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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 12:12


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Vidor est pour la MGM un héritage de la Goldwyn et de la Metro, les deux studios pour lesquels il a tourné entre 1922 et 1924, principalement des films mélodramatiques dont ceux qu'on peut encore voir aujourd'hui sont plutôt impressionnants. Le metteur en scène avait un flair pour le drame, et ses ingrédients, qui se retrouveront bien sur dans ses films parlants pendant pusieurs décennies... mais au-delà du mélodrame flamboyant, le Vidor qui semble se dégager de ses meileurs films muets est principalement le metteur en scène qui approchera Irving Thalberg et obtiendra sa confiance pour deux projets particulièrement chers à ses yeux: The big parade et The crowd, le succès du premier sur la guerre rendant de fait le tournage du second, un film particulièrement peu commercial, possible. Vidor était un artiste ambitieux, génial, il avait la confiance de ses employeurs, et le cinéaste visionnaire a su coller à on époque (A ce titre the crowd est un film de la trempe de Lonesome, de Sunrise...), acceptant parfois une commande d'un film plus léger (La Bohème, Bardelys the magnificent) qui lui permettait ainsi ensuite de mener à bien ses projets personnels... découvreur de John Gilbert (Parade, Bohème, Bardelys) Vidor est aussi celui qui a permis à Marion Davies de faire son vrai coming-out en tant qu'actrice de pure comédie, avec Show People et The patsy, et en prime les deux films sont irrésistibles, le premier étant le meilleur des films muets qui traient de la vie à hollywood sur les plateaux de cinéma...

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Si la firme a longtemps mis en avant The big parade dont Thalberg était probablement (A juste titre) aussi fier que son metteur en scène, celui-ci était certainement l'atout principal de la firme en ces années muettes. Profondément Américain (Ses films ambitieux mis bout à bout, forment un remarquable portrait de l'homo americanus), humaniste et doté d'un flair sans pareil pour les scènes à hauteur d'homme, Vidor était celui qui réussissait au mieux à faire la jonction entre un cinéma artistique et ambitieux, et le succès public, ce qui allait se prolonger durant le parlant... Ars gratia artis.

Wine of Youth (1924)
His Hour (1924)
Proud Flesh (1925)
The Big parade (1925)
La Bohème (1926)
Bardelys The Magnificent (1926)
The crowd (1927)
Show people (1928)
The patsy (1928)

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Published by François Massarelli - dans Muet
1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 12:11


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La présence de Stroheim à la MGM est un paradoxe: il a fini au studio parce qu'il cherchait son indépendance... Et l'a obtenue, en 1923. Après d'être isolé durant de nombreux mois pour monter son film extravagant, Greed, il lui a fallu apprendre que les commanditaires de son film n'existaient plus, et qu'il devait désormais répondre à Irving Thalberg et à la MGM, nouveaux propriétaires de son contrat et de son film... je ne reviens pas sur ce film, bien connu, ni sur son histoire unique (Du reste, j'en parle abondamment ici: http://allenjohn.over-blog.com/article-greed-erich-von-stroheim-1924-65605963.html)...

Ensuite, Stroheim a du tourner un film, The merry widow (

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 21028.html

) pour la MGM, avec les techniciens MGM, les acteurs MGM, dont il a toujours dit que c'était un navet. C'était faux, mais les légendes ont la vie dure, c'est devenu quasiment officiel... Les deux films sont relativement visibles aujourd'hui, mais on aimerait qu'une édition digne de ce nom de Greed voie le jour. Stroheim, paradoxalement, est presque devenu avec le temps l'un des piliers de cette exemplaire production muette de la MGM, lui qui n'a fait qu'y passer, y pousser deux ou trois colères, et... y tourner deux oeuvres essentielles.

Greed (1924)
The merry Widow (1925)

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Published by François Massarelli - dans Muet
1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 12:08

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Les cinq années passées à la MGM sont pour Browning une période essentielle durant laquelle il va renaitre, grâce à un film et une star: Lon Chaney ne voulait que lui pour lancer sa carrière MGM (Il avait déja tourné en indépendant dans deux productions distribuées par le studio): The unholy three allait non seulement montrer l'importance de Lon chaney à la firme du lion, mais aussi sortir Browning de l'ornière dans laquelle il végétait depuis sa disgrace alcoolique à la fin de son contat avec Universal. après 1929 et un film parlant (The thirteenth chair), Browning allait retourner à la MGM après une escapade par la Universal, durant laquelle il allait tourner Dracula.

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Le personnage, les films de Tod Browning, la liberté dont il semble avoir disposé durant ces belles années sont une exception à la MGM: il a développé dans le studio de Louis B. Mayer, avec la bienveillance de Thalberg (et la protection de Chaney, ce qui n'est sans doute pas rien) des films hallucinants, souvent en rapport avec le monde du spectacle, qui sont d'un ton proche du fantastique. Les personnages joués par Chaney dans 7 de ses 9 films muets y ourdissent des plans sadiques de vengeances impressionnantes, et les handicaps physiques réels (Road to Mandalay, un borgne, et West of Zanzibar, un paralytique) ou imaginaires (The blackbird, The unknown) y cachent des manques affectifs, et une incapacité à se faire aimer qui était déja la marque de fabrique de l'acteur. Ses films sans lui (The mystic, The show) ne ressemblent à aucun autres, et ses deux films perdus sont activement et ardemment recherchés. Pour ma part, c'est surtout The big city que j'aimerais voir...

The unholy three 1925
The mystic 1925 avec Aileen Pringle
The blackbird 1925
Road to Mandalay 1926, incomplet
The show 1926, avec John Gilbert
The unknown 1927
London after midnight 1927 Perdu
The Big City 1927 Perdu
West of Zanzibar 1928
Where east is east 1929

 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet
1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 11:55

Créée en 1924, sur les décombres de la Metro et de la compagnie indépendante de Goldwyn (le nom Mayer ne viendrait que plus tard), la MGM est aujourd'hui, grâce à une politique de préservation sans précédent et franchement visionnaire, un des ensembles les mieux connus des cinéphiles. Les oeuvres liées de Vidor, Browning, ou les films avec Greta Garbo, les passages répétés au CdM, les films diffusés via la collection warner Archives... Tout ça est heureusement accessible.

 

Les films soulignés sont disponilbles sous une forme ou une autre en DVD.

Les titres signalés d'une astérisque sont sans doute perdus...

 

Along Came Ruth (1924) Eddie Cline*
Bread (1924) Victor Schertzinger *
Broken Barriers (1924) Reginald Barker *

Cheaper to Marry (1924) Robert Z. Leonard *
Circe, the Enchantress (1924)Robert Z. Leonard *
Excuse Me (1924) Alf Goulding *
Greed (1924) Erich Von Stroheim

He Who Gets Slapped (1924) Victor Sjöström
His Hour (1924) King Vidor
Janice Meredith (1924) E. Mason Hopper
Lady of the Night (1924) Monta Bell
Little Robinson Crusoe (1924) Eddie Cline
Mademoiselle Midnight (1924) Robert Z. Leonard
Married Flirts (1924) Robert Vignola *

One Night in Rome (1924) Clarence Badger *
Revelation (1924) George Baker *
Romola (1924) Henry King
Sherlock, Jr. (1924) Buster Keaton
Sinners in Silk (1924) Hobart Henley *
So This Is Marriage? (1924) Hobart Henley *
Tess of the d'Urbervilles (1924) Marshall Neilan *
The Arab (1924) Rex Ingram
The Bandolero (1924) Tom Terriss *

The Beauty Prize (1924) Lloyd Ingraham *
The Dixie Handicap (1924) Reginald Barker *
The Great Divide (1924)Reginald Barker *
The Navigator (1924) Buster keaton & Donald Crisp
The Prairie Wife (1924) Hugo Ballin *
The Rag Man (1924) Eddie Cline
The Red Lily (1924) Fred Niblo
The Silent Accuser (1924) Chester Franklin *
The Snob (1924) Monta Bell *

The Wife of the Centaur (1924) King Vidor *
Wine of Youth (1924) King Vidor

 

A Slave of Fashion (1925) Hobart Henley *
Ben-Hur (1925) Fred Niblo
Bright Lights (1925) Robert Z. Leonard *
Confessions of a Queen (1925) Victor Sjöström Incomplet
Daddy's Gone A-Hunting (1925) Frank Borzage
Dance Madness (1925) Robert Z. Leonard * 
Don't (1925) Alf Goulding *
Exchange of Wives (1925) Hobart Henley *
Go West (1925) Buster Keaton
His Secretary (1925) Hobart Henley *
La Bohème (1925) King Vidor
Lights of Old Broadway (1925) Monta Bell
Man and Maid (1925) Victor Schertzinger *
Mare Nostrum (1925) Rex Ingram
Never the Twain Shall Meet (1925) Maurice Tourneur *
Old Clothes (1925) Eddie Cline
Pretty Ladies (1925) Monta Bell
Proud Flesh (1925) King Vidor
Sally, Irene and Mary (1925) Edmund Goulding
Seven Chances (1925) Buster Keaton
Soul Mates (1925) Jack Conway *
Sun-Up (1925) Edmund Goulding
The Auction Block (1925)Hobart Henley *
The Big Parade (1925) King Vidor
The Blackbird (1925) Tod Browning
The Circle (1925) Frank Borzage
The Denial (1925) Hobart Henley
The Devil's Circus (1925) Benjamin Christensen
The Great Love (1925)Marshall Neilan *
The Masked Bride (1925) Christy Cabanne, Joseph Von Sternberg *
The Merry Widow (1925) Erich Von Stroheim
The Midshipman (1925) Christy Cabanne *
The Monster (1925) Roland West
The Mystic (1925) Tod Browning
The Only Thing (1925) Jack Conway *
The Sporting Venus (1925) Marshall Neilan
Time, the Comedian (1925) Robert Z. Leonard *
The Tower of Lies (1925) Victor Sjöström *
The Unholy Three (1925)Tod Browning
The Way of a Girl (1925) Robert Vignola
The White Desert (1925) Reginald Barker *
Zander the Great (1925) George Hill

A Certain Young Man (1926) Hobart Henley *
A Little Journey (1926) Robert Z. Leonard *
Altars of Desire (1926) Christy Cabanne *
Bardelys the Magnificent (1926) King Vidor
Battling Butler (1926) Buster Keaton
Beverly of Graustark (1926) Sydney Franklin
Blarney (1926) Marcel De Sano *
Brown of Harvard (1926) Jack Conway
Exit Smiling (1926) Sam Taylor
Exquisite Sinner (1926) Josef Von Sternberg, Phil Rosen Conservé pour les uns (Psfl), perdu pour les autres
Flesh and the Devil (1926) Clarence Brown
Johnny Get Your Hair Cut (1926) B. Reeves Eason, Archie Mayo *
Love's Blindness (1926) John F. Dillon *
Lovey Mary (1926) King Baggot *
Mike (1926) Marshall Neilan *
Money Talks (1926) Archie Mayo *
Monte Carlo (1926) Christy Cabanne *
Paris (1926) Edmund Goulding *
Tell It to the Marines (1926) George W. Hill
The Barrier (1926)George W. Hill *
The Boob (1926) Robert Vignola, William Wellman
The Boy Friend (1926) Monta Bell *
The Demi-Bride (1926) Robert Z. Leonard *
The Desert's Toll (1926) Clifford Smith
The Fire Brigade (1926) William Nigh
The Flaming Forest (1926) Reginald Barker
The Gay Deceiver (1926) John Stahl *

The Magician (1926) Rex Ingram
The Red Mill (1926) William Goodrich (Roscoe Arbuckle)
The Road to Mandalay (1926)Tod Browning
The Scarlet Letter (1926) Victor Sjöström
The Show (1926)Tod Browning
The Temptress (1926)Fred Niblo
The Valley of Hell (1926) Clifford Smith *
The Waning Sex (1926) Robert Z. Leonard *
There You Are! (1926) Edward Sedgwick *
Tin Hats (1926)Edward Sedgwick *
Torrent (1926) Monta Bell
Upstage (1926)Monta Bell
Valencia (1926) Dimitri Buchowetzki *
War Paint (1926) Woody S. Van Dyke *

After Midnight (1927) Monta Bell
Annie Laurie (1927) John S. Robertson
Becky (1927) John McCarthy, Jr *

Body and Soul (1927) Reginald Barker *
California (1927) Woody S. van Dyke*

Captain Salvation (1927) John S. Robertson
Frisco Sally Levy (1927) William Beaudine *
Foreign Devils (1927) Woody S. Van Dyke *
Heaven on Earth (1927) Phil Rosen *
In Old Kentucky (1927) John Stahl
London After Midnight (1927) Tod Browning *
Love (1927) Edmund Goulding
Lovers? (1927) John Stahl *
Mockery (1927)Benjamin Christensen
Mr. Wu (1927) William Nigh
On ze boulevard (1927) Harry Millarde
Quality Street (1927) Sydney Franklin
Rookies (1927) Sam Wood *

Rose-Marie(1927) Lucien Hubbard *
Slide, Kelly, Slide (1927) Edward Sedgwick
Spring Fever (1927) Edward Sedgwick
Tea for three (1927) Robert Z. Leonard *
The Big City (1927)Tod Browning *

The Bugle Call (1927)Edward Sedgwick *
The Callahans and the Murphys (1927) George W. Hill *
The Crowd (1927) King Vidor
The Enemy (1927) Fred Niblo
The Fair Co-Ed (1927) Sam Wood
The Garden of Allah (1927) Rex Ingram
The Road to Romance (1927) John S. Robertson *
The Student Prince in Old Heidelberg (1927) Ernst Lubitsch
The Taxi Dancer (1927) Harry F. Millarde *
The Thirteenth Hour (1927) Chester Franklin
The Unknown (1927) Tod Browning
The understanding Heart (1927) Jack Conway *

Tillie the Toiler (1927) Hobart Henley
Winners of the Wilderness (1927) Woody S. Van Dyke

Across to Singapore (1928) William Nigh
A lady of chance (1928) Robert Z. Leonard
The Cossacks (1928) George W. Hill
The Divine Woman (1928) Victor Sjöström -fragments
Dream of love (1928) Fred Niblo *
Four Walls (1928) William Nigh *
Laugh, clown, laugh (1928) Herbert Brenon
Man, woman and sin (1928) Monta Bell
The masks of the devil (1928) Victor Sjöström *
Riders in the dark (1928) Nick Grinde * 
Our Dancing Daughters (1928) Harry Beaumont
The Patsy (1928) King Vidor
Show People (1928) King Vidor
The mysterious Lady (1928) Fred Niblo
The cameraman (1928)Edward Sedgwick & Buster Keaton
The law of the range (1928) William Nigh*
The Viking (1928) Roy William Neill (Technicolor)
Twelve miles out (1928) Jack Conway
West of Zanzibar (1928)Tod Browning
West Point(1928) Edward Sedgwick
While the City Sleeps (1928) Jack Conway
White Shadows in the South Seas (1928) Woody Van Dyke
The Wind (1928) Victor Sjöström
A woman of affairs (1928) Clarence Brown

The bridge of San Luis Rey (1929) Charles Brabin *

Desert Nights (1929) William Nigh
Devil-May-Care (1929) Sydney Franklin
The Duke steps out (1929) James Cruze *
The Kiss (1929) Jacques feyder
Our modern maidens (1929) Jack Conway
Spite marriage (1929) Edward Sedgwick & Buster Keaton
The Mysterious Island (1929) Lucien Hubbard)
The Pagan (1929) Woody Van Dyke
The single standard (1929) John S. Robertson
The trail of '98 (1929) Clarence Brown
Thunder (1929) William Nigh Perdu, sauf pour quelques fragments.
Tide of empire (1929) Allan Dwan
Where East is East (1929)Tod Browning
Wild Orchids (1929) Syney Franklin
The flying fleet (1929) George W. Hill
 

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Published by François Massarelli - dans Muet
22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 21:00

Frannie (Meg Ryan), professeur de lettres quadragénaire, a vu une scène inattendue dans le sous-sol d'un café New Yorkais: un homme se faisait offrir une gâterie par une jeune femme. Elle n'a vu que l'essentiel: les gestes, pas les traits des protagonistes. Troublée, elle a ressenti de manière accrue le vide de sa vie affective... Mais le lendemain un policier (Mark Ruffalo) lui apprend qu'une femme a été assassinée dans son quartier, et Frannie ne tardera pas à découvrir que la victime est la jeune femme du café, et que le mystérieux inconnu avec un tatouage sur le bras pourrait bien être le tueur. Problème: d'une part, le tatouage est le même que celui du policier; d'autre part, elle tombe amoureuse de lui et ne tarde pas à avoir une liaison. Mais le meurtre ne sera pas le dernier, et Frannie manquera de se perdre dans une spirale qui coûtera la vie à d'autres femmes, dont sa demi-soeur (Jennifer Jason Leigh)...

 

L'excellence et le succès de The piano ont eu, malencontreusement, un effet désastreux sur la carrière de Jane Campion: aucun des films qui ont suivi n'a été jugé à sa juste valeur... Tous ont souffert, de Portrait of a lady (Jugé unanimement "académique") à Bright star, en passant par l'étrange Holly Smoke. Et le pire a été réservé à In the cut, polar urbain et allégorique avec Meg Ryan qui opérait un difficile retour. Mais là encore, outre l'injustice qui consiste à reprocher à Campion de ne pas se répéter, ce qui est absurde, on passe, en le mettant de côté en se bouchant le nez, à coté d'une occasion de se régaler. D'une part, le film a été tourné aux Etats-Unis par une réalisatrice qui a su transférer son regard d'observatrice extérieure sur le visuel de son film, et elle s'est beaucoup amusée à peindre une certaine faune New-Yorkaise, dont Meg Ryan en professeur de lettres est le guide involontaire; ensuite, elle continue avec bonheur à explorer le désir des femmes, en se rapprochant de façon impressionnante ici, au plus près des corps (Ceux de Meg Ryan et de Mark Ruffalo bien sur) et aussi en faisant de l'intimité sexuelle, ou plutôt sensuelle, le fond de son film qui n'est de fait pas seulement, voire à peine un polar: le sujet, c'est la façon dont Frannie va accepter ou non de se laisser enfin entraîner dans une relation vécue à fond avec son amant, au-delà des dangers éventuels, symbolisés par l'énigme (Coupable, pas coupable?).

 

Campion s'est sans doute beaucoup plu à faire ce film, qui par endroit ressemble presque à une oeuvre de vacances par opposition au plus rigoureux Bright Star, et dont les personnages sont très séduisants... Comme d'habitude, la réalisatrice s'est amusée à casser les codes en jouant sur divers niveaux, dont une séquence récurrente de rencontre romantique considérée comme un reflet authentique de la première rencontre entre les parents de Frannie, et en situant son film dans un mise en scène qui donne l'impression d'assister à un rêve. Les acteurs ont été choisis à merveille, et une scène finale de révélation, située près d'un phare, achève de décliner avec une gourmandise friponne les symboles les plus évidents. A la fin, Frannie poura assumer sans détour sa sensualité retrouvée, comme tant d'autres héroïnes de Jane Campion.

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Published by François Massarelli - dans Jane Campion
20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 14:01

Le meilleur film de la période MGM de Borzage est un nouveau retour, trois ans après Three comrades, sur le nazisme, au même titre que les films visionnaires qu'étaient Little man, what now? et No greater glory. C'est donc un courant profond de l'oeuvre du cinéaste, qui va ici opérer une synthèse entre ces cris d'alarme anti-fascistes, et son thème de l'amour sublime exploré dans la plupart de ses films. On peut aujourd'hui, dans un premier temps, être un peu dérouté par un film anti-nazi qui semble se situer à une distance un peu embarrassante de la vérité, dont l'intrigue se déroule par exemple dans une ville jamais nommée, dont le camp de concentration n'est semble-t-il qu'une sorte de variation musclée d'un ensemble carcéral, ou qui évite de placer dans la bouche des protagonistes le mot "juif", mais il faut se rappeler du fait qu'en 1940 (Le film est sorti en Juin, soit au moment de la reddition des Français, et donc 18 mois avant Pearl Harbor) il fallait un certain courage à un studio Américain pour s'attaquer à une dénonciation du nazisme. De plus, l'appromximation de la peinture d'un camp de concentration s'explique par le fait qu'on ne pouvait pas à cette époque savoir ce qu'on allait trouver cinq ans plus tard après l'intervention alliée.

Allemagne, 1933: on fête l'anniversaire du professeur Victor Roth (Henry Morgan). Universitaire renommé, il célèbre ses 60 ans en famille, auprès de son épouse, des deux grands fils de celle-ci issus d'un premier mariage, de leurs enfants Freya (Margaret Sullavan) et Rudi, et de deux amis proches, étudiants et soupirants de Freya, Martin Breitner (James Stewart) et Fritz Marberg (Robert Young). Tout le monde s'accorde à exprimer une affection sans bornes pour le veil enseignant, mais le repas est interrompu par une nouvelle fâcheuse: on apprend la nomination par Hindenburg du chancelier Hitler. Les avis sont partagés, et l'anniversaire gâché par les débats qui deviennent vite passionnés: d'un côté, les jeunes hommes, à l'exception de Martin, sont enthousiastes à l'idée de l'arrivée des nazis au pouvoir; de l'autre, M. et Mme Roth, leur fille Freya, et Martin sont inquiets: Martin se préoccuppe du devenir des libertés individuelles en Allemagne, et les autres font face à l'inévitable: M. Roth, comme ses enfants Rudi et Freya, est "non-Aryen"... Bien que les jeunes nazis les rassurent dans l'immédiat, les choses ne tardent pas à se précipiter, et l'Allemagne plonge dans le tourbillon totalitaire, dans lequel il faut choisir son camp; la famille sera divisée, Martin qui refuse d'adhérer au parti devient un ennemi déclaré du fascisme, et le professeur Roth ne tardera pas à être arrêté et inetrné dans un camp de concentration... Durant ces évènements, Freya et martin se rapprochent, mais combien de temps pourront-ils résister à la "tempête" du nazisme?

 

Tout réalisme absolument authentique étant finalement impossible dans les conditions de tournage (Avec l'impossibilité d'utiliser le mot "juif", par exemple, et en l'absence de documentation réelle sur certains détails de la vie contemporaine en Allemagne), Borzage et la production ont donc opté pour un style semi-allégorique, qui sied toujours aussi bien au cinéaste. Le film, pourtant, commence quasiment au moment ou se termine le très beau Three comrades, et nous livre une suite potentielle de l'hitsoire, dans laquelle le concept d'amitié indéfectible qui liait les héros du film précédent, jusqu'au-delà de la mort, est ici mis à mal: au début de The mortal storm, tous se jurent fidélité et amitié, mais certains vont mourir, et d'autres seront bannis par certains de leurs "amis". Tout en se réfugiant derrière cette tendance au symbolisme, le film nous montre de façon assez directe les mécanismes des nazis, depuis l'instauration d'un parti, jusqu'à l'exclusion physique des êtres, en passant par le choix clair d'un camp ("Tu es avec nous ou contre nous"), et bien sur les autodafés, les intimidations, la terreur et la torture. Le mal, incarné par des jeunes garçons (Robert Young, mais aussi Robert Stack et William T. Orr), s'installe d'autant plus vicieusement qu'il est accueilli à bras ouvert par beaucoup. Mais l'un des atouts majeurs de cette production qui visait assez ouvertement le public Américain est de laisser deux icones incarner les idéaux démocratiques: Freya est la seule des jeunes adultes de la famille Roth à avoir compris de quelle façon le piège totalitaire allait se refermer sur ses proches, quelle que soit leur opinion ou leur position face au nazisme, et Martin est ici de par ses propos même une personnification des idéaux démocratiques de l'Amérique, tolérante et généreuse...

 

Le film joue beaucoup sur l'indignation du spectateur, depuis le parallèle effectué entre une célébration d'anniversaire située au début qui nous fait presque croire assister à une comédie. Une porte s'ouvre, et la caméra s'engouffre avant le professeur roth dans un amphithéâtre bondé de gens qui ne sont là que pour chanter ses louanges. Le contraste est hallucinant avec une scène ultérieure, qui voit les rangs de l'amphithéâtre rempli de jeunes en uniforme nazi... Le comportement des frères et amis de Freya, qui discutent en assénant des stupidités antidémocratiques, voire sexistes, peut irriter par sa facilté, mais c'est d'une grande efficacité pour le cinéstae qui a besoin assez rapidement de montrer le sentiment d'insécurité des héros dans une Allemagne qui choisit désormais entre les êtres, et rejette ceux qu'elle n'a pas élus à coups de pierre, puis de fusil. Tout ce que Martin a envisagé deviendra vrai, hélas...

 

Du coup, en réservant à James Stewart et Margaret Sullavan le rôle des deux amoureux qui se découvrent, s'épaulent et tombent dans les bras l'un de l'autre comme on devient plus fort en résistant à la barbarie, il éclaire son motif de l'amour absolu entre deux êtres d'un jour nouveau. Bien sur, les deux jeunes vont se réfugier à lécart, comme souvent les amoureux des films du cinéastes, c'est donc dans la montagne, chez Martin et sa mère qu'ils vont trouver un équilibre; cela sera de courte durée, mais un geste important y aura lieu, qui renvoie à tant de simulacres de mariage: la mère de Martin les mariera avant de leur dire adieu, en utilisant une coupe symbolique. Une fois de plus, Borzage détourne la signification du mariage en une cérémonie privée, un choix de deux personnes devant Dieu, voire devant la notion même d'humanité menacée par tant de dangers: c'est par Freya et Martin que Borzage exprime dans ce film sa foi en l'homme, le seul échappatoire du film, devant les doutes éventuels des frères de Freya qui se sont engagés bille en tête dans le nazisme sans réfléchir que leur soeur Juive aurait à en pâtir. Plutôt qu'une réflexion sur l'imbécillité guerrière, intolérante, anti-démocratique ou totalitaire des nazis, le film se veut une réflexion qui incorpore une vraie note d'espoir, ce qui n'étiat pas facile dans la mesure ou tant de protagonistes n'iront pas jusqu'au bout... Mais Borzage croit aux miracles, il l'a déjà prouvé, et c'est à une sorte de conversion miraculeuse qu'assiste le spectateur, lorsqu'apprenant la mort de sa soeur exécutée par ses amis nazis, Otto Von Rohn (Robert Stack) se réjouit que Martin ait pu, lui, rejoindre l'Autriche, et rester libre... En dépit de toute l'indignation que ressentira le spectateur, le cinéaste affirme la prépondérance des idéaux incarnés par Martin, et c'est à un trop jeune homme tombé trop tôt dans les erreurs du nazisme, que revient le dernier mot. Que le metteur en scène ait été empêché d'utiliser des mots ou des notions trop claires, par des éléments de langages imbéciles ("Non-aryen", par exemple) importe peu, puisqu'il s'agit ici de sacraliser l'homme, le seul, pas les "races" (Qui de toute façon n'existent pas), les obédiences ou les différences. Comme le vieux Roth, professeur de physiologie qui affirme devant un parterre de nazis qu'il n'y a aucune différence entre du sang aryen et du sang non-aryen, Borzage situe son débat au sein de l'humanité, pas entre quelques factions que ce soit. En montrant les processus d'exclusion sans pour autant en désigner les victimes ("Non-Aryens" ou "pacifistes"), il ne les diminue pas, pas plus qu'il n'en minimise le danger...

 

Sorti au bon moment aux Etats-unis, à une époque durant laquelle on essayait de ménager Hitler à Hollywood, le film a du attendre avant d'être présenté au public Européen pour cause de guerre. Il est sorti en 1957 en Allemagne de l'Ouest, mais a du attendre encore plus longtemps avant de rencontrer le public Français. Peut-être a-t-on cru qu'il était obsolète en raison de son sujet... Si seulement!

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 11:06

La sortie d'un livre consacré à l'histoire du cinéma, en cette époque numérique, est toujours un évènement. Lorsqu'en plus c'est de cinéma muet qu'il s'agit, on a envie de soutenr le projet du mieux qu'on le peut, tant le projet parait risqué. Avec ce livre (Aux éditions la tour Verte http://www.latourverte.com/), en plus, on y parle d'Albert Capellani, un grand, un très grand cinéaste, que je tiens pour l"égal d'un Griffith, en importance sinon en style, pour les années qui précèdent la grande guerre. On attend avec imatience que le livre sorte, pour se précipiter dessus, d'autant que la dame qui l'a écrit, Christine Leteux, n'est pas une inconnue: historienne du cinéma par passion, traductrice, elle a a accompli la rude tâche de traduire le superbe livre-phare de l'historien Kevin Brownlow, La parade est passée (The parade's gone by, Editions Actes sud). C'est tout naturellement que Kevin Brownlow soi-même va préfacer son ouvrage, et on en salive d'avance. Ce qui nous permet d'en revenir à capellani, un cinéaste dont la vision des films s'impose!!

 

Voici le texte de présentation:

Aux temps héroïques du cinématographe, ce cinéaste oublié a joué un rôle majeur dans le développement du long-métrage et de l’adaptation littéraire. Chez Pathé, Albert Capellani réalisa les premières versions de L’Assommoir (1909), des Misérables (1912) et de Germinal (1913), qui connurent un succès international. Considéré comme l’un des plus grands cinéastes de son époque, il partit en 1915 pour l’Amérique, et dirigea de grandes stars du muet comme Clara Kimball Young, Alla Nazimova et Marion Davies. Longtemps tombé dans l’oubli, redécouvert récemment par le Festival de Bologne, ce metteur en scène qui plaçait le cinéma sur le même plan que le théâtre, la littérature et la musique, fit faire un pas de géant au septième art par sa subtile direction d’acteurs et son extraordinaire sens visuel. Fruit d’un méticuleux travail de recherches, ce livre est la première biographie consacrée au grand pionnier du muet que fut Albert Capellani.
http://annhardingstreasures.blogspot.fr/2013/02/albert-capellani-cineaste-du-romanesque.html
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Published by François Massarelli - dans Muet Albert Capellani
10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 17:05

John Ford avait quitté la cavalerie en 1950, sur un Rio Grande pas vraiment convaincant dont le principal avantage était d'offrir à la republic Pictures d'Herbert Yates un film vite fait à donner en pature au public, avant d'entamer un autre opus qui lui tenait tant à coeur, The quiet man. Ce petit film inspiré comme l'étaient Fort Apache et She wore a yellow ribbon des récits de james Warner Bellah terminait une trilogie aux résonnances internes nombreuses, et les histoires en étaient tellement proches qu'on irait facilement jusqu'à parler d'auto-plagiat si on ne se retenait pas. Mais avec The horse soldiers, le propos s'éloigne des trois films de 1948, 1949 et 1950: il y est cette fois question de guerre civile: John Wayne y est le colonel d'un bataillon de soldats de l'union qui doivent s'introduire en territoire sudiste afin de préparer une offensive musclée par des opérations chirurgicales de sabotage et de reconnaissance. Il est flanqué d'un médecin (William Holden) avec lequel il s'accroche très vite, pour un oui ou pour un non: les deux hommes n'ont pas la même vision des choses et la présence d'un gradé qui n'est pas vraiment un militaire a tendance à irriter le vieux soldat; alors lorsque ce petit monde se retrouve accompagné d'une femme, Hannah Hunter (Constance Towers), une "Southern Belle" qui les a accueillis le temps d'un bivouac et qui essaie par tous les moyens de leur nuire (Espionnage, évasion, etc), la rivalité entre les deux hommes s'exacerbe...

 

Ce film, situé dans la dernière partie de la carrière de Ford, est loin d'être son meilleur, c'est du reste une cause entendue. L'argument est inspiré du reste d'une anecdote authentique: le raid mené par le Colonel Grierson sur les chemins de fer du Mississippi, et le film se tient à l'écart de tout "westernisme" excessif, en situant l'essentiel de son action dans un sud rural, au plus près du fleuve, et avec une certaine logique géographique: pas de Monument valley cette fois-ci! Le point culminant de l'action concerne ici la deuxième moitié du film, lorsque le bataillon conduit par Marlowe (Wayne) se trouve à la gare de Newton et doit affronter une horde de sudistes appelés en renfort et qui ne sont finalement que de bien pouilleux soldats, et bien sur deux autres moments situés à la fin du film restent en mémoire: la bataille autour d'un pont, qui ne semble pas vraiment inspirer Ford, et surtout une pittoresque charge menée par des cadets d'une école militaire, sans doute le meilleur moment du film, tout en étant inspirée là encore d'un fait réel: des garçons de 8 à 16 ans en uniforme de parade s'attaquent aux troupes nordistes, qui préfèrent fuir plutôt que de risquer de  les tuer...

C'est d'ailleurs là que le bât blesse: on a souvent le sentiment que ce film, pour lequel on est prêt à avoir une grande indulgence, rate sa cible en prenant trop le parti de s'en foutre un peu... C'est lent, la première partie possède peu d'attraits, à part la constante bataille entre les deux héros, et l'impression qui domine est que Ford pousse un peu trop John Wayne à assumer un rôle de monolithique vieux bougon: Ethan Edwards (The searchers), lui, avait au moins une certaine carrure et des circonstances atténuantes.

Mais ce qui sauve finalement le film, c'est inévitablement son image. Non que le film soit d'une grande beauté visuelle; d'ailleurs certains plans apparaissent gâchés par les ombres mal placées, et une fois de plus on est sûr que Ford s'est systématiquement limité à une prise de chaque plan. Non, l'intérêt est ici dans la représentation réaliste, non-spectaculaire, de cette guerre de sous-bois qu'était la guerre de Sécession: les sources citées par Ford ne manquent pas: les tableaux de Kunstler et autres, qui représentent ces petits moments de la vie quotidienne sur le front (Par exemple un bivouac d'officiers nordistes, attablés autour d'un plan, déjà contaminés par la douceur du Tennessee); les photos de Mathew B. Brady, d'ailleurs présent nommément et physiquement dans le film; et enfin les courts métrages de David Wark Griffith, dont Ford cite le type de plan en réglant la première bataille du film en un plan parfaitement orchestré: au centre, un chemin, à droite, de la végétation, à gauche le fleuve. Les Nordistes s'engagent sur le chemin, mais des sudistes cachés dans la végétation les prennent par l'arrière. D'ailleurs le film est marqué par une économie légendaire qui fait mouche dans certains plans; de plus, le réalisme des uniformes (Réglementaires dans le nord, et de fortune dans le Sud, qui dépendait beaucoup des volontaires auto-proclamés aux habits bricolés) renvoie à l'image d'une guerre qui était rappelons-le vécue comme une agression par les citoyens des états du Sud.

Tout dépend donc, avant de voir ou revoir ce film, de ce qu'on en attend. On y passe gentiment le temps, on y voit un reflet relativement authentique de la guerre, mais... si le pittoresque surnage (Cette anecdote des cadets, bien sur, avec cette mère inquiète qui demande à ce que son fils soit exempté contre son gré, par exemple), l'impression qui domine est que tout ça c'est une guerre de gentlemen, qui font tout pour ne pas s'agresser, et on ne peut pas être plus loin de la vérité: tous les historiens s'accordent, et les archives le prouvent, c'était une boucherie sans limite, et le romantisme qu'on a attribué à cette guerre durant un siècle de fiction n'y changera rien... Et le plus embêtant, c'est quand même que le film se traîne!

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Published by François Massarelli - dans John Ford John Wayne
10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 11:09

Thomas Ince, dans les années 10, était l'autre grand producteur et réalisateur de films qui dominait, aux cotés de Griffith. Particulièrement dédié au western, il était un patron imposant et respecté, dont l'importance était d'autant plus grande qu'il était justement jugé comme un égal, c'est à dire un réalisateur au même titre que Griffith, dont les courts métrages étaient certes tournés en indépendance quasi complète, mais qui était lui un employé de la Biograph. Pas Ince, qui était son propre patron, et surtout, qui était producteur avant tout. La confusion s'explique, puisqu'après tout même Griffith n'était pas crédité à la réalisation à la Biograph. Mais les films tournés à 'Inceville' étaient supervisés, produits, parfois réalisés par Ince, mais d'autres, aussi, se partageaient le travail, dont J. Farrell McDonald, Francis Ford (Le grand frère de) ou Reginald Barker. De fait le grand homme ne dédaignait pas (Sans doute pas au point d'un Disney quelques années plus tard, mais pas forcément très loin non plus) de tirer la couverture à lui. quant aux principales raisons pour lesquelles il a été aujourd'hui éclipsé, eh bien, disons que d'une part les films n'ont pas été aussi bien conservés que ceux de la Biograph, et surtout que Ince est décédé (dans des circonstances plus que mystérieuses semble-t-il) en 1924...

 

Ces deux films, des "deux bobines" de 1913, ont pour point commun de traiter de la guerre de sécession, cette guerre civile qui a redéfini pour longtemps un pays entier. En 1913, elle n'est finie que depuis 48 ans, et des vétérans en sont encore vivants, ne l'oubions pas. Et elle est de fait un évènement qui a non seulement été déterminant pour la nation Américaine, mais c'est aussi une source culturelle d'anecdotes, de comportements, de légendes et de codes fascinants. Comment s'étonner que des films y aient été consacrés, si nombreux? Chez Griffith, dès les années 1900, chez Ince aussi, chez Edison... Des tragédies, des films d'aventures, des comédies (Grandma's boy, The general) des épopées (Birth of a nation), des films romantiques (Gone with the wind, bien sur...) et des films plus proches de nous qui remettent le s évènements en perspective en offrant une vision plus réaliste, et moins glorieuse des faits (Ride with the devil). C'est que cette guerre, la première guerre moderne (Tranchées, mais aussi guerre totale: terre, mer et même dans les airs, via des ballons captifs d'observation), durant laquelle un nombre imposant de techniques militaires ont été testées, fit un nombre incroyable de morts de part et d'autre: bref, un traumatisme incontournable. J'ai déja dit ailleurs à quel point la guerre civile était une source primordiale d'histoires pour Griffith, sans parler de son magnus opus qui sent si mauvais, mais chez Ince le conflit passé était là encore un inépuisable creuset, comme en témoignent ces deux films. Courts, mais en deux bobines soit un peu moins d'une demi-heures, ils atteignent leur but sans aucun problème...

 

Drummer of the 8th concerne un jeune garçon qui s'enthousiasme pour un conflit auquel son grand frère va participer. Il décide de fuguer et rejoindre le front pour participer en tant que tambour, mais sera très vite fait prisonnier. Lorsqu'il sévade, plusieurs années après, il prend contact avec sa famille, qui n'a jamais abandonné l'espoir de le retrouver, mais il meurt de ses blessures avant de retourner chez lui, et c'est donc un petit cercueil couvert d'un drapeau de l'union qui est aporté à sa mère. L'héroïsme de pacotille, les sentiments guerriers n'ont finalement mené qu'à un gâchis sévère dans un film intelligent, superbement mené, sans temps mort ni action exégérée. Loin des batailles très lisibles de Griffith, celles du film sont plutôt marquées par une certaine confusion géographique et dramatique qui en sert le propos...

Granddad est un constat poignant: une petite famille vit tranquille, le père, sa fille et le grand-père tendre et un brin alcoolique, un vétéran qui meuble l'essentiel de ses journées entre la boisson et le souvenir de ses exploits guerriers passés. Le père veuf ramène une pimbèche moraliste à la maison qui fait comprendre au grand père que ses manies sont dangereuses pour l'éducation de la petite Mildred, et il choisit de quitter les lieux afin de ne pas se placer entre son fils et sa nouvelle épouse. Lorsqu'un vieil homme manchot se présente au bar que fréquente le vieux grand-père et s'enquiert de ce qu'est devenu cet ancien soldat de l'union qui lui avait sauvé la vie à lui, un confédéré à l'article de la mort, les camarades du héros l'amènent à un hospice pour pauvres ou le vieil homme est en train de se tuer à petit feu en travaillant. C'est le moment qu'a choisi Mildred pour emmener son père le visiter. Cette fin mélodramatique est du plus haut sentimental, mais elle permet de clore le thème du film, à savoir l'importance du souvenir, du sacrifice, de l'héroïsme des vétérans. Le film a l'intelligence de ne prendre aucun parti guerrier, et de montrer à travers le rescapé sudiste qui cherche son bienfaiteur nordiste, que la réconciliation a bien eu lieu. Je ne suis pas sur que les noirs de l'Alabama le voyaient du même oeil en 1913, mais ne nous perdons pas dans des digressions: là encore, le film est riche, superbe, bien joué, et passionnant.

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Published by François Massarelli - dans Muet Thomas Ince 1913 *
9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 14:32

Night nurse est un sacré petit film, avec la grande Barbara Stanwyck; tourné la même année que The public enemy, à la Warner, le film bénéficie du savoir-faire du studio et de la mise en scène coup-de-poing du grand "Wild Bill", mais soyons aussi clair que possible: si le film joue beaucoup avec les codes contemporains (Présence d'un bootlegger, donc prohibition, pauvreté et crise, abandon coupable d'une mère qui boit et écoute du jazz en permanence, etc...), et se veut réaliste, on est quand même pas dans la réalité. Mais le monde dépeint dans le film, s'il n'est pas authentique, est une lecture raccourcie et fascinante d'une certaine Amérique de 1931, pas souvent représentée: Lora Hart (Stanwyck) est une jeune femme peu qualifiée qui profite d'un quiproquo pour devenir infirmière et va gravir les échelons jusqu'à devenir diplômée, et devenir l'infirmière de nuit d'une riche famille, dont le père est mort et la mère est tombée sous la coupe d'un inquiétant personnage, le chauffeur Nick (Clark Gable). Celui-ci laisse les enfants mourir à petit feu, afin sans doute de mettre main basse sur l'argent de la mère. Lora a le choix entre écouter sa conscience d'une part, ou se plier aux règles syndicales d'éthique, et ni faire des vagues, ni dénoncer le médecin en charge de l'affaire... avec l'aide d'une sympathique fripouille, pourvoyeur de whisky frelaté avec une morale, elle choisit pourtant la première solution...

Ce film est par moments un catalogue fascinant de tout ce qui fait le sel des films "pré-code", à plus forte raison lorsque Wellman est aux commandes: les premières trente minutes, qui voient Lora gravir les échelons en vivant quasiment 24 h sur 24 à l'hôpital, en compagnie de sa copine (Joan Blondell) les voient se déshabiller ou s'habiller en permanence, et le metteur en scène joue sur la promiscuité d'ailleurs soulignée entre les internes et les infirmières, et l'esprit farceur des jeunes médecins se manifeste de plusieurs façons. Les deux jeunes femmes ont vécu, leur langage, leur attitude aussi (Cette façon que Joan Blondell a de mâcher aussi vulgairement du chewing gum pendant la récitation des droits et des devoirs du métier d'infirmière, sans perdre la complicité du public - en même temps, c'est Joan Blondell...), ou encore les discussions à bâtons rompus entre les deux jeunes femmes, et leur carapace de plus en plus dure au fur et à mesure que le film progresse, dresse un portrait d'une Amérique des gens qui travaillent, qui une valeur bien plus documentaire que le drame qui alimente la seconde partie. Quant à celle-ci, tout en restant en effet assez baroque, elle se plie à une règle d'or toute Wellmanienne: quand les autorités ne font pas leur boulot (Des médecins empêchés par l'éthique de se dénoncer les uns les autres bien que leurs turpitudes soient avérées, par exemple) il faut qu'un autre 'corps constitué' les remplace: par exemple les gangsters; cette vieille idée de prendre le contrôle la loi qui est aussi au coeur de ce beau film qu'est The star Witness donne à ce film une fin sardonique, réjouissante et inattendue...

Et sinon, pour finir, je vais le répéter: c'est un film de William Wellman, avec Barbara Stanwyck, Joan Blondell et Clark Gable dans le rôle d'une sale brute. A-t-on besoin finalement d'en savoir plus?

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Pre-code