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23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 13:55

Ce mélodrame Danois date d'une époque durant laquelle le pays du Nord, anciennement champion incontesté du cinéma Européen, et donc mondial, est en lutte pour garder sa première place... Mais c'est bien fini. Les Danois, qui savent qu'ils ne peuvent plus exporter comme avant vers la France, l'Italie ou l'Angleterre, en cette époque où les alliances scellent des pactes authentiquement guerriers, se tournent plus que jamais vers les genres éprouvés, en premier lieu le mélodrame! 

Joe Higgins (Valdemar Psilander) est clown dans un petit cirque familial. Un noble de la ville qui vient voir le spectacle est impressionné et lui propose de venir avec lui pour faire carrière sur les scènes citadines. Il accepte, à la condition de pouvoir emporter avec lui Daisy, la femme qu'il aime, et ses parents. Des années après, Joe court de succès en succès, mais il découvre que Daisy, qu'il a épousée, le trompe avec le comte. Il la confronte, elle part, et c'est la déchéance...

Le film est hautement prévisible, et nous conte précisément la chute d'un homme. La scène qui va servir de révélateur pour Joe, pas pour le public, sera vue par lui dans un miroir, qui lui montre littéralement ce qui se passe dans son dos. Quelques scènes plus tard, Joe éméché croise dans un restaurant une troupe de gens en pleine débauche: parmi eux, Daisy et le comte sont occupés à lutiner d'autres amants. Joe fait un scandale... qui secoue violemment la jeune femme. Ainsi, Sandberg semble établir non seulement le thème classique du mélo, la ville qui corrompt, mais par ces deux scènes il insiste sur cette déchéance comme un drame intérieur, inhérent à Joe lui-même. Et quand il croise Daisy, tous les deux sont dans un très mauvais état... 

La dernière bobine, située après la mort de Daisy, le premier "climax" du drame (il y en a un deuxième, mais je ne vous le révélerai pas), est fascinante par une utilisation assez rare du flash-back, quelques années avant la structure chronologique déroutante de La charrette fantôme... Joe se remémore les bons moments entre deux gorgées de mauvais vin, et on voit non seulement les scènes que nous avons déjà vues, mais aussi d'autres, qui prolongent le drame, et la vie qui est sous nos yeux. Valdemar Psilander, qui EST le spectacle à lui tout seul, est évidemment impérial dans ce film et lui assurera un succès non négligeable... D'autant plus qu'il est décédé quelques semaines avant la sortie! mais le film avait ses mérites propres, avec ou sans sa vedette: ce qui allait Sandberg, neuf années plus tard, de retourner à la conquête de l'Europe avec un remake en tous points sublime...

Copie du film (sans sous-titres) disponible sur le site du Danske Film Institut: 

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/klovnen-0

 

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Published by François Massarelli - dans A.W. Sandberg Muet 1917 DFI
23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 13:23

Le film commence un peu comme La nuit vengeresse de Benjamin Christensen, avec des plans nocturnes d'un homme qui s'approche d'une maison, la nuit, où vivent deux personnes: une dame âgée, alitée, est mourante, et sa fille (Clara Wieth-Pontopiddan) s'occupe d'elle; l'homme (Peter Fjelstrup) réclame à manger, et il est manifestement en fuite. le lendemain, il se re-manifeste, et elle lui donne à manger, puis le suit: elle découvre qu'il habite une cabane dans les bois...

Quand le médecin passe pour surveiller l'état de la mère, il est direct: elle va mourir si on ne lui prodigue pas de soins le plus vite possible. En bon instrument du destin, le docteur attire aussi l'attention de la jeune femme sur une affichette qu'il a ramassée: un avis de recherche, au nom de Carl Weldon, recherché pour meurtre. Bien sûr, c'est l'homme aperçu par Nina la nuit précédente et qu'elle a suivi jusque chez lui. Elle se rend au poste de police, et les choses se précipitent: les éléments du mélodrame se mettent en place les uns à la suite des autres. D'une part, Nina reçoit sa récompense avec laquelle elle espère pouvoir payer des soins à sa mère; d'autre part, deux protagonistes importants se manifestent, l'un est le neveu de la victime du meurtre, qui souhaite féliciter la jeune femme... Et plus si affinités, car le gandin est plutôt bavard voire beau-parleur. L'autre personne qui intervient au poste de police, le Dr Weldon, est le fils du suspect qu'on vient d'arrêter, et qui bien sûr clame son innocence. Si contrairement à moi, vous n'avez pas encore trouvé le vrai coupable, voyez le film. Sinon... voyez-le quand même!

Car ce n'est pas par ses qualités de whodunit que ce long métrage vaut la peine d'être vu. Le film est entièrement assujetti au point de vue de Nina, qui est interprété avec un souffle impressionnant par l'une des divas de l'écran Danois muet. Le mot n'est d'ailleurs pas choisi au hasard: elle réussit par un jeu d'une constante subtilité, à faire passer les mêmes émotions, les mêmes passions que les divas Italiennes, Francesca Bertini en tête. Mais Bertini avec un sens de l'économie, si c'était possible.

Autour d'elle, un casting solide, et surtout un metteur en scène qui est inspiré du début à la fin. Sa mission est double, finalement: d'un côté, livrer clés en mains au public un divertissement parfait, avec un script personnel et généralement très clair (pour information, j'ai vu le film avec uniquement ses intertitres Danois, et la compréhension ne pose aucun problème); de l'autre, suivre les doutes et les sentiments de culpabilité d'une héroïne qui non seulement réalise qu'elle a commis une erreur, mais surtout souffre de cacher la vérité à l'homme qu'elle aime, car bien évidemment, elle va tomber amoureuse du bon docteur et même l'épouser... Sandberg utilise du début à la fin de son film les scènes nocturnes avec une maestria confondante, et c'est là sans doute que la référence au film de Christensen fait sens: Avec son art du clair-obscur, son sens de la composition et du cadrage en plus de sa direction d'acteurs impeccable, Sandberg peut sans problème ravir sa couronne au réalisateur d'Häxan. Comme Le Clown (1926) ou Nerfs Brisés (1923), ce film est un indispensable de première classe...

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/kaerlighedens-almagt

 

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Published by François Massarelli - dans A.W. Sandberg DFI Muet 1919
23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 09:17

La Fille de la Nuit (Emilie Sannom), la mystérieuse et troublante intrigante, commence le film en étant, une fois de plus, en prison... Mais elle n'y restera pas, car elle a un complice dévoué, et ils ont un plan. Une fois évadée, elle s'intéresse de près à un mariage entre deux personnes, parmi les plus riches de tout le continent. Mais quel rôle joue cette petite tzigane qui les espionne?

L'un des disciples de Feuillade, donc, Kay van der Aa Kühle (oui, c'était bien son patronyme!) s'était fait une spécialité de mettre en scène des films d'aventures en série, et a même été l'un des premiers, sinon le premier, à nommer carrément le produit de ses tournages, en ajoutant tout bonnement un numéro au titre. Ce quatrième opus de la série (ont on voit assez vite qu'il repose sur la familiarité du public avec les personnages) est tout ce qui subsiste d'une série manifestement basée sur tous les trucs les plus réjouissants du genre: évasion spectaculaire, déguisements, décors appropriés, personnages mystérieux... C'est soigné, plaisant... Et incomplet: on n'a pas le temps d'en profiter longtemps car seules les deux premières bobines (dont les intertitres proposent quatre langues...) ont survécu.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/nattens-datter-iv

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Published by François Massarelli - dans 1917 DFI Muet
23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 09:07

Meyer, un mari (Oscar Stribolt) profite de l'absence de son épouse partie prendre des vacances à la mer, pour mener la grande vie. Mais quand elle revient, elle a la désagréable surprise de retrouver chez elle un homme, fin saoul, qui ne se rappelle même pas qu'il n'est pas M. Meyer...

C'est tout sauf subtil, et c'est un peu inattendu de la part de Sandberg, qui allait se spécialiser dans le drame et le mélodrame: son Clown de 1926 est une merveille... Mais le film se distingue des productions plus basiques de Lauritzen, par le recours à un dispositif intéressant: le mari rentre chez lui pour y voir son copain saoul aux prises avec son épouse, par le truchement de trous de serrures. La mise en scène se divise alors en trois... Pour le reste, c'est de la kolossale Komédie...

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/ungkarl-og-aegtemand

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Published by François Massarelli - dans Comédie A.W. Sandberg DFI Muet
23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 08:53

Avant de devenir le metteur en scène visionnaire qui a eu l'idée (ou auquel on a confié la mission, soyons prudent) de "coupler" Harald madsen et Carl Schenstrtröm, les deux magnifiques acteurs complémentaires, Lauritzen avait déjà roulé sa bosse dans la comédie de slapstick... Ceci est un exemple, datant des premières années de sa carrière, et mettant en vedette le rondouillard Oscar Stribolt dans son rôle favori: le mari bourgeois fêtard et tricheur...

Alors que se prépare son déménagement, le héros (Stribolt, donc) se sent de trop dans la maison où tout le monde s'énerve, et il choisit de prendre le large... Quelques heures et quelques liqueurs plus tard, quand il revient, il a juste oublié un détail: il n'habite plus dans cette maison... C'est la panique pour les nouveaux locataires...

C'est très anecdotique, et on sent que tout le monde s'est fixé comme mission d'aller à l'essentiel. Tout au moins peut-on apprécier que dans une filmographie aussi généralement austère que celle du Danemark, on ait pu avoir des films aussi frivoles. Incidemment, Stribolt (1872 - 1927) n'est pas un inconnu, c'était même, à sa façon, une star: non seulement il a souvent joué les bourgeois bons vivants chez Lauritzen, mais il apparaît dans Afgrunden (L'Abysse, 1910) d'Urban Gad, avec Asta Nielsen, et Benjamin Christensen, pour Häxan, a pensé à lui pour un ou deux rôles, dont un mémorable curé libidineux...

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/flyttedags-kvaler

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Published by François Massarelli - dans Muet Lau Lauritzen DFI Comédie
22 février 2020 6 22 /02 /février /2020 16:50

Le DFI a mis en ligne Atlantis, en HD, et c'est une sacrée nouvelle! D'autant que le film propose des intertitres à la fois en danois et en anglais, pour ceux qui peuvent déchiffrer l'une de ces deux langues... Le film est à tous points de vue une grande date, et son accessibilité doit donc être fêtée comme il se doit! Tourné en 1913, il est un démarquage partiel de l'histoire du Titanic, en même temps que l'un des premiers très longs métrages, avec 114 minutes de spectacle.

Le Dr Von Kammacher (Olaf Fonss) est doublement affligé de malchance: non seulement son traité de biologie est refusé partout où il le présente, mais son épouse Angèle souffre de démence précoce et va devoir être internée. Pour fuir cette réalité, le scientifique s'embarque pour les Etats-Unis sur un caprice: il sait qu'une artiste qu'il a vue sur scène, la danseuse Ingigerd Hahlstrom (Ida Orloff), sera sur le bateau... Mauvaise idée, car le bateau va faire naufrage, et s'il vont survivre tous les deux, la suite ne sera pas de tout repos pour la belle danseuse volage et pour son amant ombrageux...

Côté pile, on a un film adapté d'un roman à succès de Gerhard Hauptmann, semble capitaliser sur le destin tragique du Titanic pour dresser un portrait apocalyptique de toute velléité de se rendre aux Etats-Unis (la première guerre mondiale se profile à l'horizon), et les mésaventures du Professeur Von Kammacher confirment que ce n'était pas une bonne idée en effet. En quittant le Danemark et sa famille, pour suivre la belle danseuse, il a clairement lâché la proie pour l'ombre. Cela étant dit, le bon docteur, si il est tombé sous l'influence vénéneuse d'une intrigante capricieuse, a un comportement souvent équivoque avec les dames, comme en témoignent deux scènes situées sur le bateau, et curieusement dépourvues de résolution: Von Kammacher a aperçu une femme, dans les cabines populaires, qu'il a désirée de suite. Quand elle est amenée chez le docteur pour traiter son mal de mer, le professeur qui rendait visite à son collègue séduit la jeune femme...

Côté face, le film est impressionnant par son étendue, et les moyens déployés par Blom: à l'opposé d'un cinéma mondial qui reste souvent strictement frontal, il joue en permanence avec la composition, contraste avec adresse les personnages situés en gros plan, avec des arrière-plans dynamiques; il place sa caméra au milieu des scènes de panique, et toute la séquence du naufrage est un tour de force, qui a du être difficile pour les acteurs, parce que la Mer Du Nord, où le film a été tourné, n'est pas à proprement parler un endroit riant et chaud... Et la façon dont Blom choisit une narration assez volontiers énergique, suivant son héros qui fait presque le tour du monde, se rendant à Berlin, puis décidant sur un coup de tête de prendre un avion pour Souhampton, et d'y attraper le bateau fatal... Il en ressort l'impression que Blom, tout en délivrant un message hostile aux pays étrangers, plaide en quelque sorte pour un cinéma international. Et le résultat, qui sera un énorme succès dans le monde entier, lui donne raison.

Pour finir, citons par acquis de conscience qu'un jeune acteur Hongrois était présent sur le tournage, qu'il joue un personnage secondaire, et qu'il était à l'aube d'une belle carrière, qui allait le voir, lui aussi, voyager... Michael Curtiz, alias Mihaly Kertersz, joue en effet un jeune médecin ami de Fonss dans les séquences Berlinoises...

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/atlantis

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 August Blom Danemark DFI
22 février 2020 6 22 /02 /février /2020 16:38

Mis en ligne récemment par l'excellent site de streaming du DFI (allez y voir, et munissez vous de patience devant ces films danois qui ne parlent ni Français ni Anglais, d'autant qu'ils sont muets), ce court métrage incomplet est l'un des films pionniers, à la fois du pays et du genre: on se souvient du mémorable Histoire d'un crime de Ferdinand Zecca... Ce film Danois, dont il ne reste que 3 petites minutes, adoptait un angle différent, tout en étant éminemment dramatique: il contait l'exécution, narrée par le menu, d'une femme. Une infanticide, mais il m'est impossible de juger d'après les fragments que j'ai visionnés, si le film adoptait une vision morale, pour ou contre l'exécution...

Par contre, deux aspects doivent attirer notre attention: si le metteur en scène, par ailleurs photographe, s'évertue à garder sa caméra statique de bout en bout, d'une part il varie les angles de prise de vue d'une manière fort adéquate, et peu habituelle: la composition de ces plans fait penser à des films plus ultérieurs... Et puis malgré cette position statique, il demande à se s acteurs de jouer en fonction de ce qui se passe hors-champ, ce qui occasionne une impression très forte d'assister à quelque chose d'authentique. Pour le reste, on ne sera pas surpris d'apprendre que dans ce film qui conte l'exécution d'une femme, l'émotion est au rendez-vous, avec l'un des bourreaux qui détourne le regard d'une façon désespérée au moment où la jeune femme sort du champ et va à la rencontre de son destin...

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/henrettelsen

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Published by François Massarelli - dans Muet Danemark DFI
21 février 2020 5 21 /02 /février /2020 15:52

De tous les films du metteur en scène Afro-Américain Micheaux, ceci, son troisième et dernier film muet conservé (sur une vingtaine!), est son plus célèbre. Et pour cause(s): d'une part, c'est son film le plus direct et le plus simple; ensuite, c'est celui qui a longtemps été la seule trace viable de son oeuvre... Enfin, il y a, et c'est une exception dans son oeuvre, un acteur de premier plan, le comédien Paul Robeson, personnalité du théâtre légitime qui en dépit de sérieuses réserves quant au contenu du film, a fini par accepter d'y jouer un intéressant double rôle...

Robeson y est donc "Body" and "Soul", corps et âme, encore qu'il y ait une ambiguité quant au sens à attribuer à chaque terme, car l'un des deux personnages joués par l'acteur est un clergyman, doc on serait tenté de le considérer comme l'âme... Mais le pasteur Jenkins, ou celui qui se fait passer pour le pasteur tant il apparaît comme un escroc, est un sale type peu recommandable: menteur, ancien condamné, voleur, et même, dans la pure tradition du mélodrame, violeur!

A côté de lui, Sylvester, l'autre homme interprété par Robeson, a tout du gendre parfait, ce qui nous amène à nous demander ce qui motive la mère (Mercedes Gilbert) de la jeune Isabelle (Julia Theresa Russel) à refuser que sa fille convole en justes noces avec lui! C'est sans doute d'une part parce que bien que travailleur et sobre il n'est pas aisé; et puis, il y a le charisme du faux prêtre, sa capacité à envoyer toute la paroisse en pâmoison! Lors d'un rêve qui sonnera comme une descente aux enfers, finalement, la maman verra enfin la vérité sur celui dont elle voulait faire son gendre...

Jamais personne ne semble remarquer que dans ce film, les deux personnages masculins, celui qui pourrait accompagner Isabelle vers le bonheur, Sylvester (soul) et celui qui l'emporterait avec lui en enfer, le pasteur (body) sont ressemblants comme deux gouttes d'eau! On échappe même au terrible coup de théâtre qui nous révélerait qu'il s'agit de la même personne! Pourtant, les appels du pied à l'histoire marécageuse du mélo sont nombreux dans le film, mais son principal intérêt repose dans l'obstination remarquable de Micheaux de faire un pamphlet dans lequel il accuse la religion de faire le jeu de la ségrégation en laissant les noirs dans l'ignorance...

Un message rare, et probablement précieux au regard du fait qu'il ait fallu attendre l'arrivée en 1955 sur le devant de la scène de Martin Luther King pour qu'enfin une possibilité de fédérer les Afro-Américains derrière leurs leaders religieux ait, enfin, du poids... A travers ce mélo boiteux mais énergique, plus concentré et plus soigné que les deux autres films muets qu'il nous a laissé, Micheaux aurait-il vu juste?

 

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Published by François Massarelli - dans Oscar Micheaux Muet 1925 **
21 février 2020 5 21 /02 /février /2020 11:13

L'homme est-il un loup pour l'homme... Ou un husky? ans ce remake du film The thing from another world de Christian Nyby, ou plutôt de Howard Hawks, Carpenter s'amuse à renverser le postulat du film initial, et signe un remake qui aurait pu être rudement intéressant... Si l'époque n'avait pas été à la surenchère des effets spéciaux. Parce que que s'il y a un mot qui me vient à l'esprit à propos de ce film, c'est... "trop".

Dans une base polaire de l'armée Américaine, un groupe de douze hommes trompe son ennui, jusqu'au jour ou ils ont une visite peu banale: un husky en fuite, poursuivi par un Norvégien en hélicoptère qui ne lésine pas sur les moyens de l'abattre: fusil, mais aussi grenades! Se sentant menacés, les Américains tuent l'intrus, et recueillent le chien...

Mauvaise idée.

Quand ils veulent ramener le corps du Norvégien à sa base, les Américains ont la surprise de tout découvrir dévasté, de tomber nez à nez avec d'étranges cadavres informes, et surtout de découvrir un sarcophage de glace vide. Les Novégiens ont trouvé quelque chose, mais quoi? Et surtout, où se cache "la chose"? ... ou plutôt, dans quel animal se cache-t-elle?

Devinez.

Dans l'original de 1951, "la chose" était un homme végétal ("A super-carrot", disait un protagoniste sans rire), nouvellement arrivé, ici l'équipe a décidé d'en faire un secret enfoui depuis des millénaires et désireux d'être retrouvé; de fait, la lecture initiale anti-communiste du film de Hawks était devenue obsolète. Hawks est un cinéaste que Carpenter connait bien, au point d'avoir fait un remake d'un autre de ses films (Rio Bravo) avec Assault on precinct 13; mais ici, s'il tend à montrer les hommes à leur meilleur quand ils travaillent, il nous montre surtout une humanité qui se mord la queue à force de ne rien faire, et surtout des hommes qui semblent n'attendre qu'un prétexte pour s'agresser... Des hommes dont la "chose" sera un révélateur de leur propre détestation: intéressant, surtout quand on sait la tournure qu'on pris les rapports domestiques entre les communautés de l'Amérique durant les trente glorieuses: donc, depuis la date de sortie du film de Hawks...

Celui-ci était grandiose pour son suspense naturel, et c'est ce qu'il y a de meilleur ici, cette dynamique de l'attente, rythmée par une musique de Ennio Morricone, qui est l'une de ses moins écoutables en soi, mais qui reste étonnamment fonctionnelle. Mais comme je le disais plus haut, en 1982, on demande du spectaculaire en matière d'effets spéciaux, avec transformation physique en direct, et là rien ne va plus. Car où voulez-vous placer des limites salutaires avec une créature qui se transforme à volonté, dont le but à peine caché est de rendre le film aussi dégoûtant que possible? Les avalanches de bestioles, de tentacules, de démembrements, achèvent de parasiter le film et son ironie.

Je vous vois venir: "aujourd'hui, avec les CGI, ce serait tellement mieux". Ne dites pas de bêtises: les CGI, ces sales petites bêtes qui ont envahi la vie de notre cinéma, ont ceci de particulier qu'ils sont tellement bien faits... qu'on les repère tout de suite, et qu'on n'y croit pas une seule seconde. Non, le  modèle à suivre, en 1982, aurait été Alien ou Jaws: limiter au strict nécessaire le recours à la vision de la créature. Hélas! Si les deux films en question ont de toute évidence eu une influence sur la production de Carpenter, l'air du temps et la tentation du monstre partout, ont eu raison de ce qui aurait pu être bien plus qu'un simple remake consommable.

 

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Published by François Massarelli - dans John Carpenter
20 février 2020 4 20 /02 /février /2020 16:35

On peut éventuellement se perdre en conjectures sur les deux "longs métrages" tirés d'Intolerance trois ans après sa sortie. Essayer de voir dans quelle mesure ils étaient légitimes, quelle part la simple nécessité de rentrer dans ses frais avait joué dans la décision trois ans après la sortie du très long métrage, d'en découper des bouts pour en faire des histoires indépendantes.

Reste que, à la vue de ce film (et de The mother and the law) qui est une version longue du deuxième épisode le plus important d'Intolerance, force est d'en venir à la conclusion qui s'impose: Griffith savait parfaitement ce qu'il faisait, et il avait prévu pour ces deux histoires les plus importantes, de devoir un jour les rendre indépendantes du long métrage final. Les scènes (assez nombreuses) qui complètent ce film pour l'amener à une heure (sachant que tout ce qui est dans la version "Intolerance" de The fall of Babylon ne figure pas dans cette version!) datent clairement toutes de la même époque que le tournage de 1915-1916! Et tous ces ajouts permettent d'amener le film à un tout autre développement, une tout autre conclusion aussi, que dans le film de 3 heures... Désormais, l'accent est mis sur l'histoire d'amour (eh oui, ici, Constance Talmadge se laisse séduire) entre "la fille des montagnes " et le Rhpasode joué par Elmer Clifton.

Cela étant dit, on ne pourra pas nier que contrairement à The mother and the law, dont la force pamphlétaire reste intacte dans sa version "indépendante" (voire renforcée par la concentration autour d'une seule intrigue), ce long métrage reste anecdotique, paradoxal aussi: ces plans de l'énorme décor délirant, ces figurants littéralement par centaines, la prise de vue en ballon captif... Tout ça pour un plaisant mais anecdotique long métrage de 62 minutes aussi décoratif que vide? ...Il est malaisé de séparer cette Chute de Babylone de sa position de choix dans Intolerance.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet 1916 **