Ce film est attribué à Larry Semon, qui était à l'époque réalisateur pour la Vitagraph avant de devenir une importante vedette comique. Mais la star ici est Frank Daniels, qui avait un style très particulier: doté d'un tout petit corps trapu, et plus tout à fait à considérer comme un jeune homme, son jeu reposait sur ses yeux principalement, et il raffinait donc à sa façon l'idée que le jeu (acting) était essentiellement un art de la réaction (reacting)...
Mr Jinks est un être tellement gentil que son épouse, qui souhaiterait le grand frisson de l'aventure, se désespère, et regarde avec envie sa voisine qui vit ce qu'elle devrait considérer comme un enfer conjugal: elle se fait houspiller, insulter, taper dessus parfois, mais elle se pâme devant son primate de mari, Mr Casey.
Pause: oui, je pense qu'on n'en fait plus des films comme celui-ci... Je reprends!
...Et pourtant Mr Casey est un brave homme: quand Mr Jinks a un accident, son voisin est volontaire pour une transfusion de la dernière chance! Une fois la chose effectuée, les deux hommes ont interverti leur personnalité!
...Ce qui par contre est assez drôle en soi, et plonge dans la loufoquerie la plus débridée. Ca rattrape le côté gênant de l'anecdote, même si... Ai-je l'esprit mal placé pour imaginer que cette histoire de dames qui se pâment devant un pithécanthropepourraient avoir des pensées infamantes en réalité? Hum... Bon, je passe à un autre film.
Mr et Mrs John Smithers (Sidney Drew, Jane Morrow) sont un heureux couple de la région de new York. M. est un cadre d'une entreprise, et il travaille beaucoup: madame lui demande donc de rentrer tôt, car elle a prévu une sortie. Mais alors que M. s'apprête à quitter son bureau pour rentrer chez lui, ilreçoit la viiste d'un ami de l'université, qui lui propose une soirée de jeu... Ne voyant pas arriver son mari, l'épouse envoie donc un télégramme à plusieurs amis: tous lui répondent, en mentant, que son mari est auprès d'eux...
C'est du boulevard en quelque sorte, mais ici d'une part la duperie ne concerne pas la tromperie exra-conjugale (qui reste quand même en filigrane comme étant possible au vu du contexte et du comportement solidaire de tous ces hommes), et on constatera assez rapidement que l'épouse est "victime" du jeu de dupes, l'homme n'en sort pas grandi pour autant...
Comme Sidney Drew est un excellent observateur des moeurs conjugales, aussi bien que du comportement des hommes dans la cité. La façon dont il se comporte avec une secrétaire le place là encore n avance d'une décennie sur les films de Keaton. Et il joue la goujaterir tranquille avec un aplomb impressionnant...
Avec Hughie Mack, Patsy de Forrest et Jimmy Aubrey, ce film Vitagraph d'une bobine pré-date les films de Semon dont il assumera la vedette en plus du script et de la réalisation... et qui sont infiniment meilleurs. Après avoir goûté le plaisir de visionner des films sophistiqués de Sidney Drew pour la même compagnie, je n'ai rien contre le fait de voir ici l'autre versant dela comédie, le slapstick... mais il n'y a aucune logique, aucun scénario, et il faut bien dire que c'est moyennement drôle.
Ce n'est pas non plus totalement indispensable, mais on aurait aussi aimé y comprendre quelque chose! Par contre le film possède le redoutable honneur d'avoir un avantage en commun avec le digne film Joan the Woman, de Cecil B. DeMille: il préfigure une guerre dans laquelle les Etats-Unis n'étaient pas encore engagés...
M. et Mme Sharp (Sidney Drew et Jane Morrow) ont du souci à se faire: ils sont fauchés, et pas l'ombre d'un emploi à l'horizon. Mais un matin, la lecture d'un journal apporte une opportunité: une entreprise qui promet à ses futurs partenaires un afflux massif d'argent, la possibilité de gérer des fonds d'investissement autour d'une mine louche... M. Sharp s'y précipite avec deux amis, et très vite il amasse un petit pactole impressionnant... Qu'il confie à son épouse en lui demandant de ne rien faire, car "tu n'as aucun sens des affaires". Pour lui prouver qu'il a tort, elle décide d'investir... dans la fameuse mine. Et par dessus le marché, la police s'intéresse de plus en plus à ces activités...
C'est formidable: loin, aussi loin que possible des comédies burlesques qui commençaient à se fabriquer à la chaîne en Californie, ce film s'installe dans l'univers des Etats-Unis de 1915, leur capitalisme agressif, et l'art de la combine propre à l'esprit d'entreprise. Il le fait sans la moindre volonté de revendication sociale, mais tout simplement en observateur...
Et la comédie est subtile, inventive, et pleine de ces petites touches visuelles et de ces richesses de jeu: quand Drew donne le tuyau à ses copains, il leur offre une cigarette à chacun, avant d'allumer un énorme cigare! Le ton est donné, on sait qui sera le patron... Pour couronner le tout les intertitres sont rédigés en vers. C'est chouette!
Mr Drew (Sidney Drew) est un homme qui travaille dans un burau, et se rend au travail en tramway. Il est fatigué de devoir en permanence céder sa place à des femmes enceintes. Il va donc s'acheter une poupée-baigneur, pour pouvoir enfin profiter de places assises. Mais il rencontre une adorable passagère (Jane Morrow), et celle-ci le croit marié, n'ayant évidemment pas remarqué que le bébé était fictif. De fait, il comprend que la poupée risque de lui apporter des ennuis, et son comportement violent avec le jouet ne joue pas du tout en sa faveur...
Comme les autres films de Drew: farfelu et délirant dans son principe, mais joué avec subtilité par des acteurs fort bien dirigés, et mis en scène comme une histoire totalement crédible... La fin, qui évite le happy ending en offrant une pirouette au personnage principal, ne serait pas du tout déplacée dans un court métrage de Buster Keaton!
Tout n'est pas rose chez les Latimer: au grand dam d'Henry, le mari (Sidney Drew), mme Latimer (Jane Morrow) est folle d'une nouvelle mode: la "pensée positive". Une dame, Miss Todd (Florence Natol), plus ou moins gourou du mouvement, vit d'ailleurs chez elle, et l'incite à trouver du positif partout, ce qui irrite profondément son mari. Celui-ci commence à se comporter de façon inquiétante: par exemple, il flirte ouvertement avec ses secrétaires sur son lieu de travail, une femme sur chaque genou!
C'est une belle illustration du style de Drew, qui s'intéresse ici à un mouvement de pensée qui a du être une mode très passagère aux Etats-Unis dans les années 1910, dans la bourgeoisie principalement. Le film est très drôle, et l'humour qui s'y incarne permet de dépasser un tant soit peu les bornes. A un moment, pour éloigner Miss Todd, Drew lui dit quelque chose qui se traduit par un intertitre particulièrement salace: en gros, "Miss Todd, vous m'inspirez de l'amour, et cet amour provoque un arbre d'affection". Tiens donc!
Le fiml reste incomplet, il manque environ les deux dernières minutes soit la résolution...
Un homme (Sidney Drew) qui vient de se faire licencier répond à une annonce qui demande justement un candidat qui a l'habitude du rejet... C'est pour être un bouc émissaire professionnel, l'homme qu'on vire systématiquement pour satisfaire la clientèle et détourner sa colère... L'expérience est un succès... Et permet au héros de séduire une belle vendeuse (Jane Morrow).
Le film aussi même si en l'état il possède deux défauts: d'une part il ne mène pas très loin puisque'il n'y a pas vraiment d'enjeu apparent. Ensuite, il me semble que l'ordre n'est pas bon, certaines scènes apparaissent soit déplacées soit redondantes, et il se peut qu'il ait été reconstruit de travers!
Mais ça reste un film attachant, et une dizaine d'années avant Keaton, Chase, ou Lloyd, Sidney Drew construisait déjà de la comédie avec le drame d'un homme qui se fait licencier. Le cinéma se posait en art du XXe siècle...
"A horseshoe", soit un fer à cheval, un objet souvent considéré uniquement sous l'angle bien pratique de la chance qu'il est supposé vous apporter... mais à ma connaissance, ceci est l'unique film qui y soit consacré quasi exclusivement, et on apprécie que dès le départ Sidney Drew (aussi bien l'auteur que l'acteur) se place du côté du détournement contradictoire...
Car quand il trouve l'objet, il ne lui apporte dans un premier temps absolument que des ennuis: il se fait rouler dessus par une voiture la seconde qui suit le moment où il a vu le fer à cheval! Et la chose n'apporte que des ennuis à sa famille aussi, c'est pourquoi on s'interroge: mais pourquoi Drew veut-il absoluement que la chance du fer à cheval profite à son fils, qui a une compétition de boxe amateur?
C'est un film dont la mise en scène est rigoureuse, et une fois de plus on constate à quel point Sidney Drew est en avance sur son temps, par la subtilité de sa mise en scène, par le jeu, par la façon dont tous les acteurs semblent jouer à l'unisson (la séquence de boxe est brillante, et on sent que chaque acteur a ét briefé pour un effet maximal, comme par exemple Chaplin pouvait le faire). Et la structure du film achève de nous engager, ceci est un petit chef d'oeuvre (en dépit d'un gag ouvertement raciste qui ne doit pas nouséloigner du film pour autant).
Incidemment, pour une fois ce n'est pas l'une des deux "Mrs Sidney Drew" qui joue l'épouse du héros, mais la grande Kate Price. Un argument de plus...
Mr Pantomus (Sidney Drew) et Mme Pantomus (Lucille McVey), qui habitent dans la petite bourgade tranquille de New Rochelle, New York, ont tout pour être heureux... Sauf une cuisinière compétente. Quand ils en trouvent enfin une, ils veulent tout faire pour garder la perle rare! Mais elle s'ennuie, alors Mme a une idée: M. va sortir avec elle, le grand jeu: restaurant et un spectacle sur les grands boulevards (elle a même une idée: elle veut aller voir Sidney Drew au cinéma!)... Une bonne idée, mais qui sonne bizarre quand des amis du couple voient leur ami en nouvelle compagnie au restaurant!
C'est un petit film d'une bobine, dont le principal enjeu est le saugrenu de la situation. Mais la première partie reste le meilleur, avec le ballet des cuisinières qui se succèdent à un rythme effrêné pour le couple exigeant. Une nouvelle preuve du talent de Drew et de ses épouses (il y en a eu deux, et toutes deux ont été créditées "Mrs Sidney drew"; et Lucille McVey est la deuxième)...
Mr Simpkins (Sidney drew) reçoit une augmentation bienvenue, et un ami lui suggère de mettre la différence de côté: ainsi son épouse ne le lui prendra pas! Un peu hésitant, Simpkins le fait, et... culpabilise. La nuit, dans un geste manqué, il avale même du poison... qui s'avère être de l'aspirine.
Sidney Drew, c'était manifestement une valeur sûre, et on mesure à la vision de ce petit film très réussi ce qu'il pouvait apporter à la comédie: cette histoire pour commencer est située dans un monde tangible, ce qui était quand même le créneau des films Vitagraph, par opposition aux films de la Keystone. Mais Drew est bien différent des autre comiques du studio, parce qu'il se tient à l'écart d'une conception de la comédie cinématographique qui reposerait essentiellement sur des grimaces ou une différence physique marquée: John Bunny ou Frank Daniels donc.
Mais non seulement le comique ici est de situation avec l'embarras causé par une décision que le héros lui-même considère comme une trahison, ou de l'observation certes un rien douteuse que les couples soient minés par des questions d'argent nées d'un comportement des femmes: car Drew (et son épouse, créditée en tant que "Mrs Sidney Drew") a une conception cinématographique de son jeu. On voit qu'il sait en tant qu'acteur où est la caméra, et qu'il mesure son geste dans une subtilité en proportion avec l'éloignement depuis l'objectif; et on voit que le metteur en scène Drew a intégré l'importance du cadre. Sa mise en scène préfigure à cet égard celle d'un Keaton, à mon sens, par cette précision du geste... Et ce n'est pas rien.