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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 13:34

Depuis Delicatessen, les longs métrages de Jeunet nous enchantent, y compris lorsque comme dans Un long dimanche de fiançailles (mon préféré), ils promènent leur poésie dans un monde bien réel, même s'il est le reflet d'une autre époque. L'une des raisons du phénoménal succès d'Amélie Poulain, c'était cette façon très personnelle de recréer le réel en y ajoutant des tonnes de détails tirés de l'affectif et de l'inconscient collectif: les vieilles boîtes à gâteaux, les vieux sous-pulls, les petits détails qui nous reviennent de l'enfance, etc. Alors oui, Audrey Tautou-Amélie Poulain vivait dans un Montmartre qui n'existe pas, et Dany Boon-Bazil, dans Micmacs, n'est pas plus vraisemblable. Mais le ton, la tendresse, et l’image de ce petit film sans prétention, sont une fois de plus déclencheurs d’une nostalgie, d’une douce rêverie qui fait du bien le temps qu’elle dure.

Basile (Dany Boon), orphelin de père (Démineur, il a été tué en pleine action en 1979) et dont la mère a craqué suite au décès du père, a gardé toute sa vie le désir de vengeance contre la compagnie qui a fabriqué la mine qui a tué son père. Un beau soir, alors qu’il se repasse Le Grand sommeil, d’Howard Hawks, dans le local du vidéoclub ou il travaille (Il en connaît les dialogues par cœur, une petite manie personnelle consiste d’ailleurs à les réciter en même temps), il reçoit une balle perdue, qui se loge juste ou il faut dans sa tête pour ne pas faire de dégât. Il devient donc un homme en sursis permanent, et se fait virer par son patron indélicat. Une jeune femme va pourtant déclencher une révolution chez Basile: elle retrouve la petite sœur de la balle qu’il a en tête. En voulant aller demander des comptes au fabricant, il a la surprise de constater que la manufacture de balles en question est sise juste en face du siège social de l’usine de mine anti-personnelles dont un exemplaire a tué son père. Son désir de vengeance va donc trouver, grâce à l’aide d’une bande de SDF délirants (Dominique Pinon, bien sur, Jean-Pierre Marielle, Yolande Moreau…), un moyen d’expression intéressant, et souvent très drôle.

Delicatessen mélangé à Amélie Poulain, voilà comment on peut interpréter ce film, sans doute mineur, mais qui renvoie en effet à la poésie faubourienne du premier long métrage, en ajoutant le ton décalé et inventif, de tous les instants, des images de Jeunet: il existe peu de metteurs en scène qui savent, tout en s’entourant d ‘acteurs aussi typés, garder autant de contrôle sur leurs images. Le goût féroce pour le bricolage, jusque dans les décors, renvoie aussi au passé d’animateur de Jeunet, qui se manifeste de façon visuelle, mais aussi par le rythme toujours particulier de son montage. Bref, on n’est pas devant du cinéma vérité, mais devant un univers. Bien sur, certains (Télérama ? Les Inrockuptibles ?) feront la fine bouche devant le coté Club des cinq contre les marchands d’armes, mais ce scénario improbable, joué en plus avec conviction, nous permet un voyage à l’extérieur de nous-même, dans lequel nous sommes très à l’aise. Ca fait du bien! Et si le film nous montre un groupe de gens soudés non seulement par leur amitié, mais aussi par leur sens de la récupération (Le diminutif "récup" finit par être un clin d'oeil récurrent dans le film), ça se voit également dans le film lui-même... Et Jean-Pierre Jeunet en a fait une métaphore constante de son cinéma...

Ajoutons qu'il y a dans Micmacs un clin d’œil très appuyé, très inattendu aussi, non seulement à Hawks (Il est très pratique de faire distribuer ses films par Warner, si ça permet d’avoir accès au catalogue des films classiques !!), dont l'affection légendaire pour les "professionnels", chacun dans sa partie, se retrouve avantageusement dans la petite troupe de "spécialistes" qui entourent Bazil. Bien sûr, Pierre Etaix, présent dans une animation, renvoie quant à lui au maître Tati dont il a été l'assistant, et le tournage s'est déroulé dans des lieux qui renvoient immanquablement à Marcel Carné...

Et on retrouve un souvenir de Delicatessen, avec Dominique Pinon qui fait une apparition inattendue déguisé en clown, jouant le thème du premier film en duo Violoncelle-scie musicale, sans que cela ait la moindre incidence sur tous ces micmacs. De Jeunet, un renvoi tendre, en forme d’aveu d’amour pour ses personnages, ses moments poétiques, et ses propres films. Et il a bien raison.

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Published by François Massarelli - dans Jean-Pierre Jeunet
23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 09:54

J'aime bien Michael Mann, mais il y des défauts irrémédiables dans son style: un metteur en scène qui a "grandi" dans les années 80 a forcément retenu de l'esbroufe alors en vigueur des scories, des sales manies qui viennent empoisonner ses films. c'était particulièrement le cas dans le par ailleurs excellent Manhunter, en 1986, mais il avait eu tendance à se débarrasser de ses sales habitudes (Musique FM des années 80, ralenti pourri, ambiance bleu électrique, plans d'immeubles illuminés la nuit avec saxophone alto + écho en fond sonore...) dans des films aussi importants que Heat, The insider ou le délectable The last of the mohicans. Et bien sur, son Collateral tourné depuis était un film parfait.

Mais chassez le naturel, il revient avec un turbo: inspiré par une série télé dont il a réalisé quelques épisodes en 1983, Mann revisite avec ce film ce qui faisait alors l'essence du polar, et ce pendant les 35 premières minutes: deux flics, aimant les grosses bagnoles, font en permanence le concours de celui qui a la plus grosse paire de testicules: c'est Colin Farrell qui gagne, forcément: 42 kilos l'unité (Ca le gène même pour marcher). Ils font du bateau (vitesse!), ils vont en boite (frisson), ils arrêtent des truands (Motherfucker!) et puis ils entrent dans une drôle de zone de turbulence et doivent incarner des trafiquants de drogue, et là le film bascule vers quelque chose d'autre; l'alliance de deux contraires, comme Collateral avec son tueur et son chauffeur de taxi, ou Heat avec son truand et son flic: les contraires, ce sont Jamie Foxx l'inquiet et Colin Farrell le couillu, mais aussi Colin Farrell le flic et Gong Li la trafiquante. Le film mélange à loisir le bien et le mal, met à mal ses surhommes (Jamie Foxx en particulier, qui sait à merveille jouer la fragilité) et du coup on est dans une oeuvre beaucoup plus attachante, mais avec des fusillades (Dans lesquelles tout le monde se confond, les limites sont constamment brouillées). Hélas! Une chanson de Phil Collins (Pouah), et les filtres bleus utilisés lors de la plupart des scènes ainsi que la brouette que Colin Farrell doit trainer avec lui pour trimballer son encombrant paquet nous rappellent parfois qu'on est en 1983, et que je conserve des réserves sur ce film.

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann
23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 09:49

Voilà un film sur lequel on ne peut être que partagé. Non que le personnage de Ernesto "Che" Guevara me soit familier, voire sympathique: l'image du Guerillero dressé contre l'impérialisme est un truc un peu facile, et en se faisant l'aide de camp d'un anti-démocrate viscéral, l'exécuteur des basses oeuvres du régime Cubain m'irrite encore plus.

Je ne crois pas cependant qu'il y ait dans ce film de volonté affichée de le rendre plus saint qu'il n'a déjà été fait, par des années de raccourcis, de T-shirts et de posters... le film de Soderbergh n'est pas une biographie, juste la tentative de montrer deux moments-clés d'un personnage historique, en se basant sur ce qui lui a vraiment donné de la substance: son engagement auprès de Fidel Castro, qui fait l'objet d'une première partie en forme de montée en puissance (The rise of Che?), engagement qui lui a donné un gout pour la lutte armée qui lui a cruellement manqué durant sa carrière de ministre (uniquement évoquée par un épisode New-yorkais dans la première partie); puis, son désir de reprendre la lutte, au Congo (cité dans une réplique), au Venezuela (Pareil) et enfin en Bolivie, dans ce qui ressemble d'abord à une machination à la Danny Ocean (Les lunettes, la coupe de cheveux, le dentier pour changer de tête), puis se transforme très vite en un désastre absolu (the fall of Che?).

Somme toute, à travers ces deux pôles de la vie d'un homme célèbre, Soderbergh fait son Shakespeare, et se laisse aller à sonder un mythe moderne, sans jamais se laisser aller au spectaculaire. On se perdra parfois dans cette lente et austère évocation qui prend son temps, mais dont des signes discrets ça et là nous prouvent qu'elle prendra de plus en plus de sens avec les années: qui est cet homme qu'on aperçoit trois fois, deux plans à New York, un plan à La Paz? Pouquoi Che voit-il son tueur dans le bateau qui le mène à Cuba? D'autres petits bouts de trucs et de machins sont disséminés dans ce film-fleuve. Soderbergh ne s'arrêtera jamais de s'amuser, y compris lorsqu'il a un film de 4h30 à tourner en 78 jours, pour 3 dollars 50.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh Criterion
22 avril 2015 3 22 /04 /avril /2015 15:11

Les artistes du cirque Rainey ont pour vocation de donner leurs deux spectacles par jour, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau ("rain or shine"...). Ca tombe bien, dans la séquence qui sert d'exposition, il pleut de façon spectaculaire; On y apprend que les comptes ne sont pas au beau fixe, que la propriétaire, par ailleurs écuyère de son état, est inquiète pour l'avenir, mais le régisseur et homme à tout faire Smiley (Joe Cook), lui y croit. Par contre, toujours dans cette exposition, nous est montrée la rivalité haineuse dont est l'objet le protégé de la patronne, par des jaloux qui souhaitent faire main basse sur le cirque. Enfin, si les sentiments de Smiley pour la jolie miss Rainey ne font aucun doute, un jeune et fringant concurrent lui fait dangereusement de l'ombre, et les millions de ses parents pourraient bien décider la belle...

C'est un film paradoxal, sorti aux débuts du parlant et qui confirme de façon évidente le talent singulier et inné de Capra pour les tournages inventifs, pour le naturalisme aussi. Paradoxal, parce que Rain or shine était une comédie musicale sur scène, dont Capra a tout bonnement retiré les chansons et autres passages musicaux, tout en donnant à l'ensemble de la fraîcheur, en sortant sa caméra des studios ou étaient le plus souvent confinés les films des débuts du bruit cinématographiques... Et bien sur, à l'époque ou on aurait été voir n'importe quoi du moment que ça chante et ça danse, le risque était gros! Mais le film possède un charme fou, avec cette énergie phénoménale dégagée par Joe Cook, mais aussi l'impression d'assister à de l'authentique, par le recours à de vrais artistes de cirque, qui se livrent à leur métier avec simplicité et assurance sous les caméras de la Columbia. Mais surtout, pour qui connait bien l'oeuvre de Capra, cette ode à l'optimisme en toutes circonstances est presque choquante: en effet, les artistes du cirque Rainey perdent tout, et la seule chose qui tienne encore debout à la fin est justement l'optimisme de "Smiley"! Une fin triste pas trop mal vécue par ce dernier, qui se livre à deux ou trois dernières pirouettes avant de tirer sa révérence...

La fin est adoucie dans la splendide version muette et sonore (Avec intertitres de rigueur) qui était distribuée lors de la sortie internationale de ce film des débuts du parlant: des prises différentes, quelques scènes en moins, quelques scènes et gags en plus, et la science du rythme de Capra font de cette version alternative une belle découverte...

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Published by François Massarelli - dans Frank Capra Pre-code Muet 1930 *
21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 09:25

"If it's a good picture, it's a MIRACLE (Si c'est un bon film, c'est un miracle!)", c'est donc par ces mots que commence le film, devise du studio fictif dont on nous raconte l'histoire... Cette petite blague facile mais de bon aloi est un emprunt, à Tex Avery pour être précis: dans Daffy Duck In Hollywood(1938), le canard maudit ruine les plans d'un metteur en scène porcin qui travaille pour la Wonder Pictures Corporation et la devise du studio est "If it's a good picture, it's a Wonder", qui veut dire approximativement la même chose.

Réalisé en deux minutes cinquante avec des acteurs payés trois dollars l'année, ou presque, ce film de série B est en réalité d'un réjouissant second degré. Réutilisant sans vergogne des rushes et extraits d'autres films de l'écurie Corman, il raconte les désastreux tournages de films de série Z, et ressemble à une auto-parodie non dénuée de sado-masochisme du monde des drive-ins. Et puis il y a les meurtres gratuits, les cascades mal foutues, les gags ahurissants, et le sens déja consommé de Dante pour le décalage, plus inévitablement la nudité abondante, gratuite et parfois humide.

A la base de l'existence du film, on trouve deux facteurs: d'une part, Roger Corman, patron de New World pictures, est tout à fait disposé à laisser ses techniciens tenter l'aventure d'un tournage, et de l'autre, il encourage ses metteurs en scène à constamment réutiliser un maximum de plans de ses propres films afin de gagner du temps et de l'argent. De la sorte, il produit des films aussi peu chers que finalement rentables. Dante a par exemple révélé que ce film a du coùter environ 50 000 dollars, et que c'est le prix exact qui a été payé par un distributeur pour le montrer en Espagne... Dante et Arkush sont les deux monteurs de bande-annonces du studio au moment ou ils ont l'idée saugrenue de faire ce film; comme Daffy Duck in Hollywood, il s'agit d'une parodie du monde de la confection cinématographique... Comme le cartoon en question, ils vont mettre bout à bout des extraits d'autres films et presque faire du sens... Ce qu'ils font depuis un certain temps en tricotant des bande-annonces!

Il raconte plus ou moins l'histoire de Candy, une jeune femme qui veut absolument percer à Hollywood, mais le seul agent à accepter de travailler avec elle (Dick Miller, l'acteur fétiche de Dante) la met en contact avec Miracle pictures, qui vient de perdre une cascadeuse dans des circonstances tragiques (Et un peu rigolotes aussi, voir plus loin). Candy vient donc avec réticences pour faire la cascadeuse, mais ne tarde pas à interpréter aussi quelques rôles, et des scènes pas vraiment shakespeariennes, en compagnie de ses copines. Mais l'une d'entre elles est tuée lors d'un tournage, par une balle: une arme a été chargée par mégarde. A moins que...?

La première scène est peut-être le meilleur moment du film: une équipe de tournage s'affaire au sol, pendant que des cascadeurs font du sky-diving. Parmi les spectateurs, Mary est la star du film, et l'une des cascadeuses la double. Mais son parachute ne s'ouvre pas, et... Elle laisse un bon gros trou de cartoon dans le sol. Les personnes présentes décrètent qu'il faut lui trouver une remplaçante, car Mary, comme les autres femmes dans les films à deux balles réalisés par le studio, est amenée à tourner des rôles de femmes actives, très actives: morts violentes, déshabillages intensifs, gros flingues, tout y passe. Comme dans les films de Roger Corman, quoi! Dante et Arkush ne se sont pas contentés de recycler tout un pan de l'oeuvre cormanienne (dont des films aux titres aussi gracieux que Behind the dollhouse, Big bad mama, Death race 2000 ou The terror), ils ont aussi recréé l'esprit du studio sans aucune retenue. La gratuité abonde dans le film, qui devient un commentaire extrêmement approprié du monde un peu délirant de la New World pictures... Impossible à juger par trop de second degré, Hollywood Boulevard se regarde avec l'esprit aussi ouvert que possible, c'est le seul film au monde qui donne du sens à l'image d'un dinosaure en plastique qui lit un scénario sur des toilettes en plein air. Le seul film aussi qui crédite, à ma connaissance, un acteur Japonais et un seul pour jouer le rôle de tous les Philippins du film, d'ailleurs tirés d'un autre film. Le seul aussi dans lequel, afin de coïncider avec les extraits de films qu'il utilisaient, les metteurs en scène aient demandé à une actrice conduisant une voiture de quitter le volant pour monter sur le capot, sans aucune autre raison que le fait qu'ils allaient utiliser un plan d'action dans lequel on voit une voiture rouler à tombeau ouvert avec une fille sur le capot... Bref, ce film a été diversement reçu, on s'en doute: la critique préférée de Dante, fréquemment citée, demandait à ce que Hollywood Boulevard soit enterré sous une chappe de ciment.

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Published by François Massarelli - dans Joe Dante
20 avril 2015 1 20 /04 /avril /2015 17:11

Deux adolescents ont l'idée saugrenue de se baigner dans des cuves abandonnées d'un ancien terrain de recherches autrefois détenu par l'armée. C'est une mauvaise idée, car les mirlitaires y développaient (Mais pourquoi, grands dieux?) une race de piranhas qui pouvaient indifféremment passer de l'eau douce à l'eau salée. Suite à l'intervention inopinée d'un agent d'assurances qui enquête sur leur disparition, les piranhas sont relâchés, et n'ont plus comme but que de rejoindre le large, en passant par tous les cours d'eaux possibles. Le fait qu'il y ait de nombreux enfants dans l'eau, ne les gêne pas, au contraire...

Vers le début de ce petit film, en fait au début de la deuxième scène après l'exposition contenant deux ados qui se font joyeusement bouffer, l'héroïne du film trompe son ennui en jouant à un jeu d'arcade: Jaws, dans lequel des requins mangent d'innocents plongeurs... Une façon de signaler à toute personne désireuse de renvoyer Corman et Dante, respectivement producteur et réalisateur de ce film à leur statut de plagiaires du film spectaculaire de Spielberg, que c'est parfaitement assumé. Du reste, quelques minutes auparavant, Dante n'a pas pu s'empêcher de commencer le film sur une vision de barbelés menaçants qui font lourdement penser au premier plan ("No trespassing") de Citizen Kane, et dans la séquence de baignade qui s'ensuit, l'un des protagonistes parle de Creature of the black lagoon, de Jack Arnold! Donc pour sa première réalisation en solo, Dante signe une bonne fois pour toutes son film sous le triple patronage du petit génie de la débrouille du moment, d'un certain pan "noble" du cinéma d'épouvante, et d'un grand nom, respecté et reconnu, de l'histoire du cinéma...

Gonflé, sans doute, mais Dante n'a jamais été simplement un faiseur du cinéma de série Z, contrairement à Corman: auteur, il se situe en droite ligne de ces autres amoureux du cinéma. Que ceci soit son premier vrai film (Les précédents étaient des co-réalisations) importe peu, il sait déjà comment faire un vrai film avec trois bouts de ficelle. Et même si la tâche est ingrate (Piquer un maximum d'idées à Jaws, et en profiter pour placer un maximum de poursuites en voiture, et un peu de plans de filles qui se dénudent pour faire bonne mesure), il réussit à s'en tirer en distillant l'humour avec générosité... Ce film a donc réussi, non seulement à inaugurer la carrière d'un metteur en scène que nombreux parmi ses admirateurs tiennent pour un génie, mais aussi à échapper à la malheureuse destinée de tant de films Corman, celle de n'être que de médiocres plaisirs coupables.

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Published by François Massarelli - dans Joe Dante Science-fiction
20 avril 2015 1 20 /04 /avril /2015 08:18

Tournant le dos à son film précédent et son univers, une fois de plus, Alfonso Cuaron a donc réalisé cette oeuvre de science-fiction post-apocalyptique entre The prisoner of Azkaban et Gravity (Si on excepte sa participation au projet Paris je t'aime, pour s'en tenir à ses longs métrages). Le projet prend appui sur un roman récent de P.D. James, et non content d'en livrer une adaptation majeure, Cuaron va étendre l'histoire et l'univers en réalisant une fois de plus un tour de force: un film de science-ficion dystopique tourné comme un documentaire, dont l'essentiel est livré au spectateur via le point de vue de son héros. Celui ci, Theo, est interprété par Clive Owen, et le cadre du film est la Grande-Bretagne du futur, située en 2027 exactement. Le monde est désormais apparemment, stérile, et le Royaume-Uni est l'un des derniers pays à ne pas avoir totalement sombré dans le chaos. mais il est aussi aux mains d'un gouvernement d'extrême-droite qui fait une chasse féroce aux migrants, tout en faisant face à une menace terroriste forte, qui vient d'un peu partout. Il n'y a pas eu de naissance depuis 2009, et lorsque le film commence, c'est un jour triste pour l'humanité puisqu'on vient d'apprendre le décès du dernier né des humains, agé de 18 ans.

Theo (Clive Owen) est un ancien activiste, dont les idées n'ont pas résisté au passage des ans et à son cortège de mauvaises nouvelles; en particulier, il a tout plaqué suite au décès de son fils Dylan, survenu lors d'une épidémie en 2008. Depuis, il s'est séparé de sa compagne Américaine Julian (Julianne Moore) qui elle a continué en revanche à lutter contre le gouvernement au sein d'un groupe considéré comme terroriste, les "fIshes". Ceux-ci visent le soulèvement et la libération de la Grande-Bretagne, et espèrent asez clairement mobiliser les migrants, victimes désilgnées d'une idéologie lourdement répressive. Mais Theo préfère la vie rangée d'un employé de bureau, et aime à se réfugier dans les bois chez son vieux copain Jasper (Michael Caine), un ancien journaliste qui vit retiré en compagnie de son épouse paralysée, et de ses plants de cannabis avec lesquels il se débrouille pour organiser des petites combines au jour le jour. C'est dans ce contexte que Theo est contacté par Julian qui lui demande de convoyer une immigrante illégale hors du pays. Theo accepte, mais la mission prend très vite une tournure dramatique: la voiture contenant Theo, l'immigrante Kee, Miriam, une mystérieuse femme d'age mur, Julian et un de ses compagnons d'arme, Luke, est attaquée; Julian meurt des suites de l'agression, et Theo se réfugie avec Luke dans une maison tenue par les "fishes". C'est là qu'il va apprendre un certain nombre de choses: d'une part, que c'est par le groupe lui-même que le convoi a été attaqué; ensuite que Luke (Chiwetel Ejiofor) a lui-même commandité l'assassinat de l'emblématique Julian afin de mobiliser les consciences et soulever le pays; enfin que Kee (Claire-Hope Ashitey) est d'autant plus importante qu'elle est enceinte de huit mois... Theo va donc fuir avec elle, dans le but de la placer sur un bateau libre, le Tomorrow, qui doit ensuite l'emmener se réfugier aux Açores...

Spectaculaire, le film ne nous ménage pas: dès le début, nous sommes plongés en plein chaos, avec un coffee-shop Londonien dans lequel aux côtés de Theo nous apprenons le décès de "Baby Diego", le dernier enfant de la planète, qui manifestement se comportait comme une rock-star surcocaïnée en raison de son statut unique. Lorsqu'il sort pour se rendre à son travail, Theo entend derrière lui une explosion qui ravage l'établissement! Le Londres de 2027 est, à l'imitation du Washington de Minority report, une ville assez similaire à ce qu'elle est maintenant, mais la saleté en plus, et avec de discrètes touches de technologie de pointe, comme des déroulants publicitaires en vidéo numérique un peu partout. Cuaron va maintenir durant tout le film cette vision d'une Angleterre qui n'est qu'une variation cauchemardesque du pays contemporain, avec ses riantes campagnes salies par des charniers de vaches mortes, ses routes envahies de feuilles mortes car plus personne ne s'y risque, etc... Et la trace du fascisme est partout: à Londres, Theo longe des camps de réfugiés dans lesquels des cages contiennent des gens entassés qui attendent leur déplacement pour un ailleurs qu'on imagine pas vraiment reliusant... On n'aura pas longtemps à imaginer du reste, le denier acte se situe principalement dans un camp de réfugiés qui est en fait une zone de non-droit cauchemardesque. A l'entrée de ce "refuge" situé en bord de mer (Très précisément à Bexhill, une riante cité balnéaire du Sussex, localisée sur l'Est de la côte de la Manche) où les immigrants doivent survivre les uns par dessus les autres, le gouvernement opère un tri entre les postulants, et manifestement beaucoup sont directement exécutés au sortir de bus spéciaux qui les amènent.

La façon de procéder pour le cinéaste, du début à la fin, consiste en une mise au coeur des évènements pour Theo, le vecteur choisi pour la narration. Puisqu'en raison du choix de tourner à la façon d'un documentaire, il n'y a aucune possibilité pour Cuaron de décrocher de sa narration pour qu'une voix off ou un déroulant nous éclaircisse la situation, il utilise les médias à travers leur omniprésence: la télévision qui au début à travers la nouvelle de la mort de Diego nous apprend aussi la date et le contexte, les nombreux textes, déroulants, première pages de journaux vus dans le film, mais aussi les archives parfois présentes: Jasper est un ancien journaliste et a collectionné les coupures de presse au sujet de la situation mondiale depsui 20 ans, et les a ensuite afichées sur un mur. De plus son épouse est une ancienne photographe de presse. Et en suivant Theo, nous sommes assez rapidement au courant de la vraie situation, mais aussi du désespoir ambiant, avec un gouvernement dont la préoccupation essentielle semble être de maintenir la pression et la terreur en faisant en sorte que le public se croie sous la menace permanente. Parmi les menaces, on l'a vu, une faction de 'résistants' aux armes politiques assez efficaces et dont Julian elle-même, leur inspiratrice, croit qu'ils ont renoncé à la violence, mais aussi des groupes Islamistes, évoqués et entrevus à la fin dans le camp de réfugiés. Mais d'après certains personnages du film, le gouvernement organiserait lui-même la terreur en provoquant des attentats, comme celui du début du film selon Julian. Enfin, Cuaron cède ici à un de ses péchés mignons, qu'il a expérimenté avec un grand succès dans Y tu mama tambien: le plan-séquence, qui cristallise cette impression d'urgence dans laquelle vivent les protagonistes et qui renforce cette impression de vérité (Au point de laisser à la fin des gouttes de sang gicler sur l'objectif de la caméra, un truc certes impossible à justifier mais qui agit de façon très efficace sur le spectateur pour le plonger dans l'illusion d'être au coeur de l'action...). Il reviendra au plan-séquence avec son court métrage de Paris Je t'aime qui n'est justement qu'une seul plan de 8 mn, et bien sur avec le spectaculaire début de Gravity. Mais déjà il en maitrise parfaitement les codes, les raisons et les contraintes.

Dans ce film qui laisse peu de place à l'espoir, il était important que Kee soit bien interprétée, et qu'elle soit spéciale. Parfaitement candide et naturelle, c'est donc Claire-Hope Ashitey qui va incarner dans le film à la fois l'espoir et l'ouverture vers le conte. Car dans ce contexte ou le futur est désormais impossible (Le gouvernement a par exemple laissé une firme fournir la possibilité du suicide en créant le médicament "Quietus", qui vous aide à partir en douceur...), la présence d'une femme enceinte, prompte à rire, encore pleine de vitalité, et qui s'en remet instinctivement à Theo lorsqu'elle le recontre, permet au moins la renaissance d'un espoir. Elle permet aussi de retrouver, à travers ce nouvel espoir, la possibilité d'une dimension spirituelle. Dans un monde en proie au chaos Kee (Key?) est la seule source d'espoir, de convoitise aussi: très vite, autour de Theo et de la jeune femme (Qui va accoucher dans des conditions particulièrement dramatiques bien entendu) le chaos va se faire de plus en plus insistant... Et l'enfant, une fois née (Oui, c'est une fille), va cristalliser auprès de tous ceux qui la verront, l'espace d'un instant, l'émerveillement... Avant que les affaires ne reprennent: le film est particulièrement pessimiste en ce qui concerne la capacité de l'être humain à se sortir de la panade, et Cuaron nous montre, dans ce film-coup de poing, comment les gens finissent par s'endormir en se choisissant des contes de fées de seconde zone (Les Anglais tous unis dans l'abêtissement autour du deuil national ressenti pour la mort d'un sale gosse) mais devenus incapables de réagir et de'inverser la tendance. Comme Cuaron a choisi de tourner dans les conditions de la vérité, sans effets spéciaux si on excepte les fameuses vidéo-publicités évoquées plus haut, ce monde terrifiant est en vérité si proche du nôtre...

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Published by François Massarelli - dans Alfonso Cuaron Science-fiction
19 avril 2015 7 19 /04 /avril /2015 11:09

Sorti en Egypte en 2010, ce film part d'une anecdote qui avait plus ou moins défrayé la chronique il y a quelques années: une jeune femme victime d'une agression avait porté plainte en insistant sur le caractère sexuel de l'agression dont elle avait été la victime. Elle était la toute première femme en Egypte à le faire. D'où l'idée de ce film qui mèle trois parcours de trois femmes, symboliquement très différentes les unes des autres, séparées par leur niveau social, leur culture, et la façon dont elles cultivent leur apparence.

Fayza (Boushra), voilée, est une musulmane assez conservatrice, et elle est mariée à un homme assez traditionnel. Ils vivent dans un quartier défavorisé, et fait des sacrifices pour pouvoir assurer une éducation decente à ses enfants. Mais elle est obligée de prendre des taxis, car le bus est un lieu malsain pour les femmes comme elle: elles ont à subir les attouchements des hommes, qui profitent de l'affluence pour avoir les mains (Et plus parfois) baladeuses. Ils ont même mis au point la "technique du citron": se mettre un petit citron dans la poche, et se frotter. Si la femme se plaint, on prétend avoir oublié le citron dans la poche, si elle ne se plaint pas, on peut y aller carrément...

Seba (Nelly Karim) est une jeune commerçante indépendante, mariée à un jeune obstétricien. Aisée, elle se rend avec lui à des matches de football, et un soir, lors d'un match gagnant pour l'Egypte, elle va subir des tripotages lors des débordements de foule. Elle réagit d'une façon que son mari trouve disproportionnée: elle se lance dans des cours d'auto-défense pour les femmes, qu'elle réussit à médiatiser. Fayza sera l'une de ses "élèves", allant jusqu'à utiliser des épingles et des canifs pour faire valoir ses arguments dans le bus.

Enfin, Nelly (Nahed el-Sebai), une jeune femme de culture occidentale, subit un jour une agression violente et inattendue: un homme au volant d'une voiture s'accroche à un de ses pendentifs et s'amuse à la trainer sur plusieurs mètres. Elle va porter plainte, ce qui déclenche une réaction d'étonnement généralisé. Plus grave, elle n'obtient pas le soutien de sa famille, aux idées pourtant très avancées. Les trois femmes vont inévitablement se rapprocher, et organiser symboliquement une sorte de résistance. Pendant ce temps, le mari de Fayza, Adel (Basem el-Samra), ne comprend pas que sa femme se refuse à lui ("Pourquoi crois-tu que je me suis marié?", plaide-t-il!), et l'inspecteur Essam (Maged el-Kedwany) voit avec un mélange d'agacement et d'amusement se multiplier les agressions contre des hommes sur la ligne de bus 678...

Le ton oscille entre l'urgence quasi-documentaire (Même si la façon dont Diab orchestre les rencontres et les liens dramatiques entre les trois histoires d'une façon chorale qui renvoie à la méthode d'Alejandro Gonzales Inarratu, en utilisant beaucoup la caméra portée à l'épaule et un montage de guerilla!) et un ton de comédie, ce qui est troublant; le ton est à la comédie (Notamment grâce à la prestation époustouflante de Maged el-Kedwany, qui interprète son inspecteur de police d'une façon qui permet de nous raccrocher à son point de vue, et qui met les actions des trois femmes en perspective: elles sont arrêtées, mais aucunes de leurs "victimes" n'a porté plainte, et pour cause. Du coup, il soutient leur combat à défaut de leurs actions)... Mais le propos reste dramatique: le film est une radiographie de la société Egyptienne, tout tournant autour des données des relations hommes-femmes: rapports sexuels mécaniquement réclamés par le mari tous les soirs, droit de tout faire et de tout tenter vis-à-vis de la femme qui se trouve face à soi, impunité assumée avec arrogance par la plupart des hommes, conception de l'honneur qui fait que toute femme victime d'un viol attire sur elle et sa famille l'opprobre, que toute femme qui se présente dans la rue se trouve par avance coupable des attouchements dont elle pourrait être la victime. Une société dans laquelle une femme enceinte arrive au bout du découragement devant la multiplication de ses enfants mâles, dans laquelle un fonctionnaire de police se ferme à la seule évocation d'une plainte pour agression sexuelle. Dans le film, Nelly se présente à la télévision pour médiatiser sa plainte, et les appels l'accusant de tous les vices vont se multiplier durant l'émission.

Mais ce qui est finalement le plus troublant, c'est cette réflexion de Seba, qui accuse Fayza, voilée, non maquillée et soumise, de laisser faire par ses valeurs traditionnelles, rappelant qu'il n'y a pas si longtemps, les Egyptiennes portaient des jupes courtes, sans qu'il ne se passe la moindre émeute. Le film ainsi rappelle que rien n'est inéluctable et que le "retour à l'ordre moral" est toujours tapi dans un coin, que ce soit en Egypte d'avant la révolution, en Egypte d'après la révolution, ou dans des pays Occidentaux dans lesquels les agitateurs religieux de tous poils sont prèts à aller défendre les idéaux moyen-âgeux dans la rue. Il serait absurde d'imaginer que les violences faites aux femmes ne soient liées comme le prétendent quelques charlatans politiques à une seule culture, un seul pays ou une seule religion. D'où l'intérêt d'un tel film, qui est d'ailleurs sorti en Europe en 2012, ce qu'on ne peut pas dire de beaucoup de films Nord-Africains.

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Published by François Massarelli - dans Afrique du nord
17 avril 2015 5 17 /04 /avril /2015 08:45

Une comédie avant tout, voilà ce qu'il faut retenir de Tootsie: comme tant d'autres, glorieux ou non, avant lui, le film de Pollack n'est pas un pamphlet, un brûlot visant à changer le monde, mais fait le point, et montre l'état des lieux d'une certaine vision des rapports hommes-femmes, à une période qui fait suite à l'explosion des contestations, parmi lesquelles la cause féministe a beaucoup fait parler d'elle. Mais ce qui frappe, et qui pourrait aisément jouer contre le film pour certains et certaines, c'est bien sûr le fait que ce film, qui joue avec brio la confusion des genres, est vu du point de vue d'un homme, et que c'est un homme qui va affirmer l'égalité, et remettre les hommes à leur place. Sauf que Pollack aussi bien que Dustin Hoffmann ont su trouver le ton juste afin d'éviter de tomber dans une forme de paternalisme féministe... Le film est aussi (Surtout?) un beau film sur l'acteur, cet être qui doit, parfois, abdiquer sa personnalité afin d'en incarner une autre. Quel meilleur exemple que l'histoire du chômeur qui n'a pas trouvé d'autre issue que de devenir une femme afin de trouver le travail idéal?

A New York, Michael, un acteur doué pour le théâtre mais pas du tout pour les compromis, cherche désespérément un rôle, afin surtout de financer une pièce qu'il souhaite monter, mais qui n'attire aucun producteur. Il accompagne un jour une amie, l'actrice Sandy (Teri Garr), pour une audition; le rôle qu'elle convoite est celui d'une administratrice dans un hôpital, pour un 'soap', mais elle est refusée avant même de pouvoir tenter le rôle. Il apprend par son agent (Sydney Pollack) qu'il ne se trouvera personne pour lui donner un rôle en raison de son exigence (Il discute de tout, y compris des sentiments d'une tomate qu'il doit interpréter dans un spot publicitaire), et finit par tenter l'impossible: déguisé, il se rend aux auditions pour le feuilleton, d'autant qu'il a aidé Sandy à préparer le rôle, et grace au culot de 'Dorothy Michaels', le personnage qu'il s'est inventé, il obtient le rôle. A lui désormais, pour un mois, de dissimuler son identité, de passer pour une femme, de cacher à Sandy qu'il lui a soufflé le rôle qu'elle convoitait, de gérer une relation forcément difficile avec Julie (Jessica Lange), une actrice du soap avec laquelle il sympathise forcément, mais qui croit qu'il est une femme... Mais surtout il va lui faloir faire avec l'immense talent de Dorothy Michaels, qui lui pose bien des soucis: elle est tellement bonne et tellement populaire, embrassant dans des improvisations hallucinantes la cause des femmes qui avaient jusqu'alors été mal considérées dans le feuilleton, et sa popularité lui font faire des ravages dans les coeurs: Michael/Dorothy doit faire attention à John Van Horn, le vieil acteur qui se croit séducteur ('Horn', ça débouche sur "horny", un adjectif qui veut dire "sexuellement excité"), mais surtout à Les, le père veuf de Julie, qui est amoureux de Dorothy... Et enfin, Dorothy est coincée dans son contrat pour 1 an!

Dorothy n'est pas, surtout comparée aux deux actrices (Jessica Lange et Geena Davis) avec lesquelles elle partage l'affiche, un canon, loin de là. D'ailleurs à plusieurs reprises, il est fait allusion à son âge, ce que renforce sa tendance à porter des vêtements stricts et d'une autre décennie. Elle porte une permanente, ce qui la pousse à dormir avec des bigoudis, et sa pomme d'adam prononcée lui empêche le port du décolleté... Mais elle devient, dans ces matérialistes années 80, le symbole d'une certaine femme Américaine: son culot, la façon dont elle entreprend de dominer les scènes en fonction de son instinct, et le talent naturel de metteur en scène de théâtre de Michael font le reste... Mais le film pousse le personnage de Michael, ainsi que les rares à être au courant de la situation (Jeff, interprété par Bill Murray, est le co-locataire de Michael, et sinon le seul autre à savoir est George, l'agent) à évaluer dans quelle mesure le rôle finit par vampiriser l'acteur... On assiste donc ici à la confusion des sexes, soit un domaine rabaché par la comédie Américaine depuis les années 30, mais le conflit ici est au sein d'une seule et même personne, et le dialogue formidable joue beaucoup sur cet aspect. Et 'Dorothy' permet à un certain nombre de personnes, directement ou indirectement, de faire le point sur leur vie: Julie pour commencer, qui va devenir plus forte, alors qu'elle végète dans une histoire d'amour mal fichue dont elle est l'esclave, et qui a une petite fille de 14 mois alors qu'elle est célibataire. L'arrivée de Dorothy dans le casting de la série lui permet enfin de s'affirmer, et elle rejoint son amie dans sa prise de pouvoir sur le show, tout en venant à comprendre qu'il lui faut rompre avec son metteur en scène. Les, le père de Julie (Charles Durning, The big Lebowski!), va remettre son célibat en question, et Sandy va enfin déclarer son indépendance vis-à-vis de Michael... Qui lui va découvrir la femme cachée en lui, qui lui permet enfin d'être 'un meilleur homme qu'il n'a jamais été'...

Riche, drôle et réussi, ce qui est avant tout une comédie de situation très bien menée n'est donc pas l'annonce d'une révolution féministe, juste un film qui, avant que le Reaganisme ne nivelle tout par le bas en imposant de nouveau une hiérarchie sexuelle, permet aussi une reflexion juste sur la perception de la femme dans notre société, et qui le fait en passant par un personnage troublant, une femme mal fichue, vieux-jeu, mais drôlement forte, qui va à l'encontre des canons sexistes de la beauté, et le fait en plus en jouant en permanence contre...lui-même. Dustin Hoffmann l'a toujours dit, pour lui le film n'est pas une comédie, mais une vraie rencontre.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Sydney Pollack Criterion
16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 16:45

Adapté d'une pièce de Alexander Brody, ce film Universal doit énormément à Boule de Suif, ce qui met d'une certaine façon Sloman dans un club qui avait aussi pour membres, excusez du peu, Kenji Mizoguchi dont l'un des premiers films parlants était une adaptation de la nouvelle de Maupassant, et John Ford, qui savait parfaitement de quelle source la nouvelle Stage to Lordburg était tirée, lorsqu'il travaillait à son film Stagecoach qui en était dérivé... Cette fois, l'histoire est celle d'un petit village frontalier dans l'Autriche de 1914, à l'intérieur duquel s'est installée une forte communauté Juive, dont beaucoup viennent de Russie dont ils ont fui les pogroms orchestrés par les soldats Cosaques. Le rabbin Lyon (Nigel De Brulier) et sa fille Lea (Mary Philbin) y vivent heureux en attendant un possible mariage de la jeune femme, une vraie forte tête. Celle-ci fait la rencontre inopinée d'un bel homme, Constantin (Ivan Mosjoukine), un Russe qui s'est aventuré loin de ses frontières pour chasser. Le Rabbin interdit à Constantin de s'approcher de sa fille, mais celui-ci revient à la faveur de la guerre, et va brièvement occuper le village avec ses Cosaques. Désireux de séduire la jeune femme, il lance un ultimatum à la population: il brûlera le village et ses habitants, à moins que Lea n'accepte de passer la nuit avec lui... La population fait pression sur la jeune femme et son père.

Largement oublié aujourd'hui, Surrender doit essentiellement sa relative notoriété à la présence de Mosjoukine, dont c'était l'unique incursion dans le cinéma Américain. Un accord de distribution qui se voulait un début de contrat avait été trouvé auprès de la Universal pour Michel Strogoff (Victor Tourjanski, 1926) et le studio espérait lancer la star avec les aventures du courrier du tsar... Mais le public n'a pas accroché. Mosjoukine est donc ici traité en invité de luxe, et son crédit vient en deuxième position après celui de Mary Philbin, qui interprète Lea. Le rôle de Constantin est un mélange entre le jeune Mosjoukine un peu rêveur du Brasier ardent, et ses rôles plus flamboyants de soldats Russes au temps du cinéma Tsariste (La dame de pique, de Protazanov, 1916). Mais surtout, il est clairement identifié comme un homme plutôt bon, ce qui tend à contredire son rôle dans des pogroms, évoqué sans aucune retenue au début du film. Pourtant, au moment de tirer sur un écureuil lors d'une partie de chasse, il abaisse son fusil... C'est un affadissement assez difficile à accepter, mais ça permet au moins au jeune homme de pouvoir conquérir le coeur de la jeune femme.

Mary Philbin, auréolée des succès de The merry-go-round (Rupert Julian et Eric Von Stroheim, 1923), et de The phantom of the opera (Rupert Julian et Edward Sedgwick, 1925) est donc la star du film, mais un autre aspect me semble prendre de la place, et ce n'est pas rien: Edward Sloman était, à la Universal dans les années 20, un metteur en scène spécialisé dans des histoires qui mettaient en scène des Juifs de tous horizons, montrés avec une certaine tendresse par l'un d'entre eux, qui avait à coeur de combler un vide assez embarrassant pour une industrie dans laquelle les Juifs avaient pourtant tant d'importance. Un grand nombre de ses films ont disparu, mais celui-ci a toujours été disponible, heureusement. Si l'anecdote de Boule de suif telle que l'a traitée le film ne tient pas forcément la route en raison de la sympathie naturelle que le public ne peut que ressentir à l'égard de Mosjoukine, ou de la médiocrité terrifiante de l'actrice principale (Mary Philbin était objectivement nullissime), la façon dont Sloman nous montre le village, avec ses acteurs Juifs ou non (Nigel de Brulier avait du jouer tous les religieux, de Richelieu de Don Frollo, à des sages Indiens, il était normal qu'un jour ou l'autre il joue un rabbin!), la chaleur et la vie dégagée par la caméra de Gilbert Warrenton, et le rythme sûr du film, dont parfois les intertitres disparaissent au profit de textes intégrés dans les plans, ce qui a un effet dynamique, nous donnent une solide envie d'en voir plus! Quant à Mosjoukine, peu enclin à jouer les seconds couteaux, il prit la décision de retourner en Europe.

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Published by François Massarelli - dans Muet Ivan Mosjoukine 1927