Sur un scénario de Darryl F. Zanuck, Dolres Costello est la star de ce petit film bien de son temps à tous points de vue, qui prend prétexte d'une histoire située à San Francisco d'avant le cataclysme de 1906, pour faire bouillir la marmite de la Warner! Après Don Juan, When a man loves et The better 'ole, ce film d'aventures est l'un des premiers programmes Vitaphone, et comme ses prédécesseurs le son n'y est utilisé que pour la musique et l'ambiance.
La famille Vasquez est venue s'installer dans la baie de ce qui deviendra San Francisco avec les premiers arrivants Espagnols, et elle a maintenu une certaine aisance... Jusqu'à la ruée de 1849. En 1906, c'est donc une vieille famille hispanisante qui tente tant bien que mal de conserver son statut, et qui a fort à faire pour contrer les spéculateurs de tout poil qui en veulent à leur terre, notamment l'étrange Chris Buckwell (Warner Oland), qui cache un secret inavouable, un secret qui pourrait bien se révéler au contact de la belle Dolores Vasquez (Dolores Costello)...
Autant vous le dire tout de suite: "Chris Buckwell" n'est pas blanc, mais c'est un métis, fils d'un blanc et du'ne chinoise. Alors on va le dire tout de suite: oui, le film est raciste, d'un racisme ordinaire et dégueulasse qui se cache derrière un respect des communautés, tant qu'elles restent chacune de leur côté. Le principal pêché de Buckwell est bien sûr de convoiter celle à laquelle il n'a pas le droit de rêver... Mais au-delà de cette identité gênante, et convention mélodramatique passe-partout qui n'a fait sourciller personne, le film est un long métrage d'obédience classique, avec ses péripéties absurdes, sa visite de Chiinatown (avec So-Jin et Anna May Wong, mais aussi Angelo Rossito en couleur locale) et... sa vengeance divine. Consultez les livres d'histoire si vous voulez savoir comment Dieu, décidément bien taquin, a opéré cette fois-ci! ...Ou voyez ce film.
Très officiellement la première comédie burlesque de long métrage, premier long métrage aussi bien de Mack Sennett réalisateur que de son studio, le film possède une importance historique indéniable, et on peut ajouter par dessus qu'il s'agit aussi du premier long métrage de Charles Chaplin, même si l'implication de ce dernier est limitée.
Marie Dressler, actrice reconnue pour son travail au théâtre, est la véritable vedette de ce film (Adaptée d'une pièce à succès,Tillie's nightmare), et interprète donc Tillie Banks, une jeune femme franchement disgracieuse dont un coureur de dot (Chaplin, en costume pré-vagabond) essaie de faire sa prochaine victime: il a en effet constaté que son père avait un sacré bas de laine. Lorsqu'il apprend par la presse que Tillie est l'héritière de la fabuleuse fortune de son oncle milliardaire, qui a disparu lors d'une chute en montagne, le malfrat l'épouse. Son authentique petite amie, interprétée par Mabel Normand, n'a aucun mal à se faire engager comme soubrette pour y voir clair et récupérer son homme...
C'est gros et gras, et si j'ai parlé d'importance historique, cela ne va pas beaucoup plus loin. Sauf... que Chaplin vampirise l'écran, et n'a aucun mal à s'imposer avec la mise en scène basique de Sennett: il demande au chef-opérateur de poser la caméra, et doit vaguement demander aux acteurs de bouger. Beaucoup d'entre eux s'agitent, certains en font des tonnes, Chaplin, lui, vampirise l'écran; rien que sa première apparition est splendide: il est de dos, et contemple la ville comme s'il prenait une pause avant de fondre sur sa proie. Quelques gestes, et subrepticement, il se place en plein milieu du cadre, tout simplement. En ces mois de mai et juin, il n'en était qu'à tourner ses premiers courts, mais nous qui savons ce qui a suivi,; nous n'avons aucun mal à le reconnaître. heureusement qu'il est là, sinon, le reste du film est bien sur regardable, mais pas franchement extraordinaire. Et pourtant, c'est par ce film qu'est née la comédie de long métrage, pas parThe kidcomme on le lit parfois.
On remarquera qu'au-delà de l'attraction représentée par le film lui-même qui quoi qu'il en soit était un grand pas en avant pour Sennett, il a fait en sorte que tout le monde participe. On peut s'amuser à reconnaître ses acteurs, de Mack Swain à Chester Conklin, en passant par Minta Durfee, Al St-John ou Charles Parrott. Mais on ne verra ni Sennett, ni Arbuckle, qui ne jouent ni l'un ni l'autre.
On peut sans doute parler d'un film maudit... Car cette production Paramount de 1921 n'est pas sortie aux Etats-unis avant...1981. Si vous ne savez pas pourquoi, j'en parle plus loin , mais je vous préviens: c'est triste, injuste et révoltant.
Pas le film, en revanche, qui n'est certainement pas le meilleur film de 1921, mais qui a au moins le mérite d'adapter avec intelligence une farce boulevardière à l'économie, mais sans lésiner sur la rigolade. Ce qui n'est pas étonnant, puisque le personnage principal en est interprété par celui qui s'est autoproclamé "Prince of Whales", le comédien et cinéaste Roscoe Arbuckle, qui après avoir fait le bonheur du public depuis le début des années 10 avec des courts métrages d'une, deux, ou trois bobines poilants et à l'humour foncièrement décalé, accédait enfin au droit de sortir des longs métrages. Il était le premier des acteurs comiques à interpréter des comédies de longue haleine exclusivement, depuis 1920. Et il en avait un peu payé le prix, en renonçant à son style volontiers absurde et surréaliste. Ce qui ne l'empêchait pas d'insuffler aux comédies de moeurs qu'on lui confiait, un esprit frondeur de comédie physique. C'est exactement ce qui fait le sel de cette adaptation, qui sans lui aurait probablement été inintéressante...
Stanley Piper (Roscoe Arbuckle), héritier de la fortune de son oncle Jeremiah, un authentique misogyne, est quant à lui un admirateur complexé de la beauté féminine. Complexé, car il est bègue d'une part, et d'autre part il est irrésistible. Lors d'un séjour à la mer, il tombe toutes les femmes sans le vouloir, et est sérieusement embêté de devoir gérer quatre fiancées auxquelles il est impossible d'expliquer qu'elles ont tort... Surtout que la femme qu'il aime (Mary Thurman) débarque à l'improviste.
Sans Roscoe, qui assume pleinement d'être un véritable aimant à jeunes femmes dans le film, on n'aurait eu ici qu'une série de scènes de portes qui claquent, et quelques intertitres amusants. Mais Arbuckle sait fort bien faire monter la température en interprétant physiquement une scène, et en s'y investissant avec génie. Bref, ce film s'il était sorti ailleurs qu'en Finlande (en 1924...) aurait sans doute obtenu un succès mérité, et rappelé après The round-up, le western controversé de George Melford qui manquait paraît-il cruellement de gags, que Roscoe Arbuckle était un comique, et l'un des plus grands.
Sauf qu'avant la sortie du film, le premier mai 1921, l'actrice Virginia Rappe décédait lors d'une soirée arrosée, organisée par Arbuckle. le comédien, accusé, arrêté, acquitté du meurtre, blanchi par la justice qui a établi la preuve de son innocence totale, était désormais un paria, marqué du sceau de l'infamie pour le simple fait d'avoir été potentiellement le coupable. Interdit de travailler à Hollywood sous son vrai nom, déchu, bref: à plus ou moins court terme, foutu. Pour la Paramount, sortir le film Leap year était plus qu'un risque: c'était une impossibilité.
Will Rogers a eu deux carrières au cinéma, finalement: une première tentative à l'époque du muet, qui s'est finalement soldé par un échec de ses longs métrages, qu'il avait commis l'erreur de vouloir produire lui-même, et la courte mais glorieuse période durant laquelle, le cinéma devenu parlant, l'acteur chéri de l'Amérique s'est totalement réconcilié avec le grand public en tournant dans des films de Henry King, Frank Borzage et bien sûr John Ford. Ce film de trois bobines (une curiosité en soi) est donc situé à la toute fin de la première lorsque Rogers ayant essuyé une banqueroute sévère après ses tentatives de production, a trouvé refuge chez Hal Roach.
Il y incarne Jubilo, un vagabond qui, selon la tradition des histoires des années 20, cherche à la fois la fortune et la planque, en voyageant sous les trains. Une habitude prise par tellement de monde, que dans un petit patelin de Californie, le shérif Noah Young a décidé de tout faire pour débusquer et arrêter les gens qui s'y risquent. Si dans un premier temps Jubilo tente d'échapper à la loi, il se ravise, car il a entendu parler du fait qu'à la prison locale, on allait servir un plantureux repas au nom de Thanksgiving... Mais pour des raisons qui sont difficiles à expliquer, à moins, il est difficile de se faire arrêter quand on en a le besoin...
Trois bobines, soit ici 27 minutes dans ce qui est une version intégrale de l'un des premiers courts métrages de Will Rogers pour Roach: je le disais plus haut, c'est une curiosité, car le studio se risquait peu à réaliser des moyens métrages, préférant soit des courts de une à deux bobines, le gros de la production, soit des longs métrages de six à sept. mais trois bobines, c'est soit trop long, soit pas assez... Un problème que n'a pas ce film, qui a l'avantage de laisse les personnages vivre leur aventure jusqu'au bout, et surtout de laisser Will Rogers, qui ne pouvait pas travailler dans la folie hystérique, prendre son temps. Quant à Charley Chase, le metteur en scène de ce film (signé sous son vrai nom), il a su fournir le cadre parfait pour le film, très soigné, et particulièrement bien interprété, par la fine fleur de chez Roach.
Tous les ans, on organise dans la petite ville de Hindle une semaine de vacances, durant laquelle tou(te)s les employé(e)s de la filature Jeffcote, unique industrie locale, peuvent bénéficier de sept jours de liberté à Blackpool... C'est ce que font Fanny Hawthorn (Estele Brody) et son amie Mary (Peggy Carlisle). Durant le séjour dans les parcs d'attraction de la cité balnéaire, elles rencontrent une paire de gaillards qui les séparent. Si Mary, ce soir-là, rentre tôt, Fanny décide de passer du bon temps avec le fringant Allan Jeffcote (John Stuart). A son retour à l'hôtel, elle annonce à son amie qu'elle va le suivre à Llandudno, au nord du Pays de Galles, pour le reste du séjour; à Mary d'arrondir les angles auprès des parents de son amie, en envoyant une carte postale au bon moment, comme si de rien n'était, signée de Fanny et postée de Blackpool...
Tout ses serait bien passé si avant la fin du séjour, Mary ne s'était noyée. Pendant que Fanny et Allan terminent leurs vacances en amoureux, les parents de Fanny accompagnent leur ami et voisin, le père de Mary, pour récupérer les affaires de sa fille. Ils constatent que la jeune femme n'est pas là...
A son retour, l'explication va prendre des proportions homériques: d'un côté, les Hawthorn sont fâchés après leur fille, mais le conflit s'étend bien sûr à la famille Jeffcote, dont le fils Allan est fiancé avec la belle Beatrice, la fille du maire. Beatrice est amoureuse, et le maire compte clairement sur le mariage pour redorer son blason. Mais Chris Hawthorn et Nat Jeffcote sont de vieux amis, même si les circonstances ont fait de l'un l'employé de l'autre. Pour les parents Hawthorn, il est impératif qu'Allan épouse Fanny; chez le père Jeffcote, même son de cloche; la mère d'Allan, en revanche, ne voit pas pourquoi une petite amourette de vacances avec une employée remettrait en cause le mariage prévu; Allan, tout en pensant comme elle, imagine surtout qu'il risque son héritage à aller contre son père, et a gâché ses chances auprès de sa fiancée...
...Et Fanny dans tout ça?
La réponse à cette épineuse question vient à la fin de cette intrigue tirée d'une pièce à succès de Stanley Houghton, filmée ici pour la deuxième fois (il y en aura deux autres). La première version date de 1918, et est déjà une réalisation du vétéran Maurice Elvey, qui tourne des films en Grande-Bretagne depuis 1913. Je ne connais pas la première, probablement perdue; mais celle-ci, qui bénéficie de l'embellie généralisée du cinéma Anglais (Prend ça, Truffaut!) à la fin des années 20, lorsque la fréquentation des studios Allemands, et l'échange de techniciens et de stars avec le contient ont profondément transformé la cinématographie nationale.
Elvey a souhaité éviter par tous les moyens le théâtre filmé, ce qui était difficile compte tenu de la notoriété de la pièce, dans un pays où le théâtre est quasi intouchable et où le public n'aurait pas pardonné le sacrilège! Afin d'aérer l'intrigue, il s'autorise un prologue, en forme de description de l'usine, de son quotidien, du travail de ses employés. Il use aussi d'une métaphore récurrente, en concentrant la caméra sur les jambes des protagonistes, et leurs chaussures: par exemple, le père de Mary, veuf, est unijambiste, et ce fait est souligné à plusieurs reprises (dont un plan qui pique une idée à Hitchcock, dans le but d'obtenir un effet bien différent: les locataires du dessous entendent l'homme faire les cent pas au-dessus d'eux, avec sa jambe de bois: le plafond devient transparent...); quand elle se lève, Fanny a le choix entre une paire de vieux chaussons, et une paire, une seule, d'escarpins vernis. Mais Allan, de son côté, voit sa mère lui porter le matin une paire de chaussons, prise dans un placard qui contient une dizaines de paires de bottines neuves. C'est par leurs jambes que Maurice Elvey nous montre le trajet des employés et employées de la filature, puis quand l'heure du week-end arrive, il cadre les chaussures de travail qui sont mises de côté au profit de chaussures de ville...
Le metteur en scène prend un plaisir évident à filmer les hommes et les femmes au travail, et ce sera souvent de ces classes laborieuses que le point de vue viendra dans tout le film. Mais il montre aussi, en Nat Jeffcote, un patron juste, conscient de son autorité de classe, mais pas vraiment un exploiteur. Il considère son contremaître Hawthorn comme un ami, et lui dit souvent qu'il aurait dû s'associer avec lui quand ils étaient jeunes, comme Nat le lui proposait... Son épouse, en revanche, et son fils, représentent clairement l'esprit méprisable d'une classe qui a décidé d'en exploiter une autre. Mais plus encore, souvent cette exploitation sociale se double d'une exploitation de genre: car le fond de la pièce, et ce qui a fait un scandale important en 1912, c'est précisément de dénoncer le traitement différent réservé aux femmes, y compris dans un contexte qui leur permet de travailler ("Permettre" étant un bien grand mot: on comprend assez rapidement qu'il est nécessaire pour Fanny, qui habite chez ses parents et contribue au loyer, de travailler...). A ce titre, le film offre en Fanny Hawthorn une héroïne qui décide de ne pas se conformer aux modèles en vigueur, et à la morale Edwardo-Victorienne: elle réclame en effet le droit d'avoir, elle aussi, fait un écart de conduite en se laissant aller pendant une semaine, et refuse purement et simplement de se livrer au petit jeu du mariage avec un jeune homme qui lui en voudrait probablement toute sa vie...
Estelle Brody, et la plupart des acteurs aussi, sont excellents, et la réalisation d'Elvey est une splendeur, marquée par le plaisir de saisir la vie de la classe ouvrière Britannique dans ses plaisirs, et dans son travail. Elvey est inspiré aussi par Blackpool et ses attractions, qu'ils filme en contrebande, dans leur vérité... Par contre, il trouve dans les ressources de la lumière (l'un des opérateurs, au fait, est Jack Cox) la dignité nécessaire à la scène durant laquelle le père de Mary se retrouve dans la dernière demeure de sa fille. Elvey a aussi reconstruit en studio une rue ouvrière du Lancashire avec soin, et une usine, dans laquelle la dernière scène enfonce le clou: la plupart des ouvriers sont partis, mais seule en piste Fanny fat tourner la baraque. Un ami, Alf, qui tourne autour d'elle, lui demande si elle veut aller au cinéma avec elle le soir même... Elle le regarde des pieds à la tête, sourit, et... dit oui.
Que serait devenu le cinéma Suédois muet sans Selma Lagerlöf? Stiller a réalisé Le trésor d'Arne, Sjöström La charette fantôme... Le premier a aussi réalisé ce film, adapté du premier roman de la future lauréate d'un prix Nobel de littérature (1909). Mais l'auteur de cette adaptation de la Saga de Gösta Berling a du batailler ferme contre la grande dame, qui goûtait assez peu son sens du spectaculaire, tout en appréciant son propre rôle d'inspiratrice du cinéma national; ironiquement, Stiller était assez clairement en service commandé avec ce film, qui permettait à Charles Magnusson, le patron de la compagnie Svensk Filmindustri, d'espérer avoir un parfait film-étendard pour représenter le cinéma Suédois; de plus, Stiller entendait bien faire définitivement la preuve de ses capacités, car le départ à Hollywood semblait évident; enfin, avec cette spectaculaire production, le metteur en scène formait une nouvelle actrice qui l'enthousiasmait plus que de raison: Greta Gustaffson, rebaptisée Garbo, avait du génie, et en plus la caméra de Julius Jaenzon l'adorait... Bref, on l'aura compris, l'heure n'est pas à la subtilité...
Gösta Berling (Lars Hanson) traîne comme un boulet une réputation de prêtre défroqué; il a bien essayé de se recycler: il a été amoureux d'une jeune femme, la belle Ebba Dohna (Mona Martenson), que sa tutrice souhaitait marier à un roturier, afin de rafler son héritage. Berling était au courant de la machination, mais pensait que la jeune femme l'aimait vraiment, et n'avait donc pas révélé son statut. Hebergé avec d'autres gentilshommes de fortune, les "Chevaliers" (Un titre hautement ironique) à Ekeby, Gösta Berling cherche mollement sa rédemption en assistant, de façon plus ou moins impliquée selon les cas, aux aventures compliquées de trois familles de notables:
D'une part, la tutrice d'Ebba a fait revenir son fils Henrik (Torsten Hammaren), qui s'est marié avec une jeune et belle Italienne, mais on peut franchement se demander comment cette créature de rêve a bien pu se marier avec une telle andouille... D'ailleurs, après avoir rencontré Gösta, la belle Elizabeth (Greta Garbo) se le demande aussi. D'autre part, les riches Melchior et Gustavfa Sinclaire (Sixten Marmelfelt et Karin Swanström) ont une fille, la belle Marianne (Jenny Hasselquist), qui flirte un peu trop avec le flamboyant Berling. Ce qui va pousser son père à mettre la fille dehors: littéralement, et en plein hiver Suédois... Enfin, le manoir d'Ekeby est la propriété d'une femme (Gerda Lundequist), l'épouse d'un militaire qui doit être le dernier à ne pas savoir que le legs de cette propriété à son épouse par un homme très puissant, avait été le fruit d'un adultère... mais quand il l'apprend, le mari se fâche et met la dame d'Ekeby dehors, lui aussi...
De saga, il n'y a pas vraiment; c'est plutôt une série de mésaventures dans lesquelles Gösta Berling lutte à la fois contre les notables qui le méprisent, et contre lui-même: à la recherche de la rédemption, le fier 'chevalier' s'interdit en effet de toucher au bonheur. Stiller, de son côté, s'interdit de développer de façon fine la psychologie de ses personnages, préférant accentuer le coté flamboyant et improbable de son film. Par moment, Lars Hanson est sur un registre qui l'apparenterait presque à Ivan Mosjoukine, d'ailleurs, dont le Casanova n'est pas très éloigné. Si ce n'est que le séducteur Vénitien, lui, sait profiter de toutes les situations!
Le film est divisé en deux parties, mais Stiller a soigné certaines séquences, situées dans la deuxième moitié du film: afin de leur donner tout leur poids, il a transformé la première époque en une sorte d'exposition qui nourrira ensuite de tension dramatique les éléments qu'il veut rendre les plus importants dans l'autre moitié. Mais le film reste un impressionnant effort, par ses costumes, par la reconstitution ironique d'un monde de castes, et par la vitalité de la mise en scène. La façon dont les actrices, en particulier Jenny Hasselquist et Greta Garbo, sont filmées, les personnages de comédie (L'impayable Henrik Dohna)... Il y a beaucoup à prendre dans ce film.
Mais soyons juste: il y a sans doute une raison pour laquelle on parle tant, d'une part de ses deux scènes les plus spectaculaires: l'incendie d'Ekeby, pour lequel la production a incendié pour de vrai une habitation, ce qui permet à Lars Hanson de payer raisonnablement de sa personne, et bien sûr la spectaculaire poursuite sur un lac gelé, Garbo et Hanson étant en traîneau, poursuivis par une meute de loups... D'autre part, la principale raison pour laquelle on parle encore de ce film, c'est probablement Greta Garbo, dans un rôle que Stiller a gonflé de manière à utiliser au maximum ses compétences. Dès le départ, le beau visage de l'actrice, et ses yeux, illuminent le film.
Pour finir, on peut remarquer l'ironie qui consiste, pour Magnusson, à mettre en chantier un film pour montrer la toute-puissance du cinéma Suédois, à l'heure où tous ses grands noms partent pour l'étranger: Hasselquist pour l'Allemagne, et Stiller, Sjöström, Garbo et Hanson pour Hollywood... Cette Saga de Gösta Berling devient donc le chant du cygne de la cinématographie muette Suédoise...
Dès le départ, l'intrigue vous agrippe et ne vous lâche plus: lors d'un hiver Suédois particulièrement rigoureux, sous le règne de Jean III au seizième siècle, trois mercenaires Ecossais emprisonnés pour leur indiscipline (Officiers, ils poussaient leurs hommes au pillage) s'évadent d'une tour où ils étaient gardés. Ils parcourent de nombreux kilomètres avant de s'arrêter à un presbytère. Ils massacrent tous les convives d'un repas qui s'y tenait, sauf une jeune femme qui réussit à se cacher... Puis les trois hommes s'enfuient avec leur trésor: un coffre rempli de bijoux et d'argent, amassé par le vicaire de la paroisse, le seigneur Arne.
Elsalill (Mary Johnson), la jeune femme qui a échappé à la mort, et qui vit désormais dans l'obsession de cette nuit de sauvagerie durant laquelle elle a vu mourir sous ses yeux sa soeur adoptive, que les trois mercenaires ont délibérément choisie comme étant leur dernière victime, est recueillie par une famille de la région. Un jour, trois seigneurs richement vêtus, tous Ecossais, prennent pension à l'auberge locale: ils cherchent à retourner chez eux, et un bateau est coincé dans la baie, pris dans la glace, qui pourrait bien être leur chance de salut. Mais pour ça, il leur faudra attendre: en effet, la glace n'a pas l'air de vouloir se rompre. Elsalill rencontre l'un d'entre eux, Sir Archie (Richard Lund), et tombe amoureuse. Lui sait qui elle est, car il l'a entendue parler de son traumatisme. Mais elle, saura-t-elle reconnaître derrière l'homme qui l'aime, le meurtrier de sa famille?
Une aide inattendue va alors être fournie à la jeune femme lors d'un rêve: le spectre de sa jeune soeur disparue va lui indiquer la voie...
C'est un film fabuleux, dans lequel Mauritz Stiller a méthodiquement écrit un script en compagnie du futur réalisateur Gustav Molander, qui reconstruit le roman de Selma Lagerlöf autour d'un certain nombre d'axes: d'une part, Stiller souhaite atténuer la part du fantastique de ce conte médiéval, en le baignant le plus possible dans le réalisme; ensuite, il organise son récit comme il en avait l'habitude, autour de quelques scènes spectaculaires ou excitantes. Ainsi, la structure dicte le suspense au metteur en scène, qui ne se prive pas de donner au spectateur un maximum de clés sur les scènes à venir. Le meilleur exemple est sans doute la façon dont Stiller négocie les quarante premières minutes du film: l'évasion nous est contée par le menu, qui plus est filmée dans une petite tour dans laquelle la place n'est pas un luxe! On est au plus près des corps, et de la violence évidente qui habite ces trois mercenaires hirsutes... Leur périple vers les lieux du massacre est conté en quelques plans, sans exagération ni amoindrissement. Leur faim, leur fatigue sont réelles: Stiller n'a pas besoin de charger la barque en faisant d'eux des êtres maléfiques, ils sont juste motivés par leur survie. Pendant ce temps, il utilise le montage parallèle afin d'inviter le spectateur à mieux appréhender l'ensemble de la situation: les trois hommes trouvent d'abord refuge dans la cabane d'un pêcheur, qui rentre chez lui pur voir son épouse désarmée devant ces trois brutes qui ont mangé tout ce qu'elle avait, et ses sont endormis par terre: il les met dehors, dans le froid, sans aucun ménagement... Un homme de la région, Torarin, se rend chez le seigneur Arne ou tout le monde mange et fait tranquillement bombance. Mais l'épouse d'Arne entend des rémouleurs faire leur travail: une surimpression nous montre les mercenaires qui aiguisent d'immenses couteaux, pendant que Torarin louche sur l'immense coffre qui contient le légendaire trésor d'Arne. Stiller passe du presbytère aux trois soldats, puis à Torarin qui quitte les lieux et se rend dans une taverne, où quelques instants plus tard, on apprend que le presbytère est en feu. Les villageois, venus sur place, constatent le drame, et secourent Elsalill.
Ces séquences ont été montées avec une rigueur absolue, dans le but de mener à une séquence qu'on ne verra jamais, ou alors par bribes fulgurantes, à travers les souvenirs d'Elsalill. Et la violence qui est palpable en dépit de l'absence du massacre lui-même dans ce prologue, va rejaillir sur tout le film... Stiller a par ailleurs un allié de poids en la présence de l'hiver: c'est délibérément que la production a été commencée en plein coeur de l'hiver, le février 1919. Stiller avait préparé son coup, en amenant un bateau dans la baie, et en laissant l'hiver faire son travail: en peu de temps, le bateau a été coincé dans les glaces... Toutes les scènes soulignent l'hiver, sans parler de l'utilisation d'un iris blanc (le même type que ce que Gance utilisera pour raconter l'hiver de Brienne dans le prologue de son Napoléon): les mercenaires évadés qui avancent avec difficulté dans la neige, ont sans doute eu assez peu de problèmes pour jouer leur scène, tant les condition ont l'air difficiles. Leur coup fait, les trois hommes abandonnent un traîneau, conduit par un cheval, en poussant l'animal vers un trou dans la glace: le plan est hallucinant... Enfin, Stiller et son chef-opérateur Julius Jaenzon vont souvent utiliser le cadre d'une façon inattendue: ils laissent souvent un côté entier des plans se perdre dans le flou, pour souligner encore un peu plus l'immensité blanche qui entoure les protagonistes, et ce petit coin de mer gelée perdu entre les rochers et le large...
Le principal atout de la deuxième partie du film est bien sûr l'histoire d'amour entre Elsalill et Archie, devenu un officier plus présentable une fois les oripeaux de l'évadé laissés de côté, et la barbe rasée. La jeune femme se doute de quelque chose, bien sûr, et comme je le disais plus haut, comprendra toute la situation grâce à un rêve qui lui indiquera la marche à suivre. C'est l'un des trois éléments qui restent d'un roman qui a la réputation de plonger plus avant dans le fantastique. Ce rêve de la jeune femme est complété par le fait que Sir Archie est hanté lui aussi par le spectre de la jeune femme. L'autre aspect est une légende qui sert de fil rouge à la deuxième partie, selon laquelle le bateau qui transportera les mercenaires Ecossais vers leur pays, serait coincé dans les glaces par la volonté divine, tant qu'il transporterait les meurtriers de Arne et de ses amis. Mais par son choix de confronter ses acteurs et personnages et ses acteurs à un hiver aussi authentique que possible, par le déchaînement de violence que le film contient, Stiller s'est senti obligé de garder au maximum les pieds sur terre. Il en résulte un jeu d'acteurs troublant par sa subtilité, en particulier pour Mary Johnson dont le rôle n'était pas facile: à charge pour elle de jouer une jeune femme beaucoup plus jeune, et confrontée non seulement à son désir, mais aussi à la plus angoissante des peurs possibles, celle d'être confrontée à l'homme qui a tué sa famille. On pourrait j'imagine faire une lecture de la sexualité féminine, à partir de ce qui arrive à Elsalill, mais ce n'est pas le propos principal de Mauritz Stiller: celui-ci, essentiellement, s'intéresse aux rapports compliqués entre culpabilité et humanité, à travers le personnage d'Archie, véritable meurtrier sauvage, et amoureux transi appelé à devenir le plus noble des hommes, au prix d'une rédemption qu'il est prêt à exiger... avec violence s'il le faut.
Une situation inextricable, qui se résoudra par le sacrifice d'une jeune femme, qui n'a de toute façon plus la moindre échappatoire... Et un sacrifice qui conduira à une séquence sur la glace, que Stiller a conçu avec génie, et qui est sans doute un des plus beaux moments du cinéma muet: une procession de villageois endeuillés qui viennent au bateau emprisonné dans la glace, rechercher pour lui donner une sépulture décente la jeune femme qui leur a permis au prix de sa vie de mettre la main sur les hommes que la justice réclamaient... Devant les quelques plans qui nous montrent ce moment miraculeux, il n'y a pas d'autre solution que de se taire.
C'est étrange comme ce film prend son temps pour se lancer: on est habitué, avec Stiller, à une introduction bille en tête, sur les chapeaux de roue! Et puis on s'installe dans le quotidien d'une femme de a bourgeoisie de Stockholm en 1920, qui aurait pu vivre, après tout, à Los Angeles, Londres, Berlin, ou Paris...
Irene (Tora Teje) s'ennuie, et ce depuis quelques années. depuis son mariage avec un ennuyeux et poussiéreux professeur d'entomologie, Leo Charpentier (Anders de Wahl) que seul sa nièce Marte (Karin Molander) trouve génial... Ses longues digressions sur la vie sexuelle des insectes ont tendance à faire rigoler ses propres élèves. Alors Irene rêve, et hésite, dans ses rêveries, entre la baron Félix, avec lequel on la voit d'ailleurs s'envoyer en l'air...
Oui, il est aviateur.
...et le meilleur ami de Leo, le flamboyant sculpteur Perben Wells (Lars Hanson). Les deux hommes, elle le sait bien, répondraient favorablement à ses avances, mais elle a fini par se faire à la routine de l'expectative.
D'où, je le pense, cette impression de sur-place que donne la comédie au début du film, et qui la rend si malaisée à apprécier. Car c'est uniquement quand le doute s'installe chez Irene (elle s'imagine que l'a gourgandine qui sert de modèle à son sculpteur favori va le lui voler sous son nez), que le film décolle, et que la jeune femme se lance dans une petite révolution, en quittant son mari, et le laissant seul avec sa nièce. Celle-ci, d'ailleurs, est bien contente...
On a du mal à suivre tous les commentateurs classiques de ce film, quand ils y décèlent la naissance d'un style qui mènerait à Lubitsch ou au Chaplin de A woman in Paris. Stiller pratiquait déjà la comédie, mais reste dans mon esprit surtout attaché aux drames épiques qui ont fait sa gloire. Ici, par contre, on notera un intéressant jeu autour du théâtre, puisque les deux première bobines nous montrent les quatre protagonistes se rendre à un ballet, qui se trouve d'ailleurs refléter leur propre situation. De là, on débouchera sur les manigances de Tora Teje, qui use de tous les genres: drame, tragédie, puis comédie... mais que de cheminement pour en arriver là.
Les deux acteurs Carl Schenström et Harald Madsen, respectivement un grand longiligne et un très petit râblé, étaient des stars au Danemark, de 1921 à 1942, soit jusqu'à la mort de Schenström. Mais cette célébrité ne s'arrêtait pas aux frontières, comme le prouve la liste de leurs surnoms: Fy en By en Scandinavie, Pat und Patachon en Allemagne, Long and short en Grande-Bretagne, et Doublepatte et Patachon en France; si le format de la plupart de leurs films, le plus souvent réalisés par Lau Lauritzen, reste le long métrage, ils ont souvent été considéré comme l'inspiration pour Laurel et Hardy, ce qui ne tient pas complètement debout, pour un certain nombre de raisons: leurs films n'ont jamais réellement percé aux etats-unis, même si certains y ont été projetés; Laurel et Hardy ont été "couplés" dans des films avant d'être un duo, et leur dynamique s'est créée toute seule, poussant le studio à répéter l'expérience; et enfin Roach a toujours mis ses acteurs en équipe, dès 1915: Lonesome Luke était aussi une équipe, avec Snub Pollard et Bebe Daniels autour de Harold Lloyd. Mais la présence physique inversée des deux acteurs, leur complémentarité, et le fait que de film en film, bien qu'il ne s'agisse jamais vraiment des mêmes personnages, ils aient peu ou prou maintenu le même rapport, pousse évidemment à la comparaison. Par contre, autour de Schenstrom et Madsen, le film leur échappait; ils étaient constamment une sorte de cerise sur le gâteau, au milieu d'une intrigue qui ne les concernait que peu, et vagabondaient de boulot en boulot, le grand menant le petit... Ils assistaient aux amours malheureuses de jeunes bellâtres pour des filles de bourgeois. Quelque fois, ils les aidaient. Dans certains films, Lauritzen a été ambitieux: Son Don Quichotte (1926) en particulier dépassait le cadre de la comédie, et imposait un jeu bien différent aux deux acteurs; la durée de 180 minutes en faisait un film autrement plus important que les aimables comédies de 90 minutes qui composaient l'essentiel du duo. Parfois, enfin, ils s'exportaient, et sous la direction d'un autre (Monty Banks, Gustav molander, Urban Gad, ou Hans Steinhoff par exemple), jouaient pour d'autres filmographies: Suède, Norvège, Allemagne, Grande-Bretagne, comme Asta Nielsen avant eux, le Danemark étant décidément un petit pays.
Pour terminer ce tour d'horizon, il convient d'ajouter que leurs films possédaient un air de famille, parfois obéissant à une formule, et qu'il y avait des passages obligés: il devaient se situer dans un environnement qui permette des belles prises de vue de la nature Danoise, il y avait des jolies filles, baigneuses en maillot, voire sans en certaines occasions. La vie des gens était celle du Danemark des années 20, un pays en apparence tranquille, sous les influences Scandinaves au nord, germaniques au sud, et empreint de ces deux cultures...
Schenström, contorsionniste, et Madsen, artiste de cirque aux multiples talents, sont d'abord une présence physique, enfantine. Quoi qu'ils fassent, ils ne peuvent qu'être visuellement ridicules, une exagération qui n'est pas forcément soulignée par les autres protagonistes. Ils vont ensemble, ce qui n'exclut pas qu'un scénario les fasse se rencontrer dans un film. Madsen est le plus lunaire des deux, avec sa cambrure exagérée à la Chaplin, et sa petite taille, sans oublier son air volontiers ahuri. Mais c'est aussi le plus bouillonnant, souvent celui par lequel le malheur arrive... Schentröm a beau jouer plus facilement l'adulte, il a des éléments enfantins lui aussi, une immaturité notamment sexuelle, qui passe par une timidité manifestée physiquement. Et l'un comme l'autre est amené parfois à s'impliquer corporellement, comme dans l'un des films ou ils se baignent effectivement dans une eau gelée...
Filmens Helte est l'un des meilleurs longs métrages du duo, d'ailleurs le plus vu ou revu, qui a fait l'objet d'une reprise en salle sous forme d'une compilation en 1979, et dix ans plus tard en France. Le film est amusant, montrant comment les deux héros sont amenés en catastrophe (le mot est très bien choisi) à remplacer au pied levé les deux jeunes premiers d'un film, tourné par un artiste autoritaire à la Stroheim. On assiste par ailleurs aux tribulations des jeunes premiers, qui ont quitté le plateau en raison d'un conflit avec le producteur, père de leurs fiancées. Tout finira bien: le film désastreux sera un succès, les jeunes acteurs seront réintégrés, et le producteur consentira aux mariages.
Voilà, c'est tout... sauf que tout ceci serait excellent, s'il n'y avait un détail embarrassant: les films conservés du duo ont été achetés par la chaîne Allemande ZDF, et remontés en épisodes de 25 minutes, narrés en Allemand. Y compris les films parlants, dont on a tout simplement fait sauter la bande-son originale. dans une opération digne de la boucherie effectuée par Chaplin sur The gold rush, certains des films sont à peu près cohérents et possèdent encore l'essentiel de leur métrage. Mais que penser du Don Quichotte réduit à deux épisodes de 25 minutes, à la place de 180 minutes? Ce film est heureusement disponible en streaming sur le site du Danske Film Institut, sans sous-titre toutefois:
Après les nombreuses comédies, et Va d'un pas léger qui se tournait vers le film de gangsters avec élégance et une touche d'humour, c'est vers une sorte de film noir qu'Ozu se dirige avec cette épure, un film dans lequel il combine avec génie son univers de quotidien représenté dans toute sa crudité, un certain sens de la tragédie, et le style visuel qui est le sien. Et il le fait cette fois sans s'autoriser la moindre cocasserie...
Un homme cambriole un bureau, après avoir ligoté le personnel. la police est prévenue, et la chasse à l'homme commence. Pendant ce temps, une femme attend, fébrile, que son mari rentre: il est parti "chercher de l'argent" pour payer un médicament qui pourrait sauver la vie de leur fille, qui s'apprête à passer une nuit délicate. Bien sûr, les deux histoires sont liées, et quand le mari rentre avec l'argent, c'est le cambrioleur de tout à l'heure. Mais il a été suivi par un inspecteur, qui ne met pas longtemps à comprendre la situation...
Il y a assez peu d'éléments, finalement, et pour environ quarante minutes sur les 63 que dure le film, Ozu installe une unité de lieu et de temps, avec un nombre de personnages limités à quatre (Le père, la mère, l'inspecteur de police et la fille qui passe surtout le temps à dormir). Rien de théâtral pourtant dans ce film, dont la réussite repose d'abord sur une exposition méthodique, suivie par une utilisation de l'espace et de la caméra (Ozu aime à la faire bouger brusquement, pour nous imposer un point de vue, c'est toujours un effet qu'il réussit dans ses films muets), qui nous permet d'assister à un quotidien tangible, dans lequel la survie de la petite fille devient l'enjeu principal, pour tout le monde.
Et puis il y a ici des personnages fantastiques, interprétés par des acteurs qui ne commettent pas une seule faute de goût: les émotions affleurent, mais parfois le metteur en scène obtient d'un rien (le visage impassible de l'inspecteur, un vieux de la vieille qui en a vu d'autres, par exemple) une foule de possibilités. C'est un chef d'oeuvre.