’une des premières grandes dates du film de gangsters, et la réalisation fait la part belle aux séquences tournées en intérieur, avec en particulier des scènes splendides tournées lors d’un cambriolage, vues en contre-plongée: elles témoignent d'une envie de faire avancer le cinéma, et d'associer le spectateur à l'action en lui présentant l'aventure sous des angles inédits.

On évite le prêche grâce à la grande subtilité de la direction, et le rapport qui s’établit entre l’inspecteur et sa « proie » est très intéressant. Je soupçonne que ce type non-conventionnel de traitement du film policier soit un import Français, peut-être piqué à l’ancien collègue de Tourneur à l’Eclair, Victorin Jasset, dont les feuilletons s’intéressaient beaucoup plus aux bandits qu’aux policiers.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1915 Maurice Tourneur *
9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 16:36

La carrière de Maurice Tourneur aux Etats-Unis, bien que commençant par une mission très ciblée (assurer l’existence de la société Eclair et concurrencer Pathé sur place) va vite changer de cap : le metteur en scène a-t-il été rattrapé par son propre rêve Américain, ou a-t-il pressenti l’essor phénoménal que le cinéma américain allait prendre en quelques années (je rappelle qu’à cette époque, les pays leaders du cinéma sont le Danemark, la France, et surtout l’Italie), toujours est-il que Tourneur ne va pas rester à l’Eclair. Avec divers comparses producteurs, il va papillonner d’un studio à l’autre, constituant sa propre équipe et tournant toujours à Fort Lee et alentours, dans le New Jersey. Les commentateurs actuels ont tendance à dire qu’il cherchait à concurrencer Griffith, mais il n’y a pas de concurrence possible: les films de Tourneur sont généralement bien meilleurs, plus réussis que ceux de Griffith. Peut-être sont-ils moins populaires, peut-être Griffith a-t-il mieux senti le principe du genre, mais si vous n’avez pas vu de films de Maurice Tourneur des années 10, préparez vous à une sacrée surprise…

Celui-ci est l'un de ses premiers efforts; en cinq bobines, Maurice Touneur promène la camera de John Van Den Broek dans les décors du New Jersey pour une petite comédie fraîche et sentimentale située dans une Angleterre de toujours. Le scénario inspiré au metteur en scène par une pièce contemporaine ne décourage absolument pas les auteurs du film de faire « du cinéma », au contraire. Le film est très bien joué, par des fidèles du réalisateur (Vivian Martin, Alec Francis, John Hines) et l’ensemble est d’une grande beauté : ce goût pour les décors esthétiques, les compositions imaginatives et l’utilisation de la lumière (Ici le soleil est pour beaucoup dans l’atmosphère positive du film), tout concourt à faire de The wishing ring une réussite. L’histoire raconte comment un jeune homme riche, amoureux d’une jeune femme qui ignore son identité, l’aide en lui faisant croire que les bienfaits qui lui sont donnés l’ont été par une bague magique qui exauce les souhaits. Autour de cette intrigue, une leçon de bon voisinage, un ensemble d’observations pince-sans-rire de bonne société et de la moins bonne, et la création d’un vieux personnage de grincheux par le déjà vétéran Alec B. Francis (Qui reviendra chez Tourneur) complète avantageusement l’ensemble.

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Published by François Massarelli - dans Maurice Tourneur 1914 Muet **
21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 09:30

Il semble qu'après 1920, la carrière de Maurice Tourneur ait connu des revers sérieux. D'abord, Zukor et la Paramount ont refusé d'exploiter son film The glory of love, qui sortira finalement sous l'égide d'un obscur distributeur, et sous un nouveau nom en 1923: While Paris sleeps; il semblerait que ce film, le troisième et dernier avec Lon Chaney, ait disparu. Le froid avec Paramount résulta dans la fuite de Tourneur qui allait recommencer à tourner pour plusieurs studios, mais on le sait avec les carrières fluctuantes de gens comme Neilan et Stroheim, les années vingt n'étaient pas une période rose pour les metteurs en scène épris d'indépendance. Lorna Doone, réalisé pour Ince et distribué par la compagnie First National, au milieu de tout cela, ressemble à une survivance de la décennie précédente dans bien des domaines.

Le film peine pourtant à dépasser sa beauté plastique le charme de ses scènes: j'y ai vu des images sublimes, comme dans les autres, mais je me suis ennuyé. L'histoire, adapté d'un classique, concerne le destin presque tragique de Lorna (Madge Bellamy), jeune fille de la noblesse recueillie par des brigands infâmes, la famille Doone. Pourtant elle va réellement être épargnée, et devenir la fille adoptive du "seigneur" des lieux, Ensor Doone. Plusieurs années après, le passé la rattrape lorsque s'échoue (Littéralement) sur les terres des Doone son ami d'enfance (John Bowers), et entre les deux tourtereaux l'amour va bientôt naître, malgré la menace représentée par ces malfrats de Doone, tous plus dangereux les uns que les autres.

Tourneur reconstitue l'Angleterre du 18e siècle en Californie, et s'offre des compositions impeccables, un recours discret mais décisif aux ombres, et à l'occasion se fend de mises en scènes spectaculaires: le baptème d'un prince, une bagarre généralisée, en particulier, sont notables.

Le film, pourtant, manque de rythme, et en dépit des intérieurs délicatement illuminés, de la façon dont Tourneur place encore ses personnages au coeur de la nature, c'est un joli film qui tourne un peu à vide. Madge Bellamy est bien jolie, mais elle n'insuffle pas à son rôle l'énergie qu'avait, disons, Barbara Bedford dans The last of the mohicans, ou la profondeur presque vécue de Seena Owen dans Victory. Le reste de la carrière de Tourneur, qui continuera à tenter de rester indépendant, mais finira par claquer la porte des studios Américains après un désaccord sur le plateau de The mysterious Island à la MGM, tendrait à confirmer l'impression que, décidément, le metteur en scène a fait son temps...

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Published by François Massarelli - dans Maurice Tourneur Muet Thomas Ince 1922 *
11 août 2014 1 11 /08 /août /2014 10:11

L'histoire, très fidèle à James Fenimore Cooper, de Cora (Barbara Bedford) et Alice Munro (Lillian Hall), deux jeunes femmes qui sont venues dans les colonies Américaines pour rejoindre leur père, un officier Anglais (James Gordon) aux prises avec les Français et des troupes d'Indiens ingérables. Elles vont croiser la piste de Chingachgook (Theodore Lorch), pisteur Mohican, et de son fils Uncas (Alan Roscoe), dont Cora va bien vite tomber amoureuse. Mais un autre homme a décidé de s'approprier la jeune femme, Magua, le scout Huron (Wallace Beery). Celui-ci joue un double jeu, mais tend surtout à travailler pour lui-même bien plus que pour les Français...

Tourneur n'est plus du tout un exilé Français quand ce film se met en chantier. Il est l'un des grands metteurs en scène du cinéma Américain, comme DeMille ou Griffith. Il a imposé son sens esthétique hors du commun, certes lié à ses années de formation dans le cinéma Français, mais exacerbé par sa découverte des Etats-Unis. Depuis quelques temps, il s'est relocalisé de Fort Lee, new Jersey, vers la Californie, comme l'essentiel de la production Américaine. Et il s'attelle à une prodution d'envergure dont il veut faire un grand film... Mais il tombe malade, soit juste avant le début du tournage, soit pendant... Les compte-rendus divergent, et le lpus loquace sur le sujet, Clarence Brown, tend à se mettre en avant, et pour cause: remplaçant au pied levé son mentor, il est co-crédité à la mise en scène...

Mais quelque soit le metteur en scène, ce film est splendide, tant par son esthétique fabuleuse: ces gens, que ce soit Brown ou Tourneur, savent composer une image, utiliser la lumière, la profondeur de champ... Et le timing est parfait: le rythme de cette course désespérée contre l'horreur et la mort rend le film poignant, en particulier dans les scènes de violence qui sont encore aujourd'hui surprenantes par leur crudité. Et puis le film s'attache à peindre l'amour d'une femme pour un homme, en des termes étonnants: non seulement Cora aime Uncas, qui est un Indien, mais elle a une façon de le regarder dans les instants cruciaux qui ne laisse rien à un romantisme béat ou infantile; c'est du désir et une curiosité avisée qu'on lit dans ses yeux. Le film est d'ailleurs tout entier ou presque de son point de vue. De plus, Cora Munro, contrairement à certains personnages masculins, est courageuse, et prète à se sacrifier. Barbara Bedford est exceptionnelle, comme du reste toute la troupe d'acteurs qui se distinguent par leur jeu naturel et profond. Même Wallace Beery, qui interprète Magua, se retient!

The last of the Mohicans, en raison de l'importance de Tourneur, et sans doute parce que le metteur en scène l'avait beaucoup préparé, est passé à la postérité sous le patronage du réalisateur Français, mais si on suit Clarence Brown, qui affirme en avoir réalisé l'essentiel, alors c'est l'un des plus beaux premiers films qui soient...

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Published by François Massarelli - dans Muet Maurice Tourneur 1920 Clarence Brown *
3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 08:22

1914 / 1918

 

La carrière de Maurice Tourneur aux Etats-Unis, bien que commençant par une mission très ciblée (assurer l’existence de la société Eclair et concurrencer Pathé sur place) va vite changer de cap : le metteur en scène a-t-il été rattrapé par son propre rêve Américain, ou a-t-il pressenti l’essor phénoménal que le cinéma américain allait prendre en quelques années (je rappelle qu’à cette époque, les pays leaders du cinéma sont le Danemark, la France, et surtout l’Italie), toujours est-il que Tourneur ne va pas rester à l’Eclair. Avec divers comparses producteurs, il va papillonner d’un studio à l’autre, constituant sa propre équipe et tournant toujours à Fort Lee et alentour, dans le New Jersey. Les commentateurs actuels ont tendance à dire qu’il cherchait à concurrencer Griffith, mais il n’ya pas de concurrence possible : les films de Tourneur sont généralement bien meilleurs, plus réussis que ceux de Griffith. Peut-être sont-ils moins populaires, peut-être Griffith a-t-il mieux senti le principe du genre, mais si vous n’avez pas vu de films de Maurice Tourneur des années 10, préparez vous à une sacrée surprise…

The wishing ring (1914) En cinq bobines, Maurice Touneur promène la camera de John Van Den Broek dans les décors du New Jersey pour une petite comédie fraîche et sentimentale située dans une Angleterre de toujours. Le scénario inspiré au metteur en scène par une pièce contemporaine ne décourage absolument pas les auteurs du film de faire « du cinéma », au contraire. Le film est très bien joué, par des fidèles du réalisateur (Vivian Martin, Alec Francis, John Hines)et l’ensemble est d’une grande beauté : ce goût pour les décors esthétiques, les compositions imaginatives et l’utilisation de la lumière (Ici le soleil est pour beaucoup dans l’atmosphère positive du film), tout concourt à faire de The wishing ring une réussite. L’histoire raconte comment un jeune homme riche, amoureux d’une jeune femme qui ignore son identité, l’aide en lui faisant croire que les bienfaits qui lui sont donnés l’ont été par une bague magique qui exauce les souhaits. Autour de cette intrigue, une leçon de bon voisinage, un ensemble d’observations pince-sans-rire de bonne société et de la moins bonne, et la création d’un vieux personnage de grincheux par le déjà vétéran Alec Francis complète avantageusement l’ensemble.

Alias Jimmy Valentine (1915) est plus connu. Robert Warwick y est un cambrioleur génial qui mène une double vie. Après un séjour en prison, il fait l’objet d’une expérience : le gouverneur de l’état (Frderick Truesdell) le sort de Sing sing car il croit (A tort) en son innocence, poussé il est vrai par sa fille (Ruth Shepley) qui a un faible pour le jeune homme. Celui-ci décide de vraiment devenir honnête, au grand dam de ses deux anciens collaborateurs (Hines et Francis), mais l’inspecteur Doyle (Robert cummings) souhaite coincer le héros, qui va se trahir dans une scène au suspense inettendu. Ce film, aux cotés de The musketeers of Pig Alley (1912), de Griffith, et Regeneration (1915), de Raoul walsh, est l’une des premières grandes dates du film de gangsters, et la réalisation fait la part belle aux séquences tournées en intérieur, avec en particulier des scènes splendides tournées lors d’un cambriolage, vues du plafond. On évite le prêche grâce à la grande subtilité de la direction, et le rapport qui s’établit entre l’inspecteur et sa « proie » est très intéressant. Je soupçonne que ce soit un import Français, peut-être piqué à l’ancien collègue de Tourneur à l’Eclair, Victorin jasset, dont les feuilletons s’intéressaient beaucoup plus aux bandits qu’aux policiers.

Trilby (1915) Avec la grande actrice Clara Kimball Young. Voilà une relative déception, due autant à la vision récente de son remake (Svengali, de Archie Mayo, avec John Barrymore et Marian Marsh, sorti par Warner en 1931), qu’à la médiocrité visuelle du DVD Alpha que j’ai visionné. Cette histoire de George du Maurier de génie qui hypnotise la femme de ses rêves permet au moins à Tourneur de continuer à explorer les possibilités narratives du tournage en intérieurs, avec une scène de concert aux multiples angles de prise de vue : le public vu de la scène, deux membres du public vus en plan rapproché, la cantatrice vue en plan rapproché, vue de dos depuis l’orchestre, etc.

 

A girl’s folly (1916 , sorti en 1917). Ce film n’est disponible que sous la forme d’une version abrégée, présentée sur le DVD Before Hollywood, there was Fort Lee, N.J.  Une version plus complète du film existe bien et est même disponible dans un DVD Américain d’un obscur producteur, Reel Classics :
http://www.silentera.com/DVD/girlsFollyDVD.html
Les dessous de tournage sont représentés sans aucune naïveté, et on peut même apercevoir Maurice Tourneur en pleine activité; pour le reste, le film n'étant pas complet, il est difficile d'en juger, l'intrigue n'étant pas exposée à fond dans l'extrait présenté...

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Maurice Tourneur et Mary Pickford n’ont fait que deux films ensemble, et Mary Pickford aura parfois tendance à minimiser le premier, Pride of the Clan, en raison probablement du manque de succès ; ces deux films représentent néanmoins une date dans la carrière de l’actrice, qui va ensuite consolider sa position de productrice dans une série de longs métrages, allant jusqu’à prendre son indépendance en co-créant United Artists. Avec le deuxième film, Poor little Rich Girl , Pickford va pour la première fois jouer sans réserves une jeune fille, ce qu’elle refera si souvent, et obtenir un grand succès, aussi bien critique que public. Le parcours de Tourneur à la Paramount sera d’autant plus facilité par cette réussite, et il pourra donner libre cours à ses recherches plastiques et narratives (Dont un prototype figure dans le très beau rêve de Poor little rich girl) dans d’autres films très ambitieux, dont The blue bird, en 1918.

Pride of the clan(1916, sorti en janvier 1917)

Pour cette histoire Ecossaise, on trouve Mary Pickford dans un rôle dramatique qu’aurait pu lui confier Griffith : elle est l’unique héritière du chef d’un clan (Récemment noyé lors d’une tempête) sur une île éloignée au large de l’Ecosse, et en tant que telle, elle devra assumer la tâche de mener le clan. Alors qu’elle se prépare à se marier avec l’homme qu’elle aime et qui l’aime depuis l’enfance, la vraie famille de celui-ci arrive et tente d’emporter le jeune homme sur le continent, forçant plus ou moins la jeune femme à renoncer à leur idylle. Ce petit film qui aurait pu en d’autres mains devenir un navet décoratif va devenir grâce à Tourneur et son équipe (Van Der Broek et Andriot sont les chef-opérateurs, les décors sont de ben Carré) composent un décor qui respire moins le folklore que le malaise de ces îles, tel qu’il sera capté par Michael Powell plus tard. Les plans du front de mer, avec tout le clan qui assiste résigné au naufrage du bateau qui ramène les pêcheurs, ont une beauté lourde de sens, avec ces rochers éparpillés, et cette dénivellation inconfortable. Le film ayant été tourné dans l’est, il se peut que ce soit la côte du Maine, souvent employée pour ce genre de productions. Les personnages sont souvent représentés en silhouettes, un procédé qu’affectionnent Tourneur et son équipe. Le film est un vague mélodrame, amis on appréciera son âpreté : voici, une fois de plus dans cette adolescence du cinéma Américain, un film adulte. Notons toutefois que la fin est sujette à caution, puisque j’ai vu un happy-ending, alors que Mitry, dans L’Anthologie du Cinéma, se rappelle une fin tragique.

Poor little rich girl (1917)

Ce film est peut-être la matrice des œuvres futures de l’actrice Mary Pickford, mais il s’agit bel et bien avant tout d’un film de Maurice Tourneur. Il conte les déboires d’une jeune fille riche que ses parents et son environnement ignore, jusqu’au jour ou un accident stupide du à la malignité d’un domestique menace la vie de l’héroïne. S’ensuit un curieux combat autour du lit de la malade, pour lui sauver la vie, combat relayé dans ses rêves par la jeune fille. La partie onirique est bien sur la plus belle du film, dans des décors irréels qui préfigurent le type de décors utilisés par Tourneur et Carré dans The blue bird, mais ici l’enjeu est de taille : la possible mort de la jeune héroïne se profile bien derrière la dernière partie. Le jeu naturaliste et sobre des interprètes, l’élégance des intérieurs, magnifiquement captés par la justesse des composition de Tourneur… Faut-il le rappeler, ces gens connaissaient leur affaire et le faisaient avec goût.

The Blue Bird(1918)

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Film hallucinant, The blue bird est un conte, pour enfants, certes, mais le merveilleux est sans doute une affaire trop sérieuse pour la laisser à n’importe qui, alors Tourneur a tout fait pour éviter les pièges de ce genre de film : voir à ce sujet les tentatives contemporaines : la série des films autour du Magicien d’Oz, vers 1914/1915, ou encore le Alice de 1915, ces films qu’on peut consulter, sont tous tellement irritant à regarder dans leurs choix esthétiques, leur gaucherie et leur vulgarité (les gestes, plus frénétiques que chez Sennett) qu’on accueillera avec d’autant plus de satisfaction ce film au rythme délicat et aux images composées avec soin, qui conte la quête merveilleuse de l’oiseau bleu par deux enfants qui partagent un rêve baroque. Alors, après, on aime ou pas, mais force est de constater que l’esthétique de ce film, forgée de film en film par Tourneur et augmentée de belles idées rendues possibles par l’irréalité de son sujet (Des silhouettes de gens en carton –pâte, des décors effectivement nus, dont on voit aussi bien le sol, que les murs, l’utilisation de surimpressions, etc) tient encore la route. Néanmoins, cela restera une expérience unique, Tourneur revenant ensuite à plus de réalisme dans les films suivants. A ce propos, un nouveau clin d’œil adulte dans ce film : lorsqu’au début de leur rêve les enfants partent après une discussion avec les fées, animaux et ustensiles qui les accompagneront dans leur périple, les parents qui ont entendu un bruit se lèvent, font une tournée d’inspection, puis se recouchent rassurés : Tourneur nous montre alors les deux enfants que nous venons de voir partir, dans leur lit, profondément endormis.
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Published by François Massarelli - dans Maurice Tourneur Muet
12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 11:36

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Encore un grand nom du cinéma qui n’a pas suffisamment sa place, Maurice Tourneur n’est pas que le metteur en scène de Volpone, Justin de Marseille ou du splendide La Main du diable. Il est aussi l’un des plus importants cinéastes du muet Américain, tout simplement. Je vais donc me livrer à un (petit) tour d’horizon de son oeuvre muette. Mais d’abord, je vous renvoie à un document essentiel, qui me semble approprié pour deux raisons : il y est question de Kevin Brownlow et il provient de DVDclassik .

http://www.dvdclassik.com/Critiques/int ... part-2.htm


Né MauriceThomas à Belleville en 1876, Tourneur devient vite un « artiste » : peintre et dessinateur, il sera assez rapidement décorateur, passant de l’illustration de classiques de la littérature à la décoration de théâtre, deux univers qui auront une influence capitale sur son œuvre future. Il devient aussi acteur, et va se retrouver embauché par Antoine, avant de jouer et mettre en scène aux cotés (selon Jean Mitry) de Emile Chautard, Léonce Perret et Henry Roussel. Tous les quatre vont se diriger vers le cinéma : Perret va devenir un acteur et metteur en scène renommé chez Gaumont à partir de 1910, Chautard va être engagé à l’Eclair, ou il prendra Tourneur comme assistant ; Roussel va souvent jouer pour Tourneur, et deviendra à son tour metteur en scène de cinéma plus tard. Tourneur, donc, devient metteur en scène en 1912.

A l’éclair

Chautard parti aux Etats-Unis (Il reviendra), Victorin Jasset se concentrant sur les serials de l’Eclair, Tourneur devient en 1912 le principal metteur en scène des mélodrames et comédies de l’Eclair. Beaucoup de ses films réalisés en 1912, 1913, et 1914 ont disparu, et certains n’ont laissé aucune trace, pas même de nom. Gaumont et Pathé avaient une meilleure gestion de leur patrimoine, et puis l’Eclair n’a pas survécu à la guerre… Quant à nous, pauvre public, tout au plus peut-on se fier… au cinéma de minuit, qui a diffusé deux films en 1997 (Le Friquet et Les gaîtés de l’escadron) puis deux autres il y a un an (La bergère d’Ivry et Figures de cire). Ils sont tous très intéressants, mais ils posent des problèmes filmographiques de datation (Ce dont tout le monde sauf moi sans doute se fout éperdument) : le Friquet est daté de 1912 par Jean Mitry, qui en fait le premier film de son auteur ; la Cinémathèque Française le date de 1913. A la faveur d’une sortie Américaine sans doute (Il y avait une branche Eclair à Fort Lee), l’IMDB le situe en 1914. Figures de cire oscille aussi entre 1913 et 1914 selon les sources… Certains de ces films ont été programmés lors d’une rétrospective Eclair à la CF en 2007 :

http://www.cinematheque.fr/fr/projectio ... ,3636.html


Le friquet (1913 ?) d’après Gyp et Willy raconte le destin tragique d’une jeune trapéziste (Polaire)trouvée par un clown lorsqu’elle était un bébé, qui doit être recueillie par un noble (Roussel) parce qu’elle est constamment en butte aux vexations du patron du cirque. Lorsque le comte s’intéresse à une autre femme qu’elle, la jeune trapéziste retourne au cirque ou elle devient célèbre. C’est la que se noue le drame… Le film , dans la copie diffusée au cinéma de minuit il y a 13 ans, est incomplet, totalisant 22 minutes à 25 images/secondes. Les intertitres ayant disparu, ils ont été remplacés par des indications souvent redondantes, mais bien dans le style de l’époque. L’intrigue va très vite, trop vite d’ailleurs, finissant par ressembler à une bande-annonce. Mais l’intérêt de la mise en scène reste entier : ce n’est pas dans le montage (Bien que Tourneur découpe plus que le Feuillade contemporain ou que son ami Perret) mais dans le plan que la qualité saute aux yeux : le dessinateur-décorateur Tourneur a un sens de la composition exemplaire, le jeu des acteurs est réduit à l’essentiel, et la photo est splendide. Une mélancolie sournoise se fait jour dans tous les plans. On peut toujours se demander ce qui manque, mais quelques indices me font penser qu’il y a peut être eu censure : D’une part aucune trace de décomposition n’est visible, alors qu’il manque des plans entiers ; ils ont donc été sélectionnés pour disparaitre ; d’autre part, lors du dernier acte, la présence insistante d’une bouteille dans le champ de loge de l’héroïne pourrait expliquer bien des choses, sans que ce détail soit exploité dans la copie. Un moment émouvant : lors d’une contreplongée lors d’une scène de cirque, on aperçoit au-dessus de Polaire la verrière du studio Eclair…

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La bergère d’Ivry (1912) est un autre mélo, tout aussi beau à voir (D’autant que la copie proposée au cinéma de minuit était fort joliment teintée), et cette fois le film, à 29 minutes, est complet. On y conte l’histoire d’Aimée, une autre pauvre orpheline recueillie, qui se trouve au milieu d’une intrigue adultérine dont elle riqsque de faire les frais. Elle se sacrifie en endossant la faute de sa bienfaitrice, mais est rachetée au dernier moment par une pirouette ; Le film présente les mêmes qualités de clarté, de jeu et de composition que le précédent, mais on y voit une plus grande cohérence : Le friquet présente beaucoup de tableaux, La bergère d’Ivry développe plus de scènes ; l’une d’entre elles joue sur un suspense formidable : rejetée par son fiancé, auquel elle a donné un couteau pour la tuer en cas d’infidélité, l’héroïne songe à se jeter dans un étang, dont elle s’approche. Tourneur alterne ses plans entre sa bergère et les autres protagonistes afin d’impliquer joliment son spectateur : ca marche !!

Figures de cire (1913?) est un conte grand-guignolesque, fort timide dans sa réalisation, mais dans lequel Tourneur utilise les ombres et l’obscurité avec déjà un goût certain, et encore une fois, le jeu est économe, malgré une introduction /présentation des acteurs dans laquelle les trois protagonistes en font au contraire des tonnes (Voir les débuts de La dixième Symphonie et J’accuse de Gance, c’est à peu près le même esprit). Bien sur, il est facile de se jeter comme l’a fait notre Patrick Brion sur ce film pour en faire une esquisse des ambiances de La main du diable. Mais c’est surtout une trace ancienne des développements picturaux particuliers que Tourneur explorera aux Etats-Unis.

Les gaîtés de l’escadron (1913) est plus connu. Le film a été diffusé en 1997, en complément de la version parlante réalisée par Tourneur avec Raimu, et à mon avis le muet est bien meilleur, plus court (3 bobines), moins riche en numéros d’acteurs (Admettons que ces acteurs, étant Raimu, Charpin, Fernandel, Gabin et roussel, méritent qu’on le voie quand même.). il nous conte bien sur les mésaventure, imaginées et compilées par Courteline dans sa pièce, de troufions et de leur supérieur, mais sans jamais se vautrer dans la vulgarité. Les personnages sont clairement définis, et la réalisation très soignées, sans jamais céder au simplisme du carton-pâte. De plus, ce film est sidérant par la subtilité de son humour. Si vous ne me croyez pas, regardez n’importe quel film burlesque Français de 1913, et comparez.

Voilà ce que j’ai pu voir de la carrière muette Française de Maurice Tourneur. Ce ne sont pas ses chefs-d’œuvre, mais il y a là suffisamment de qualités pour faire de ce monsieur l’un des grands noms du cinéma à venir. S’il faut comparer Tourneur, c’est sans doute à Perret : l’un comme l’autre favorisent le plan et tout ce que celui-ci peut raconter, et aiment à jouer sur la profondeur de champ. Enfin, Perret est réputé pour son utilisation de l’ombre et de la lumière, effectivement remarquable dans certaines séquences du Mystère des roches de Kador (1912). Tourneur se fera lui aussi une spécialité des prouesses picturales d’ici quelques années… En 1914 , il part à Fort Lee (New Jersey) pour superviser la production Eclair Américaine. Il ne reviendra pas avant la fin de la décennie suivante.

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Published by François Massarelli - dans Maurice Tourneur Muet 1912 1913