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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 18:23

Une jeune femme(Cleo Ridgely), fille de juge mais mariée par amour avec un abominable filou, se rend compte de son erreur après quelques années. Engagée par un couple riche pour du travail à domicile, elle renoue avec son passé bourgeois et s'éprend d'un jeune milliardaire. Suite à divers quiproquos, le jeune homme (Wallace Reid) tue son mari et va (sans doute) pouvoir convoler avec la belle.

Sur ce canevas de mélo, du à la fidèle Jeanie McPherson viennent se greffer divers thèmes, sociaux et moraux, qui étaient dans l'air en cette année 1915 (The Mother And The Law, Alias Jimmy Valentine, Regeneration en témoignent tous): il y est question de barrières de classes, de pauvreté, de gangstérisme, et de débrouille malhonnête; mais DeMille ne s'intéresse pas vraiment à la misère de ses protagonistes, elle lui sert de décor; au spectateur de tirer ses propres conclusions. En revanche s'il dépeint les pauvres de façon traditionnelle, il charge ses riches, bardés de suffisance et de cruauté, et confie au seul Wallace Reid un rôle positif et droit, dont il s'acquitte d'ailleurs de façon convaincante. C'est une constante de ce film: à l'instar de The Cheat, DeMille l'a admirablement dirigé. Il est vrai que l'un était tourné le jour(The Cheat) et l'autre la nuit(Chance), d'où un certain nombre de scènes nocturnes très effectives, une science de l'éclairage, plus encore que dans le film précédent, et un sentiment d'étouffement(Toutes les scènes ou presque sont des intérieurs)qui pousse le drame plus loin que l'élégant style de The Cheat, brillant mais un peu vain.

Le film précédent posait les jalons d'un mélodrame bourgeois, celui-ci est un merveilleux exercice d'économie, dans lequel contrairement aux luxueux exemples précités (Griffith, Walsh, Tourneur) on évite les grandes scènes de genre (Le Hold up de Jimmy Valentine, ou l'incendie de Regeneration, tous deux spectaculaires par la mise en scène et les moyens utilisés) pour se concentrer à chaque scène sur les drames de deux ou trois personnages, superbement interprétés et bénéficiant d'une mise en scène précise, d'une photographie à tomber par terre, et d'un montage constamment efficace, le tout fourni en prime avec une fin ouverte, abrupte et dénuée de tout commentaire, ce qui est particulièrement intéressant quand on connait le parcours de son auteur dans les décennies qui s'annoncent...

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1915 *
29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 18:03

Le cinéma muet Américain n’a pas manqué de s’intéresser à la Grande guerre, et DeMille n’a pas été en reste, puisque dès 1916, il intègre à sa Jeanne d’arc (Joan the woman) des séquences contemporaines quasi engagées, dans lesquelles Jeanne galvanise les troupes alliées. Avec la montée des sentiments pro-guerriers aux Etats-Unis, puis l’engagement de la nation aux cotés des Français et des Anglais, le cinéma a suivi, et les films, de propagande (Hearts of the world, Griffith, 1918) ou d’exploitation pure et simple (The kaiser, beast of Berlin, Rupert Julian, 1918) se sont succédé; pourtant on a le sentiment que de tous les films sortis pendant et après la première guerre mondiale, le premier chef d’œuvre sera tardif: The Big Parade (1925) , de King Vidor, reste le premier regard honnête du cinéma Américain sur ce conflit. J’exclus ici Shoulders arms (1918) de Chaplin, un peu léger quoiqu’en dise Sadoul, et Foolish Wives (Stroheim, 1922), qui se situe loin des conflits, mais dans lequel le souvenir de la guerre se retrouvent dans tous les plans: c’est bien un chef d’œuvre, mais la guerre n’en est pas le centre. Après le Vidor, d’autres suivront, et le principal mérite de ce film MGM est d’avoir montré comment il fallait montrer la guerre : What price glory (Walsh, 1926), Wings (Wellman, 1927) et All quiet on the western front (Milestone, 1930).

The Little American, sorti en juillet 1917, est évidemment l’un des premiers films sur cette guerre, et le propos est, en dépit de la grandeur du sujet, on ne peut plus léger. Une jeune Américaine tiraillée entre un Français (Raymond Hatton) et un Allemand (Jack Holt), avec un faible pour ce dernier, se rend en France en plein conflit pour une affaire familiale, et tombe dans les filets d’une troupe d’abominables soudards Prussiens (Dont l'inénarrable Walter Long). Elle choisit son camp, et réussit à sauver son officier Prussien qui, de son coté, a pris conscience de la barbarie Allemande et a décidé de tourner sa veste après moult atermoiements. On l’imagine, les symboles plus ou moins lourds abondent (L'héroïne se fait offrir des chocolats aux couleurs du Stars and Stripes), et si il est notable que le jeune premier soit Prussien, les Allemands n’ont pas grand-chose d’ humain, préparant le terrain aux délires de 1918/1919 (Hearts of the world, Hearts of Humanity, etc…) dans lesquels Erich Von Stroheim croquera des petits enfants en violant des soubrettes(Je schématise). Et pourtant, et pourtant, dans ce film de pure propagande, scénarisé avec Jeanie McPherson et prévu pour être plus spectaculaire qu’intimiste, s’opère un miracle: une poésie de tous les instants, un bonheur cinématographique constant s’installent très vite, et emportant le spectateur, à condition que celui-ci soit consentant.

Si vous ne me croyez pas, eh bien c’est le même sentiment qui nous assaillent lorsqu’on regarde un Fairbanks de 1920/1929: Doug, c’est Doug. Eh bien Mary Pickford, c’est pareil ces deux-là étaient décidément faits pour s'entendre: elle prend les rênes tambour battant, et DeMille la laisse faire, et la suit: les péripéties s’enchaînent, et on a droit à tous les morceaux de bravoures que les deux complices Pickford et deMille ont pu nous concocter en 63 minutes; et par moment, on est proche du génie raffiné de The cheat ou The Whispering chorus : le torpillage du Veritania (Le Lusitania était dans toutes les mémoires, mais DeMille a opté pour un changement de nom), par exemple, nous est montré d’abord avec un montage parallèle (La fête sur le bateau, les préparatifs dans le sous-marin, et les plans raccourcissent au fur et à mesure de l’approche de l’instant fatidique) puis, lors du naufrage, avec une débauche de jeux de lumières: le forte de DeMille en ces années de formation, et sa passion personnelle, liée à son amour des tableaux classiques, notamment des Flamands. Le résultat est vraiment beau et la stylisation est totalement appropriée. A d’autres endroits, on se rappelle le don du metteur en scène et de son chef-opérateur (Encore Wyckoff) pour éclairer les scènes de nuit en intérieur de manière à rendre des effets baroques, voire inquiétants: a ce niveau, ils étaient vraiment en avance, et le résultat est toujours réussi dans ce film.

Pour résumer, voici un film totalement distrayant, et qui fait honneur à tous ses participants, même s’il convient de rappeler que nous sommes en 1917, et qu’ils feront tous mieux. Mais je donnerai beaucoup de Joan the Woman pour un seul Little American, et encore plus de Geraldine Farrar pour une toute petite Mary Pickford.... Y’aurait-il du parti-pris ?

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille Première guerre mondiale 1917 Mary Pickford *
29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 17:55

The road to yesterday faisait assurément partie des plus étonnants films de son auteur, du moins lorsque on peut le voir dans de belles copies. Ce curieux mélange de drame bourgeois un peu boursouflé (Un couple marié subit les affres du doute tandis qu'une femme "moderne" hésite entre l'amour de sa vie, un pasteur, et un bellâtre à moustache cynique mais bien de son temps, le tout étant relié par des fils assez ténus) et de film fantastique à la petite semaine (Tous ces gens sont les réincarnations des protagonistes d'un drame du moyen âge) souffre vraiment de la gaucherie du scénario de Jeanie McPherson et de plus les personnages utilisent un grand nombre d'intertitres pour énoncer les justifications les plus inutiles: ainsi à chaque fois que c'est possible, un des 5 protagonistes dira «C'est étrange, je sens que nous avons déjà vécu cela au moyen âge», ce qui torpille toute notion d'étrangeté. René Clair, à la même époque, ne s'embarrassait pas d'autant d'explications pour ses films poétiques (Le fantôme du moulin rouge).

Quelques scènes toutefois, surnagent: dans l'une d'entre elles, située dans les beaux décors du Grand canyon, deux personnes tombent amoureuses l'une de l'autre autour d'une flèche qu'un Cupidon inattendu (un gosse qui campe dans les parages) vient de planter dans un arbre; une autre scène montre le mari d'un couple (Rudolf Schildkraut, qui est tout en retenue dans le film) qui passe outre le refus de son épouse de consommer leur union, une scène traitée tout en délicatesse, avec force ombres, détails (une rose qu'on piétine) et lenteur calculée; enfin, quand les héros sont précipités vers le moyen-age (Epoque très indéfinie: un intertitre nous transporte "300 ans en arrière" alors que les costumes font plutôt 14 ou 15e, et les décors franchement 12 ou 13e. ) dans un pays non précisé, par le biais d'un accident ferroviaire assez spectaculaire et bellement stylisé, réminiscence d'un beau film Autrichien de Michael Curtiz, Les chemins de la terreur (1921). DeMille l'avait-il vu? J'en doute, même si Curtiz avait vu les DeMille à cette époque, bien des oeuvres en témoignent. Par ailleurs, Jetta Goudal, en sorcière bohémienne, est brûlée vive dans une scène qui complète Joan the woman par l'utilisation très impressionniste d'un jeu d'ombres...

Quoiqu'il en soit, véritable curiosité, The road to yesterday est selon moi un échec: en tant que film fantastique, il est bien paresseux et trop bavard (Un comble pour un muet); même avec la meilleure volonté du monde, il me semble impossible de croire à cet enchevêtrement de coups de théâtre et manquant souvent d'humour. Les acteurs font leur minimum (On remarque dans l'un des rôles principaux Rudolph Schildkraut, déja vu chez Griffith-Orphans of the storm, America-et qu'on reverra souvent chez DeMille, ainsi que William Boyd, qui prend alors la relève de Wallace Reid.), et il n'y a, à part les scènes citées plus haut, rien pour rendre le film plus mémorable. Après ses Ten Commandments, pas extraordinaires mais sincères, et avant son impressionnant King of kings, il semble que DeMille n'ait plus rien à dire; la mise en scène mollassonne le confirme. Un coup pour rien, donc... Ou plus simplement, peut-être, maintenant que le metteur en scène était aussi le patron de son propre studio, fallait-il faire bouillir la marmite à films afin de rentabiliser les investissements.

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1925 *
29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 17:51

Mais qu'est-ce qui lui a pris? Pourquoi, après quelques années passées au pinacle du cinéma muet Américain, Cecil B DeMille a-t-il commis ce film, qui va inaugurer de façon spectaculaire une nouvelle carrière dédiée au mauvais goût? On peut remarquer plusieurs choses dans le contexte de la carrière du cinéaste, tout comme dans le contexte du Hollywood de 1922, qui permettent d'expliquer rationnellement, sinon d'excuser la sortie de ce long métrage. Tout d'abord, on constate que DeMille, y compris dans ses films les plus importants, n'a jamais hésité à avoir recours au pire, comme en témoignent les scènes-paraboles de Don't change your husband et de Male and female, ou le sujet même, particulièrement "risqué" de The Cheat. Ensuite, on sait qu'à partir de 1922, les réalisateurs et producteurs doivent respecter un code de conduite qui va les obliger à contourner de façon inventive les interdits en les subvertissant: ainsi le recours au prétexte moralisateur deviendra-t-il le principal moyen pour DeMille de montrer les turpitudes humaines en établissant un parallèle entre les moeurs de 1920 et les vices de l'antiquité, un sujet qu'il affectionnait comme chacun sait, et une tendance qui fera des petits: The sign of the cross et Cleopatra notamment, chacun en son genre, seront un festival de détournement à des fins salaces. Manslaughter n'est pas en reste, Thomas Meighan se détournant les yeux à plusieurs reprises pour nous donner à voir des réinterprétations bibliques (Danses lascives, nudités furtives, orgies avinées...) terrifiantes de ridicule.

Le problème néanmoins n'est pas dans le mauvais goût, il est plutôt dans la présence désormais envahissante de ce qui aurait pu n'être un sous-texte moralisateur acceptable, comme celui qu'on retrouve dans les longs métrages de Lloyd ou Fairbanks, et qui en fait devient l'apparente raison d'être de ses films: c'est dans le but de montrer les moeurs dissolues de la haute société bourgeoise, et de la stigmatiser aveuglément, de façon manichéenne, que DeMille a fait ce film; qu'importe qu'il soit ou non sincère: le résultat lui donne tort; afin de raconter son histoire (Un procureur amoureux d'une jeune femme riche et pervertie doit la condamner et la réformer malgré elle, puis doit récolter les fruits amers de son sacrifice), DeMille a considérablement allégé sa patte, l'a appauvrie, jetant aux oubliettes le style élégant et subtil qui fut le sien, la profondeur de champ, la science du cadrage, le jeu fin et retenu des acteurs; avec Manslaughter, on est devant un cinéma muet qui se caricature lui-même...

Il y a bien quelques moments intéressants: la façon dont la prison va humaniser Leatrice Joy, par exemple, est l'occasion de beau moments, comme les démonstrations de solidarité entre les détenues. Mais DeMille y reviendra avec autrement plus d'efficacité dans The Godless Girl, par exemple... L'ironie sous-jacente de la situation sauve un peu l'intrigue, mais le fait pas intertitres interposés. Où est la science du détail de DeMille, so utilisation intelligente du montage? 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1922 *
24 mai 2015 7 24 /05 /mai /2015 19:06

Une nuit d'hiver, une grande maison dans laquelle vit une famille bourgeoise subit un assaut inattendu: un bagnard évadé s'est introduit dans la place, un enfant très jeune dans les bras, et la police a prévenu qu'il est dangereux; il avait en effet été arrêté pour meurtre... La jeune fille de la maison (Karen Sandberg) sait, elle, qu'il est là, de l'autre côté de la porte. Elle se croit, pour l'instant en sécurité, mais elle a aperçu une silhouette par la vitre, et l'homme s'introduit finalement dans sa chambre... Un plan-séquence inattendu part de la porte de la chambre, traverse la fenêtre, et cadre la silhouette qui s'introduit vers sa victime...

Une autre maison, quinze années plus tard: le même homme est entré à la faveur de la nuit pour tuer la même femme, devenue épouse et mère de famille. Le lien entre ce début et cette fin spectaculaires, voilà ce qui fait l'intrigue du film, raconté de façon linéaire, mais Christensen a choisi de commencer par une énigmatique scène à suspense, afin d'annoncer la couleur. Son propos, après avoir exploré l'expressivité de la lumière dans son formidable premier long métrage, est ici de jouer avec les nerfs du spectateur, en lui donnant juste ce qu'il faut à chaque séquence pour bien apprécier la situation. Cela passe d'ailleurs par une scène d'ouverture inattendue, qui anticipe légèrement sur le ton documentaire goguenard du troisième film de l'auteur (Haxan, pour être précis): Christensen nous montre, ainsi qu'à Karen Sandberg, une maquette de la maison dans laquelle le drame va se nouer sur les deux dernières bobines...

Fidèle à l'atmosphère de son premier long métrage, le metteur en scène a imaginé une intrigue de mélodrame crépusculaire dans laquelle il convoque toutes les figures populaires du genre: la maison en état de siège, bien sur, ais aussi la recherche d'un être disparu (Lorsque le héros sort légitimement de prison, il souhaite retrouver son fils, qui a été adopté par... des inconnus.), la vengeance (Le principal fil rouge du film, comme le prouve le titre d'ailleurs), la protection des enfants (Le couple au coeur du drame en a trois), etc... Des figures franchement Dickensiennes font aussi leur apparition, avec ces escrocs minables, qui recueillent le héros lors de sa sortie de prison. Christensen, comme il l'avait fait pour L'X mystérieux, s'est réservé le rôle tragique de Strong Henry (Appelé John dans la version Anglaise), le repris de justice qui va être la victime du sort, et qui va semer la terreur, malgré lui, sur son passage... Et pour son final, le metteur en scène entremêle les destins de ses protagonistes dans un montage superbe. Le film est magnifique!

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Published by François Massarelli - dans Muet Scandinavie 1916 Benjamin Christensen *
23 mai 2015 6 23 /05 /mai /2015 11:08

Le premier film de Benjamin Christensen fait clairement partie du haut du panier, dans la liste pas si longue des longs métrages importants du début des années 10: comme les films de Tourneur en France, de Bauer en Russie, il fait avancer le cinéma à pas de géant... à sa façon, fort distinctive: le metteur en scène ne se contente pas de creuser un sillon personnel, il multiplie les audaces et les expérimentations, en terme d'éclairage, de composition, de direction d'acteurs, d'écriture de l'intrigue, et même de complication! Christensen, en ancien chanteur d'opéra (Il était baryton), se plait à accomplir tous ces prodiges dans une intrigue hautement mélodramatique qu'il a écrite, qui ose tout avec aplomb, tant et si bien qu'on va plus loin encore que le ridicule: on va vers le baroque le plus absolu... Pour notre plus grand bonheur.

1913: Une guerre menace le Danemark, et tous les corps d'armée se préparent au pire. Le lieutenant Von Hauen (Christensen), un valeureux et honnête militaire, met donc ses affaires en ordre, confiant à son épouse un testament en bonne et due forme: il faut savoir se préparer à toute éventualité... Mais les circonstances vont pourtant aller très loin dans l'imprévu. Madame Von Hauen (Karen Caspersen), en effet, a une sorte de liaison purement platonique avec un intrigant Latin, le dangereux comte Spinelli (Hermann Spiro). Mais celui-ci n'en veut-il qu'à sa vertu? Il passe du temps à trafiquer d'étranges messages cryptés, envoyés par pigeons voyageurs depuis un vieux moulin abandonné. Le comte Spinelli, sous ses allures de séducteur mondain, est en réalité un agent de l'ennemi, chargé de séduire la dame pour soutirer des secrets, car tout le onde sait que le père du lieutenant est l'un des plus importants dignitaires de l'armée Danoise. Et ce qui devait arriver arrive: un soir, Spinelli s'introduit chez les Von Hauen, et dérobe des papiers importants, et de son côté Von Hauen se rend compte de ce qu'il croit être une véritable infidélité de son épouse. Le lendemain, il est arrêté pour trahison, et va refuser toute tentative d'aide de son épouse. De son côté, Spinelli, le seul à pouvoir innocenter le lieutenant, se trouve coincé dans la cave du moulin sans espoir de sortir... Madame Von Hauen et son fils ainé vont pourtant remuer ciel et terre pour tirer Von Hauen de ce mauvais pas avant qu'il soit exécuté...

La principale vertu du film est sa science de la lumière. Dès les premières scènes les talents combinés en matière de photographie comme de dramaturgie, de Christensen et de son chef-opérateur Emil Dinesen sont évidents: en particulier, une grande partie de l'intrigue est située dans la maison Von Hauen, dont la pièce la plus souvent vue à l'écran est le salon, tout en profondeur. Au fond du champ, une grande fenêtre diffuse souvent de la lumière extérieure, tout comme une plus petite située dans la partie de la pièce qui est la plus proche du proscenium. Les variations minutieuses d'ensoleillement vont participer de façon fort brillante à l'atmosphère de chaque scène. Une séquence en particulier est remarquable: madame Von Hauen rentre chez elle, elle sait que son mari a été arrêté. La maison est sombre, et seules les fenêtres diffusent un peu de lumière. La bonne allume partiellement la pièce, suivie de sa patronne, mais celle-ci sort du champ, et la bonne la suit, éteignant. De façon subtile et sans aucun intertitre, Christensen nous a montré de quelle façon l'héroïne refuse de laisser la vie continuer comme avant... Le moulin qui va donner son nom au film (Le traître a pris le pseudonyme de X, inspiré par les ailes en croix du moulin qu'il utilise pour ses actions d'espionnage) est lui aussi une source de séquences visuelles de grande qualité: ombres chinoises superbes, avec la silhouette inquiétante du moulin vers lequel évoluent les mystérieuses ombres de cavaliers, mais aussi des vues en intérieur de la vieille bâtisse, pour lesquelles le metteur en scène a là encore utilisé un contraste saisissant entre l'obscurité quasi totale du lieu, et la lumière venue de l'extérieur. Il est d'ailleurs frappant que les scènes d'intérieur du moulin n'ont pas du tout été tournées en studio, mais bien dans un authentique moulin, comme en témoignent les nombreux plans qui montrent une ouverture (Porte ou fenêtre) qui laisse filtrer un peu de la quiétude extérieure: champs, paysages idylliques, etc...

Et si l'intrigue est compliquée, Christensen se plait à la rendre plus impénétrable encore, en laissant promettre de fausses joie, comme un procès au cours duquel madame Von Hauen se rend, pour innocenter son mari, mais celui-ci va contre-carrer ses plans, en refusant une aide qui révèlerait à la face du monde ce qui à ses yeux est le déshonneur de l'adultère! Au public, qui s'attend à ce moment à une fin heureuse, Christensen impose donc d'attendre de nouvelles péripéties, qui ne vont pas manquer d'arriver. D'une part, le grand fils des Von Hauen va se rendre en prison pour « voir son père une dernière fois », ce qui aura des conséquences, et a l'avantage d'impliquer encore plus le spectateur; ensuite un rêve va révéler la marche à suivre à l'épouse en lui rappelant le lien entre « X » et le moulin. Elle se rend donc vers ce dernier pour y trouver des preuves impliquant Spinelli; ais la situation est compliquée par deux facteurs: d'une part, Spinelli a bien laissé des preuves sur place. D'ailleurs il est toujours coincé dans le sous-sol du moulin, mangé par les rats! Et d'autre part le moulin est en pleine zone de combats, on va donc voir la frêle jeune femme traverser le champ de bataille au milieu des explosions, alors que la mort rôde autour d'elle...

Bref, on l'aura compris: c'est hautement improbable, mais parfaitement indispensable, et le film bénéficie en prime d'un montage serré, d'une utilisation dynamique du placement de la caméra, avec parfois des subtils mais décisifs déplacements. Le film est en avance, et pas seulement parce qu'il prédit une guerre dans laquelle les Danois (Von Hauen) auront maille à partir, entre autre, avec les Italiens (Qui seront dès 1914 les alliés de la France et de l'Angleterre); non, il est en avance sur Feuillade, sur Griffith, sur DeMille (qui mènera lui ses recherches sur la lumière deux ans plus tard, dans son très impressionnant The cheat)... Son art du mélodrame débouche sur un film excitant, extravagant, et franchement époustouflant. L'un des meilleurs films de cette première moitié de la décennie, si ce n'est le meilleur.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/det-hemmelighedsfulde-x

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Published by François Massarelli - dans Muet Scandinavie 1914 Benjamin Christensen DFI *
15 mai 2015 5 15 /05 /mai /2015 17:26

"Mod Lyset", si j'ai bien compris, ça veut dire "vers la lumière". c'est une lumière divine, une illumination spirituelle, pour ce film, dernière des productions Danoises avec l'actrice Asta Nielsen, qui a beaucoup plus tourné en Allemagne. Le metteur en scène, oublié aujourd'hui, était un visionnaire un peu fou, qui aimait à mettre des messages un peu délirants dans ses films, et qui s'est rendu coupable d'un film pacifiste en forme de visite sur Mars, qui est du plus haut comique involontaire (L'immortel Himmelskibet). Ce n'est, heureusement pas le cas ici, mais au regard des films Allemands de Nielsen qu'il m'a été donné de voir, il est assez ennuyeux, tout en étant très soigné dans ses décors, costumes et dans tous les aspects visuels. Le script oppose les deux mondes antagonistes de la haute société Danoise, représentée par la noblesse, dont Asta Nielsen et ici une représentante, et les braves gens qui s'impliquent dans une mission évangéliste, présentée comme la seule solution pour élever l'humanité. C'est quand même, il faut le dire, un peu hypocrite, tout ça...

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Published by François Massarelli - dans Asta Nielsen Muet 1919 *
12 mai 2015 2 12 /05 /mai /2015 18:29

Avec cette "reine de la bourse", tourné en 1916 mais sorti en fin 1918 sur les écrans Allemands, nous retrouvons la tragédienne Asta Nielsen aux prises avec l'industrie et l'amour. Elle y interprète une grande spéculatrice qui fait son beurre sur le cuivre, en menant sa barque avec culot, en séduisant au passage les hommes. La grande comédienne y est une fois de plus l'attraction principale, pas la seule, car il y a une certaine dignité, un sens de l'utilisation du décor, dans ce mélodrame qui joue qui plus est avec les points de vue, évitant de diaboliser tel ou tel personnage. Mais si il est fascinant de voir un film quasi-centenaire, qui nous présente une femme aussi indépendante et aussi forte, on constate qu'elle sera battue au jeu de l'amour, finissant par capituler à cause de ses sentiments qui lui font prendre de fort mauvaises décisions. Force, au final, reste à la raison, donc la femme doit quitter la direction... Un final en forme de retour au patriarcat donc, qui clôt de façon fort conservatrice un film faussement moderne dans ses idées.

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Published by François Massarelli - dans Muet Asta Nielsen 1916 *
10 mai 2015 7 10 /05 /mai /2015 17:33

Réalisée en 1916, mais sortie uniquement deux ans plus tard, cette petite comédie fait partie des films avec lesquels la tragédienne de l'écran cultivait sa popularité de façon innée dans les années 10, en Allemagne. On y conte cette fois une histoire simple et entièrement basée sur un point de départ simplissime: le jeune explorateur Knud Prätorius (Freddy Wingardh) est parti au Groenland, et revient en Europe pour retrouver ses parents. ces derniers, qui ont décidé de pousser leur fils à épouser la belle Anna, sont loins de se douter que Knud revien en réalité avec 'une petite surprise du Groenland', à davoir la jeune Eskimo Ivigtut (Asta Nielsen), qui n'a évidemment jamais été e Europe et qui va bouleverser la maisonnée pendant quelques jours, éprouvant du même coup le plus grand mal à se faire accepter par les parents de Knud. ceux-ci, surtout la mère de mêche avec Anna, vont tou faire pour séparer Knud et Ivigtut...

L'essentiel de l'intrigue est dans le décalage entre la jeune Groenlandaise et son nouvel environnement, on ne s'étonnera donc pas que l'essentiel du film tourne autour de la star, qu'on voit d'ailleurs en grande discussion au cours d'un prologue avec un homme à l'air sérieux: le metteur en scène, un producteur, ou l'un des deux scénaristes, Martin Jorgenson et Louis Levy? Je ne le sais pas, mais ces deux derniers, déjà responsables de l'écriture du film Das Liebes ABC, ont eu le nez fin: Nielsen s'amuse comme une folle à jouer le grotesque de la situation. On peut rétorquer que la situation n'appelait pas forcément un long métrage, mais la belle prend telleemnt de plaisir à déambuler (Avec caméra cachée) dans les rues au milieu de passants éberlués, déguisée et avec un air particulièrement naïf, qu'on les pardonnera. Et la fin joue avec les nerfs des censeurs, afin dejustifier, bien sur, le titre...

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Published by François Massarelli - dans Muet Asta Nielsen 1918 *
6 mai 2015 3 06 /05 /mai /2015 17:37

Le nom de Magnus Sifter, l'acteur Autrichien qui a réalisé ce film, m'était inconnu avant le visionnage. Il interprète également un rôle de second plan important... Mais le principal atout de cette petite comédie est bien sur plus sa star que son metteur en scène, qui s'il n'est pas Lubitsch, fait après tout bien son travail. La comparaison est volontaire, et n'est pas motivée que par la date qui correspond à la période "Berlinoise" de Lubitsch: il y a ici des similitudes avec un film de 1918 du grand Ernst, Ich möchte kein Mann sein, dans lequel Ossi Oswalda expérimentait une journée en tant qu'homme, pour voir... Dans ce "B-A-Ba de l'amour", pour traduire le titre en Français, on a une situation qui n'en est pas très éloignée...

Deux gens de la bonne société qui ne se sont jamais rencontrés, Lies et Philipp vont se marier. Mais si Lies a passé sa jeunesse à rêver d'une union avec un homme, un vrai, grand et fort, et de toute la tendresse et plus encore qui pourrait s'ensuivre, lui n'a jamais rien imaginé. On a le sentiment, d'ailleurs, à le voir, qu'il n'a jamais quitté sa maison: la première fois qu'on le voit, il est à la maison, veillé par ses deux tantes acariâtres, emmitouflé d'une couverture... La première rencontre vire au cauchemar pour Lies, qui décide donc de faire un homme de cet échantillon défectueux. Elle va le sortir de sa coquille, quitte à se grimer en homme afin de lui montrer le chemin. Mais non seulement l'élève n'est pas terrible, mais Lies aura du mal à convaincre les reste de l'humanité, et surtout les femmes, qu'elle n'est pas un homme...

Asta Nielsen, bien que deuxième mentionnée au générique (Après l'acteur qui joue Philipp, Ludwig Trautmann), est bien sur la vedette, et le centre de ce film qui finit après avoir semé le trouble par rentrer gentiment dans le rang, et montrer que les femmes sont bien les femmes. Mais le temps du film, on sent qu'elle s'amuse beaucoup avec cette situation dans laquelle le déguisement ne fait pas tout. Et elle joue à fond la carte comique, en interprétant cette jeune femme qui joue le rôle d'un homme du monde... Saoul comme un cochon. Et elle y met, bien sur, une belle énergie. Quant à Sifter (Qui fera une belle carrière en tournant jusqu'aux années 40, donc il ne faut peut-être pas trop fouiller...), il s'en sort bien, en insufflant un rythme soutenu à sa comédie de boulevard.

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Published by François Massarelli - dans Muet Asta Nielsen 1916 *