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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 16:39

On peut toujours s'interroger, au vu du reste de l'oeuvre de David Lynch et son orientation particulièrement surréaliste, sur la place de ce qui reste sans doute son film le plus grand public... C'est en voyant son premier long métrage, le redoutable Eraserhead, que le producteur Stuart Cornfeld a proposé à Lynch de travailler avec lui, et l'idée de réaliser un portrait de Joseph Merrick n'était que l'une des pistes soumises au réalisateur... Mais c'est celle qu'il a choisi, sans hésiter.

Joseph Merrick, nommé John dans le film, est un cas célèbre de la science, un homme aux difformités exceptionnelles, qu'on explique encore assez mal aujourd'hui; la plupart des thèses scientifiques sur les raisons de son état sont généralement des maladies de déformation progressive, l'hypothèse la plus souvent admise étant que Merrick souffrait d'un cas aigu du syndrome de Protée. Ajoutons à ça des blessures durant son enfance (Il lui était déjà extrêmement pénible de se déplacer en raison de sa tête trop large) qui lui avaient laissé des séquelles graves, et une condition physique aggravée par les privations et la vie à la dure durant ses années de cirque... Le rôle était une chance incroyable pour n'importe quel acteur, il ne pouvait aussi qu'être difficile, en raison de l'attirail à porter sur le corps et la tête. Mais John Hurt y est, comme à son habitude, extraordinaire. Merrick, à sa façon, est un des symboles de l'époque Victorienne, et Lynch ne se prive pas, dans son film, d'y faire allusion...

Londres, 1884: Un médecin, le Dr Frederick Treves (Anthony Hopkins), découvre un étonnant spécimen dans une galerie de monstres de foire. Surnommé "Elephant man", il est atteint de difformités extrêmes, et on prétend qu'il est né ainsi suite à un accident qui serait survenu durant la grossesse de sa mère, dont on répand la rumeur qu'elle aurait été piétinée par des éléphants. Treves décide d'exhiber Merrick (John Hurt) devant ses collègues de l'académie de médecine. Mais non seulement l'homme est de santé fragile, mais son "montreur" ne se prive pas de le battre, et un jour Merrick fait appel à Treves. celui-ci le fait installer à l'hôpital, où Merrick lui-même va gagner la confiance de tous, grâce à sa gentillesse, et son extrême douceur... Il va aussi attirer la crapulerie de certains, et le forain qui l'exhibait auparavant n'a pas dit son dernier mot...

Quelle splendide galerie de personnages! Outre Merrick et son impatience de découvrir enfin la vie et l'amitié de ceux qui l'accueillent, on appréciera la gaucherie de Treves, la pudeur du personnage aussi qui après avoir traité Merrick strictement comme un cas médical, en vient à se prendre d'amitié sincère pour lui... Mais on est à l'époque Victorienne, et le bon docteur gardera une certaine distance. Les infirmières seront quant à elles séduites les unes après les autres, et on appréciera de retrouver, non sans émotion, la grande Wendy Hiller (I know where I'm going de Michael Powell) en infirmière un brin acariâtre, mais pas trop longtemps, qui va devenir une vraie mère poule pour John Merrick... A propos de Michael Powell, on aperçoit aussi Kathleen Byron (Black Narcissus, The small back room) en dame de la bonne société qui vient s'encanailler en allant visiter Merrick à l'hôpital. Le supérieur hiérarchique de Treves est interprété par John Gielgud, et c'est sans surprise une superbe composition.

De l'autre côté les gens qui vont faire du mal à Merrick sont essentiellement Bytes, le forain (Freddie Jones) et le gardien de nuit de l'hôpital, interprété par Michael Elphryck, qui contre quelques pièces, ouvre la porte de la chambre de ses amis (Des soiffards et des prostituées) pour y montrer Merrick et occasionner quelques frissons. Heureusement, grâce à sa notoriété, Merrick va faire des rencontres déterminantes: la princesse de Galles, future reine consort (Helen Ryan) s'intéresse à son cas, ainsi qu'une actrice de premier plan, Madge Kendal (Anne Bancroft), qui va le rencontrer à plusieurs reprises et lui dédier une représentation...

Car Merrick est montré, partout, depuis la foire, jusqu'à l'académie de médecine, en passant par la chambre où viennent l'importuner les ivrognes qui ont payé. Lorsque la Reine s'intéresse à son cas, c'est toute la noblesse qui se déplace, et pour finir, lors de la soirée de gala à laquelle assiste le jeune homme à la fin du film, Madge Kendal le montre à la foule et le fait applaudir. C'est, bien sûr, avec une approbation générale de la part du public, mais c'est aussi une façon de rappeler que même enfin réhabilité en tant qu'être humain (Ce qui est son souhait le plus cher, comme le rappelle la réplique la plus connue du film), la seule vocation de Merrick, est d'être montré...

Et ce n'est pas un petit paradoxe, à une époque durant laquelle on cache tout. La vie est systématiquement divisée en deux: les riches d'un côté, les pauvres de l'autre; les femmes au salon et les hommes au fumoir; la bonne société le jour, et la racaille la nuit... On ne parle pas de sexe, ce qui n'empêche pas de le consommer, mais c'est définitivement une affaire de la nuit et de la racaille. Les tables n'ont pas de "jambes" (Legs), car cela évoque le corps humain... Non, on parle plutôt de leurs "extrémités".

Alors comment intégrer Merrick, qui est montré , lui, précisément pour son corps? Lors de l'exhibition à l'académie, Treves invite ses collègues à observer l'appareil génital parfaitement normal du jeune homme... Il en devient à la fois le côté obscur de l'époque (En concurrence, je l'admets volontiers, avec rien moins que Jack l'éventreur, qui lui le revendiquait fièrement en exposant l'intérieur du corps des prostituées qu'il massacrait!), et sa bonne conscience, car si Lynch nous montre bien la bonne société se jeter sur lui afin de paraître, il n'en reste pas moins que les efforts de Treves, Kendal, et de la majorité du personnel de l'hôpital sont mus par une sincère affection... Le film baigne d'ailleurs dans une peinture de l'époque Victorienne, ses salons et sa saleté, ses fumées, et autres vapeurs dégoûtantes vomies par les hauts-fourneaux, les cheminées de bateaux et de trains...

Et la scène la plus fameuse se déroule dans une gare, un lieu hautement symbolique des conséquences de la révolution industrielle qui avait installé l'Angleterre dans sa position dominante. Poursuivi par les passants qui l'ont vu bousculer par mégarde une petite fille, et ont enlevé son masque, Merrick se réfugie dans un autre lieu symbolique, les latrines de la gare. Et là, il clame son humanité, à la face d'une populace éberluée... Confirmant ainsi son statut particulier de symbole de l'époque dans son avancement et son raffinement, dans l'affirmation de son humanité et son goût pour les arts et le théâtre, tout en effectuant ce rappel à la décence dans un lieu condamné à ne pas exister pour les bien-pensants de cette paradoxale fin de siècle...

David Lynch a réalisé le film d'une façon très frontale, en choisissant bien sur un noir et blanc sobre qui contraste avec l'infect 16 mm bien poisseux de son premier long métrage. Il a constamment laissé ses personnages s'installer, et il n'y a pas de second degré dans le film, ni d'humour noir excessif. Tout au plus peut-on constater que Lynch s'amuse un peu à montrer comment la gaucherie de Merrick et l'inadaptation de Treves face à ses propres sentiments débouchent volontiers sur une certaine cocasserie, mais le metteur en scène évite au film de tourner à la farce. Par contre il a choisi une ouverture et une conclusion qui virent à l'onirisme le plus radical: l'introduction joue sur la croyance répandue à l'époque de Merrick, que sa mère avait été bousculée par des éléphants, et le final lie l'amour de John pour la poésie, l'image récurrente de sa mère disparue, et sa fin ambiguë: il semble en effet que Merrick soit mort d'avoir voulu être normal. Sa tête trop grosse l'empêchait de se coucher pour dormir, comme le commun des mortels; le faire revenait à se condamner à se briser le cou... Mais cela ne l'a pas empêché de tenter. C'est ce que montre le film.

Ainsi, si on est loin de l'univers onirique habituel de Lynch, on reste malgré tout dans un domaine proche de l'inconscient, dans une sorte d'entre-deux mondes entre le rêve (sous une forme cauchemardesque, le cauchemar permanent que vit Merrick) et une réalité sordide, mais qu'on cache en permanence. Un terrain de jeux en somme pour le réalisateur qui a le plus fait de films en lien avec le monde oppressant, absurde et profondément esthétique des rêves. The Elephant Man n'est pas une concession de Lynch qui va à l'encontre de son univers, c'est plutôt une intéressante introduction à son oeuvre, qu'on l'aime où qu'on la déteste.

 

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Published by François Massarelli - dans David Lynch Criterion
17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 09:20

Soyons beaux joueurs, à l'ère des portables, et de la banalisation de l'art, on aurait probablement pensé que de tels films auraient envahi les écrans. Je veux parler des films (Généralement appartenant au genre fantastique) tournés comme s'ils avaient été faits dans le feu de l'action, par des gens munis d'une caméra, et auxquels une chose totalement invraisemblable arrive... But du jeu, rendre l'histoire possible à suivre sans jamais passer par le cadre confortable d'un plan bien cadré, et trouver les moyens de justifier l'injustifiable, tout en donnant à la chose l'allure de la vérité. Voilà en gros le cahier des charges de ce projet mené entre autres par Reeves, le producteur J.J. Abrams et le scénariste Drew Goddard, qui n'ont pas du tout envie de se prendre au sérieux. Ici, l'histoire concerne une soirée à Manhattan durant laquelle des monstres immenses et très très méchants attaquent la ville, le tout vu du point de vue d'une bande de jeunes amis qui étaient à une fête organisée pour l'un d'entre eux, qui s'apprêtait à partir pour travailler au Japon. La présence de la caméra est doublement justifiée: l'un des amis (Un indescriptible loser) se voit confier la mission d'interroger tout le monde et de filmer les amis du héros de la soirée, lorsqu'ils disent un petit mot pour lui. Au milieu de la confusion engendrée par un incident entre deux protagonistes, le chaos commence, tout le monde est évacué, seuls quatre des fêtards vont se retrouver dehors, et... Hud continue à filmer: la deuxième justification de cet improbable événement, c'est qu'il y a pris goût!

Et globalement, ça marche, parce qu'au-delà du gimmick, certes un peu énervant, il y a trois qualités à ce film (Au milieu d'innombrables défauts): d'une part, les personnages sont motivés, clairs dans leurs rapports parce que très bien exposés au départ, et la rigueur de la structure a permis qu'on les suive sans aucune ambiguïté. Une autre qualité, c'est qu'on ne voit que ce qui est filmé par les protagonistes, par une caméra DV, donc on ne verra pas trop les sales bestioles et le chaos ambiant. Parce que quand on en voit, le film cesse immédiatement d'être crédible, voire intéressant. C'est donc, comme les meilleurs films du genre, une oeuvre consacrée justement à l'angoisse. Enfin, le film se nourrit de l'atmosphère post 9/11, comme The war of the worlds de Spielberg, et le fait avec intelligence, sans le dire, en jouant donc sur la conscience collective. Et il le fait à Manhattan...

Mais une question, quand même, me taraude: suis-je définitivement trop vieux pour accepter les évolutions de l'imagerie cinématographique, où bien les monstres de ce film sont-ils épouvantablement laids? Des créatures inspirées de la bande dessinée Américaine, un art pour lequel je n'ai pas la moindre sympathie, mais c'est le même problème que dans The Mist de Darabont: trop de sales bestioles!

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Published by François Massarelli - dans horreur
16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 18:05

Yosemite Sam (Costumé en pirate, voir plus bas) vient sur une île pour y enterrer son butin... avant de constater qu'il y a un intrus dans ses réserves: un lapin y a élu domicile. La lutte sera inégale, et sempiternelle, mais le bandit va quand même s'attaquer, une fois de plus, à son ennemi juré...

C'est un dessin animé de plus, ce qui ne veut pas dire que ce soit un dessin animé de trop. Il y avait sans doute, pour Freleng, quelque chose de'exaltant à revenir sans cesse à la charge en proposant une confrontation entre ces deux-là! ici, on notera avec amusement le fait que Bugs Bunny connaît ses classiques, et imite le capitaine Bligh façon Charles Laughton, tout droit sorti de Mutiny on the Bounty, de Frank Lloyd; c'est une performance de plus pour Mel Blanc, qui n'imite pas directement Laughton, mais Bunny imitant Laughton jouant un rôle spécifique! Et sinon, une série de mouvements sur le bateau avec des portes, et l'habituele utilisation par Freleng de la ponctuation musicale basée sur les pizzicati (En Italien, on dit un "pizzicato", sauf au pluriel: un scénario des scénarii, un massarello, des Massarelli, etc) des cordes, ce qui déclenche inévitablement en l'enfant qui sommeille (Ou doit sommeiller) en tout spectateur un ravissement roboratif...

Sinon, sachant que Yosemite Sam est le plus souvent un cow-boy, je me suis souvent demandé pour quelle raison les traducteurs Français de ces films avaient fini par le baptiser "Sam le pirate". Je pense que ce film, un authentique classique, en est la raison.

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Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes
16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 17:56

Si la production des Bugs Bunny est dominée en nombre par les films de Freleng et McKimson (Qui ont été les seuls réalisateurs à travailler sur le personnage en 1948), les films tournés par Chuck Jones sont désormais les plus intéressants du lot! Jones n'a pas encore sorti son premier dessin animé des aventures malencontreuses du Coyote et de son tant désiré, mais trop rapide pour lui, oiseau idiot, mais il ne va pas tarder, et il est déjà un peintre paradoxal de l'absurdité humaine, qui n'a pas son pareil pour rendre abstrait le plus trivial des, par exemple, matches de boxe... Et il s'en passe des choses sur ce ring, vous pouvez me croire!

Comme dans Baseball Bugs (De Freleng), Bugs est enrôlé pour se battre contre un adversaire trop grand pour lui, mis une fois sur le ring (Après une notable et inattendue période d'hésitation bien compréhensible), il va triompher de façon systématique au cours de 110 rounds, avant de trouver une façon de finir un cartoon qui aurait pu durer très longtemps, en rappelant que Bugs Bunny se rend maître de tout, y compris de la matière filmique représentée par les films dont il est la vedette. Bon, ce n'est sans doute pas le plus réjouissant des films de Bugs Bunny, mais il convient de s'y attarder de temps à autre...

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Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes
16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 17:38

Il n'y aurait pas grand chose à dire sur ce film s'il ne s'agissait en fait d'un de ces mystères filmographiques dont le muet est riche, et dont la carrière oubliée et largement perdue de Max Linder regorge de façon excessive. Je m'explique: d'une part, au visionnage, le film est embrouillé et même brouillon: alors qu'elle discute avec un homme, une lettre de Max lui donne rendez-vous dehors... avec un âne. Elle convient de quelque chose avec l'homme, qui disparaît du film. A l'extérieur, elle monte d'abord sur un âne authentique, avant de se retrouver juchée sur un homme déguisé en âne. C'est le seul animal qui restera, et en dépit du fait qu'il s'agit d'un déguisement, ce ne sera jamais soulevé dans le reste du film... Les copies Anglophones sont pourtant différentes (Dans leurs intertitres, et dans l'intrigue): bien sur, l'homme qui est caché dans le costume d'âne est le rival de Max, qui s'avère d'ailleurs être le fiancé officiel de la dame. Par contre pas plus dans les copies disponibles en Anglais que dans les originales, on ne trouve la moindre révélation de "l'identité" de l'âne! Quoi qu'il en soit, les questions soulevées par le film sont les suivantes: quel est la version originale? Le synopsis fourni sur le site de Pathé va dans le même sens que a version Anglaise, on peut donc en conclure qu'il s'agirait de la version d'origine. L'autre est tirée des collections de Maud Linder, celle-ci aurait-elle réadapté le film à sa convenance (On sait qu'elle a souvent été amenée à procéder à des petits arrangements de la sorte)? Et si oui, pourquoi? Enfin, existe-t-il une copie plus complète? Autant de questions auxquelles il est bien sur impossible de répondre, et tant pis, car avec sa poursuite sur les toits filmée poussivement dans les studios Pathé, avec ses toiles peintes, le film est un objet bien poussiéreux.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Max Linder
16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 07:55

Une tribu Sioux prend assez mal la violation d'un accord par une compagnie Américaine qui vient installer un chemin de fer sur la réserve, et s'attaque au fort dans lequel un pauvre bataillon de la cavalerie va souffrir. Mais la tragédie viendra en réalité d'ailleurs, du destin individuel d'une jeune femme Indienne qui sera une victime indirecte de la situation. Les Indiens, ici, sont certes une menace, mais décente, rationnelle, débarrassée des oripeaux du racisme ordinaire dont on accuse souvent le western à tort. Et le film, attribué à Thomas Ince, mais probablement du en réalité au grand frère de John Ford, Francis, qui était un acteur-réalisateur très actif à l'époque, est le premier à mettre en scène une vraie tribu Indienne, tout en proposant une vision de l'Ouest nettement plus réaliste que ne le feront bien des films ultérieurs.

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Published by François Massarelli - dans Western Muet Thomas Ince 1912 *
15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 18:08

Griffith n'avait, dans les années 10, ni l'apanage des avancées cinématographiques, ni celui des productions liées à l'histoire de la Guerre Civile. Et c'est justement quelques mois après le monumental The Birth of a nation, que la Kay Bee (l'unité de production sous la direction de Thomas Ince, partie intégrante de la Triangle Film Corporation) sortait ce fantastique film de Reginald Barker... souvent attribué à Ince, et ce pour deux raisons: d'une part le brillant touche-à-tout était le scénariste en plus d'être le producteur de ce film; d'autre part, comme le faisait remarquer avec humour Buster Keaton, Ince était plutôt du genre à s'auto-créditer de tout et n'importe quoi qui sortait de ses studios... D'où un certain nombre de difficultés à créditer correctement les films. Pas celui-ci: Barker en est bien le réalisateur, comme d'autres films majeurs du studio, du reste.

L'argument fait penser à un film de Griffith, encore lui: The house with closed shutters (1910) était un court métrage de la Biograph dans lequel un jeune soldat confédéré désertait et sa soeur endossait son uniforme et sa responsabilité afin de protéger la famille de la disgrâce... Dans The Coward, le conflit reste le même, et nous assistons aux fêtes qui précèdent le départ pour le front de tout un pan de la jeunesse Sudiste. Mais Frank Winslow (Charles Ray) ne partage pas l'enthousiasme de sa génération: il a peur de partir, et va tout faire pour éviter de s'engager. Son père, un colonel à la retraite (Frank Keenan) qui s'engagerait si on voulait bien de lui, va l'amener au bureau de conscription sous la menace d'une arme. Le fils part bien au front, mais à la première occasion, déserte et se réfugie chez ses parents. Pour réparer la disgrâce, le vieux colonel enfile l'uniforme et rejoint les lignes sudistes. Pendant ce temps, l'armée de l'union se rapproche, et un groupe d'officiers s'impose dans la maison des Winslow. Frank sent monter en lui un courage nouveau...

Ince avait l'habitude de tourner (Ou produire) des films situés lors de la guerre civile, souvent avec Francis Ford. Donc il serait vain de s'imaginer que c'est l'énorme succès de The Birth of a nation qui l'aurait décidé à se lancer dans cette production. Et le style est très éloigné de celui de Griffith. La parenté avec le court métrage cité plus haut s'oublie très vite, notamment parce que le long métrage de Barker bénéficie d'un avantage certain: contrairement à Griffith en 1910, il a pu s'intéresser à ses personnages, et le vrai sujet du film devient vite évident: ce qui nous importe, c'est ce qui se passe dans la tête des deux personnages. La façon dont Frank admet puis assume sa peur, la réaction incrédule du vieil homme, la mère éperdue située entre les deux hommes, dans un conflit qu'elle n'a aucun pouvoir pour résoudre, puis la peur qui monte pour le soldat Winslow, enfin la détermination du vieux qui a pris sa place, qui lentement s'approche de la caméra, sa tête burinée prenant toute la place... Le film est plein de ces moments de suspension de l'action, et les personnages prennent le temps d'exister!

Bien sur, il y aura des quiproquos, et suffisamment d'invraisemblances, mais peu importe, on est face à un film classique, d'une exigence rare, et qui fera des petits: impossible de ne pas penser à The General lors de la scène de confrontation entre Frank et les officiers Nordistes dans le salon de la maison Winslow, un moment durant lequel Barker accélère soudainement le rythme, et nous montre Frank, caché... sous la table. Les scènes de combat sont impressionnantes, et le film, après tout, se termine bien. Tant qu'à faire! Un classique à voir, donc, et qui donne envie de s'attaquer à la montagne de films sortis des studios de Thomas Ince.

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Published by François Massarelli - dans Thomas Ince Muet Guerre de Sécession 1915 **
15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 13:35

Encore un film de Max Linder qui part d'une situation médicale: comme Max Linder ne se sent pas bien, il va voir un médecin qui lui prescrit de boire un verre de quinquina par jour. Avec son épouse, il ne trouve qu'un seul verre pour absorber le liquide, le médecin lui ayant conseillé d'utiliser "un verre à Bordeaux", ils choisissent donc un immense récipient, sur lequel est estampillé "Souvenir de Bordeaux"! Inévitablement, Max se sent bien mieux après absorption de la boisson, et part en vadrouille immédiatement. Il se rend dans un café où il se fâche avec plusieurs clients. Tous lui donnent leur carte, et il terminera la journée en revenant se coucher... mais pas chez lui, ce qui provoquera des problèmes.

C'est l'un des films les plus connus de Linder, et l'un de ses plus classiques aussi. On constatera plusieurs aspects dans cette bobine qui lient l'oeuvre de Linder à celle de Chaplin: une certaine tendance dans ce film à s'attacher avec minutie à tous les gestes d'un fêtard, dont l'enchaînement des tribulations provoque également un enchaînement des catastrophes, est à la base de One A. M., mais aussi de The Rounders (Tourné par Chaplin en collaboration avec Arbuckle), et cette veine comico-éthylique se poursuit chez Chaplin jusqu'à City lights. Pour Linder, on pense bien sur à quelques séquences de Seven years bad luck, mais aussi à Be my wife qui tourne beaucoup autour de la soûlographie à l'age de la prohibition. Mais dans Max victime du quinquina, on constatera aussi un début de prise de conscience esthétique pour Linder qui jusqu'à présent tournait ses films sans trop se préoccuper de l'image. Un plan est frappant par son côté comique: après l'absorption du liquide, une voiture est en attente devant la maison de Max. Elle est vue de l'arrière, et simultanément, Max (A gauche) et un autre monsieur (A droite) entrent dans le véhicule. Une fois dedans, ils sortent immédiatement, se retrouvent tous les deux au premier plan pour se confondre en excuses, Puis... retournent ensemble pour rejouer exactement la même scène. Une simple observation débouche ici sur un effet visuel, qui confine à l'absurde. Voilà qui place immédiatement Max à l'avant-garde des comiques Français. En même temps, au vu des films de Bosetti, Jean Durand et Georges Monca, ce n'était pas trop compliqué!

Dans le film tel qu'il se déroule, on trouve un autre lien avec Chaplin, mais qui débouche sur une curieuse absence de scrupules: là ou Chaplin aime beaucoup montrer ses personnages qui défient les moments solennels en affichant ouvertement des remontées de gaz grossières, l'artiste s'arrêtait toujours à temps: mais là ou Chaplin jouait à nous faire croire qu'il vomissait depuis le bateau de The immigrant, Linder lui vomit carrément dans le chapeau d'un de ses antagonistes, qui va en plus mettre le chapeau sur sa tête, et en recevoir l'inévitable conséquence. C'est presque choquant,..

Avec ses qualités et ses défauts, ce film montre en Max Linder un auteur décidé à forger sur les bases qu'il a installées auprès du public (Un ton, un univers et un personnage qui sont tous distinctifs, reconnaissables et appréciés) un comique qui va jouer, de plus en plus, sur la précision des gestes. Une tentation du raffinement, que ne permettait pas toujours ni l'économie particulière du cinéma comique Français dans lequel il fallait travailler vite et sans trop dépenser, ni le tempérament de Linder qui filmait tout ce qui bouge sans jamais prendre le temps de s'arrêter. En attendant, avec ce film qui s'est très bien vendu dans le monde entier à partir de sa sortie en janvier 1912, Max Linder a définitivement imprimé sa marque.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Max Linder
14 février 2016 7 14 /02 /février /2016 10:56

En dépit de sa faible inventivité comique, ce film est intéressant à plus d'un titre. Pour commencer, le titre ne ment pas, il a été effectivement tourné par Linder durant une convalescence, qui l'a amené à rentrer provisoirement dans la propriété de sa famille. Ensuite, il y profite à fond de l'effet "carte postale", et prend plaisir à tourner au-delà de son intrigue, d'autant que les acteurs en sont en fait les membres de sa famille: ses parents Jean et Suzanne Leuvielle, et sa soeur Marcelle. Celle-ci en particulier bénéficie de l'affection de son frère, qui la filme cueillant des fruits avec soin, dans des plans lyriques et tendres. De plus, elle "joue" avec un naturel rare en cette époque...

Pour le reste, le film montre de quelle façon Linder, revenu chez lui pour se reposer, et accueilli par sa soeur, aura bien du mal à trouver le repos en raison de l'inimitié solide qui s'établit entre lui et un poney irascible, qui va bientôt tout faire pour lui nuire... Le film est assez clairement improvisé, mai il aurait pu être une vraie catastrophe. Il est, au contraire, plutôt émouvant.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Max Linder
14 février 2016 7 14 /02 /février /2016 10:44

Ce film est un classique, mais c'est aussi un paradoxe à sa façon: réalisé durant la période qui suivit un accident de Linder, il est crédité à Lucien Nonguet, un réalisateur à tout faire de chez Pathé, qui a souvent été présent pour seconder Linder durant cette période. Et il a aussi du s'illustrer dans les pochades gentiment anarchistes de la production burlesque, qui était souvent à des années lumières de l'inspiration boulevardière de Max Linder, et qui se déclinait en des kilomètres de films courts se terminant immanquablement par une poursuite délirante... Pourtant Max prend un bain est presque une synthèse de ces deux tendances comiques.

Max Linder a un gros problème de santé: un tic envahissant dans l'épaule gauche lui mine la vie. Le médecin qu'il consulte n'a qu'une solution, apparemment simple, à lui fournir: il va lui falloir prendre un bain froid par jour! Max s'achète donc une baignoire, qui va être difficile à transporter chez lui, puis tente de se préparer un bain... Mais le robinet est mal placé, sur la palier de son appartement: Max est donc obligé d'y placer la baignoire, en espérant qu'il n'y aura pas trop de passages dans l'escalier. Bien sur, il y en a: une dame bien comme il faut, un clochard et un voisin se succèdent! Pour finir, la maréchaussée est convoquée pour l'arrêter, et tout ce petit monde se poursuit sur les toits.

On reconnait le vieux procédé si visible des murs dessinés en trompe l'oeil sur une toile mise à même le sol, donnant l'illusion que les acteurs qui évoluent dessus à l'horizontale sont en fait à la verticale. Du reste, avec une baignoire lourde sur la tête, il aurait sans doute été malaisé pour Max Linder de tenter une escalade...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Max Linder