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15 février 2020 6 15 /02 /février /2020 14:13

Jeff Warren (Glenn Ford) est un conducteur de locomotive, qui revient de la guerre de Corée et reprend pied dans la routine de son travail: les trajets avec son meilleur copain, le bivouac chez ce dernier en compagnie de son épouse et de la charmante fille de la maison, la vie est simple et pleine de possibilités... Il croise aussi Car Buckley (Broderick Crawford), le taciturne collègue qui a pris du galon en trois ans. Il s'est aussi marié avec une jeune femme désireuse de s'élever, et qui déchante, la belle Vicky (Gloria Grahame)... Celle-ci aide son mari à conserver son boulot, mais elle le fait de la seule façon qu'elle ait jamais pu obtenir les choses, en couchant avec le patron. Pour Carl, c'est l'équation impossible: demander de l'aide à son épouse, coûte que coûte, mais refuser la méthode. Du coup, il tue son patron durant un trajet inter-cité. Mis il y a un témoin potentiel, justement: Warren, qui rentre chez lui... 

Un héros peu loquace, une femme fatale, et un mari jaloux et violent. le triangle amoureux présenté en rappelle un autre, et le décor ferroviaire insiste: ce film est bien un remake de La Bête Humaine de Renoir (1938), et s'éloigne encore plus que le film Français du roman de Zola. Bien que le livre soit mentionné, on en est loin, et le script est du pur film noir Américain... Pour Jeff, l'homme comme vous et moi qui fait son boulot, nouveau brave type qui vient rejoindre les Spencer Tracy, Henry Fonda, Gary Cooper, Randolph Scott ou George Raft des films précédents de Lang, le retour à la vie civile va être le retour aux passions et aux petits matins blêmes, avec la couleur rouge sang du meurtre en prime...

Et justement, le film justifie pleinement son titre, avec une galerie de portraits formidables. Warren a beau être un brave type, il est malgré tout assez ouvert à l'aventure sous tous les sens du terme, et Vicky, qui lui met le grappin dessus, sait ou croit qu'elle n'aura pas trop à le pousser pour qu'il commette un meurtre. Pris dans le feu de passions contradictoires, Carl est piégé entre sa volonté de prestige, et le fait que sa femme est trop belle pour lui. Il souhaite à la fois utiliser cet avantage et garder la beauté de Vicky pour lui. Quant à Vicky, un rôle de garce particulièrement élaboré pour Gloria Grahame, elle a appris la vie essentiellement à travers le désir qu'elle inspire chez les hommes qui l'entourent...

Du coup, le fait que le script déplace les faits du scénario de Renoir (rappelons que dans La Bête Humaine, c'est Gabin lui-même qui était le meurtrier) essentiellement pour des raisons de censure, créée les conditions d'une vision du monde totalement pourrie par le désir et l'incapacité de certains humains de l'assumer. La façon dont Lang semble se débarrasser de la participation de son héros au meurtre et à l'adultère, dégoûté par les manigances de Vicky, permet aussi au couple homicide Carl-Vicky de terminer le film dans une escalade de violence et de mort, qui tendrait à démentir toute notion de happy-end... Tout en nous indiquant que le véritable personnage de ce film est Vicky, la femme qui n'a que sa séduction, mais sait particulièrement s'en servir. Sordide, méchant, grinçant et avec une femme fatale en cerise sur le gâteau: voilà ce qui fait d'un remake boîteux un paradoxal film noir modèle...

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Fritz Lang
15 février 2020 6 15 /02 /février /2020 14:05

Ce film est le troisième rescapé des productions de Ebony Pictures de Luther Pollard, et propose une nouvelle fois un scénario de pur slapstick sur une comédie qui se situe cette fois clairement juste entre Sennett et Roach... Au début, le héros vit une situation à la Harold Lloyd: il est réveillé en sursaut par une propriétaire irascible et qui lui réclame des impayés avec l'aide d'un agent... Il s'échappe et trouve refuge dans une blanchisserie, où la police va venir le débusquer, mais entre-temps il aura eu le temps de confondre de l'opium et de la mort aux rats...

Ca fait beaucoup, ça fait même trop, et l'irruption d'une troupe de policiers en uniforme est aussi une indication que Luther Pollard et son équipe souhaitaient proposer une version Afro-Américaine des Keystone cops! Mais ce qui me semble le plus frappant dans cette comédie très moyenne, c'est de voir la façon dont les concepteurs noirs du film se sont réfugiés avec leur personnage de blanchisseur chinois dans une vision largement alimentée par une certaine forme de racisme: le cercle vicieux, assez paradoxal, d'une industrie qui est largement basée sur l'exploitation des stéréotypes pour plaire au vaste public.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
15 février 2020 6 15 /02 /février /2020 13:56

Ce film de 1921 est réduit aujourd'hui à quelques disparates minutes (4 en tout!) qui ne sont que le pâle reflet d'un long métrage pourtant ambitieux, produit par Lincoln, la première compagnie dont le capital était justement Afro-Américain, au contraire de Ebony pictures détenu par des blancs. Cette histoire apparemment compliquée de détective qui enquête sur la mystérieuse disparition d'une héritière est soignée, mais évidemment aussi peu compréhensible qu'une bande-annonce...

Quoi qu'il en soit, c'est une pièce historique, une fois de plus, unique reflet d'une compagnie créée par les frères Johnson (dont nous connaissons bien Noble, celui des frères qui s'est reconverti en acteur et qui a été immortalisé par sa participation à King Kong), et qui montre comment une compagnie destinée à faire du cinéma noir pour le public noir, entendait ne pas se contenter de miettes, et comptait bien s'essayer à une certaine sophistication.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 **
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 18:25

Un scientifique un peu fou a besoin d'une authentique momie égyptienne pour se livrer à des expérimentations. Un jeune homme qui souhaite se marier avec la fille du professeur, lui fournit une fausse momie, en fait un comparse sous des bandelettes. L'affaire se complique quand deux Egyptiens (en costume!) interviennent, car ils recherchent une momie sacrée qui leur a été dérobée...

Comme Two knights of Vaudeville, ce court métrage d'une bobine sauvé de l'oubli est une production de Luther Pollard pour Ebony films, qui entendaient fournir au public Afro-Américain des grandes villes des comédies taillées sur mesure pour eux, avec des acteurs noirs. L'histoire n'a pas retenu le nom des protagonistes de cette pochade, qui est bien meilleure que le film cité plus haut... Mais dont les marques irrémédiables de décomposition rendent le visionnage parfois malaisé.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 18:13

Ce court métrage sauvé de l'oubli et de l'auto-destruction est historique à plus d'un titre: non qu'il soit bon, on va évacuer la question tout de suite: il est même d'une impressionnante médiocrité... mais le producteur Luther Pollard avait créé une structure destinée à concurrencer les films Blancs produits à Fort Lee et à Hollywood, pour donner aux salles fréquentées par les afro-américains des films qui les mettaient aussi en vedette. Et comme le standard contemporain des comédies de Sennett ou de Rolin, les films y voyaient des acteurs payer de leur personne et ne pas hésiter à se tourner en ridicule.

C'est d'ailleurs là que le bât blesse: les trois protagonistes principaux sont deux hommes, Jimmy Marshall et Frank Montgomery, et une femme, Florence McCain, qui après une nuit désastreuse au music-hall décident de monter un spectacle qui s'avérera une autre catastrophe. Mais comment ne pas constater que les trois héros du film sont eux-mêmes tellement au bas de l'échelle qu'on ne peut que tiquer... Ils tendent à renvoyer, cette fois à un public supposé être 100% noir, l'image de faire-valoir imbécile que les films 100% blancs avaient forgé des afro-américains. Donc si le film vaut par sa rareté iconique (en gros, le film "officiel" le plus ancien d'un cinéma destiné au public noir), il n'en reste pas moins un témoin gênant d'une tendance du cinéma des origines à forger et anticiper le racisme de ses spectateurs...

...Tout en montrant, objectivement, des héros confrontés aux deux communautés, et rejetés par l'establishment blanc du music-hall dont il se font expulser, puis rejetés par un public noir qui ne trouve pas leurs numéros à son goût.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 16:42

On ne réussit pas à tous les coups, et ce film le prouve: alors que la formule des courts métrages de Charley Chase en deux bobines a permis à de vraies merveilles de voir le jour entre 1925 et 1927, il arrive que le génie ne soit pas au rendez-vous... Cette histoire de jeune oisif qui se fait passer pour un chauffeur aux yeux du père de la femme qu'il aime, est par trop compliquée, tout en mobilisant les vieux trucs les plus éculés du genre, vus en particulier dans de nombreux films du comédien.

Restent quelques moments de grâce, comme cette séquence ébouriffante au cours de laquelle Chase, Martha Sleeper (sa formidable leading lady la plus convaincante à mes yeux) et l'acteur Eugene Palette en flic au grand coeur, font les soldes... A leur corps défendant! On pourrait aussi penser le plus grand bien du moment où Chase se retrouve à jouer les ventriloques avec un mannequin dans un speakeasy, mais... ne serait-ce pas une réminiscence de A dog's life, de Chaplin? Incidemment, sa victime dans la dite scène n'est autre qu'Oliver Hardy.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie James Parrott Charley Chase
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 16:33

Une série de catastrophes provoquées par l'évasion spectaculaire d'une puce savante risques de mettre en péril le mariage de Matha Sleeper, en particulier à cause du rôle joué par sa soeur et sa bande de joyeux copains, lors de la noce...

Qu'est-ce qui pourrait ressembler à un court métrage de la série Our gang, plus qu'un autre court métrage de la série Our gang? ...Mis non, ce serait justement trop simple: même si le principe de la série reste le même durant toutes les années 20, et le metteur en scène est toujours l'increvable Robert McGowan, les variations et changements d'un film à l'autre dépassent les petites différences de casting.

Parfois celles-ci contribuent, on pourra s'amuser à chercher ici les apparitions plus ou moins longues des stars de chez Hal Roach: ainsi, reconnaîtra-t-on sans problèmes Oliver Hardy et Matha Sleeper, mais il faudra être plus vigilant pour constater que ce prêtre SANS MOUSTACHE qui officie, n'est autre que le grand James Finlayson... Charlie Hall est l'un des invités de la noce et, caché lui derrière une imposante paire de bacchantes, on reconnaîtra Charley Chase. Cerise sur le gâteau dans ce film glorieusement idiot, une série d'animations survient sans crier gare pour donner vie à la puce farceuse.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 13:52

En pleine "grande dépression" (la crise de 1929), Burke, un journaliste local à New Orleans (Rock Hudson) débusque une troupe d'aviateurs, qui vont de ville en ville pour y présenter des cascades spectaculaires: parmi eux se trouve, en effet, le légendaire aviateur de la première guerre mondiale Roger Shumann, qui avait abattu quatorze avions ennemis, mais qui depuis a galéré pour vivre. passionné par le personnage (Robert Stack), pourtant pas d'un abord facile, et fasciné par son épouse, Laverne (Dorothy Malone), Burke décide de leur consacrer une série d'articles, contre l'avis de son rédacteur en chef...

Autre temps, autres moeurs, si on enlève toute allusion verbale à la guerre (supposée être "14 années auparavant"), et toute référence à la culture de l'époque, rien dans le film tel qu'on peut le voir ne renvoie aux années 30; c'est même pire, il s'agit visuellement d'un film qui présente un univers totalement imprégné des années 50, habillement, coiffures, et même les avions. Ce qui pourrait être jugé comme du mépris est à prendre avec des pincettes, comme une façon pour Sirk de dire que comme d'habitude il parle des Américains contemporains...

Seulement il faut avoir le coeur bien accroché, tant le film est, j'utilise ici un adjectif ici pesé, répulsif. Ces gens qui boivent, s'engueulent, s'agressent, se disent qu'ils s'aiment en se hurlant dessus, s'envoient paître aussi souvent que possible, se haïssent et reboivent, ne me donnent aucune envie d'aller plus loin.

Dont acte. On doit être chez Faulkner...

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Published by François Massarelli - dans Noir Douglas Sirk
8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 18:56

Le succès de Nanook a au moins permis à Flaherty de passer du temps sur des projets auxquels il croyait très fort... Tout de suite après la sortie de son film sur les Inuits, le metteur en scène est parti pour les îles Samoa, en Polynésie, pour y capter des images de la même manière et en faire un long métrage qui sera d'ailleurs un énorme succès.

Et c'est la même chose: un esprit occidental, fasciné par ce qu'il croit être "l'état de nature" des sociétés qu'on qualifiait alors de "primitives", et qui s'évertue à encapsuler dans des recréations et des actions provoquées devant la caméra tout le folklore qu'il estime le plus photogénique. C'est aussi discutable ET valable ET émouvant ET ennuyeux que pouvait l'être le premier de ses longs métrages...

...Et comme bon sang ne saurait mentir, la fille de Flaherty, Monica, a agrémenté 45 années plus tard les dites images, aujourd'hui, d'une illustration sonore pour laquelle elle a mis à contribution les indigènes locaux, lisant les dialogues du film sur leurs lèvres, recréant les circonstances sonores: c'est incroyablement bien fait et totalement, mais alors totalement inutile. Comme le film.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1925 Robert Flaherty **
8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 18:51

Ce court métrage très rare est une curiosité, à plus forte raison parce qu'on n'est pas très sûr de sa raison d'être!: Flaherty, le fameux documentariste aux méthodes proches de la fiction, y effectue un exercice en vogue à l'époque, assez proche de ce que ferait Walter Ruttmann dans Berlin, symphonie einer Grossstadt: un poème d'images sur New York, dont le titre provient de la légende selon laquelle New Amsterdam aurait été fondée par les Hollandais sur l'île de Mahnattan après l'avoir payé 24 dollars aux Indiens locaux...

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Published by François Massarelli - dans Muet Robert Flaherty