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16 juillet 2016 6 16 /07 /juillet /2016 09:07

"Rex, king of the wild horses” était pour Hal Roach une vedette comparable à Rin-tin-tin, le chien qui a maintenu la Warner à flot avant qu’ils ne s’imposent avec la révolution du cinéma sonore… en un peu moins canin, et un poil plus chevalin. Il est donc la star en titre de ce western du au studio plus connu pour la qualité de ses comédies que pour ses westerns et films d’aventures de série B. Mais soyons honnêtes: s’il n’y a que quatre autres acteurs (ainsi qu’une jument et un serpent) dans ce petit film, on retiendra la présence de… Oliver Hardy et James Finlayson. Ce sont bien eux, l’un rappelant sous un maquillage un brin excessif son talent pour incarner les méchants particulièrement vicieux, et l’autre interprétant derrière sa grosse moustache un ahuri qui sert surtout à alléger le ton d’un film âpre et assez brutal…

L’intrigue se situe dans les abords de la vallée de la mort, en Californie, où deux bandits qui sont amenés à cohabiter (non sans discorde) vont se retrouver près d’une mine d’or: celle de Jake Belcher, un vieux prospecteur un peu minable, qui a recueilli quelques années auparavant une petite fille, maintenant adulte. Les deux bandits vont repérer un filon qui a échappé à son propriétaire, et se disputer la mine d’or, mais aussi la fille. Quant à elle, elle va manifester une tendance certaine au réveil de ses sens en côtoyant l’un des deux bandits… Et c’est bien ce qui fait l’intérêt du film: 16 ans avant la gauche et ridicule tentative de Howard Hugues avec The outlaw, No man’s law est un western qui tourne principalement autour de la sensualité. A l’exception de Jake Belcher, interprété par James Finlayson et sa grosse moustache, et censé amener les gags, c’est principalement de désir qu’il est question, dans le drame humain un brin violent qui se joue autour de la mine d’or, dont l’étalon Rex se veut un témoin partial avant d’être un juge. Après avoir vu la mine et son contenu, Nye (Hardy) et Spider O’Day (Theodore Von Eltz) vont voir Toby, la jeune femme, qui se baigne dans un point d’eau, et vont quelque peu oublier le pactole. Les diverses aventures qui suivent tournent plus autour de la rivalité pour la possession de la jeune femme que pour la possession de l’or, et bien sur le comportement des deux hommes va être différent: à la brutalité de Nye, O’Day oppose une certaine décence et une humanité qui va faire que la jeune femme tranchera sans trop de problèmes. D’autant que les deux hommes se différencient non seulement par leurs manières à son égard (O’Day essaie de séduire en se rasant, et est plus délicat, mais Nye recourt à la classique tentative Griffithienne de viol), mais aussi par leur traitement du père adoptif: Nye le met dans une brouette pour le jeter dans le trou d’eau! Barbara Kent, qu’on connait au moins comme la jeune sœur de Lars Hanson dans Flesh and the devil (Clarence Brown, 1927) et la jeune héroïne dans Lonesome (Paul Fejos, 1928), interprète d’une façon clairement sensuelle la jeune femme, et ce dès le départ, lorsqu’elle se réveille dans la cabane, vêtue de ce qui est manifestement une chemise d’homme bien trop grande, et bien sur durant la deuxième bobine, qu’elle passe surtout dans l’eau, nue. Cette attirance sexuelle exercée par la jeune femme, principal moteur du drame est inattendue non seulement pour un western, à plus forte raison pour une production Roach. Mais Toby est en fait l’objet de cette lutte cosmique entre le bien et le mal, sous l’œil de Rex. Le cheval intervient deux ou trois fois au début du film dans le but de manifester son hostilité à Nye, mais reste surtout le sauveur des justes, épargnant Toby et O’Day dans le conflit, mais causant, et l’écrire me fait froid dans le dos, la mort d’Oliver Hardy. La scène mérite d’être vue, et est à l’image de la réalisation impeccable du film, due à Fred Jackman, sous la supervision de F. Richard Jones. Bref, on peut certainement faire bien bien pire, si on a une heure à perdre, que de voir No man's law...

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Published by François Massarelli - dans Muet Western Laurel & Hardy 1927 *
16 avril 2016 6 16 /04 /avril /2016 11:58

It a obtenu un succès phénoménal, en cristallisant un concept fumeux, celui du 'It', justement, une façon de désigner le sex-appeal sans trop entrer dans les détails, qui avait été la grande trouvaille de l'auteure Elinor Glyn dans un livre qui serait probablement imbuvable aujourd'hui. La dame apparaît d'ailleurs dans le film, pour essayer de définir elle-même le principe, dans une scène inattendue mais assez plaisante. Mais bon, on s'en fout: on veut Clara Bow, et c'est sur elle que repose le film... Clarence Badger l'a bien compris, qui a bâti It autour d'elle... Nous sommes à la Paramount en 1927, et Badger, réalisateur de comédies passé chez Sennett, est à son aise dans un film qui a été planifié dans un gros, très gros studio. Mais il n'est sans doute pas seul, car parmi les gens qui ont travaillé sur ce film, on relève parfois le nom du réalisateur qui l'a commencé, avant de bifurquer vers le film Underworld: Josef Von Sternberg. Aucune trace, a priori, du style de "Von" dans ce film. C'est d'abord et avant tout une comédie virevoltante, comme sa star. 

Betty (Clara Bow) travaille dans le très grand magasin du père de Cyrus Waltham (Antonio Moreno). Celui-ci remplace actuellement son père à la direction et Betty, la petite vendeuse, est amoureuse de lui... Mais il ne la voit pas. Par contre, Monty, l'ami de celui-ci, un riche oisif (William Austin), l'a repérée, parce qu'il n'a que ça à faire, mais aussi parce qu'il est obsédé par le "It", et estime que la jeune vendeuse possède ce caractère essentiel. Il l'invite à déjeuner dans un restaurant de la bonne société, et là, c'est le miracle: une fois dans son élément, Cyrus aperçoit la jeune femme, et s'éprend d'elle. Mais il va y avoir des complications: d'un côté, la fiancée (Du meilleur monde) voit évidement d'un mauvais oeil la fréquentation entre son fiancé et une petite vendeuse; ensuite, celle-ci vit en compagnie d'une amie qui est fille-mère, et qui est menacée par les mères-la-vertu du coin de devoir abandonner son enfant tant qu'elle ne travaille pas, ce qui va pousser Betty à mentir en prétendant qu'elle est la mère; enfin, Cyrus va devoir comprendre que Betty n'est pas une fille facile, et que ses vues sur lui sont aussi légitimes que celles de la première pimbêche venue...

Le film est empreint de cette splendide technique à laquelle le cinéma Américain était parvenu en 1927. Dés le départ, la caméra nous embarque à sa suite, en nous plongeant d'un mouvement en avant au coeur de la ville moderne où se situe l'action. Et elle suit en particulier Clara Bow, dont le dynamisme et l'optimisme coloré donnent le la du film. Mais l'essentiel de ce film est dirigé dans le sens d'une évocation d'une structure de classe, à deux vitesses, dans laquelle Betty joue un peu le rôle du grain de sable... une scène (Typique du ton Paramount des années 1925-1934) le résume assez bien, en nous montrant comment deux femmes séparées par leur niveau social se préparent simultanément pour une soirée: d'un côté, la fiancée de Cyrus, Adela (Jacqueline Gadsen) se déshabille dans un dispositif de mise en scène sophistiqué, avec un fondu au moment ou sa chemise glisse de ses épaules; on passe à Betty, filmée en buste, qui laisse son amie poudrer son corps avant qu'elle n'enfile sa robe. Betty danse en riant... Le film a choisi son camp, et Betty, qui sera amenée avec la complicité de Monty à imiter les gens de a haute, va mettre un joyeux bazar là-dedans... Une scène résume bien le personnage de Betty: au début quand l'inutile (mais foncièrement sympathique) Monty tente sa chance, il propose à Betty de la raccompagner chez elle. Elle accepte à condition qu'il vienne avec elle dans "sa voiture", en désignant un tramway... Betty est modeste, mais affiche une belle énergie non seulement dans son travail, dans sa faculté à défendre son amie et par là-même sa classe, mais aussi pour défendre sa vertu. 

On peut se réjouir qu'une copie de ce film ait été retrouvée dans les années 60, car comme la plupart des films avec Clara Bow, il était perdu. Elle est lumineuse, et on comprend le succès de ce film... et de sa star, véritable résumé à elle toute seule du jazz age et de ses contradictions. A propos de contradictions, si le film accuse avec une certaine pertinence les bourgeois du film de se comporter de façon déplorable, en montrant un oisif obsédé par l'inutile quête du "It", il était inévitable que les publicistes en fassent un argument de vente du film! 

 

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Published by François Massarelli - dans Clara Bow Comédie Muet 1927 *
11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 17:06

Paul Leni,dans les années 20, est connu surtout pour un film, lorsqu'il arrive aux Etats-Unis en 1926. Il a été engagé par la Universal sur la foi du seul Das Wachsfigurenkabinett (Le cabinet des figures de cire), un film authentiquement expressionniste - et parodique, car ce n'est pas incompatible - qu'il a tourné en 1923, et dont il a été le décorateur. C'est surtout pour ce dernier aspect de son métier qu'il était connu en Europe, mais qu'importe: à l'heure où la Fox importe à grands renforts de publicité Murnau, la petite Universal est contente de pouvoir jouer dans la cour des grands... Et a vraiment tiré le bon numéro, car même s'il ne reste à Leni que trois années à vivre, son passage à la Universal laissera des traces profondes...

Un homme meurt, seul dans sa maison sinistre. Il laisse un testament, qui est énigmatique: il ne doit pas être ouvert avant vingt ans. Vingt ans plus tard, donc, le notaire Maître Crosby (Tully Marshall) convoque la famille. Ils sont six, an plus de l'énigmatique, pour ne pas dire sinistre, fidèle gouvernante de la maison, "mammy Pleasant" (Martha Mattox): parmi eux, deux jeunes gens dont on devine très vite qu'ils feront un gentil couple, l'habitué des films de maison hantée Creighton Hale, et la star des comédies légères de la Universal, Laura la Plante. C'est elle qui va hériter, mais c'est autour d'elle que les ennuis vont se cristalliser durant la nuit, une nuit durant laquelle personne ne va dormir. Les événements étranges, terrifiants, vont se déchaîner: un homme va disparaître et mourir, un prisonnier évadé et son gardien de prison vont semer la panique, des mains étranges et effrayantes vont sortir des murs, et... un monstre va faire son apparition.

Ce film est une comédie de maison hantée, un genre qui existait déjà, et obéissait à des lois d'airain: pas de logique, tout dans le frisson gratuit, et surtout, beaucoup de moments de comédie pour contrebalancer l'effroi... Mais en reprenant la pièce de John Willard et ses portes qui claquaient, Paul Leni a tout bonnement inventé le fantastique Américain, à des années-lumière des expériences ratées de Roland West (The monster , The bat, tous les deux mollement adaptés fidèlement de pièces du même genre), et en allant bien plus loin que ne l'avaient été à leurs façons respectives Tod Browning et Rupert Julian (Dont The phantom of the opera, tourné deux ans plus tôt pour la Universal, était encore dans toutes les mémoires...). En utilisant aussi bien une mise en scène d'une grande sophistication, des mouvements de caméra splendides, le clair-obscur, la profondeur de champ, le flou, le montage parallèle, la composition, les ombres; il utilise au mieux la caméra mobile, et nous plonge dans l'effroi de ses personnages en s'amusant comme un fou: il fait un film-somme qui est encore imité aujourd'hui. C'est un film parodique à énigme, il n'y a donc aucun message, juste du cinéma pur... Mais ce brillant exercice de style a montré la voie à la compagnie, qui a demandé d'autres frissons à Leni. Tous n'ont pas survécu, mais la grande étape suivante, c'était le merveilleux The man who laughs, adapté de Victor Hugo. La compagnie était en marche, irrémédiablement, vers Dracula et Frankenstein. Merci qui? Merci Paul Leni.

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Published by François Massarelli - dans Paul Leni Muet 1927 **
24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 11:40

Le film commence par une scène de tournage, un procédé qui ne donne pas tant lieu à des images trompeuses, qu'on aurait pu le croire. L'essentiel de l'action du film a lieu sur un studio, ou sur des plateaux de tournage. Comme tant d'oeuvres de la même époque, donc de 1927 ou 1928, le scénario suit de très près une forme très proche du mélodrame, simplifiée autour des quelques personnages (En l'occurrence un triangle amoureux assez classique), mais la mise en scène elle est d'une invention de tous les instants. Commençons par dissiper le doute: le film est crédité comme 'Un film d'Anthony Asquith' (C'est son premier effort), "mis en scène par E. V. Bramble". Mais la présence du vétéran est sans doute surtout faite pour rassurer la production, car le film porte, comme Underground et A cottage in Dartmoor, la patte de la mise en scène d'Asquith, encore un jeune loup qui s'est volontiers laissé séduire par le style de cinéma hérité des grands maîtres Allemands...

Mae Feather (Annette Benson) et Julian Gordon (Brian Aherne) sont deux acteurs et partenaires, mariés. Leur spécialité, c'est le thriller et l'aventure, avec une prédilection pour les scripts qui permettent à l'héroïne de faire face à un danger sérieux (Torture, viol, etc...), puis d'être secourue par son héros valeureux... Les deux stars sont bien différents l'une de l'autre: lui est finalement assez "premier degré", on le voit d'ailleurs à un moment assister à la projection d'un de ses films, il réagit aussi naïvement que les enfants du public! Elle, par contre, se comporte comme une star, comprendre par là qu'elle est tyrannique et capricieuse... Une autre différence soulignée par le film, c'est que lui ne se maquille pas, alors que Mae passe l'essentiel des tournages dissimulées sous les fards et une (atroce) perruque. Mais tout n'est pas rose: on assiste aussi à des tournages de comédie au studio, dont la star est Andy Wilks (Donald Calthrop), un acteur lui aussi grimé, un peu à la façon dont les acteurs se maquillaient chez Sennett: en plus de vêtements ridicules, ils portent d'improbables moustaches qui les rendent furieusement grotesques, et prêts à participer à des actions généralement délirantes, avec courses poursuites et coups de pied au derrière. Mais Andy Wilks a un secret, du moins le croit-il (Tout le studio a l'air au courant, sauf sans doute ce pauvre Julian): il est amoureux de Mae, et elle le lui rend bien. Un soir, ils sautent le pas, et après cet adultère, le drame va se nouer. En effet, Mae sait qu'un scandale ruinerait sa carrière. Il va donc falloir être discrets... Et bien sur, ça sera impossible.

C'est formidable, décidément cette période est une mine d'or: le film est d'une invention visuelle constante, et la caméra est partout. La vivacité de la mise en scène, l'invention visuelle, la façon dont les éclairages sont disposés, tout identifie ce film au brillant sursaut formel de 1927/1928! Et le fait qu'il se déroule sur des tournages a stimulé la mise en scène encore plus (Rien que pour cette période, il me vient au moins deux titres à l'esprit, dans le monde, pour des films situés dans le milieu du cinéma: Filmens Helte, de Lau Lauritzen au Danemark, et Show People de King Vidor à la MGM), en donnant à voir l'envers du décor sous un angle souvent dramatique ou caustique. Ca donne lieu à des scènes finement observées par les auteurs, et on a l'impression d'assister à une certaine vérité. Maintenant, on admettra que le film ne donne pas à proprement parler une image très positive de sa protagoniste principale, vue généralement en train de se remaquiller toutes les cinq minutes, et dont les motivations restent profondément égoïstes. Mais il faut voir la façon dont Asquith (Et Bramble) amène (nt) la scène dramatique la plus importante de la fin, dans laquelle un petit objet ressemblant à un bâton de rouge à lèvres joue un rôle primordial...

Pour un premier film, c'est un beau, un très beau début, maintenant restauré de façon glorieuse par le BFI.

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Published by François Massarelli - dans Anthony Asquith Muet 1927 **
20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 17:08

Un peu d'histoire pour commencer...

La carrière de réalisateur de Sternberg a commencé avec The Salvation hunters (1925), un film que d'aucuns pourraient qualifier d'expérimental, voire d'amateur. Les "stars" en étaient George K. Arthur et Georgia Hale (The gold rush), ce qui explique peut-être le soutien de Chaplin: c'est par le biais de United Artists que le film est distribué nationalement. Le film conte les "mésaventures" de marginaux dans une zone portuaire, et permettra à Chaplin de proposer à Sternberg de démarrer une collaboration. Le film produit par Chaplin et mis en scène par Sternberg s'appelait The woman of the sea. Projeté une fois, jamais sorti, le film a-t-il déplu à son éminent producteur? Edna Purviance, tournant un film sans la direction de son mentor, a-t-elle déplu? Sterberg a-t-il déçu Chaplin? Le film a été détruit, devenant probablement un graal particulièrement important auprès de million de rêveurs... Echoué à la MGM, Sternberg aurait fini seul un seul film, The exquisite sinner... et encore, on parle de retakes effectuées par un tiers. En tout cas ce film d'aventures romantiques a déplu à la hiérarchie et entraîné le renvoi du metteur en scène de son film suivant, The masked bride... C'est donc à la Paramount que Sternberg va trouver un studio qui le laisse déployer sa vision. Il va aussi parfois être amené à travailler sur les films des autres: It, de Clarence Badger, par exemple, ou encore le montage de The honeymoon, deuxième partie de The wedding march... Mais le principal effet de son arrivée à la Paramount, c'est bien sur qu'il va être choisi pour tourner Underworld, qui s'annonce comme un film important pour le studio.

Le film conte les aventures d'un bandit, Bull Weed (George Bancroft) et la façon dont ses ennuis s'accumulent lorsqu'il prend sous son aile un ivrogne, rebaptisé "Rolls Royce" (Clive Brook). A son service, Rolls Royce est d'une fidélité inattaquable à son mentor, mais Bull ne peut s'empêcher d'être jaloux lorsque il voit que sa petite amie Feathers (Evelyn Brent) développe une amitié profonde avec son protégé. Et cette jalousie, par un enchaînement compliqué, va précipiter sa chute: suite à l'assassinat sauvage d'un autre gangster, Bull est condamné à mort. Rolls Royce et Feathers, partagés entre la fidélité à Bull et le fait de pouvoir enfin vivre leur idylle à l'air libre, vont-ils faire quoi que ce soit pour empêcher sa mort?

Ce qui est frappant dans Underworld, c'est la façon dont le metteur en scène semble opérer, cherchant à la fois des moyens abstraits de rentrer dans le vif de son intrigue, et des moyens de faire du sens avec ce qui normalement n'apparaît pas au premier plan. Une sorte de don absolu pour l'utilisation du détail, qui se manifeste dans chaque plan ou presque: par exemple, l'apparition de Feathers dans le film se fait en trois temps; dans la rue, la caméra s'amuse à suivre quelques chats errants qui fouillent dans les poubelles, puis s'attache à suivre un chat blanc, à l'allure nettement moins miteuse, qui va entrer dans un immeuble. On coupe ensuite vers un plan de Feathers, qui vient d'entrer dans l'immeuble en question, et vérifie sa tenue: ses bas, puis les plumes qu'elle porte à sa robe (D'où son surnom). Troisième plan: une plume s'est détachée et tombe au sous-sol, où elle est ramassée par "Rolls Royce" qui fait le ménage, et lève la tête pour voir d'où vient cette plume. Les deux futurs amants ne s'étaient pas encore rencontrés...

Le metteur en scène semble attaché à inventer toute une grammaire d'effets visuels, et utilise à merveille l'ombre et la lumière, la fumée aussi, et l'essentiel du film se tient, bien sûr, dans des scènes nocturnes. Sternberg, un peu à la façon d'un Michael Curtiz, mais sans doute avec un rien plus de subtilité, convoque les ombres de ses personnages pour composer des plans saisissants, à la fois irréalistes et hyper-efficaces. Il en use non seulement pour l'atmosphère, pour étendre le champ d'action de ses personnages, mais aussi pour jouer sur le suspense et la menace qui pèse sur ses héros. Surtout, le film ne s'aventure jamais dans le schéma habituel du bien et du mal, préférant jouer sur la notion de décence et de loyauté interne au code des gangsters, ainsi que sur le romantisme des personnages, dans un triangle amoureux qui jamais ne devient sordide...

Bref, Underworld, c'est l'invention du film de gangsters: Enorme succès, largement mérité, ce film est non pas l'ancêtre du film noir, il en est la naissance! Indispensable.

 

Underworld (Josef Von Sternberg, 1927)
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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg Muet Gangsters 1927 Criterion **
19 février 2016 5 19 /02 /février /2016 17:41

On appréciera la différence entre le titre Espagnol et le titre Français, qui semble exploiter sans vergogne le succès contemporain d'un certain film Warner d'Alan Crosland... Mais pourtant, le film de Perojo n'a rien à voir. Pour commencer, l'acteur Français qui incarne un noir dans le film n'a pas eu besoin de se grimer, lui... Le sujet du film est, essentiellement la difficulté à se faire accepter pour un noir, y compris dans l'Europe compréhensive des années 20, et à faire oublier la couleur de peau. Comme le dit le protagoniste, pour être accepté quand on est noir, il fait être danseur ou boxeur...

Et pourtant le film est copieusement raciste. Si il y est clair que Peter est raffiné, qu'il est amoureux d'une blanche, qu'il est cultivé et fréquentable, il reste, au fond, un noir. S'il a toutes ces qualités, cela fait de lui, selon ses propres termes, un "blanc" à la peau noire! C'est, rappelons-le, une autre époque: Peter Wald (Raymond De Sarka) est un grand danseur venu des Amériques avec l'enviable réputation d'être le meilleur danseur de charleston du monde. A Madrid, il croise la route de la jeune Emma (Concha Piquer), constamment flanquée de son papa si admiratif qui est persuadé que la jeune femme est destinée à être une star. Wald, qui a beaucoup souffert pour s'imposer, prend la jeune femme sous son aile, et en peu de temps tombe amoureux d'elle. Emma, reconnaissante, ne peut pourtant pas se laisser aller à dire "oui" à un nègre... Sic. Pourtant la jeune femme va évoluer.

Je ne vais pas accabler le film, d'abord parce que c'est trop facile et que ça ne rimerait à rien. D'autant qu'à sa façon, Perojo avait dans l'idée de montrer qu'on pouvait être noir et "avoir une belle âme"; bon, afin de montrer ça, il nous est dit que Peter a "l'âme d'un blanc", donc on s'enfonce, mais encore une fois ça ne rimerait à rien de s'acharner! Le film est une restauration Lobster, qui a l'avantage de s'aventurer du côté de l'Espagne, dont Perojo était en cette période l'un des meilleurs cinéastes. Entre Paris et Madrid, il était devenu champion dans l'art de composer des co-productions, ce qui explique ici la présence, non seulement du danseur Raymond de Sarka, mais aussi d'Andrew Angelmann, connu pour sa tête impayable qui égaye un certain nombre de plans mémorables du Journal d'une fille perdue de Pabst. Quelles que soient les intentions de Perojo, et leur racisme explicite, le film est surtout un peu trop gnan-gnan, avec une histoire qui manque d'enjeu. Un ou deux moments de mise en scène surnagent, comme le moment durant lequel Peter tente (innocemment) de séduire Emma, et que celle-ci, à la fois fascinée et dégoûtée, s'évanouit! ou encore lorsque Peter, à la plage, regarde avec amour sa partenaire, avant de prendre une cigarette et d'apercevoir son reflet: instantanément, il devient triste... Pour le reste, pas de grandes avancées dans ce mélodrame.

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Published by François Massarelli - dans Espagne Muet 1927
21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 08:50

C'est curieux, comme un film à la réputation peu engageante est parfois plus qu'une excellente surprise. Ce Gaucho est en effet considéré avec Don Q. son of Zorro de Donald Crisp comme le vilain petit canard dans la filmographie de Fairbanks, pour un certain nombre de raisons: il est trop vieux, ce qui se traduit par une baisse sensible de ses prestations physiques impressionnantes et de ses cascades; et il se répète depuis Robin Hood, ce qui est sans doute vrai puisqu'on sait qu'à toutes les époques de sa carrière, Fairbanks s'est reposé sur des formules pour composer ses histoires... Mais il y a une volonté ici, justement, de renouveler le canon en partant dans une nouvelle direction, sur au moins deux points: Fairbanks n'est plus le chevalier blanc incorruptible qui redresse les torts dans un monde binaire, pas plus qu'il n'est cet adolescent attardé qui découvre la beauté de l'amour et s'embarque dans un voyage initiatique (The Thief of Bagdad). Le Doug du Gaucho est passé par la délicieuse ambiguïté d'incarner dans The black pirate un prince mystérieux mais qui se comporte quand même comme un pirate certifié... Et du coup, ce nouveau film présente une nouvelle vision du monde, tout en permettant, une fois n'est pas coutume, à une actrice de jouer un rôle nettement plus conséquent que d'habitude.

En Argentine, une région entière est sous la coupe d'un gouverneur félon, Ruiz, interprété par Gustav Von Seyffertitz. Il règne sans partage et s'en met plein les poches, pendant que la population attend une opportunité de se révolter. Normalement, c'est ici que Douglas Fairbanks devrait intervenir et être le nouveau Robin de Bois de cette histoire, mais il n'en est rien... Parallèlement, une sous-intrigue religieuse se met en place. On apprend l'existence une anecdote, dans laquelle une jeune bergère a eu un accident, mais a été sauvée d'une mort certaine par une apparition de la vierge. Depuis le lieu de l'incident est devenu un lieu saint, gardé par la jeune femme devenue une sainte (Eve Southern) pour la population, et assistée dans sa tâche divine par un prêtre (Nigel de Brulier). Quand enfin Douglas Fairbanks arrive, c'est en hors-la-loi, une authentique mais sympathique canaille, et s'il dispute en effet à Ruiz sa mainmise sur la population, c'est pour pouvoir faire à son tour main basse sur les richesses locales...

A son arrivée, le "Gaucho" est accueilli par une population assez enthousiaste, le personnage, dont la tête est mise à prix, étant quand même un héros du folklore. En particulier, une jeune femme, serveuse dans une taverne, se jette dans ses bras, et va devenir immédiatement sa maîtresse, ce qui va poser problème lorsque le Gaucho va croiser la route de la belle "sainte", qu'il va convoiter à son tour. Le risque d'un combat de tigresses va planer sur le film, mais... La jeune femme du miracle n'est pas de cette eau-là. En revanche, le rôle jouée par Lupe Velez est impressionnant. Elle a une présence bien plus charnelle (C'est Lupe Velez, donc...) que les leading ladies habituelles des films de Fairbanks, et intervient de manière importante dans l'action... Voilà donc ce qui change: cette fois, ce n'est plus un monde binaire, divisé entre une situation de chaos qui nécessite une restauration du bien et/où de l'ordre, mais bien un univers plus complexe, dans lequel le personnage principal n'est pas enclin au bien, à la morale. Il va lui falloir apprendre l'altruisme et la dimension morale, et cela va se faire au gré d'une punition divine, infligée par un mendiant lépreux à l'égard duquel Doug aura fait preuve d'une réelle méchanceté. On le voit donc, l'acteur-producteur-scénariste (Sous le nom d'Elton Thomas, une fois de plus) a semble-t-il fait sa révolution culturelle... Son nouveau film est une fois de plus d'inspiration Chrétienne, certes, mais se départit enfin de cet esprit boy-scout manichéen qui transparaît derrière tant d 'entre eux.

Ce qui n'empêche pas le film de présenter des traits familiers, à travers une équipe toujours aussi soudée, et dirigée une fois de plus derrière le réalisateur (Un transfuge de chez Sennett, auteur notamment de l'excellent The extra Girl avec Mabel Normand) par Fairbanks. Nouveau venu, Tony Gaudio est le chef-opérateur qui fait des merveilles avec un noir et blanc profond, qui tranche bien sur avec le Technicolor du film précédent (Auquel Douglas Fairbanks, sans doute échaudé par le relatif échec commercial du film, na va hélas plus toucher...). Et une vision inattendue vient compléter le cameo discret de madame Fairbanks dans The black pirate, venue une fois de plus surveiller son mari volage sur un plateau où il pouvait côtoyer la pulpeuse miss Velez: Mary Pickford a en un effet un rôle, un vrai, mais non créditée: elle joue la vierge. Mais arrêtons de considérer ce film comme une oeuvre mineure, avec ses 96 minutes superbement structurées, The gaucho, qui sera un nouveau flop relatif, est loin d'être un Fairbanks de trop.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Douglas Fairbanks *
4 août 2015 2 04 /08 /août /2015 18:25

Alan Crosland mérite mieux que le sort qui est actuellement le sien, celui d'une notule dans une histoire du cinéma qui en prime s'avère fausse: oui, il est bien le réalisateur de The jazz singer, sorti d'ailleurs quelques mois après ce film d'aventures, mais non, ce n'est pas un chef d'oeuvre, ni, bien sur, un film parlant: tout au plus un film muet et musical dans lequel on peut entendre une minute et cinquante secondes de dialogues... Et Crosland, après ça, a plus ou moins disparu des radars. Rappelons les faits: quand on fait appel à lui pour diriger les films de prestige de la Warner, Crosland est à la plus prestigieuse Paramount. Il réalise donc avec Don Juan un petit chef d'oeuvre d'exubérance, avec un John Barrymore qui semble avoir trouvé une nouvelle jeunesse. La mise en scène est splendide, et le film obtient un succès certain grâce à l'attraction de sa nouvelle technique de restitution du son: il est accompagné de musique enregistrée, parfaitement synchronisée. C'est le prélude au déferlement du cinéma sonore tel qu'il aura lieu deux ans plus tard. When a man loves, tourné et sorti un an plus tard, est la suite logique. Il s'agit d'une adaptation de Manon Lescaut, de l'Abbé Prévost.

Le film suit donc les aventures de Manon Lescaut et du chevalier Fabien Des Grieux, qui se sont rencontrés à la croisée des chemins, au moment où l'un s'apprêtait à entrer dans les ordres et l'autre au couvent. De quiproquo en coup de théâtre, de farce en attrape, et jusqu'au naufrage du navire qui les emmène aux Etats-Unis, le film déroule comme le faisait Don Juan le tapis rouge à une certaine amoralité joyeuse: c'est essentiellement pour des motifs égoïstes que Don Juan et Manon cherchent la liberté absolue, et leur amour fou leur fait provoquer des catastrophes dans lesquelles d'autres périront... On est loin du parcours de rédemption à la Fairbanks, par contre Barrymore, saute, se bat, virevolte, sans un temps mort. La photo de Byron Haskin est très belle, riche en texture, et les nombreuses scènes nocturnes sont fort réussies. Le scénario est du à Bess Meredyth, la future Mrs Curtiz, ce qui me fait émettre une hypothèse...

Crosland en avait encore pour un an avec ce statut particulier de metteur en scène de prestige à la WB, qu'il allait pourtant perdre: C'est à Lloyd Bacon qu'on confie l'important défi de tourner la suite logique de The Jazz Singer, The singing fool. Puis Curtiz, arrivé dans le but précis de réaliser des oeuvres ambitieuses, va hériter de Noah's ark, dont Dolores Costello, la vedette de When a man loves, mais aussi de Old San Francisco, un autre film de Crosland, sera l'héroïne. Et si Curtiz n'était pas venu, peut-être Crosland aurait-il pu continuer à tourner ses films extravagants, dont celui-ci est sans aucun dote possible l'un des meilleurs... La richesse de l'intrigue, le nombre impressionnant des figurants, la beauté des décors et la vitalité du montage, en font facilement un précurseur des Captain Blood, Sea Hawk, Robin Hood et autres chefs d'oeuvre... Haut la main.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Alan Crosland *
16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 16:45

Adapté d'une pièce de Alexander Brody, ce film Universal doit énormément à Boule de Suif, ce qui met d'une certaine façon Sloman dans un club qui avait aussi pour membres, excusez du peu, Kenji Mizoguchi dont l'un des premiers films parlants était une adaptation de la nouvelle de Maupassant, et John Ford, qui savait parfaitement de quelle source la nouvelle Stage to Lordburg était tirée, lorsqu'il travaillait à son film Stagecoach qui en était dérivé... Cette fois, l'histoire est celle d'un petit village frontalier dans l'Autriche de 1914, à l'intérieur duquel s'est installée une forte communauté Juive, dont beaucoup viennent de Russie dont ils ont fui les pogroms orchestrés par les soldats Cosaques. Le rabbin Lyon (Nigel De Brulier) et sa fille Lea (Mary Philbin) y vivent heureux en attendant un possible mariage de la jeune femme, une vraie forte tête. Celle-ci fait la rencontre inopinée d'un bel homme, Constantin (Ivan Mosjoukine), un Russe qui s'est aventuré loin de ses frontières pour chasser. Le Rabbin interdit à Constantin de s'approcher de sa fille, mais celui-ci revient à la faveur de la guerre, et va brièvement occuper le village avec ses Cosaques. Désireux de séduire la jeune femme, il lance un ultimatum à la population: il brûlera le village et ses habitants, à moins que Lea n'accepte de passer la nuit avec lui... La population fait pression sur la jeune femme et son père.

Largement oublié aujourd'hui, Surrender doit essentiellement sa relative notoriété à la présence de Mosjoukine, dont c'était l'unique incursion dans le cinéma Américain. Un accord de distribution qui se voulait un début de contrat avait été trouvé auprès de la Universal pour Michel Strogoff (Victor Tourjanski, 1926) et le studio espérait lancer la star avec les aventures du courrier du tsar... Mais le public n'a pas accroché. Mosjoukine est donc ici traité en invité de luxe, et son crédit vient en deuxième position après celui de Mary Philbin, qui interprète Lea. Le rôle de Constantin est un mélange entre le jeune Mosjoukine un peu rêveur du Brasier ardent, et ses rôles plus flamboyants de soldats Russes au temps du cinéma Tsariste (La dame de pique, de Protazanov, 1916). Mais surtout, il est clairement identifié comme un homme plutôt bon, ce qui tend à contredire son rôle dans des pogroms, évoqué sans aucune retenue au début du film. Pourtant, au moment de tirer sur un écureuil lors d'une partie de chasse, il abaisse son fusil... C'est un affadissement assez difficile à accepter, mais ça permet au moins au jeune homme de pouvoir conquérir le coeur de la jeune femme.

Mary Philbin, auréolée des succès de The merry-go-round (Rupert Julian et Eric Von Stroheim, 1923), et de The phantom of the opera (Rupert Julian et Edward Sedgwick, 1925) est donc la star du film, mais un autre aspect me semble prendre de la place, et ce n'est pas rien: Edward Sloman était, à la Universal dans les années 20, un metteur en scène spécialisé dans des histoires qui mettaient en scène des Juifs de tous horizons, montrés avec une certaine tendresse par l'un d'entre eux, qui avait à coeur de combler un vide assez embarrassant pour une industrie dans laquelle les Juifs avaient pourtant tant d'importance. Un grand nombre de ses films ont disparu, mais celui-ci a toujours été disponible, heureusement. Si l'anecdote de Boule de suif telle que l'a traitée le film ne tient pas forcément la route en raison de la sympathie naturelle que le public ne peut que ressentir à l'égard de Mosjoukine, ou de la médiocrité terrifiante de l'actrice principale (Mary Philbin était objectivement nullissime), la façon dont Sloman nous montre le village, avec ses acteurs Juifs ou non (Nigel de Brulier avait du jouer tous les religieux, de Richelieu de Don Frollo, à des sages Indiens, il était normal qu'un jour ou l'autre il joue un rabbin!), la chaleur et la vie dégagée par la caméra de Gilbert Warrenton, et le rythme sûr du film, dont parfois les intertitres disparaissent au profit de textes intégrés dans les plans, ce qui a un effet dynamique, nous donnent une solide envie d'en voir plus! Quant à Mosjoukine, peu enclin à jouer les seconds couteaux, il prit la décision de retourner en Europe.

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Published by François Massarelli - dans Muet Ivan Mosjoukine 1927
14 avril 2015 2 14 /04 /avril /2015 09:37

Au milieu du XIXe siècle, un capitaine Américain (William Boyd) reçoit la mission d'aller chercher du thé à convoyer vers les Etats-Unis, et du même coup va être amené à entrer en compétition avec un bateau Anglais: le Lord of the isles a été conçu précisément pour permettre à la reine Victoria (Julia Faye) de réaffirmer la souveraineté naturelle de l'empire britannique sur les eaux mondiales. En acceptant le défi, le capitaine prend un gros risque: son Yankee Clipper est de conception nouvelle, peut-il résister aux conditions difficiles dans lesquelles il va courir? Parallèlement, une jeune Anglaise (Elinor Fair) doit se marier avec un lord véreux (John Miljan), mais par une coïncidence malencontreuse les deux futurs époux se retrouvent coincés sur le Clipper, et le capitaine n'est pas indifférent à la jeune femme, d'autant qu'il sait que son promis est un moins-que-rien...

Deux beaux voiliers, une course amicale, un capitaine flamboyant, un enjeu sentimental, et bien sur une tempête: comment voulez-vous que ça échoue? Mais le doute est permis: on est en 1927, et l'heure est plutôt au film d'art qui rivalise de prouesses photographiques qu'au film d'aventures... Pourtant le film fait mouche, grâce à un refus de trop se prendre au sérieux. A la base, DeMille avait monté cette production pour en effectuer lui-même la réalisation, mais accaparé par d'autres projets (Nommément, The king of Kings, certainement son film le plus ambitieux jusqu'alors) a finalement choisi d'en livrer clés en mains la direction à un réalisateur chevronné sinon génial, ce brave Rupert Julian. Et celui-ci, débarrassant ses huit bobines de tous les excès qui en auraient fait un DeMille picture, se concentre sur l'essentiel: il tourne une dose raisonnable du film dans des conditions proches de l'histoire, donne à voir une Chine certes de pacotille, mais suffisamment crédible pour le coup, et joue sans exagérer la carte du mousse pittoresque (Jackie Coghlan, sur lequel l'ombre d'un autre Jackie passe parfois...), qui lui permet de dégonfler un peu la baudruche de capitaine interprété tous yeux bleus et toutes bouclettes dehors par Boyd. Le film acquiert de l'humour, garde toute son énergie, et la tempête promise vaut le détour! On attendait pas Julian aussi à l'aise sur ce terrain, même aussi à l'aise tout court, c'est donc une bonne surprise...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Cecil B. DeMille Rupert Julian *