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17 mars 2018 6 17 /03 /mars /2018 17:03

Ce film de 1929 (également connu sous le titre d'Amis de combat) est une fois de plus un film dont l'ensemble du métrage a disparu, à l'exception de courts extraits assemblés dans une continuité qui résume l'intrigue pour le visionnage à la maison. Les copies existantes, tirées d'une source en 9.5 mm, sont dans un très mauvais état, comme du reste les autres films muets d'Ozu! 

C'est une comédie, qui doit une fois de plus beaucoup aux grands comédiens, Harold Lloyd en tête, dont un gag célèbre (Basé sur la consommation inopinée de boules de naphtalines, dans Grandma's boy, 1922) est ici détourné. Les héros sont deux amis qui cohabitent et partagent tout, au point de s'associer dans un garage un peu miteux. 

Les deux hommes provoquent sans le vouloir un accident, et renversent une jeune femme. celle-ci est sans domicile, ils la recueillent, et organisent une cohabitation...

Le film rejoint pour partie l'argument de Jours de jeunesse, à travers le fait que les deux amis vont devenir rivaux pour l'affection de a jeune femme, en vain: elle va rencontrer un étudiant, un gendre parfait, avec laquelle elle part pour la ville à la fin du film, sous les yeux tristes, mais résignés, de leurs deux amis. 

Le titre s'explique par une scène au cours de laquelle les deux complices exorcisent leur rivalité à la lutte, mi-sérieusement, mi-sportivement... 

Le film est évidemment, plus encore que J'ai été diplômé, mais..., l'ombre de lui-même. C'est dommage, une fois de plus de devoir conclure qu'il faudra nous en contenter, l'état des collections de cinéma Japonais muet étant ce qu'il est.

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Published by François Massarelli - dans Yasujiro Ozu 1929 Comédie Muet *
17 mars 2018 6 17 /03 /mars /2018 09:46

Le plus ancien film existant d'Ozu, qui est le seul de 1929 à subsister dans une version intégrale, est une comédie, l'une de ces histoires d'étudiants, qui étaient si populaires à l'époque sur les écrans Nippons que la Schochiku poussait le réalisateur à en tourner plusieurs par an. On peut sans doute se dire que c'est ce qui lui a donné son métier, d'ailleurs. 

L'intrigue tourne autour des efforts particulièrement peu glorieux de deux étudiants, des co-locataires, pour séduire une jeune femme. Ils la connaissent tous les deux, mais n'ont pas la moindre idée du fait que chacun d'eux est le rival de l'autre pour les affections de Chieko (Junko Matsui). Ils sont par ailleurs tous les deux bien différents: Watanabe (Ichiro Yuki), un fainéant aux allures supérieures, menteur, farceur et insouciant, a d'ailleurs rencontré la jeune femme par un stratagème un peu limite (Il souhaitait louer sa chambre à une jeune femme, mais choisissait les candidates sur leur mine...). Il est obsédé par le magnifique film Seventh Heaven de Frank Borzage, dont il a des photos et une affiche géante placardés sur tous ses murs, et il en cite d'ailleurs une phrase clé: "I am a very remarkable fellow"... De son côté, Yamamoto (Tatsuo Saito) porte des lunettes, ne sait pas quoi faire de son long corps élancé, et s'il est motivé par les études, et stressé par les examens (contrairement à son copain!), il ne se met pas en posture de les réussir, à cause de son obsession pour Chieko. Quand ils ont fini leurs examens, les deux compères apprennent que la jeune femme souhaite aller faire du ski: chacun d'entre eux va annoncer à l'autre son désir de sports d'hiver! Ils se rendent donc en montagne, mais ils ne sont définitivement pas doués...

Le slapstick, parfois présent dans le film, n'est pas un domaine dans lequel Ozu est à l'aise. C'est essentiellement Yamamoto qui en fait les frais. Il serait difficile, surtout quand on connait l'obsession d'Ozu pour l'acteur, de ne pas penser à Harold Lloyd, mais je rejoins Briony Dixon quand elle dit que les tentatives d'installer une comédie de l'embarras à la Hal Roach (Par exemple un moment durant lequel Yamamoto se retrouve sans le savoir avec de la peinture fraîche sur la paume) sont particulièrement ratées. Les aventures des deux jeunes hommes dans la neige sont plus réussis, de même que l'atmosphère estudiantine dans les dortoirs de la station...

Mais ce qui marche mieux, c'est bien sûr la comédie de caractères, la façon dont les deux amis, soit se serrent les coudes, soit (lorsqu'il est enfin établi qu'ils ont compris la situation) se font une concurrence plus sévère. Le plus touchant reste bien sûr Yamamoto, mais les deux sont mis à égalité par leur échec académique, à la fin du film, et surtout par le fait qu'aucun d'entre eux ne gagnera les faveurs de Chieko. Ce qui est notable, par contre, c'est que cette fois, Ozu se garde de glisser vers le pathos. Le ton reste léger jusqu'au bout.

C'est un film long, plus de 100 minutes, et ça amène un certain nombre de redites. La première partie en particulier, celle qui situe les personnages, n'est pas des plus réussies. Finalement, les enjeux et les difficultés causés par le séjour au ski, restent la meilleure source d'aventures pour les deux compères. Et c'est là qu'Ozu tentera d'ailleurs quelques expériences, notamment sur le point de vie, en adoptant celui de Yamamoto à ses pires moments: quand il tombe, par exemple, la scène est vue par un plan chaotique pris par une caméra qui est agitée dans tous les sens. Un plan de Chieko est vu à travers la buée de ses lunettes, et si le gag le plus récurrent du film nous montre Yamamoto qui enfourche ses skis, et... tombe en arrière, un plan nous en montre le contrechamp, avec un horizon qui se retrouve tout à coup vertical...

Bref, un film... de jeunesse, justement. Ozu raffinera vite, très vite même, son style, das d'autres comédies, mais aussi d'autres genres.

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Yasujiro Ozu Comédie *
17 mars 2018 6 17 /03 /mars /2018 09:26

Des premiers films d'Ozu, il ne reste pas grand chose. Les copies existantes de ce titre, par exemple, dérivent toutes d'une version courte destinée au visionnage à la maison. On y a le gros de l'intrigue, ramassé sur.... onze minutes! Inévitablement, la continuité, mais aussi le développement des personnages, s'en ressentent. mais encore un fois, j'insiste bien: c'est le seul moyen de voir ces films aujourd'hui, et à moins qu'une copie plus complète fasse surface, ce qui serait étonnant, on n'aura pas mieux...

Nomoto (Minoru Takada), qui vient de réussir ses examens brillamment, se présente à un entretien pour un travail. Mais on ne lui propose qu'un poste qu'il estime indigne de lui, ce qui provoque une réaction de rejet de sa part: il décide d'abandonner l'idée de travailler. Aussi, quand sa mère (Utako Suzuki) et sa fiancée (Kinuyo Tanaka) viennent s'installer chez lui afin d'accompagner son départ dans la vie, il est obligé de mentir, de plus en plus, et d'occuper ses journées pour prétendre se rendre au travail...

C'est une comédie, oui, mais jusqu'à un certain point: tous les films d'Ozu, y compris les plus légers parmi lesquels ses premières comédies muettes, contiennent si ce n'est un ingrédient tragique, au moins un certain degré de pathos, et celui-ci n'y échappe pas: quand sa mère, qui n'a vu que du feu dans le quotidien de son fils, retourne chez elle, Nomoto annonce la situation à sa fiancée. celle-ci "trouve un travail", dont Nomoto ne tarde pas  à réaliser que l'emploi en question est de tenir un bar dans le centre ville, ce qui l'amènera à reconsidérer son coup de tête. Ainsi le film devait-il, dans sa continuité perdue, se noircir dans sa progression...

Dans les fragments, souvent disjoints, qui nous restent, on retrouve ce style si fréquent dans les films muets d'Ozu, d'une mise en valeur du quotidien, pour des personnages qui sont coincés entre deux cultures: un environnement Japonais, mais un désir d'Amérique, présent comme toujours à travers des détails de comportement et surtout de décoration: ici, une affiche du film Speedy, de Harold Lloyd (réalisé par Ted Wilde), placardée au mur chez Nomoto, nous rappelle la dette profonde du metteur en scène pour les films Américains qu'il aimait tant. On devine d'ailleurs, à travers le comportement de Nomoto dans le film, ce mélange de fierté, de modernité et de désinvolture, que l'influence de ce film particulier de Lloyd ne s'arrêtait pas à la présence de l'affiche. C'est une hypothèse: pour des raisons que j'évoquai plus haut, je ne peux évidemment pas l'étayer plus...

Un dernier point, ceci est l'un des plus anciens films existants de l'actrice Kinuyo Tanaka. Epouse du scénariste du film (Hiroshi Shimizu, un spécialiste du mélodrame qui était supposé tourner le film avant qu'il ne soit finalement confié à Ozu), elle aura une longue et glorieuse carrière, non seulement d'actrice, mais aussi de réalisatrice. 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Yasujiro Ozu Comédie *
14 mars 2018 3 14 /03 /mars /2018 17:55

Patsy? C'est d'une part un diminutif plausible pour le prénom Patricia, mais c'est aussi un terme qui désigne un bouc émissaire... Ca va donc doublement à Patricia, interprétée par Marion Davies. Elle est la petite dernière d'une famille de quatre personnes, à peine sortie de l'adolescence, où sa mère (Marie Dressler) et sa soeur Grace (Jane Winton) aimeraient la cantonner. Pas son père (Dell Henderson) toutefois: comme il le fait remarquer, il en a marre que sa fille cadette soit le souffre-douleur. Il n'est pas très bien loti non plus, car s'il a réussi à installer son cabinet de médecin et offrir une vie tranquille à son ménage, son épouse lui reproche avec insistance son manque de sophistication... 

La mère et la fille aînée sont unies dans un but précis: faire en sorte que le chevalier servant de Grace, Tony (Orville Caldwell) devienne un jour son mari, quand il aura réussi à s'installer en tant qu'architecte. Mais il y a deux soucis: premièrement, si Grace a effectivement jeté son dévolu sur Tony, ça ne l'empêche pas de flirter et plus si affinités, notamment avec le très douteux fils à papa Bobby Caldwell (Lawrence Gray); deuxièmement, Tony met du temps à s'en rendre compte, mais Patricia est folle de lui, et ne rate aucune occasion de tenter sa chance... Les circonstances (Et son père, aussi) vont l'aider...

C'est un film de commande pour Vidor. Que Marion Davies souhaite travailler avec lui est peu étonnant compte tenu de la réputation du metteur en scène, mais ça veut dire que ce nouveau film est un peu loin des préoccupations du metteur en scène qui souhaitait poursuivre ses portraits de l'Amérique entamés avec le splendide The big parade en 1925, et poursuivi en 1927 avec The crowd... Cela étant dit, il adopte une façon de faire qui est la seule possible: Marion Davies étant la star incontournable du film, il met sa caméra dans ses pas, et permet à l'actrice de laisser libre cours à son talent comique corporel, et à sa fantaisie souvent excentrique, toujours singulière.

Et c'est justement ce qui fait le prix de ce film, basé sur une pièce qu'on devine bavarde, et dont les intertitres et le jeu des acteurs et actrices, reprennent parfois les répliques: pour un film muet, on sait que ce n'est jamais bon signe... Mais Vidor et Davies se sont prémunis, et c'est toujours le slapstick qui prime, en particulier dans la scène d'anthologie la plus célèbre: dans une machination compliquée (et qui n'aboutira d'ailleurs pas du tout au résultat escompté), Patricia s'est introduite chez le playboy Bobby afin de provoquer la jalousie de Tony. Elle souhaite qu'il tente des choses hardies avec elle mais il est saoul, et amorphe. Pour le réveiller, elle tente un pas de charleston, avec un visage impassible, puis va imiter trois actrices dont les portraits sont accrochés aux murs: une scène, à n'en pas douter, qui n'était pas dans la pièce! Et c'est ainsi que Marion Davies imite d'abord Mae Murray (Elle-même une star MGM), dans un portrait pas très gentil, puis Lillian Gish dont elle donne en 2 minutes un florilège, brassant les rôles de l'immense actrice: La bohême, Broken Blossoms, The White sister et The scarlet letter, tout y passe... Enfin, c'est au tour de Pola Negri, la plus limitée des trois caricatures... On pourrait aussi citer les scènes durant laquelle Patricia se fait passer pour folle, qui d'ailleurs nous renvoient à plusieurs films Roach avec Charley Chase.

C'est là qu'on voit ce que William Randolph Hearst n'aimait pas qu'on rappelle: Davies était une actrice physique, qui n'avait aucun tabou sur son visage (pas d'angle de prise de vues prioritaire chez elle contrairement à tant de cabotins), ni sur la façon, toujours énergique, dont elle jouait ses rôles. De plus, elle est ici secondée et complétée par deux immenses acteurs de slapstick, parfaitement géniaux l'un et l'autre: Marie Dressler et surtout Dell Henderson. Avant Show people, Vidor savait bien en tout cas comment diriger sa star, et si on admet que le film n'est le meilleur ni de l'un, ni de l'autre, il reste un plaisir constant, et un rappel de l'importance d'une grande actrice, une vraie.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1928 King Vidor Marion Davies *
8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 17:18

Après des essais plus ou moins réussis dans le domaine du court métrage de trois bobines, Lloyd obtient satisfaction avec ce film à la construction parfaite, une nouvelle fois partagé entre trois thèmes: l'amour simple, presque enfantin, du personnage d'Harold pour sa leading lady Mildred Davis, le vie moderne et l'aspiration de confort, et l'intrusion du frisson sous la forme de faux semblants particulièrement cocasses. C'est un classique! On notera une construction très efficace en trois parties, après un prologue qui établit que Harold et Mildred sont voisins de travail: lui est assistant d'un conseiller financier, elle secrétaire d'un ostéopathe. Elle lui apprend que son patron va devoir se séparer d'elle, puisque les affaires ne marchent pas fort, et Harold passe toute la première bobine à lui trouver des clients avec divers stratagèmes. La deuxième partie voit Harold confondre le frère de la jeune femme, en visite, avec un rival, et il tente de se suicider. Enfin, il croit avoir réussi, et les circonstances le voient suspendu dans le vide à une poutrelle métallique...

Les échafaudages, sur lesquels Lloyd s'ébroue à la fin du film, d'un type qu'on reverra dans Liberty (1929) de Leo Mc Carey, avec Laurel & Hardy,  sont vus dès le premier plan, et une transition efficace entre les deux premières parties permet au film de se dérouler de façon très fluide: Harold accompagne les nombreux clients qui se pressent chez l'ostéopathe, et en suivant le dernier le voit qui va embrasser Mildred. Ce n'est pas un client, et on est désormais dans la deuxième partie...

Le moment le plus célèbre du film est bien sur le jeu au-dessus du vide, obtenu grâce à un choix particulièrement judicieux d'angles de prise de vue.Bien sûr, les gags qui la composent sont très drôles, et souvent malins, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il y avait mieux à faire; ici, ils se suivent, comme les tentatives comiques de suicide dans la deuxième partie, mais il n'y a pas dans ces scènes de construction, ni de géographie précise, comme il y aura pour le plus grand bonheur du spectateur dans Safety last, avec son cahier des charges clairement exposé qui permet de générer du suspense, et de coller au plus près de la thématique de l'élévation sociale...

De même, Lloyd a du trouver le film un peu long, puisque de nombreuses copies sont amputées de certains des gags autour du suicide. il s'agit peut-être aussi d'une certaine forme de censure qui remonte aux années 60, quand Lloyd était à la recherche d'un nouveau public avec des versions allégées de ses films, rendues compatibles avec un visionnage pour les enfants...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Harold Lloyd 1921 *
8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 17:15

Avec ce film, Lloyd prend son temps dans la veine très Américaine des comédies qui tournent autour de l'illusion d'élévation sociale représentée par la tentation de singer la noblesse, voir à ce sujet le très classique Ruggles of Red gap... Il est donc groom dans un hôtel, qui a pour principale occupation de piquer les vêtements des riches qu'il côtoie pour faire semblant: il est tellement doué qu'on pourrait aisément dire que l'habit fait le moine! Il est repéré par un escroc qui essaie de l'utiliser pour s'attirer les bonnes grâces d'une nouvelle riche et épouser sa fille. Harold va donc devoir jouer les comtes en goguette et être le clou d'un week-end riche.

Après une exposition longuette consacrée à la famille Irlandaise dont la mère est décidée à imposer le régime mondain à sa fille et son mari, on a une apparition de Lloyd en trompe-l'oeil double: on le voit en gros plan, en haut de forme, parlant avec une allure très empruntée. la caméra se recule, et on s'aperçoit que le dandy est en fait seul, devant un miroir. A la fin de la séquence, il doit rendre sa veste à un aristocrate, et il se révèle un groom... C'est simple, efficace, drôle, et on sait tout sur le jeune homme en deux minutes très enlevées. La première bobine est surtout consacrée à établir les deux mondes amenés à se rejoindre: l'hôtel où travaille le jeune homme, et la famille qui se perd dans l'illusion de la richesse.

D'autres passages splendides montrent la maîtrise de l'équipe, notamment une série de gags imaginés par Lloyd alors que, passant pour un noble, il raconte ses chasses. C'est d'ailleurs l'essentiel de la deuxième bobine: Lloyd se fait passer pour le comte qui raconte ses succès à la chasse... Et la dernière bobine est surtout consacrée à une désastreuse chasse au renard durant laquelle Lloyd a perdu son pantalon. Tout mène à ce moment qui agit en qualité de catharsis: c'est par la grâce du pantalon perdu que l'humanité reviendra... 

Pas le meilleur film de Lloyd, bien sur, mais d'un niveau très solide quand même...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Hal Roach Harold Lloyd 1921 *
8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 17:13

En 1921, Lloyd s'est décidé à passer à la vitesse supérieure, en proposant des films de trois bobines. Si les longs métrages de comédie existaient déja, ils étaient relativement marginaux, jusqu'à la sortie du superbe The kid, qui a prouvé que la comédie burlesque pouvait se construire sur la longueur et acquérir de la force. Suivant l'exemple de Chaplin qui se lançait dans le film de moyen métrage dès 1918, Lloyd a commencé à allonger ses films, toujours au studio de Hal Roach. En deux ans, cette période de transition lui a permis d'arriver à son tour à des films particulièrement soignés de long métrage. L'année 1921 a été entièrement occupée par quatre films, tous de trois bobines, avant que I do ne soit finalement coupé sur la décision de Lloyd lui-même. L'équipe qui a réalisé ces films reste à peu près la même, et beaucoup de ces techniciens et artistes resteront fidèles longtemps au comédien. Tous partagent une vision très quotidienne de la vie, et en particulier les moyens métrages permettent de faire le tour des thèmes de prédilection du comédien, dont ils forment un échantillonnage très complet du style et de ses sujets de prédilection... Les héros en sont globalement des gens qui se débrouillent déjà, ils ont un travail, mais il leur manque deux choses pour être heureux: une meilleure position, et un mariage heureux. Les films sont souvent marqués par un recours au spectaculaire, des gags à la mécanique de précision, et un goût pour les véhicules...

Now or never est la première de ces comédies en trois bobines. Si on ne peut qu'applaudir la volonté d'élargir le champ d'action, on est ici devant une situation étirée plus qu'autre chose. Lloyd doit faire un voyage en train accompagné d'une petite fille. On retrouvera une série de gags liés au train dans de nombreux Laurel & Hardy plus tard... Après un prologue de cinq minutes qui établit une intrigue autour de Mildred, employée à plein temps pour s'occuper d'une petite fille, l'arrivée de Lloyd se signale par un plan qui le voit conduire une voiture à toute vitesse, le reste du film le verra parcourir un train en tout sens, courant même sur le toit à un moment... la vie maritale telle qu'elle se profile à la fin du film pour Mildred et Harold est sans doute quelque peu tempérée par l'enfer d'avoir un enfant, symbolisé par la cohabitation entre Harold et la petite fille.

Si le film ne se distingue pas encore des autres films courts de Lloyd, c'est sans doute parce qu'en dépit de bonnes idées (la première bobine est brillante, globalement), le film peine à se transformer en autre chose qu'une série de variations sur le thème de Lloyd en train...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Harold Lloyd 1921 *
2 mars 2018 5 02 /03 /mars /2018 16:21

On ne présente plus l'histoire de ce Prisonnier de Zenda, due au prolifique romancier Anthony Hope. C'est probablement son roman le plus connu, et pour cause: si cette adaptation par Rex Ingram n'est pas la dernière, loin de là, ce n'est pas non plus la première... Ce privilège appartient à un film rare, longtemps considéré comme perdu et réalisé à la fin de sa carrière par le vétéran Edwin Porter, en... 1913. Avec son héros pris malgré lui dans l'aventure d'un royaume en pleine ébullition, le film nous entraîne dans un autre monde qu'il est certes difficile de prendre au sérieux, mais qui possède tant de charmes...

Rudolf Rassendyll (Lewis Stone) ne va pourtant pas en Ruritanie par hasard: il cherche clairement à s'y rendre, regardez le film. Au début, il évoque avec ses cousins la branche lointaine de la famille qui règne au lointain pays de Ruritanie, puis part chasser... Comme par hasard, on le retrouve aux abords de la capitale Ruritanienne. ...La chasse, vraiment? L'aventure, oui! Ingram, en compagnie de toute sa distribution et de toute son équipe, a décidé clairement de jouer la carte de l'enchantement et de la plongée intégrale dans le monde merveilleux, et si peu réaliste, du roman.

Alors comment s'étonner que ça marche si bien, tout en étant si raisonnable, car c'est une histoire dans laquelle tout est si bien rangé... Les traîtres ont des têtes de traîtres, les vamps des têtes de vamps, et la belle princesse qui attend maussade de devoir se marier avec le futur Roi Rudolf, par obligation et par devoir, v avoir la surprise de sa vie quand elle va rencontrer celui qui le remplace momentanément. Une surprise qui sera elle aussi momentanée, bien sûr...

Autant The four horsemen of the apocalypse était un film personnel, autant ce Prisonnier est une oeuvre à part, une récréation pour celui qui vise une récompense qu'il n'atteindra jamais: la reconnaissance de son génie et de son talent pour tourner un film. Une récompense qui aurait pu prendre la forme, par exemple, du tournage d'une superproduction, comme en 1924-25 Ben Hur! Mais non. Pourtant, la production de ce Prisonnier de Zenda est absolument époustouflante, superbement interprétée par tous et toutes, et totalement distrayante. Ca manque d'âme, je l'ai plus ou moins indiqué, mais Ingram savait parfaitement mettre un peu plus de souffle quand ça lui chantait: voir le superbe Scaramouche pour s'en convaincre... 

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Published by François Massarelli - dans Muet Rex Ingram 1922 *
14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 12:01

C'est après la période durant laquelle elle était la star des films de Cecil B. DeMille, que Gloria Swanson, sur l'avis de son mentor et ami, avait accepté la proposition de la Paramount de la mettre en vedette des films de Sam Wood. Beaucoup de ces productions sont perdues, mais Beyond the Rocks, on s'en rappelle, avait fait l'objet d'une redécouverte majeure lorsqu'une copie quasi complète avait pu être assemblée après que toute trace du film ou presque avait disparu depuis 1925...

Dans le film, l'étoile confirmée Gloria Swanson y partage la vedette avec un relatif nouveau venu, Rudolf Valentino, et c'est le seul film dans lequel ils ont joué ensemble. On attendrait presque, naïvement, que la rencontre ait produit des étincelles... Il n'en est rien.

En Angleterre, dans les années 20, La belle Theodora Fitzgerald est la troisième fille d'un monsieur très bien, mais dont la fortune a été mise à mal. es deux acariâtres demi-soeurs ont d'ailleurs poussé leur père à arranger un mariage avec un brave type, mais bon, il n'a rien de folichon... Mais Theodora a une étrange manie, celle de se mettre en danger: une promenade en barque? elle tombe à l'eu et bien sûr elle ne sait pas nager... Une promenade en montagne? Elle tombe là encore, et s'il n'y avait une corde pour la retenir elle irait s'abîmer dans un précipice. Mais le hasard fait bien les choses, car à chaque fois, la fortune veille sur elle: le beau jeune homme, comte de surcroît, la sauve... Bien sûr il s'avère qu'ils sont faits l'un pour l'autre, et bien sûr, leur destin semble en avoir décidé autrement. 

A moins que...

Oui, je sais: ce résumé est bien plus enlevé, plus dramatique, que ne l'est le film, hélas. Ceux qui ont parlé de découverte majeure, voire de chef d'oeuvre, sont sans doute ceux qui n'ont jamais vu un seul film muet de leur vie. Il y en a, et certains osent se prétendre historiens du cinéma... Bref: Beyond the rocks est un film plus que moyen. Il ne capitalise que sur une seule chose: la confrontation entre ses deux stars. Ceux-ci assurent décemment le strict minimum, tout comme Sam Wood qui bénéficie de moyens considérables (décors, costumes, éclairages, sont particulièrement soignés) mais ne s'adonne à aucune idée de mise en scène qui aurait un peu pimenté la sauce. Il n'a même pas tiré partie de deux scènes qui louchent un peu sur les productions de DeMille, l'une dans laquelle les deux amoureux s'imaginent hors du temps, pouvant enfin laisser lire cours à leur sentiments, et l'autre dans laquelle ils sont déguisés en personnes de la toute fin du XVIIe siècle pendant une fête. De l'une ou l'autre de ces deux scènes, il ne sortira pas grand chose...

Pas d'humour, pas de suspense, pas de surprise. C'est un écrin splendide, mais désespérément vide. Les films de DeMille sont parfois idéologiquement suspects, gonflés, prétentieux, même ridicules. mais ils ont une âme, et c'est de l'art!

Ici...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Gloria Swanson *
23 octobre 2017 1 23 /10 /octobre /2017 16:56

Deux jeunes filles, entre plusieurs routes ou plusieurs voyages... Dora (Yukiko Inoue) et Sunako (Michako Oikawa) sont deux amies, des inséparables devine-t-on, qui tous les matins vont au collège et tous les près-midi en reviennent. la route est immuable, jusqu'à ce qu'Henry (Uereo Agawa) entre dans leur vie... Dora et lui se plaisent, mais c'est Sunako qui prend l'initiative, et avant peu de temps elle délaisse son amie au profit du jeune homme... Dora finit même par donner sa bénédiction, et Sunako peut aimer Henry.

...qui à son tour, la délaisse pour passer du temps avec Yoko Sheridan, une jeune femme de la bourgeoisie. Sunako, furieuse, tire un coup de feu et blesse Yoko. Elle s'enfuit, et... la jeune femme se perd dans les rues nocturnes: prostitution, errances, etc. pendant ce temps, Henry s'est repris, et s'est marié... Avec Dora. Mais il lui reste des remords: si Sunako est devenue une fille perdue, c'est à cause de lui. Il va donc se mettre en quête de la retrouver...

Au départ, le film épouse un ton documentaire. Ses vues du port de Yokohama, les bateaux, les voyageurs et ceux qui leur disent au revoir: on se croirait presque chez Hergé! Puis il nous intéresse aux deux héroïnes, et dans un premier temps, on jurerait des prises de vues volées de jeunes collégiennes, jusqu'à ce qu'elles se retournent, ensemble, dans un plan: la fiction commence... Mais elle sera ancrée jusqu'à la fin dans des décors authentiques.

On ne serait pas si loin de Mizoguchi, s'il n'y avait un constant recours au point de vue de Dora. Plutôt que d'explorer la vie sordide d'une jeune femme poussée par les circonstances à la prostitution, Shimizu s'intéresse à la mise en parallèle des cheminements possibles, pour eux femmes qui viennent du même milieu, et qui ont eu les mêmes opportunités, partageant même le même amant!

Henry, bien sûr, n'est pas le seul responsable du destin de Sunako. Celle-ci, comme Dora, est identifiée par son milieu et par les décors fabuleux de ce beau film: le metteur en scène se plait à trois reprises à filmer le port de Yokohama, vu depuis les routes montagneuses qui le bordent. Les deux premières fois, il nous y montre les deux jeunes femmes, qui reviennent de l'école. La première fois, elles avancent ensemble, s'arrêtent ensemble... la deuxième fois, c'est après la trahison. L'une s'arrête, l'autre rêvasse! Enfin, après le départ de Sunako, Shimizu nous remontre la quiétude de Henry et Dora qui montent la même route, où Dora se rend tout à coup compte du grand vide que son amie a laissé dans sa vie.

Complexe, avec ses idées de mise en scène et de montage (Le meurtre, situé dans une église catholique, joue avec les ressources cinématographiques, en communiquant au spectateur la catharsis vécue par Sunako. Le lieu n'est pas anodin non plus... Mais la notion de faute ou de péché restera floue, dans ce film qui n'épouse décidément pas qu'un seul point de vue. Plus tard, le retour d'Henry dans la vie de Sunako se joue par le biais d'un procédé troublant: il se matérialise tel un fantôme dans le bordel où elle sévit. Quand il part, il disparaît... Comme Sunako et un compagnon d'infortune qui disparaissent avec leurs valises avant de prendre un bateau pour... 

Pour où, au fait?

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1933 Hiroshi Shimizu Criterion *