Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

9 février 2016 2 09 /02 /février /2016 17:53

Dernier des courts métrages de Frank Tashlin à la WB, ce film est aussi le deuxième de ses Bugs Bunny! contrairement à ses camarades, il ne semblait pas trouver son compte dans les aventures du lapin, et c'est bien dommage car ce film fait entendre une voix intéressante; pour commencer il partage avec Clampett le fait de ne pas utiliser de façon fixe et uniforme le personnage de Bugs, qui est ici plus élastique, moins traditionnel que dans les films contemporains de Jones et Freleng qui l'avaient une fois pour toutes rendu immuable. Et son approche est intéressante car il part d'une supposition osée: Elmer a besoin de chasser le lapin, parce qu'il est un savant fou qui doit procéder à des expériences... Et c'est afin de s'amuser que Bugs se laisse attraper! Tashlin ne succombe pas trop à la tendance "verbeuse" des cartoons de Bunny, et d'ailleurs il en oublie presque une tradition importante: le "What's up doc?" est lâché par Bugs à un moment avancé du cartoon, alors que lui et Elmer s'apprêtent à sortir du cadre... Ca n'empêche pas Tashlin de se livrer à quelques jeux de langages, mais... il le fait de façon visuelle, comme le prouve une illustration ci-dessous (Vis: Screw; Balle: ball; Et "screwball", ça veut dire "cinglé"...)

Hare remover (Frank Tashlin, 1946)
Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes
7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 21:45

Que faire d'un héros de cartoon qui est inutile et mille fois trop mièvre? Lui donner des partenaires qui relèvent le niveau, tout simplement... Dans ce film, Porky Pig, la première star des Looney Tunes, part donc chasser le canard sous la direction de Tex Avery. Dès la première séquence, on peut imaginer que Tex va s'intéresser au personnage, puisqu'il détaille un certain nombre d'accessoires (Toute une panoplie, comme lorsque le coyote de Chuck Jones commandera des objets via ACME!) qui vont lui servir à chasser... On voit même le héros contempler son reflet en chasseur tout équipé dans un miroir... avant de menacer son chien et de faire un gros trou non seulement dans le plafond, mais aussi dans le fond de pantalon du voisin du dessus... Puis la chasse proprement dite est prétexte à de nombreux gags, avant que quelque chose de totalement inattendu ne se passe. Je pense que ça a du être inattendu pour Avery aussi, qui avait confié l'animation d'une séquence au jeune Bob Clampett. Celui-ci avait pour tâche de montrer un canard un peu zinzin contre lequel Porky ne pouvait pas lutter... On se retrouve donc face à un canard tellement excentrique qu'il a fallu le faire revenir à deux reprises dans le film, dont une fois en fin durant le carton final. Tex savait sans doute que le jeune Clampett avait eu une excellente idée, mais en fait, elle a eu trois conséquences: le canard est devenu une star, Daffy Duck (Qui s'est hélas affadi assez rapidement après avoir été une merveille d'anarchisme poétique à poil dur); l'apparition dudit palmipède a inspiré un autre animal crétin face aux dangers de la chasse, un lapin mystérieux qui n'allait pas tarder à évoluer; et enfin, Bob Clampett y a gagné ses galons de réalisateur...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Daffy Duck Animation Looney Tunes Tex Avery
7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 08:53

Bob Clampett a quitté son poste d'animateur sur les films de Tex Avery en 1937, pour devenir réalisateur à part entière. Il est resté au studio de Leon Schlesinger jusqu'à 1946, partant faire des films ailleurs, des films qui à mon sens n'ont pas grand intérêt. Par contre, les neuf années d'activité au service de la WB sont d'une richesse impressionnante, et nous sommes nombreux à le considérer comme le plus grand des réalisateurs de cartoon, devant les deux stars incontestées du genre, Chuck Jones (Dont la longévité reste impressionnante, dans un métier qui ne pardonne pas!) et Tex Avery (Adoubé par tant d'historiens de par le monde que plus personne ne semble remettre en doute son importance). Clampett était pour moi le meilleur, parce qu'il ne s'interdisait rien, n'avait donc aucune limite, et était sans doute parmi les réalisateurs de cartoon traditionnel celui qui était le plus éloigné de la philosophie Disney: à un Bambi qui tentait de reproduire la vie par l'animation (Mais... Pourquoi faire?), Clampett opposait en permanence un univers animé fou furieux et motivé par l'absurde, mal dégrossi, parfois agressivement différent, dans lequel les gags étaient parfois invisibles à l'oeil du spectateur (Il faut procéder à des arrêts sur image souvent si on veut profiter pleinement d'un film de Clampett!). Bref, un génie trop grand pour le médium, qui le lui a assez bien rendu.

Et ce génie a, comme tous ses copains de chez Schlesinger, "dirigé" Bugs Bunny... Et ce qui n'est pas banal, c'est qu'alors que de nombreux films de Clampett sont aujourd'hui totalement invisibles pour cause d'attitude politiquement-incorrecte aggravée (Le plus joyeusement navrant de ces exemples étant l'ineffable Coal Black and de Sebben Dwarfs de 1943, qui réactualise Snow White avec tous les clichés possibles et imaginables des Afro-Américains, assumés dans un maelstrom de mauvais goût), les 11 films dans lesquels il met en scène Bugs Bunny sont aujourd'hui disponibles sous une forme ou une autre via la belle collection de DVD et de Blu-rays parue chez Warner dans les années 2000-2010... On peut donc se pencher sur ces onze joyaux et découvrir sur pièces ce qui les différencie de l'univers habituel de Bugs Bunny, car oui, les autres réalisateurs ont joué le jeu et tenté de créer un personnage cohérent: Hardaway et Dalton ont créé le mythe du lapin et du chasseur dépassé par le comportement de l'animal, Avery a créé et raffiné le personnage d'Elmer, ainsi que le rythme particulier des films, tout en trouvant la phrase d'approche définitive ("What's up doc?"), Friz Freleng l'a utilisé comme prétexte à des défilés de losers magnifiques (D'Elmer à Daffy Duck en passant par Hiawatha et bien sur Yosemite Sam), Chuck Jones a joué sur tous les tableaux, par des extensions inattendues de l'univers de Bugs, ou des variations infinies sur la situation de base, et enfin Bob McKimson a tenté une fusion malhabile entre le personnage et une version plausible de notre monde. Clampett, lui, a exploré le reste: la folie de Bugs Bunny, sa méchanceté, ses défauts voire son côté obscur. Il l'a rendu plus humain que les autres en n'hésitant pas par exemple à le voir craquer devant l'hypothèse de sa propre mort (Bugs Bunny Gets the boid), perdre complètement la face devant l'inconnu (Falling hare), et le Bunny qui perd à cause d'une tortue (Tortoise wins by a hare) est autrement plus affecté chez Clampett que chez Tex Avery... Et si tout cela ne suffisait pas, Clampett a tout transgressé, en proposant le plus absurde des meta-Bugs Bunny, une spécialité de Chuck Jones, mais qui n'a jamais été aussi loin que Clampett dans l'admirable The Big Snooze, le (Comme par hasard) dernier des films du réalisateur pour la WB.

Wabbit Twouble (1941, Crédité à Wobewt Cwampett) est donc le premier de ces films, et c'est aussi l'un des derniers films proposant un Elmer Fudd solidement adipeux. Bugs y trouble joyeusement le repos ("West and wewaxation, at wast") d'Elmer, venu chercher le calme au parce de Jello-Stone. Un ours idiot sera aussi de la partie...

The Wacky Wabbit (1942) On prend les mêmes et on recommence... Elmer est chercheur d'or, et Bugs lui met gratuitement des bâtons dans les roues. La recherche d'or est motivée, fait intéressant, par l'effort de guerre, un rappel de l'activité de propagande du studio, à laquelle Clampett a beaucoup participé.

Bugs Bunny gets the Boid (1942) permet la première addition majeure d'un personnage par Clampett au sein de l'univers de Bugs Bunny aux prises cette fois avec un Buzzard, mais pas un gros, un beau, un impressionnant: Beaky ( Qui reviendra à quelques reprises dans d'autres cartoons avant de disparaître) est une andouille, une de ces victimes inattendues de la méchanceté de Bugs Bunny... La galerie d'expressions de Clampett s'enrichit ici de la contribution magnifique d'un génie, l'animateur Rod Scribner auquel Clampett aimait donner du travail à faire pour tempérer le côté impeccable mais raisonnable de l'animation de Bob McKimson. Ce qui donne souvent aux films du réalisateur cet aspect instable...

Tortoise wins by a hare (1943) reprend la trame de base de Tortoise beats hare (De Tex Avery) elle-même inspirée du Lièvre et la tortue, en donnant à Bugs Bunny une motivation coupable: la vengeance contre une tortue qui l'a humilié. Le film apporte peu à l'intrigue et à la légende, mais a au moins l'avantage d'être probablement le film dans lequel le lapin souffre le plus, avant de perdre lamentablement. Une galerie de lapins de la pègre doit beaucoup à l'animation déjantée de Scribner. Et on peut aussi, si on n'est pas trop dégoûté, compter les bouts de carotte qui sont mâchés dans sa colère par le lapin...

Corny concerto (1943) anticipe le travail de Freleng, qui allait représenter dans Herr meets hare un lapin qui s'adonne à du ballet avec rien moins qu'Hermann Goering, ainsi que le fameux (Mais plus tardif) What's opera Doc? de Jones. Et ce nouveau film est une parodie de Fantasia, que Clampett a vu et revu avant de s'y attaquer. Elmer y joue le rôle du présentateur, et deux oeuvrettes musicales y sont illustrées à la façon de Disney (Et dans un style comme toujours animé par McKimson, mais visiblement bien différent de celui habituel de Clampett): Tales from the Vienna Woods, et Le Beau Danube Bleu, de Johann Strauss. Si le deuxième se voit gratifier d'une intrigue inspirée du Vilain petit canard, le premier est une énième variation sur le principe du chasseur et du lapin...

Falling hare (1943) est le plus malaisé des films de Clampett avec Bugs Bunny. Le lapin y est aux prises avec des Gremlins, tels que ceux animés par Clampett dans un autre film de cette même année, Russian Rhapsody. C'est d'ailleurs équivoque: si dans l'autre film, les Gremlins sont du côté des alliés et s'attaquent à HItler, pourquoi Bugs Bunny aurait-il à en souffrir? En tout cas la lutte entre des bestioles incontrôlables (Mais bien lointaines de la folie furieuse façon Joe Dante, bien sur) et le lapin qui la ramène tout le temps tient parfois du cauchemar fiévreux...

What's cooking doc? (1944) est une pause, un dessin animé de recyclage concocté vite fait par l'équipe de Clampett pour boucher un trou, et c'est quasiment, en terme d'animation, un solo... Sauf que 2 minutes de Hiawatha's rabbit hunt (Freleng, 1941) y sont recyclées! Le thème, c'est bien sur la cérémonie des Oscars, longuement introduite par des images filmées à Los Angeles, avant qu'on ne voie Bugs à sa table, s'impatientant parce qu'il est sur de gagner. A l'annonce du fait que le lauréat est James Cagney, il se lance dans une campagne d'auto-promotion pour faire changer la décision. Rod Scribner gagne la palme de l'animation la plus ahurissante avec une réaction de Bunny (Voir photo) qui une fois de plus utilise la distorsion la plus extrême...

Hare ribbin' (1944) offre une variation sur le thème de la chasse car cette fois (Comme dans The heckling hare de Tex Avery) c'est un chien qui poursuit Bugs Bunny de ses assiduités. Un chien d'ailleurs vaguement efféminé, qui va suivre Bunny dans l'eau (Une bonne partie du cartoon est en fait purement sub-aquatique... ce qui a tendance à en ruiner l'effet) et succomber à ses charmes comme à ceux d'une sirène. Si McKimson est à son aise comme à chaque fois qu'il doit animer une bestiole de taille conséquente, Scribner s'en donne à coeur joie avec les changements d'expression du molosse.

Buckaroo Bugs (1944) offre une incursion dans un far-west pour rire: Red Hot Ryder (Parodie bien sur de Red Ryder, mais le justicier est petit, avec un problème de poids, et particulièrement crétin) pourchasse le "maraudeur masqué", un mystérieux bandit qui passe son temps à piller les réserves de carottes... L'animation est une fois de plus frénétique, joyeuse et anarchique...

The old grey hare (1944) confronte Bugs Bunny une fois de plus à Elmer, mais cette fois avec une variation inattendue: les deux vont être amenés à voyager dans les époques: Elmer est transporté à l'an 2000 pour voir si enfin il va y triompher du lapin, et un vieux, très vieux Bugs lui rappelle leur jeune temps. Mais qu'il s'agisse de leur futur ou de leur passé, les deux personnages vont de toute façon être l'objet d'une animation délirante, et de gags cruels (Les pires étant bien sur les ignominies faites par le bébé Bunny au bébé Elmer...).

The big snooze (1946) Clampett n'est pas crédité au générique de ce film, qui survient deux ans après le précédent. D'autres metteurs en scène ont prolongé l'univers de Bugs, et Clampett n'est plus du tout motivé pour rester à la WB. Au moment de la sortie du film, Bob McKimson a déjà repris l'unité de Clampett, et il est probable qu'on lui doit la finalisation du film. Mais ici, c'est la patte de Clampett qui prime et son animation une fois de plus partagée entre la rigueur de McKimson et la folie de Scribner. Pour son dernier film avec la star, Clampett imagine une intrigue folle: Elmer ayant jeté l'éponge et déchiré son contrat, Bugs Bunny décide de troubler le repos (West and wewaxation again) de son partenaire, en s'introduisant dans ses rêves doux et en les transformant en cauchemars. Et ce ne sera pas une surprise de voir que ceux-ci en disent long sur la vie intérieure effrayante du chasseur comme de son ennemi juré, tout en constatant un retour en arrière intéressant: Clampett cite ici les gags d'un autre film, le controversé All this and rabbit stew (De Tex Avery) A la fois coda inspirée et excellente introduction au monde fou furieux de Bob Clampett, ce film est probablement son chef d'oeuvre...

Bugs Clampett par Bob Bunny (1941-1946)
Bugs Clampett par Bob Bunny (1941-1946)
Bugs Clampett par Bob Bunny (1941-1946)
Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bob Clampett Animation Bugs Bunny Looney Tunes
6 février 2016 6 06 /02 /février /2016 18:12

Pour commencer, ce film parfaitement admirable est l'occasion de faire un petit rappel historique. Le studio de Leon Schlesinger était dans les années 30 un endroit très clairement hiérarchisé: les stars (Freleng, Jones) y faisaient des dessins animés en couleurs, sous l'appellation Merrie melodies. Les autres, les obscurs et sans-grade, y concoctaient sous le nom fourre-tout (et plutôt bien vu) de Looney tunes, des dessins animés en noir et blanc, avec le plus souvent un héros récurrent, l'ineffable Porky Pig. Seul Tex Avery jonglait sans aucun scrupule de la couleur au noir et blanc. Malgré tout, lorsqu'il a commencé à s'occuper en priorité des Merrie Melodies (C'est-à-dire lorsque Friz Freleng est momentanément parti du studio), il a laissé son unité noir et blanc à son ancien animateur Bob Clampett. Et celui-ci a donc pu faire un grand nombre de Porky Pig, tous plus inattendus les uns que les autres...

Mais d'une part, il l'a vraiment entièrement refaçonné, tant physiquement (Jusqu'à en faire le personnage qui est parfois encore utilisé aujourd'hui: moins porcin, rond, oui, mais pas obèse) que dans son personnage: Avery ne savait absolument pas quoi en faire, mais Clampett lui a donné une famille à géométrie variable, et l'a souvent utilisé comme un pendant de Mickey Mouse, donc propre à vivre tranquille à faire pousser des légumes en compagnie de son chien, autant que destiné à vivre des aventures délirantes: Porky in Egypt, ou ce plus étonnant film, donc, Porky in Wackyland...

Que Clampett soit un dingue, c'est évident. Le degré d'absurdité, de malpolitude, d'inventivité baroque et de sauvagerie burlesque de ses films, leurs contours élastiques (Les personnages en sont souvent distordus, et leurs traits ne sont jamais totalement fixés, les décors changent du tout au tout d'un plan sur l'autre), tout les rend joyeusement surréalistes... Et celui-ci l'est d'autant plus que c'était l'intention, justement. Porky y part en Afrique, à Wackyland (Qu'un titre Français traduit par Zinzinville, mais ce serait plutôt Cingléland), dans le but d'y mettre la main sur le dernier des dodos... Et va le trouver, mais au prix pour le spectateur d'une migraine violente. A ce stade de n'importe quoi, c'est d'un pinceau à cauchemar que Clampett a dirigé son film. Il y invente des créatures effrayantes, des situations absurdes, des bruits qu'on n'oserait pas inventer avec 42° de fièvre. Il dote son univers d'un décor à la Dali, et fait exploser toutes les barrières de l'espace filmique, et du bon goût... Un panneau à l'entrée de Wackyland prévient: It CAN happen here! ...Donc tout peut arriver, un avertissement pris par le metteur en scène au pied de la lettre.

...Bref, c'est un régal.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bob Clampett Animation Looney Tunes
6 février 2016 6 06 /02 /février /2016 17:48

Qu'est-ce qui différencie un dessin animé de Chuck Jones mettant en scène la lutte acharnée et perdue d'avance entre un coyote affamé et un oiseau coureur de routes des déserts du Sud-Ouest Américain, d'un autre film du même genre? Rien, apparemment, sinon l'évolution des décors, qui vont se révéler de plus en plus abstraits au fur et à mesure, entre la fin des années 40 lorsque les personnages ont fait leur apparition, et les années 60 durant lesquelles ils vivront leurs dernières aventures. Pour le reste, c'est clairement toujours la même chose:le coyote tente, élabore des stratégies, finit toujours par s'en remettre à l'efficacité de la vente par correspondance des produits ACME, en lesquels il a une confiance que j'ai du a à expliquer, tant il en a souffert. Quant à l'oiseau, qui ne sert pas à grand chose si ce n'est représenter l'impasse terrifiante dans laquelle ce canidé presque humain s'est engouffré pour l'éternité, il continuera à courir, lui aussi coincé dans une sorte de rupture embarrassante dans le continuum spatio-temporel, et à embêter sérieusement l'autre animal. Rien de nouveau ne se passera jamais, Chuck Jones ayant inventé le non-suspense absolu, en même temps qu'une certaine forme de perfection.

Et ça, c'est admirable...

Going! Going! Gosh! fait donc partie de cette glorieuse et inamovible série de dessins animés réalisés par Chuck Jones, , dont il est le troisième...

Tout au plus pourra-ton faire remarquer qu'après avoir expérimenté avec les "toppers" sur le deuxième (ce principe d'ajouter au gag, une fois sa résolution trouvée, un petit truc qui le relance, le complète, ou enfonce le clou - parfois littéralement), ce court métrage expérimente le "double topper"... en voici un exemple: le coyote, dans un égout, s'apprête à lancer une grenade sur la sale bestiole. Il est bien caché, sous le couvercle en fonte. A l'approche de l'oiseau (Meep! meep!), il dégoupille la grenade, ferme le couvercle par dessus-lui, et... le Roadrunner passe par un autre chemin, son passage provoque la chute d'une énorme pierre qui vient se placer sur le couvercle de la bouche d'égout... Le coyote étant coincé, l'accomplissement du gag provient évidemment de l'explosion qui s'ensuit. Topper #1: le couvercle retombe sur la tête du coyote (bruitage inévitable: Clonk.), puis topper #2: la pierre retombe à son tour sur le couvercle.

Ce troisième film est remarquable aussi par l'utilisation de plus en plus forte de regards à la caméra, mais aussi par les relations complexes, et généralement malheureuses, du coyote avec les enclumes.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Animation Looney Tunes Wile E. Coyote
30 janvier 2016 6 30 /01 /janvier /2016 16:09

Période charnière pour la section animation de la WB sous la houlette de Leon Schlesinger, ces quatre années ont vu le studio se restructurer après le départ de l'immense Fred "Tex" Avery, en particulier grâce aux bons et loyaux services de ses trois réalisateurs vedettes (On disait "Superviseur" à la Warner): Friz Freleng, Chuck Jones et Bob Clampett. Et bien sur les trois ont fait appel aux services de plus en plus lucratifs de LA vedette maison, à savoir le lapin Bugs Bunny. D'autres réalisateurs trainaient leurs guêtres dans les mêmes studios à cette époque, mais ils étaient encore un peu verts (Bob McKimson), moins motivés (Frank Tashlin) voire l'objet d'une méfiance coupable (Art Davis). J'ai déjà évoqué en ces lieux quelques unes des oeuvres majeures du prolifique Friz Freleng, qui va beaucoup contribuer à établir la légende de Bugs. J'évoquerai bientôt l'univers frappé de l'incontrôlable Bob Clampett, donc en attendant voici un petit aperçu, en six films, de la collaboration fructueuse entre Bugs Bunny et Chuck Jones...

Ce qui est frappant dans ces six films, c'est la modernité de l'animation, la liberté du ton, et la variété des sujets évoqués. Il est de bon ton de favoriser une période ultérieure de la filmographie de Jones, mais ici, il tente tout: des décors totalement abstraits (Wackiki wabbit), une variation sur les films d'horreur avec sous-entendus sexuels limite (Hair-Rising hare), une parodie idiotissime de Superman (Super-Rabbit), et les habituelles variations sur le thème de la chasse...

Super-rabbit (1943)

Dans un laboratoire, un scientifique plus qu'excentrique a trouvé la formule de carottes modifiées qui transforment le premier lapin venu en superlapin. Typiquement, le film nous montre Bugs qui non seulement apprécie la cadeau, mais en plus embrasse la cause de la défense du bien avec une belle énergie. Ca ne va pas très loin, mais rien que pour le costume trois fois trop grand, c'est à voir. Et c'est assez indicatif de l'importance contemporaine de Superman, pourtant une création assez récente. Quant à la fin, elle nous rappelle qu'il y a, quelque part, une guerre à gagner, et que les animateurs de la Warner ont été eu aussi mobilisés à leur façon.

Wackiki wabbit (1943)

Variation osée sur le thème du cannibalisme, ce film nous montre deux hommes qui sont naufragés sur une île déserte, sur laquelle un lapin est la seule nourriture possible. Inutile de dire qu'ils vont souffrir... Avec dix ans d'avance sur le fameux studio UPA, Jones rend ses décors totalement abstraits, et ça passe comme une lettre à la poste. Le plus frappant, bien sur, c'est la lutte à mort pour manger, qui rappelle en un peu plus décent, mais à peine, le magnifique What's buzzin' buzzard de Tex Avery sorti la même année, l'un de ses (trop rares) bon films à la MGM! Les personnages sortent aussi du cadre, comme l'un des deux hommes qui commentent les sous-titres idiots du dialogue en langage du Pacifique.

Bugs Bunny and the three bears (1944)

Comme dans la plupart des contes revisités, celui-ci passe son temps à souligner sa condition de narration. Ainsi les trois ours (Une création de Jones qui les réutilisera, en particulier le père interprété par mel Blanc et le fils idiot doublé par Stan Freberg, anticipant sur de nombreuses grandes choses, notamment la rivalité... entre Joe et Averell Dalton dans l'évangile selon Morris et Goscinny) décident ils pour contrer la fin de recréer le conte de Boucle d'Or, mais comme ils utilisent une soupe de carottes, leur visiteur sera bien sur Bugs Bunny. Beaucoup de bonnes choses, mais ce qui est le plus frappant, c'est la façon dont le film va dévier vers le graveleux... Avec une certaine gourmandise.

Hare conditioned (1945)

Bunny est démonstrateur dans un grand magasin: en vitrine, il fait de la figuration pour le rayon des tentes de camping et autres matériels de plein-air. Mais un employé (Un grand costaud, jaunâtre, bref un méchant mémorable) lui destine un autre poste, au rayon... taxidermie. Poursuite, chasse, etc... On note que pour la première fois de sa carrière Bugs Bunny justifie son accent New Yorkais en incarnant un lapin citadin.

Hare tonic (1945)

Elmer n'a pas chassé, mais il ramène un lapin chez lui, et très rapidement, Bugs Bunny déjoue sa tentative de le transformer en civet... Mais il revient, parce qu'il estime que le bonhomme est une cible trop facile, donc à ne pas rater! Gratuitement donc, le lapin lui même motive les deux derniers tiers du dessin animé! Assez anecdotique, avec un petit jeu sur les décors.

Hair-rising hare (1946)

Celui-ci est un classique, bien sur. Superbement animé, il nous montre Bugs aux prises avec un savant fou qui est une magnifique caricature de Peter Lorre, mais aussi un monstre inclassable, sorte de boule de poils géante, qui préfigure en rigolo le terrifiant monstre de l'Id de Forbidden Planet.

...Avec une paire de baskets.

Voilà, ces films à l'animation fluide et inventive nous offrent comme un véritable age d'or, une période durant laquelle d'ailleurs les animateurs n'avaient pas peur de s'écarter des modèles établis: ainsi le lapin de CHuck Jones est il plus petit que celui de Freleng, McKimson et Clampett. Un choix délibéré pour Jones qui aimait opposer Bugs Bunny à des immenses costauds baraqués de partout sauf du cervelet: le monstre rouge cité plus haut, par exemple, ou le grand Nasty Canasta... Et ces six films sont autant de classiques.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes
24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 16:46

Bob McKimson ne sera jamais dans la même catégorie que ses glorieux collègues, Tex Avery, Bob Clampett, Friz Freleng, Frank Tashlin ou Chuck Jones. Mais il mérite quand même de rester dans l'histoire pour une création essentielle: c'est lui, en 1943, qui raffine la silhouette et les traits de la vedette désormais établie des studios de Leon Schlesinger, Bugs Bunny, sur un document resté célèbre. Et quelques temps après, il va accéder, une fois Bob Clampett parti, à un fauteuil de metteur en scène sur les convoitées Merrie melodies, et les Looney tunes. On lui devra essentiellement des cartoons mettant en scène, comme Freleng, des héros aux prises avec des grosses brutes excessives et le plus souvent bêtes: le Diable de Tasmanie, par exemple, est sa création.

Mais là ou Freleng sait jouer du rythme, et du véritable choc frontal créé par la rencontre d'un fort caractère (Yosemite Sam, par exemple, ou le chat Sylvester) et d'un personnage futé mais qui après tout se risque en terrain dangereux, chez McKimson, tout s'arrête au fait que le héros, on le sait bien, ne risque rien (Sans parler de sa création la plus insupportable, le coq Foghorn Leghorn, bavard imbuvable dans des films qui sont moins drôles que tout l'oeuvre de Carl Dreyer)... Donc cet Acrobatty Bunny, un peu poussif, appartient bien à cette tendance, et la rencontre entre Bugs Bunny et un lion (D'afrique, pour ne pas qu'on confonde avec un autre film de McKimson) donne lieu à quelques gags amusants, mais ils sont bien peu nombreux. Un point fort, toutefois, la fin...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes
23 janvier 2016 6 23 /01 /janvier /2016 17:30

Bugs Bunny a souvent été mêlé à la musique: il faisait partie de la distribution de Corny Concerto, de Bob Clampett, une parodie bienvenue de Fantasia; il allait affronter Elmer dans The rabbit of Seville, une éblouissante série de variations idiotissimes sur l'opérette, orchestrées par Chuck Jones, le même Chuck Jones qui allait faire de lui un chef d'orchestre à la Stokowski dans Baton Bunny, mais aussi le metteur en scène du plus extrême dessin animé du genre, What's opera doc?

Pourtant, quand on pense à la musique, dans le cadre si riche des Merrie Melodies, le spécialiste restait Freleng. Le mélange parfaitement dosé entre animation et bande sonore, c'était son domaine, et il le prouve d'une manière définitive avec ce film, une suite ininterrompue de gags géniaux liés à un point de départ simple: Bugs Bunny est un pianiste virtuose qui livre une prestation... Vite court-circuitée par la présence d'une souris qui entend elle aussi poser sa marque dans la musique! Peu de dialogues, un timing parfait, une animation presque au top. S'il fallait exprimer un bémol, disons que la souris trouble-fête reste un peu trop schématique, et assez statique: le début d'une impression de laisser-aller, qui va s'amplifier sur les films de Freleng mettant en valeur Speedy Gonzales ou autres petits personnages souvent moins animés que leurs adversaires de taille conséquente...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes
23 janvier 2016 6 23 /01 /janvier /2016 17:21

Avec Baseball Bugs, un immense classique, il se produit quelque chose de nouveau: plutôt que d'assister à une accumulation destructrice de gags disjoints et défiant la logique, on suit une intrigue. Certes, les gags absurdes (Des joueurs de base ball qui se succèdent en dansant la conga, un joueur qui tombe et se retrouve enterré sous une pierre tombale dans le même élan, et la façon dont Bugs Bunny affronte à lui tout seul une équipe de terreurs) abondent, mais le spectateur est invité à vraiment s'intéresser à ce qui se passe, et bien sur soutenir le héros. Nous voyons donc Bugs, supporter d'une équipe de papys qui se font étriller par des grosses brutes, râler en disant que lui il n'en ferait qu'une bouchée: les costauds le prennent au mot, et bien sur, il va gagner...

L'inventivité montrée à a fois par les gagmen, et bien sur les animateurs est à son plus haut niveau: l'équipe habituelle (Perez, Chiniquy, Champin, Ross) n'a à mon avis jamais été aussi douée que pour ce film, notamment dans les mouvements compliqués des joueurs de base ball. On est encore dans une esthétique douce, ronde, avant que le trait de Freleng ne s'affadisse au profit de l'intrigue, justement... Et c'est un vrai bonheur. Peu importe le base ball, en plus, on n'a même pas besoin d'y connaître quoi que ce soit pour apprécier ces sept minutes.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes
20 janvier 2016 3 20 /01 /janvier /2016 18:42

Première incursion de Bugs Bunny dans l'univers sacro-saint du western, Hare trigger nous permet aussi d'y apprécier la première prestation de Yosemite Sam (Curieusement rebaptisé Sam le pirate en Français, je refuse de comprendre). Dès le départ, annoncé de façon très codifiée par la vision de son faciès inquiétant (Qui ne nous montre en rien qu'il est en fait ridiculement petit, pas autant que Nicolas Sarkozy mais presque) sur une affiche le réclamant mort ou vif, le personnage n'a rien à changer. La voix de Mal Blanc, forcée de façon péremptoire, l'incapacité à la modestie du brigand, et l'aveuglement matamore font une fois de plus mouche, et bien sur Bugs Bunny n'en fera qu'ne bouchée.

Par ailleurs, dans ce film riche en gags, Freleng qu'on juge souvent conservateur s'amuse avec le scénario de Michael Maltese à faire du méta-film en permanence. D'une part, une porte d'un train qu'on ouvre à plusieurs reprises nous dévoile de courts extraits de Dodge city, de Michael Curtiz, et d'autre part, Bunny repasse au devant de l'écran pour rappeler son pouvoir absolu sur ses propres films, comme dans Tortoise beats hare, de Tex Avery...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bugs Bunny Animation Looney Tunes