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9 mai 2018 3 09 /05 /mai /2018 16:35

Tous les ans, on organise dans la petite ville de Hindle une semaine de vacances, durant laquelle tou(te)s les employé(e)s de la filature Jeffcote, unique industrie locale, peuvent bénéficier de sept jours de liberté à Blackpool... C'est ce que font Fanny Hawthorn (Estele Brody) et son amie Mary (Peggy Carlisle). Durant le séjour dans les parcs d'attraction de la cité balnéaire, elles rencontrent une paire de gaillards qui les séparent. Si Mary, ce soir-là, rentre tôt, Fanny décide de passer du bon temps avec le fringant Allan Jeffcote (John Stuart). A son retour à l'hôtel, elle annonce à son amie qu'elle va le suivre à Llandudno, au nord du Pays de Galles, pour le reste du séjour; à Mary d'arrondir les angles auprès des parents de son amie, en envoyant une carte postale au bon moment, comme si de rien n'était, signée de Fanny et postée de Blackpool...

Tout ses serait bien passé si avant la fin du séjour, Mary ne s'était noyée. Pendant que Fanny et Allan terminent leurs vacances en amoureux, les parents de Fanny accompagnent leur ami et voisin, le père de Mary, pour récupérer les affaires de sa fille. Ils constatent que la jeune femme n'est pas là...

A son retour, l'explication va prendre des proportions homériques: d'un côté, les Hawthorn sont fâchés après leur fille, mais le conflit s'étend bien sûr à la famille Jeffcote, dont le fils Allan est fiancé avec la belle Beatrice, la fille du maire. Beatrice est amoureuse, et le maire compte clairement sur le mariage pour redorer son blason. Mais Chris Hawthorn et Nat Jeffcote sont de vieux amis, même si les circonstances ont fait de l'un l'employé de l'autre. Pour les parents Hawthorn, il est impératif qu'Allan épouse Fanny; chez le père Jeffcote, même son de cloche; la mère d'Allan, en revanche, ne voit pas pourquoi une petite amourette de vacances avec une employée remettrait en cause le mariage prévu; Allan, tout en pensant comme elle, imagine surtout qu'il risque son héritage à aller contre son père, et a gâché ses chances auprès de sa fiancée...

...Et Fanny dans tout ça?

La réponse à cette épineuse question vient à la fin de cette intrigue tirée d'une pièce à succès de Stanley Houghton, filmée ici pour la deuxième fois (il y en aura deux autres). La première version date de 1918, et est déjà une réalisation du vétéran Maurice Elvey, qui tourne des films en Grande-Bretagne depuis 1913. Je ne connais pas la première, probablement perdue; mais celle-ci, qui bénéficie de l'embellie généralisée du cinéma Anglais (Prend ça, Truffaut!) à la fin des années 20, lorsque la fréquentation des studios Allemands, et l'échange de techniciens et de stars avec le contient ont profondément transformé la cinématographie nationale.

Elvey a souhaité éviter par tous les moyens le théâtre filmé, ce qui était difficile compte tenu de la notoriété de la pièce, dans un pays où le théâtre est quasi intouchable et où le public n'aurait pas pardonné le sacrilège! Afin d'aérer l'intrigue, il s'autorise un prologue, en forme de description de l'usine, de son quotidien, du travail de ses employés. Il use aussi d'une métaphore récurrente, en concentrant la caméra sur les jambes des protagonistes, et leurs chaussures: par exemple, le père de Mary, veuf, est unijambiste, et ce fait est souligné à plusieurs reprises (dont un plan qui pique une idée à Hitchcock, dans le but d'obtenir un effet bien différent: les locataires du dessous entendent l'homme faire les cent pas au-dessus d'eux, avec sa jambe de bois: le plafond devient transparent...); quand elle se lève, Fanny a le choix entre une paire de vieux chaussons, et une paire, une seule, d'escarpins vernis. Mais Allan, de son côté, voit sa mère lui porter le matin une paire de chaussons, prise dans un placard qui contient une dizaines de paires de bottines neuves. C'est par leurs jambes que Maurice Elvey nous montre le trajet des employés et employées de la filature, puis quand l'heure du week-end arrive, il cadre les chaussures de travail qui sont mises de côté au profit de chaussures de ville...

Le metteur en scène prend un plaisir évident à filmer les hommes et les femmes au travail, et ce sera souvent de ces classes laborieuses que le point de vue viendra dans tout le film. Mais il montre aussi, en Nat Jeffcote, un patron juste, conscient de son autorité de classe, mais pas vraiment un exploiteur. Il considère son contremaître Hawthorn comme un ami, et lui dit souvent qu'il aurait dû s'associer avec lui quand ils étaient jeunes, comme Nat le lui proposait... Son épouse, en revanche, et son fils, représentent clairement l'esprit méprisable d'une classe qui a décidé d'en exploiter une autre. Mais plus encore, souvent cette exploitation sociale se double d'une exploitation de genre: car le fond de la pièce, et ce qui a fait un scandale important en 1912, c'est précisément de dénoncer le traitement différent réservé aux femmes, y compris dans un contexte qui leur permet de travailler ("Permettre" étant un bien grand mot: on comprend assez rapidement qu'il est nécessaire pour Fanny, qui habite chez ses parents et contribue au loyer, de travailler...). A ce titre, le film offre en Fanny Hawthorn une héroïne qui décide de ne pas se conformer aux modèles en vigueur, et à la morale Edwardo-Victorienne: elle réclame en effet le droit d'avoir, elle aussi, fait un écart de conduite en se laissant aller pendant une semaine, et refuse purement et simplement de se livrer au petit jeu du mariage avec un jeune homme qui lui en voudrait probablement toute sa vie...

Estelle Brody, et la plupart des acteurs aussi, sont excellents, et la réalisation d'Elvey est une splendeur, marquée par le plaisir de saisir la vie de la classe ouvrière Britannique dans ses plaisirs, et dans son travail. Elvey est inspiré aussi par Blackpool et ses attractions, qu'ils filme en contrebande, dans leur vérité... Par contre, il trouve dans les ressources de la lumière (l'un des opérateurs, au fait, est Jack Cox) la dignité nécessaire à la scène durant laquelle le père de Mary se retrouve dans la dernière demeure de sa fille. Elvey a aussi reconstruit en studio une rue ouvrière du Lancashire avec soin, et une usine, dans laquelle la dernière scène enfonce le clou: la plupart des ouvriers sont partis, mais seule en piste Fanny fat tourner la baraque. Un ami, Alf, qui tourne autour d'elle, lui demande si elle veut aller au cinéma avec elle le soir même... Elle le regarde des pieds à la tête, sourit, et... dit oui.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Maurice Elvey *
24 mars 2018 6 24 /03 /mars /2018 08:59

Elmer Finch (W.C. Fields) est un homme usé par le temps, mais surtout par son épouse et le grand fils de celle-ci (dont un intertitre nous annonce qu'Elmer n'est pas responsable). Il a une fille, mais elle aussi souffre du remariage, et par dessus le marché le parfois très distrait Elmer est maltraité à son boulot où on le prend pour une andouille certifiée premier choix. Jusqu'au jour où, suite à un enchaînement d'événements, Elmer se fait hypnotiser (mais oui!), se prend pour un lion, et... règle ses comptes dans une scène de furie dont nous admettrons, nous qui avons vu le début du film, qu'elle est particulièrement légitime...

C'est un petit film particulièrement sympathique, à la croisée des univers de La Cava et Fields. Celui-ci n'a pas écrit l'argument cette fois, mais on y retrouve de nombreux éléments qui renvoient à ses scripts: notamment l'amour filial et exclusif pour une fille d'ailleurs adorable (Mary Bryan). Et il y est question des Américains moyens, saisis dans leur médiocrité embarrassante...

Comme souvent avec les comédies de Fields, celle-ci prend un peu trop son temps dans l'exposition, mais assume ensuite avec beaucoup de drôlerie un comique qui n'est pas que visuel, étrangement: il est parfois... verbal: on voit distinctement le comédien hurler 'I'm a lion' par exemple, et les intertitres sont parfois drolatiques: il convient par exemple de savoir que toute la ville parle, dans le film, d'un bal organisé le samedi à venir  par le Lion's club; ce qui donne l'occasion à une voisine de glisser à Mrs Finch le commentaire suivant: "Quel dommage que votre mari ne soit pas un lion; vous passeriez un très bon samedi soir". Je pense que, compte tenu des personnalités facétieuses du metteur en scène et de son comédien, le double sens y est volontaire.

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Published by François Massarelli - dans 1927 Gregory La Cava Comédie Muet **
27 décembre 2017 3 27 /12 /décembre /2017 18:42

Grand Œuvre de DeMille ou simplement passage obligé d’un showman chrétien? On ne résoudra pas cette question. Quoiqu’il en soit, c'est l’avant-dernier muet de son auteur, dont l’opus suivant contiendra des séquences parlantes - une page se tourne. Et elle se tourne de façon spectaculaire. Devenu un producteur-réalisateur indépendant mais puissant, DeMille est toujours plébiscité par le public; après ses Dix commandements, il avait eu une crise d’inspiration, qui avait notamment abouti au très saugrenu Road to yesterday. Après la crise d’inspiration, la crise de foi: The King of kings, en réponse à Ben Hur, a Tale of the Christ, allait être la vision DeMillienne des derniers jours du Christ, des derniers miracles à la résurrection, avec des acteurs de premier plan partout, du Technicolor, des décors et des costumes grandioses…

Ecrit avec l’inévitable Jeanie McPherson, monté avec des acteurs priés de s’investir dans leur rôle de façon spirituelle et créé par une équipe technique acquise à la sincérité du projet, ce film est un monument à plus d’un titre. Certes, nous sommes en pleine vision officielle, qui plus est approuvée par les instances W.A.S.P les plus fondamentalistes de l’époque, en dépit de quelques extravagances, généralement bien rigolotes (Marie Madeleine en courtisane richissime - en Technicolor!); comme souvent dans ce genre d'entreprise les Juifs ont le mauvais rôle, mais de nombreux intertitres (Tirés des évangiles) viennent rappeler qu'ils n’ont souhaité la crucifixion de Jésus que parce qu’ils étaient manipulés par de fins politiques... Ce qui du reste correspond à la deuxième version du film, sortie en janvier 1928 et amendée par une association qui souhaitait veiller au respect de la communauté Juive et à éviter d'éventuels incidents antisémites: de nombreux acteurs juifs ont répondu présent, en particulier Rudolph et Joseph Schildkraut (ce dernier un habitué des établissements DeMille-McPherson), qui jouent respectivement Caïphe, le grand prêtre du temple, et Judas, le « Disciple préféré » qui deviendra le traître que l’on sait. L’idée de le faire jouer par un acteur de premier plan, conjuguée à d’astucieuses ficelles de scénario, lui donne un poids peu commun, des motivations et une humanité qui sont sans prix: Judas trahit par dépit politique (Il se voyait déjà premier ministre d’un Jésus-roi) et va suivre le chemin de croix, et le remords va monter jusque au suicide; la corde, il l’a ramassée lorsque les romains ont délié Jésus pour lui faire porter sa croix… La scène de sa mort est traitée d'une façon spectaculaire.

Autre acteur dont il faudra bien parler, H.B. Warner joue Jésus : on est loin de ce à quoi devait ressembler un charpentier Palestinien, mais après tout, c’est vrai aussi pour Willem Dafoe. Warner, un alcoolique bon vivant, qu’on connaît pour tous ses rôles chez Capra, s’en sort plutôt bien, ayant surtout comme tâche d’incarner plus que de jouer. Il reprend les canons en vigueur, d'un Christ blond, au regard dans le vague. Sa performance a été saluée à l'époque: on n’en dira pas autant de Pierre, joué par Ernest "Steamboat Bill" Torrence, qui est bien meilleur en Captain Hook chez Brenon (Peter Pan, 1924)… Sa performance a d’ailleurs été rabotée sévèrement dans la version sortie en salles en 1928, afin de ramener le film en dessous de deux heures.

Le résultat final, absolument sincère, n’évite pas la pesanteur: le metteur en scène a choisi de rester à respectueuse distance, et de peu faire bouger sa caméra, comme avec Jeanne d’Arc (Joan the woman, 1916); de plus, cet excès de foi peut facilement rester sur l’estomac, mais il y a de vrais beaux moments, depuis l’utilisation qui nous rappelle The Whispering Chorus de multiples surimpression pour nous montrer les sept péchés capitaux quitter le corps de Marie Madeleine, à la mort de Jésus, le cadre explosant d’effets spéciaux pour nous montrer spectaculairement la colère de Dieu; la première vision de H. B. Warner est une trouvaille, puisque c’est par le point de vue subjectif d’un aveugle que Jésus nous est révélé: une façon de contourner l’interdit que s’étaient fixés toutes les personnes à avoir travaillé sur l’une ou l’autre des adaptations de Ben Hur (Théâtre ou film); dans The king of kings, avant la guérison de l’aveugle, vers la quinzième minute, on ne voit pas Jésus… La scène de la condamnation par Ponce Pilate est d’une grande efficacité, et totalement claire en dépit de la multiplication des points de vue… Les nombreux emprunts picturaux, décidément une habitude DeMillienne, atteignent ici leur apogée, notamment lors de la Cène ou de la Crucifixion.

Le film est loin d'être un échec, même si il est difficile de le voir sans ricaner ou grincer des dents lorsque l’on ne croit pas: Jésus, dans ce film, nous apparaît comme totalement indiscutable. Toutefois, le film emporte l'adhésion par la fluidité narrative (De la version longue en tout cas), par le besoin de creuser les motivations et les liens de cause à effet, par les rapprochements heureux: une scène durant laquelle les instances religieuses juives se déchaînent contre un Ponce Pilate trop enclin à libérer Jésus est immédiatement suivie d’une séquence durant laquelle les légionnaires romains rivalisent de sadisme (La couronne d’épines, bien sur) devant un Judas torturé par le remords et qui prie pour que Jésus s’en sorte. Cette inversion prouve que même DeMille sait freiner un peu ses penchants manichéens…

Pour répondre enfin à la question posée en exergue, il est confirmé que nous ne trancherons pas: les deux complices (Cecil et Jeanie) avaient déjà fait acte de foi dans le passé, c’est de nouveau le cas: le film est aussi sincère que l’était la morale bondieusante de ses Dix Commandements. Mais en emboîtant le pas à la MGM et à son Ben Hur, DeMille savait parfaitement ce qu’il faisait, et en a reçu beaucoup en retour, présentant en soirée de gala sa version de 160 minutes, puis coupant un peu (Trois scènes passent littéralement à la trappe, dont les doutes de Pierre) pour présenter une version de 112 minutes avec musique en boite pour l’exploitation en salles. Les deux sont disponibles chez Criterion dans un coffret impeccable, et le transfert de la version longue est magnifique. Les deux scènes en Technicolor sont fort bien rendues, ce qui est rare compte tenu de la volatilité du procédé en deux bandes, dont bien des films ont disparu. Et en décembre 2017, nous voyons arriver le film en Blu-ray chez Lobster, présentant une restauration des deux principales versions, l'une comme l'autre très impressionnantes.

Pour finir sur une petite note de curiosité inattendue, ce film est par ailleurs l'une des principales sources d'inspiration de Last Temptation of Christ, de Scorsese.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1927 Technicolor **
22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 18:11

Ce film n'existe plus. Tout simplement parce que la dernière copie en existence a brûlé lors d'un incendie qui a ravagé l'entrepôt où elle était stockée. Un accident semble-t-il assez courant, qui nous a coûté de nombreux films, de Murnau (The four devils) ou de Stroheim (La deuxième partie de The wedding march) entre autres... Et s'il y a un film qui est perdu et bien perdu, c'est London after midnight car sa perte est tellement médiatisée, que si une copie ou des fragments avaient réellement survécu (Il y a eu quelques escroqueries et canulars à ce sujet), ça se saurait!

Et donc cette médiatisation passe aussi par la case reconstruction, voyez ce qui est arrivé pour The four devils, de Murnau: Janet Bergström en a reconstitué les contours au moyen de photos de plateau et autres documents... C'est ce qui est fait ici, mais le documentaire adopte une position unique, à savoir qu'il entend se substituer au film pour en raconter l'intrigue, et le fait par ses intertitres tels qu'ils sont connus aujourd'hui (Probablement la liste de ceux qui étaient prévus a-t-elle été conservée avec le script) en plus des photos de plateau, qui au moins sont un reflet partiel de l'aspect visuel voulu par Browning...

L'intrigue, inspirée d'une histoire de Browning intitulée The hypnotist (un titre qui décidément en dit trop) est très proche de celle du remake du film, Mark of the Vampire, à ceci près que ce dernier film est plus logique sur un point: tout part d'un meurtre, maquillé en suicide dans London after midnight. Le remake change cette idée, puisque le meurtrier a plutôt l'idée de maquiller son acte en une attaque de vampires, ce qui justifie la suite! Ici, le détective Burke (Lon Chaney) enquête autour des exactions de vampires, parmi lesquels on reconnait le mort, sir Roger Balfour. Il s'agit d'une machination (Balfour est en fait un sosie) pour confondre l'assassin, et déterminer si c'est le meilleur ami (Henry B. Walthall) de Balfour, ou son neveu (Conrad Nagel) qui a fait le coup... la fille de Balfour (Marceline Day) est au courant de tout, et prête son concours aux comédiens qui interprètent les vampires... Parmi lesquels Burke lui-même, déguisé en créature de cauchemar, l'image la plus connue de ce film perdu du reste.

Une collection de photos de plateau, qui étaient toujours prises à part du tournage, ne rendra que très partiellement compte d'un film disparu. On a malgré tout une assez bonne idée de l'ensemble, même si on est sur (A plus forte raison si on a vu le remake!) que Browning avait su rendre le film plus nocturne. Le maquillage de Chaney en vampire est justement célèbre, et me paraît intéressant en particulier parce qu'il semble être plus inspiré du design de la créature de Frankenstein dans sa version Edison 1910! On est loin du gothique ouvragé à la Lugosi. Et Burke, énigmatique détective qui a plus d'un tour dans son sac, est une autre création probablement fascinante de Chaney, un homme qui dès qu'il n'est pas seul, se comporte comme un inspecteur pompeux de Scotland Yard, avec une moue dédaigneuse. Mais ça ne l'empêche pas, selon la légende établie de Chaney, d'en pincer pour la fille de Balfour...

On ne verra sans doute jamais London after midnight, pas plus que The big city (De Tod Browning), The tower of lies (Victor Sjöström), ou Thunder (William Nigh) si ce n'est pour ce dernier les quelques secondes qui ont survécu. Alors, impossible de trancher l'actuel débat entre ceux qui avancent que c'est probablement un chef d'oeuvre et d'ailleurs c'est le plus gros succès de Chaney et Browning à la MGM, et ceux qui au contraire se basant sur les souvenirs de ceux qui ont vu le film, estiment que c'était un navet de catégorie Z! Quoi qu'il en soit, il est dommage que les deux seuls films de Browning et Chaney qui aient disparu soient justement ceux qui essayaient de sortir des schémas établis avec The unholy three et The blackbird, et offraient justement un peu d'air frais dans un corpus que je continue à trouver un tantinet poussiéreux.

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Published by François Massarelli - dans Muet Tod Browning Lon Chaney 1927 Film perdu
10 juillet 2017 1 10 /07 /juillet /2017 16:35

Un serial fait comme ça pour rire, en France en 1927, qui s'amuse à mettre des sociétés secrètes et masquées, des poursuites en auto (et en aéroplane) un peu partout et se finit en beauté par une poursuite sur la tour Eiffel, forcément, ça fait envie. Mais le résultat déçoit, selon moi d'abord et avant tout parce que Duvivier n'était sans doute tout simplement pas l'homme de la situation. Et c'est surement le sentiment... de Julien Duvivier lui-même, d'ailleurs.

Les "frères Mironton" (Félicien Tramel et Félicien Tramel) ne sont pas des frères, mais deux sosies, artistes de cirque qui travaillent sous ce nom en tant que "frères Siamois" pour un cirque. Autant l'un est sympathique, débonnaire, autant l'autre est fuyant et combinard. Et c'est justement lui qui surprend une conversation entre son patron et un notaire, qui annonce que le dénommé Achille Saturnin, qui travaille pour le cirque, a gagné une fortune en héritage. Mais le problème, c'est qu'Achille Saturnin, c'est l'autre "Mironton"! Mais qu'importe: ils se ressemblent tellement... Il quitte immédiatement le cirque pour aller empocher en douce l'héritage de son collègue. 

L'héritage en question est lourd, très lourd, et suscite les convoitises, en particulier celle de DeWitt, un ingénieur qui connaissait le parent défunt, et misait sur la fortune. Il est décidé à la récupérer par tous les moyens, et commence à terroriser celui qui se fait passer pour Achille Saturnin. Le faux frère va donc prendre une décision radicale: engager quelqu'un pour prendre les coups à sa place...

...Achille Saturnin.

Bon, avec un scénario pareil et la promesse de la Tour Eiffel contenue dans le titre, on se prend à rêver un peu: et si on avait confié le bébé à René Clair? Ce n'est pas que Duvivier fasse mal son travail, au contraire il le fait très bien, mais la fantaisie qui émane du film est sérieusement tempérée par la sagesse du tout, ainsi que par le fait que tout repose sur Tramel, dont le charisme, comment dire, n'est pas forcément la plus évidente des qualités... Et on trouve asse souvent le temps long, même si parfois telle ou telle séquence est relevée, par une idée d'éclairage (Duvivier ne dépasse pas beaucoup le cadre du pittoresque de bazar avec ses scènes de "société secrète", mais elles sont joliment mises en images), par une séquence de montage rapide... Le final est impressionnant par les risques qu'on pris les cascadeurs, mais il est comme le film: trop long! Tout se passe comme si personne ne s'était avisé qu'on puisse éventuellement se passer de monter l'intégralité des rushes du film!

Ces 138 minutes étaient supposées être vues en deux épisodes, mais ça se justifie très peu, en vérité. J'émettais l'hypothèse, plus haut, que Duvivier ne se pensait pas l'homme de la situation: et pour cause, il a toujours refusé de revenir sur ce film, qui ne lui laissait aucun souvenir, qu'il fut bon, ou mauvais! Par contre, si l'intention était de faire de l'humour en pastichant Feuillade, c'est raté, le film ressemblant plus à un plagiat avec de vrais bouts de Tramel dedans...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1927 Julien Duvivier **
24 avril 2017 1 24 /04 /avril /2017 13:08

Paradoxe: avec son intrigue qui n'a rien à envier aux mélodrames précédents qu'on a imposé à Garbo, tous les deux adaptés de Vicente Blasco Ibanez, Flesh and the devil a tout pour être du tout-venant. L'histoire est inspirée cette fois de Hermann Sudermann, et le titre dit clairement ce qu'il fait en penser: la chair, le diable... Il est question de fesse, ça c'est sur! Et pourtant, ce film, sans être son meilleur, est le plus important de la carrière muette de Greta Garbo, et représente sa rencontre avec deux partenaires qui vont énormément compter pour elle: le réalisateur Clarence Brown et l'acteur John Gilbert...

Mais répétons-le: cette intrigue! ce personnage, celui de Felicitas, une amoureuse qui collectionne les hommes, en prétendant les aimer... Garbo a profondément détesté cette expérience, et n'a cessé de s'en ouvrir, lors du tournage. Le film commence par nous intéresser à deux de ses futures "victimes", les jeunes aspirants Ulrich Von Etz (Lars Hanson), et Leo Von Rhaden (John Gilbert). Lorsqu'ils rentrent chez eux, pour retrouver l'un sa petite soeur Hertha, l'autre sa bonne vieille maman, Leo voit une jeune femme dont la beauté l'intrigue. Quelques jours plus tard, il la retrouve lors d'une réception, et les deux vont instantanément commencer une aventure, à l'insu de leur entourage. Mais Leo n'apprendra que plus tard, trop tard, en fait, que Felicités est mariée: le mari (Marc McDermott) va en effet les surprendre chez lui. Leo le tue en duel, mais s'arrange pour que l'aventure ne s'ébruite pas. Et avant son exil forcé de trois ans, duel oblige, il demande à Ulrich de veiller sur la jeune veuve, sans lui expliquer les raisons de ce geste. Quand trois années plus tard il revient, Leo est confronté à l'inévitable: Felicitas s'est remariée avec son meilleur ami Ulrich.

Derrière cette intrigue au romanesque réchauffé, les atouts du film sont nombreux: la classe de la production, pour laquelle Clarence Brown a su mener son monde à la baguette, mais avec une efficacité maximale. Des scènes qui doivent tout leur impact à l'invention liée à la lumière (La fameuse scène de la cigarette, durant laquelle les deux acteurs sont apparemment éclairés depuis la main de Gilbert, les nombreuses scènes nocturnes), aux ombres chinoises (Le duel, scène célèbre dans laquelle Brown évite de refaire The merry widow, de Stroheim)... Et à l'alchimie entre les acteurs. Surtout Garbo et Gilbert.

A ce propos, c'est durant le tournage de ce film que leur histoire d'amour (Compliquée au possible) a commencé, et disons le sans certitude, fini: c'est également durant le tournage de ce film que Gilbert a eu sa malencontreuse idée de demander sa main à l'actrice, qui ne s'est pas déplacée le jour venu. C'est donc aussi l'époque qui a vu Gilbert avoir une discussion enflammée avec Louis B. Mayer, qui a mené à sa déchéance... Mais en attendant, l'acteur ici ne cache absolument pas sa passion pour sa partenaire, et Clarence Brown n'avait qu'à les filmer... Et c'est je pense la raison pour laquelle ce film est passé au rang de mythe.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Clarence Brown Greta Garbo *
23 décembre 2016 5 23 /12 /décembre /2016 18:28

Trois enfants Américains, tous trois de parents divorcés, jouent ensemble à Paris. Les deux filles, Kitty et Jean, ont été placées dans un couvent pour enfant de divorcés aisés par leurs ères volages, et le jeune garçon Ted ronge son frein en attendant de quitter sa famille, excédé par le comportement déluré de son père divorcé... Mais en grandissant, Kitty (Clara Bow) et Ted (Gary Cooper), qui sont voisins aux Etats-Unis, sont devenus assez proche des styles de viee de leurs parents. Quand Jean (Esther Ralston) les rejoint, Ted et elle tombent amoureux l'un de l'autre. Mais Jean explique à Ted que le mariage ne sera possible que s'il travaille. Il trouve assez facilement un emploi, mais Kitty très attaché à son style de vie oisif vient l'empêcher de mener à bien sa mission, et un matin, il se réveille à ses côtés, n'ayant aucun souvenir de leur nuit, durant laquelle ils se sont mariés... Pour Ted et Jean, c'est une catastrophe: faut-il un nouveau divorce qui risque de gâcher la vie de Kitty, ou faut-il lui laisser sa chance, bien que Ted ne l'aime pas?

On fait grand cas de la participation de Josef Von Sternberg à ce film, qui a certainement bénéficié de retakes, ou d'embellissements de la part du metteur en scène génial... mais ce serait injuste de ne pas d'abord le considérer comme ce qu'il est: l'un des meilleurs films du très conservateur cinéaste qu'était Frank Lloyd. Il se surpasse globalement, même si le message anti-divorce est aujourd'hui complètement vide de sens, au moins le film se permet-il d'explorer avec un oeil volontiers critique (Et un brin trop vertueux) la vie dissolue des gens de la haute société. N'empêche que Clara Bow se jette à corps perdu dans un rôle taillé pour elle, sans arrière-pensées... Le film a de plus le bon goût, en plus de nous donner à voir Cooper et Bow ensemble, de ne pas durer très longtemps, et du coup il n'y a pas la moindre redondance. Compte tenu de son sujet, c'est un plaisir coupable, mais on ne dira rien...

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Published by François Massarelli - dans Frank Lloyd Muet Clara Bow 1927 **
23 décembre 2016 5 23 /12 /décembre /2016 18:14

Ce film, entièrement à la gloire de Clara Bow, vient à la fin d'une année frénétique: entre autres, Clara Bow y a tourné Children of divorce (Frank Lloyd), It (Clarence Badger), Hula (Victor Fleming) et si le film n'était pas à proprement parler un film typique de l'actrice, on pourra difficilement faire l'impasse sur le formidable Wings de William Wellman... Mais Get your man, pure comédie sans un gramme de pathos, correspond finalement à l'image délurée et mutine de la star telle que l'avaient forgée un certain nombre de personnes à l'époque, parmi lesquelles... Clara Bow elle-même.

On peut rendre compte de l'intrigue facilement, même si deux bobines ont aujourd'hui disparu: à Paris, le jeune Duc d'Albin (Charles Buddy Rogers) fait la connaissance de la jolie eet exubérante Américaine Nancy Worthington (Clara Bow). Ils se plaisent immédiatement, mais le problème, c'est que selon d'antiques coutumes, le jeune homme est promis à une jeune femme (Josephine Dunn) depuis leur plus jeune âge... N'écoutant que son coeur, la belle Américaine décide de mettre la pagaille dans cette union programmée, afin de donner raison au titre du film... Elle débarque donc dans la luxueuse résidence des Ducs D'Albin, ou on reçoit justement la future belle famille du jeune home, les De Villeneuve...

C'est drôle, enlevé, vite passé et pas si vite oublié que ça. La mise en scène de Dorothy Arzner va à l'essentiel, et repose surtout sur l'énergie indomptable de la jeune actrice, totalement dans son élément. On notera que si la morale à la fin reste sauve, le moyen ultime utilisé par Clara Bow est tout simplement de compromettre la réputation de sa vertu de façon irrémédiable...

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Published by François Massarelli - dans Clara Bow Muet Comédie 1927
13 novembre 2016 7 13 /11 /novembre /2016 09:41

Les problèmes n'ont pas manqué lorsque ce film, une production Cinégraphic réalisée en partenariat avec Gaumont-British, s'est fait: l'un des acteurs de premier plan est décédé, et la star Anglaise Betty Balfour est tombée sérieusement malade, par exemple. Le choix de L'Herbier de tourner tous les extérieurs à Honfleur, le lieu où est sensé se passer l'action, s'est avéré difficile à assumer, et à la sortie du film, le verdict généralisé a été sans appel: c'est comme L'homme du large, mais e moins bien, ont dit les critiques! ...Or c'est on ne peut plus faux! Car si de nombreux commentateurs, y compris aujourd'hui, se plaignent du jeu de Betty Balfour, je pense que c'est un atout, et autant je trouve le film de 1920 souvent ridicule et prétentieux, autant j'aime celui-ci...

A Honfleur, on suit les vies quotidiennes de deux familles, qu'on ne peut pas imaginer plus différentes l'une de l'autre. Les Bucaille sont des fainéants: le père boit tout l'argent de sa paie de marin, la mère laisse les enfants traîner dans les rues, et la fille aînée Ludivine (Betty Balfour) est la meneuse, non seulement de ses deux voyous de jeunes frères, mais aussi de tous les gamins du quartier, qui passent leur temps à faire des crasses... Leurs victimes favorites sont les Leherg, une famille étrangère qui est venue s'installer à Honfleur: le père est marin, et le grand fils Delphin (Jaque Catelain) aussi; la mère maintient sa maison en ordre, et le soir ils s'attablent tous les trois avec pour commencer une prière. Ludivine aime mener des opérations contre eux, qui consistent essentiellement à jeter des pierres sur leur maison, à la faveur de la nuit. Un jour, les deux hommes Leherg sont victimes d'une tempête, et Ludivine est persuadée en être la cause; après une "expédition" chez les Leherg, le père et le garçon lui ont fait part de leur mécontentement! Elle leur a souhaité à tous les deux de mourir... Mais Delphin en réchappe. Lorsque sa mère meurt, de chagrin, Ludivine repentante demade à ses parents de le prendre chez eux. Elle insiste tant, que la famille cède...

Bien sur c'est un mélodrame, complet, avec son improbable histoire d'amour. Mais L'Herbier ne serait pas L'Herbier sans la couleur locale, et ici bien sur c'est l'univers du port de Honfleur, avec ses trognes authentiques, ses cérémonies religieuses et processions avec don d'ex-votos à la vierge: des maquettes de bateaux, sur socle, dans des bouteilles, voire fixées sur des sabots, qui sont sensées les protéger une fois en mer. Le metteur en scène reste fidèle aussi à ses choix d'auteur bourgeois d'histoires populaires (Même si le film est adapté d'un roman de Lucie Delarue-Mardrus, complètement oublié aujourd'hui): sa distinction entre les feignants, les Bucaille, vulgaires, sales et sans dieu, et les braves gens, les Leherg, travailleurs, propres, et pieux, est l'essence même du mélodrame! Mais dans cette intrigue qui se nourrit de l'arrivée extérieure d'une menace, celle d'un malhonnête qui décide de s'approprier Ludivine pour en faire la vedette d'un bar à matelots, et tant pis s'il faut organiser un simulacre de mariage d'abord, fait loucher le flm du côté de Griffith!

Et c'est sans doute là que l'apport de Betty Balfour est crucial, car elle rythme non seulement toute la première partie du film de son énergie communicative, mais en plus elle oppose à Jaque Catelain un jeu tout en contrastes, dans lequel elle sait jouer de ses yeux, et de ses gestes. Il est remarquable d'ailleurs de constater que l'acteur, généralement si fade, semble ici bénéficier de cette partenaire, si différente des rôles interprétés par Marcelle Pradot habituellement! Et Honfleur inspire L'Herbier avec son authenticité visuelle, sans parler du clou du spectacle, une tempête métaphorique dans laquelle Ludivine et Delphin vont enfin admettre leur amour. Le metteur en scène va d'ailleurs concentrer ses audaces de mise en scène à l'approche de cet événement, adoptant pour la première partie un rythme soutenu, mais essentiellement efficace... Bref, on est ici devant l'un des meilleurs films de son auteur, tout simplement.

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Published by François Massarelli - dans Muet Marcel L'Herbier 1927 **
7 août 2016 7 07 /08 /août /2016 09:13

Marion Davies était, en Anglais dans le texte, une comedienne, donc une actrice dont la spécialité, l'inclinaison naturelle était de jouer la comédie, de faire rire, donc. Fait rare chez une actrice de ce calibre, elle était en prime une actrice physique, qui pouvait jouer de tout son corps, et avait un superbe timing: c'est rare parce que les studios cherchaient ce genre de qualité chez leurs acteurs de comédie, pas chez les actrices... Mais elle avait aussi un sacré boulet, d'une certaine façon: maîtresse quasi-officielle de William Randolph Hearst, elle devait se soumettre à l'obsession de son bonhomme de la voir mise en valeur dans des drames (Ce qui ne la motivait guère!), jusqu'à... Ce film. Produit par Cosmopolitan, une petite structure qui dépendait directement du magnat de la presse, The red mill acquiert un certain prestige, du fait qu'il s'agit d'une adaptation d'une comédie musicale qui avait triomphé à Broadway. Mais ça reste une comédie burlesque... D'où l'emploi d'un spécialiste du genre.

William Goodrich n'existe pas, bien sur, il s'agit d'un pseudonyme. Roscoe Arbuckle, abimé à jamais par la campagne de presse dégueulasse qui avait suivi son arrestation pour diverses ignominies dont il était bien sur innocent, était en dépit de son innocence (Etablie dans plusieurs procès) persona non grata à Hollywood, la seule solution pour lui permettre de travailler était donc de lui trouver un alias dare-dare. Ce qui ne manque pas de sel, c'est bien sur le fait que ce premier long métrage de l'acteur-réalisateur, caché sous un faux nom, est une production de l'homme de presse qui a été le plus infect à son égard durant l'affaire... Mais du coup, Hearst qui ne faisait pas confiance en Arbucle-Goodrich, lui a mis des bâtons dans les roues: plusieurs réalisateurs de la MGM (Dont George Hill et King Vidor) se seraient retrouvés à réaliser des retakes. C'est une habitude ancrée à la MGM de l'époque, et de toute façon, le résultat porte fermement la marque de Roscoe Arbuckle...

Dans une Hollande de carte postale, en plein hiver, les braves gens passent du temps à patiner sur la glace des canaux... Sauf Tina (Marion Davies), la bonne à tout faire de la taverne du Moulin Rouge, tenue par le méchant Willem (George Siegmann). Il la fait trimer en permanence, et pour résumer, c'est un très mauvais sujet. Tina est bien seule, réduite à parler à a souris qui habite son sabot, Ignatz, et à "patiner" sur le sol enduit de savon... Mais les charmes et les clichés de la Hollande attirent les touristes étrangers, dont Dennis (Owen Moore), accompagné de son valet Caesar (Snitz Edwards), venu au pays pour y séduire les jolies Hollandaises. Il est le juge d'un concours de patinage, dont il doit embrasser la gagnante: Tina se débrouille pour participer, et gagne, mais les circonstances font que le baiser est retardé, et... n'arrivera pas. Le lendemain, Dennis doit partir. Quand il revient, Tina est décidée à tenter le tout pour le tout afin qu'il voie qu'elle existe! Elle va donc monter toute une machination, avec a complicité d'une femme du pays, Gretchen (Louise Fazenda), amoureuse d'un marin benêt, la capitaine Jacop (Karl Dane)... Mais il fait faire vite, car on veut marier Gretchen à un autre...

Le film sent parfois l'amas de clichés, du reste reconstruits en studio, et ce ne sont pas là ses meilleures qualités. Non, comment détacher ses yeux de Marion Davies? Elle était amie avec de nombreux comédiens, ce n'est pas un hasard, car c'est vraiment l'idiome dans lequel est le le plus à l'aise. Elle n'hésite ni à s'enlaidir si besoin, ni à se couvrir de ridicule. Et elle sert pleinement le style de comédie propre à Abuckle, fait de rappels permanents de notre terrestrialité et de la gravité qui s'en suit (Chutes), de mentions du trivial (le savon, dans la première scène), de raccourcis surréalistes (Dans une scène, elle apparaît, peu maquillée, et son visage trahissant les aspects les moins attirants de son anatomie, et se fait un masque de boue. Lorsque le masque s'en va, elle est maquillée comme une actrice des années 20!), d'une poésie du bizarre (Le baiser qui n' pas pu être donné était empêché par le fait qu'elle avait le visage littéralement gelé, mais un sourire de Marion craque la glace comme un rien...); et d'une série de scènes à la fin, magnifiquement éclairées, comme Roscoe savait les obtenir de ses chef-opérateurs en 1916 chez Sennett...

A propos de la fin le film tient son titre de la présence dans le décor d'un de ces clichés Hollandais, qui serait hanté. C'est l'endroit où Dennis, Tina et Willem vont s'affronter, une scène fort bien réalisée, qui contraste sérieusement avec le reste du film. Un film bancal, mais attachant, qui a décidé Marion Davies à franchir définitivement le Rubicon et à se consacrer à la comédie. Donc à produire Show people... Pour Roscoe Goodrich, l'histoire ne se termine pas aussi bien:ayant déplu à Hearst, une fois de plus, il a été congédié du plateau, et on le retrouve pour un film avec Edie Cantor à la Paramount, puis de nouveau, à réaliser des courts métrages sans prestige pour les studios les plus fauchés... Ce à quoi il consacrera le reste de son temps jusqu'à sa mort en 1933. On a de la chance d'avoir ce film, aussi mineur soit-il, et de l'avoir en prime dans une copie parfaitement conservée, qui rend justice à la beauté de sa photographie, et de ses teintes nocturnes.

The red mill (William Goodrich a.k.a. Roscoe Arbuckle, 1927)
The red mill (William Goodrich a.k.a. Roscoe Arbuckle, 1927)
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Published by François Massarelli - dans Comédie Muet 1927 Marion Davies Roscoe Arbuckle *