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24 avril 2019 3 24 /04 /avril /2019 19:15

Adapter la pièce Rain, elle même dérivée d'une nouvelle de W. Somerset Maugham, était un défi à la censure: en 1926, Lillian Gish avait réussi à faire en sorte que la MGM, sous la houlette d'Irving Thalberg, se lance dans une version d'un roman pourtant classique, The scarlet letter, de Nathaniel Hawthorne. Il avait fallu batailler, et c'est avec toute la ténacité qui la caractérisait que l'actrice avait finalement obtenu gain de cause: The scarlet letter parlait d'un adultère, vécu et assumé comme un amour. Sadie Thompson de son coté allait irriter les ligues de décence en présentant le couple habituel de la jeune femme "perdue" et du réformateur religieux, mais en donnant un point de vue inédit.

 

Le film a pu se faire, sans doute d'une part parce que par rapport à la pièce initiale, des modifications ont été acceptées... ensuite parce que le système de censure des studios Américains, chapeauté par un fantoche, n'était peut-être pas si drastique. Sadie Thompson est une jeune femme qui vient de San Francisco pour travailler dans une île des mers du Sud; elle est assez clairement venue des bas-quartiers, porte des tenues vulgaires, et semble éprise de sa propre liberté. Elle débarque pour une escale sur une autre île en même temps que deux couples, les Horn, de paisibles touristes tolérants et compréhensifs, et les Davidson, un pasteur rigoureux et sa femme, tous deux obsédés par le péché au point d'en faire de salaces cauchemars. Bien sur, Sadie est empêchée de se rendre à sa destination, le bateau devant l'emporter étant mis en quarantaine. Elle doit donc attendre son départ en cohabitant avec le pasteur qui ne tarde pas à l'accabler de tous les maux du monde. Elle trouve un certain réconfort auprès des soldats de la base Américaine proche, en particulier le sergent O'Hara, en qui elle trouve vite l'âme soeur, au point que celui-ci lui propose vite le mariage, afin qu'elle puisse refaire sa vie. Mais c'est compter sans le pasteur Davidson, qui a décidé d'empoisonner la vie de la jeune femme...

 

Sadie Thompson est-elle une prostituée? Peu importe, mais pour Davidson, c'est une évidence: elle fume, boit, se complaît dans la promiscuité masculine... Gloria Swanson incarne avec génie un personnage défini à travers un cocktail de comportements aujourd'hui plus pittoresques que scandaleux, mais l'intérêt, c'est que pour Sadie comme pour O'Hara, il semble qu'il n'y ta là rien de foncièrement immoral. Sadie provient de quartiers de San Francisco ou elle a subi la tyrannie des hommes, qui l'ont prostituée, ou associée malgré elle à des manigances criminelles. Cela importe peu, donc, car ce qui est important, c'est que pour Davidson, incarné par un Lionel Barrymore génial, elle porte sur elle tous les stigmates de la "femme perdue". Le film est de fait une attaque en règle de ces hypocrites et réformateurs de tout poil, et se sert de cette image de femme transcendée par un père-la-pudeur en réalité obsédé par sa propre concupiscence...

 Walsh, qui interprète le sergent O'Hara, nous donne ainsi plusieurs points de vue croisés, au lieu de se contenter du point de vue moraliste du mélodrame à la Griffith. Et de fait, entre O'Hara, qui comprend instinctivement que Sadie et lui viennent du même type d'environnement, et Horn qui apprécie peu l'aveuglement de Davidson, ou Sadie elle-même qui fait comprendre au public qu'elle a subi beaucoup de la part des hommes, c'est le procès des idées reçues qui est fait ici. Les "filles perdues" ne le sont pas de leur propre fait, et ce prédicateur aveugle qui voue Sadie à l'enfer fait fausse route. Plus grave, il rejoindra à la fin du film la liste des hommes qui ont fait du mal à Sadie, après avoir réussi à l'embrigader dans sa croisade... Barrymore joue le rôle tout entier, en prêtant son physique qui était encore modulable à cet inquiétant personnage. Walsh joue sur sa stature, en le présentant de dos, face à un O'Hara de face: le message est clair, le loup avance masqué... Et il prolonge ce type de plan qui joue sur l'anatomie en montrant Sadie aux pieds du prédicateur, peu de temps avant ce qui est bien un viol; elle est soumise, mais il va aller trop loin. Le titre de la pièce a donc changé, afin d'éviter les foudres de la censure, mais le territoire ou se situe l'action est balayé du début à la fin du film par une pluie battante, qui s'insinue en permanence dans les vêtements des personnages, qui dicte aussi les comportements, comme cette jolie scène ou O'Hara et Sadie se découvrent, elle juchée sur les épaules du gaillard pour éviter les flaques d'eau... La pluie devient une métaphore de l'inéluctabilité sensuelle des sentiments, ceux des deux amoureux, mais aussi hélas, ceux plus troubles de l'homme qui est censé incarner une certaine moralité.

Le film est l'un des chefs d'oeuvre de Walsh, au même titre que Regeneration, The roaring twenties ou White heat. Il est le portrait d'une femme mise en marge, qui demande la reconnaissance mais n'aime pas qu'on la contraigne à la mendier; elle est vue ici en être humain, par un réalisateur qui a non seulement décidé de ne pas la juger, mais qui va jusqu'à interpréter un homme qui tombe fou amoureux d'elle, sans aucune condition, et qui va l'assumer la tête haute. Un geste symbolique de la part d'un des réalisateurs les plus attachants et les plus humains d'Holywood, pour un film qui présente Gloria Swanson dans son  plus beau rôle muet, c'est dire... Hélas, le film est partiellement perdu, la dernière bobine n'ayant pas été retrouvée. La reconstitution qui en est disponible permet au moins de se faire une idée pertinente du film, mais on enrage de ne pas en avoir l'intégralité.

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Published by François Massarelli - dans Muet Raoul Walsh 1927 *
11 avril 2019 4 11 /04 /avril /2019 10:16

Le moins qu'on attende d'un film situé dans le milieu de la couture Parisienne, c'est qu'il soit élégant... Et heureusement, on est servi. Situé dans un monde cohérent, entre les salles de couture et les salons publics, entre restaurants et boîtes de nuits, le film e se noie jamais dans l'anecdotique et nous propose un mélodrame basé sur un triangle amoureux, caché derrière une comédie de moeurs enlevée et même parfois dynamique, le tout en 80 minutes...

Dans une maison de couture réputée, trois amis travaillent: Mady (Suzy Pierson) y est première couturière, Thérèse (Andrée Lafayette) modèle, la plus sollicitée de tous les mannequins, et Laurent (Malcolm Tod) est pour sa part dessinateur. Ils sont inséparables, d'ailleurs leurs appartements sont situés les uns à côté des autres, et leurs soirées sont communes. Mais Mady et Thérèse sont toutes les deux amoureuses de Laurent, qui lui n'a d'yeux que... pour l'une d'entre elles. A la faveur de l'arrivée à la maison de couture d'un riche collectionneur d'aventures (Léon Mathot), qui ne cache pas son envie de connaître mieux Thérèse, les choses vont se précipiter...

Un personnage en plus, on aurait presque pu dire en trop, mais il n'en est rien, vient se greffer sur cette intrigue: Bartlett, un Américain qui est l'homme de confiance d'un couturier de New York, est interprété par Armand Bernard, le grand acteur de théâtre que Diamant-Berger avait débauché pour interpréter Planchet dans sa version des Trois mousquetaires. Ici, il continue à jouer un rôle comique, mais il réussit une prouesse: tout en étant un faire-valoir, un imbécile de première, même, il réussit à être important... Et le timing impeccable de Bernard, qui cette fois n'a pas seulement à se prendre des coups de pied au derrière comme dans le feuilleton sus-mentionné, fait merveille. Et donne du même coup une dimension de comédie au film, qui oscille constamment entre mélodrame et bulles pétillantes.

Diamant-Berger fait ici deux choses particulièrement bien: d'une part, il filme dans Paris, pour de vrai, et offre une alternative intéressante à ses nombreuses scènes tournées en studio. Ensuite, il fait une grande confiance à ses acteurs, principalement les cinq premiers, qui font une grande partie du travail dans des gros plans très étudiés: le découpage et le montage de ce film sont particulièrement intéressants... Et Diamant-Berger est même très en verve, à sa façon: il installe très bien ses ambiances nocturnes, situe avec efficacité l'ambiance d'une boîte de nuit, et ne perd jamais ses personnages dans ses décors; il utilise à bon escient la profondeur de champ: son final est situé dans une pièce qui est une antichambre d'une maison de couture où une fête bat son plein, pendant qu'au premier plan le drame arrive à son paroxysme. 

Bref, ce Rue de la Paix est le film qui prouve que le très estimable Henri Diamant-Berger, producteur heureux, affabulateur fripon (il affirme dans ses mémoires avoir inventé la bande-annonce, pourquoi pas? il ajoute avoir défini le rôle de la script-girl, et surtout il prétend avoir été le premier à faire des essais en Technicolor en 1925, ce qui trois ans après la sortie de The toll of the sea est un splendide mensonge, digne du reste de ceux que proféraient d'autres cinéastes: Ford, Hawks, Walsh ou Capra en étaient coutumiers) était aussi un cinéaste. Ben oui!

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Henri Diamant-Berger 1927 Muet *
23 mars 2019 6 23 /03 /mars /2019 17:03

Les partisans de la politique des auteurs en seront pour leurs frais... en attendant, ce film intrigant et puissant a bien été vendu comme un western, dans le cadre de la production de films de genre par Cecil B. DeMille, qui était soucieux de remplir les salles afin de pouvoir continuer à financer ses projets coûteux. William K. Howard est ce qu'on appelle un solide technicien, et on lui doit quelques films intéressants: celui-ci est sans doute au sommet de la pyramide... Probablement par accident d'ailleurs!

Dans la ferme du père Carson (George Nichols), on élève des moutons. Ca nécessite du personnel, bien sûr, d'autant que le père est maussade: son fils (Kenneth Thompson), qu'il a élevé tout seul, est marié, et il n'aime pas sa belle-fille. Celle-ci (Jetta Goudal), pourtant, est adorable, loyale et volontaire, et particulièrement soucieuse de réussir à se faire accepter par son beau-père. Mais la routine s'installe, et le vieux Carson n'en démord pas: il estime qu'elle ne vaut rien. Quand un ouvrier de passage (George Bancroft), un dur à cuire un peu fort en gueule, vient travailler pour lui, il voit que le nouveau venu cherche à tourner autour de la jeune femme. Plutôt que de l'empêcher, il souffle sur les braises...

C'est âpre, et pour tout dire assez austère. Le film est un huis-clos dans l'essentiel de sa durée, et si un personnage d'ouvrier un peu gauche (Clyde Cook) vient apporter un peu de comédie, le ton est grave. On sent très vite que le conflit qui se joue (contrairement à celui qui est au coeur de City Girl de Murnau, assez similaire par certains côtés) est et restera entre Nichols et Goudal. L'actrice, qui était une découverte de DeMille, est fantastique, réussissant sans jamais perdre en cohérence à osciller entre la fragilité et la douceur d'une femme sur laquelle le ciel tombe, et la force de caractère d'une personne sûre de son bon droit, et qui est confrontée à trois caractères d'hommes qui la révoltent: au premier, la méchanceté et la mauvaise foi; au deuxième, la lâcheté; au troisième, la duplicité et la luxure... 

La mise en scène adopte très vite une linéarité intéressante, tout en concentrant l'essentiel du point de vue autour de Jetta Goudal. Si le premier plan nous montre Nichols sur son rocking-chair, le bruit fait par les ressorts nous permet de comprendre que le bruit indispose la jeune femme... Ce qu'il sait d'ailleurs probablement! Et une conversation à bâtons rompus entre père et fils, à table, est vécue par la jeune femme qui se noie dans leurs propos sur le bétail: pour illustrer cette conversation sans intertitres, on nous montre des surimpressions envahissantes du troupeau... Enfin, la scène-clé du film, celle qui va occasionner la confrontation finale entre les trois membres de la famille Carson (la jeune femme a été "visitée" par Bancroft durant la nuit), est absente, volontairement: à nous de nous situer, moralement, comme la jeune femme le demande à son mari qui l'accuse un peu trop rapidement...

Le western n'en est pas vraiment un, par contre les liens avec d'autres films de l'époque sont nombreux: comme Sunrise, White Gold est une épure. Comme le film de Murnau (sans pour autant être un tel sommet bien sûr), il se passe souvent de titres inutiles. Comme The Wind, de Sjöström, il est la confrontation d'une femme qui n'est pas préparée à la dureté de la vie chez les pionniers; et comme City Girl, de Murnau, White Gold est un tableau sans compromis de la vie campagnarde, qui se tient bien à l'écart des clichés du paradis pastoral...

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille Muet 1927 **
6 janvier 2019 7 06 /01 /janvier /2019 16:01

Après quelques films pour Warner Bros, dont le célèbre et excellent Don Juan d'Alan Crosland, John Barrymore a signé pour trois films avec Joseph Schenck, qui faisait distribuer ses films par United Artists. Donc l'idée était de donner plus d'indépendance, donc de contrôle, à la star... Du moins sur le papier, comme Buster Keaton, que Schenck venait de lâcher sans trop d'élégance, en a fait l'amère expérience...

Le "beloved rogue" du titre n'est autre que François Villon. Le vrai, auteur d'un certain nombre de poésies, était aussi un monte-en-l'air, un escroc, un voyou, un moins-que-rien, bref: un bandit. Celui de John Barrymore l'est aussi, mais fort brièvement, le film se limitant à une série d'aventures autour d'une anecdote totalement apocryphe de la vie de celui dont on sait quand il est né (en 1431), mais dont on perd totalement la trace 30 années plus tard...

Sous Louis XI, le Roi risque de tomber sous la coupe de Charles de Bourgogne, son ennemi juré qui convoite sa place. Il s'apprête pourtant à donner la pain de sa pupille Charlotte au lieutenant de Charles, en guise de geste de bonne volonté; par cette union, Charles entend briser les derniers obstacles qui l'empêchent d'accéder au trône. Mais Charlotte qui ne souhaite pas se marier avec n'importe qui, trouve refuge auprès de Villon, qui n'est pas insensible à ses charmes. Il va réussir, par la ruse, à s'attirer les bonnes grâces de Louis XI. Mais le temps presse, car Charles de Bourgogne n'a pas dit son dernier mot...

J'ai volontairement laissé de côté les noms des acteurs, tant la distribution est impressionnante: outre Barrymore, on trouve en effet Conrad Veidt en Louis XI, Marceline Day dans le rôle de Charlotte, et si W. Lawson Butt n'inspire pas grand chose (à part dans les possibilités les plus sombres de moquerie immature autour de son patronyme) dans le rôle de Charles, que penser des apparitions de Mack Swain ou encore Slim Summerville, voire de Nigel de Brulier (en astrologue, ce qui manquait dans son impressionnante collection de sorciers, prophètes, évèques, cardinaux Vendéens et autres prêtres) ou de Dick Sutherland qui ici interprète un bourreau au faciès... de Dick Sutherland, justement... On s'attend à passer un très bon moment, surtout si on a vu Don Juan et When a man loves... 

Crosland et Barrymore étaient sans doute partis pour récidiver leurs exploits, en faisant construire toute une ville médiévale alambiquée, et louchaient aussi probablement sur la couronne de Douglas Fairbanks, roi cabossé du film d'action depuis le manque de succès de The thief of Bagdad et des films qui l'avaient suivi... Mais le mélange de comédie débridée (beaucoup plus marquée que dans ses films précédents) et d'aventures, mâtiné de sadisme pour une séquence de torture dans laquelle Barrymore à demi-nu est plongé dans les flammes et lardé de coups de fouet, peine parfois à convaincre.

Conrad Veidt compose pour sa part un Louis XI convenablement dingo, dont on a l'impression qu'il ne lui en faudrait pas beaucoup pour tripoter tout ce qui bouge, et le style baroque du film époustoufle dans un premier temps, marque le film comme étant factice (au même titre, tiens, que The thief of Bagdad était littéralement incroyable) ensuite, et finalement lasse un peu... Surtout quand on a parfois l'impression d'assister à un démarquage de The hunchback of Notre-Dame...

Il n'était pas Douglas Fairbanks non plus, même si l'équipe fait tout pour tenter de nous le faire croire! Ca virevolte, c'est rythmé, et c'est souvent assez vain. Bref: Barrymore ferait mieux, bien mieux avec son film suivant, le flamboyant Tempest...

Je termine en vous laissant une petite énigme de rien de tout, dont je sais qu'elle va certainement motiver au moins une personne: il y a trois futurs acteurs de Freaks dans le film, j'ai bien sûr fait exprès de ne pas les mentionner. Bonne chasse!

 

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Published by François Massarelli - dans John Barrymore Alan Crosland Comédie Muet 1927 **
2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 18:34

La nuit, dans le Louvre, il se passe des choses étrange dans la salle exotique des divinités païennes: un fantôme se promène, et en quelques nuits, il va perpétrer des crimes, hanter les couloirs, mettre la police sur les dents, et surtout flanquer la pagaille dans la vie tranquille du journaliste Jacques Bellegarde, et de fiancée la belle mais exigeante -et riche- Simone Desroches... Surtout, il va opposer la police officielle, incarnée par le strict inspecteur Ménardier, et un détective privé génial, le valeureux Chantecoq...

Produit pour Pathé par la société des Ciné-Romans, spécialisée dans les serials à succès, Belphégor est adapté d'un feuilleton d'Arthur Bernède. Le ton est délibérément léger, à travers une évocation du Paris contemporain et nocturne, notamment celui du Louvre, et des villas fréquentées par les gens du meilleur monde... Si chacun des quatre épisodes offre son pesant de frissons pour rire, et de rebondissements, dans une continuité qui frappe par son manque total de logique (tout est destiné à l'effet coup de poing, plutôt qu'à un visionnage répété), la poésie des quartiers populaires propres à Feuillade nous manque quand même... 

C'est d'ailleurs plus à Gaston Leroux et à une version légère du Fantôme de l'Opéra qu'on pense (et bien sûr au film de 1925, mais... sans Lon Chaney!), même si la présence de René Navarre nous renvoie quand même au plus grand nom du feuilleton cinématographique : c'était Navarre qui interprétait Fantômas dans les cinq longs métrages du réalisateur des Vampires. Du coup, la production laisse à son personnage de détective une part de mystère...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 **
2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 18:27

Les quelques années passées, à Hollywood, à honorer un contrat avec la MGM ont été pour Benjamin Christensen une période de frustration, dont aucun des films qui en ont résulté ne semble pouvoir atténuer l'effet : c'est bien médiocre, tout ça... Mockery, pourtant, promettait : un script original de Christensen, une histoire romantique et noire située dans le chaos des coulisses de la révolution Russe, et Lon Chaney dans un rôle qui tranchait considérablement sur ce qui commençait sérieusement à devenir la routine de ses interprétations pour le studio.

Ca commence de manière intéressante : dans des bois jonchés de cadavres, un homme, le paysan Sergei, erre sans but. Il croise la route d'une jeune femme, habillée en paysanne. Ils vont faire équipe mais elle prend tout de suite la direction des opérations, en lui faisant promettre de l'obéir en tout point... Les premières séquences réussissent à capter notre intérêt, et après tout nous sommes come ce paysan dépassé par les événements : nous ne savons pas ce qui se passe, et n'avons as la moindre idée de l'identité de la jeune femme, qui prétend s'appeler Tatiana (Barbara Bedford). Et une complicité va s'établir entre les deux, jusqu'à ce qu'ils se réfugient dans une cabane au fond des bois : là, Sergei va offrir de son temps, et de sa tendresse, en lavant les pieds de la jeune femme, dans une scène d'adoration quasi religieuse. ...Mais quelques instants après, une troupe de révolutionnaires viennent, et menacent la jeune femme, qu'ils soupçonnent d'appartenir à la noblesse. Ils décident de torturer Sergei, qui selon le vœu de Tatiana prétend être son mari, mais il n'en dira pas plus.

Quand les troupes blanches arrivent, Tatiana est sauvée et se présente sous le nom de la Grande-Duchesse Alexandra. Elle promet à Sergei d'être son amie, et ils partent avec les troupes vers une ville, où ils vont se réfugier chez un riche profiteur de guerre, joué par Mack Swain : un rôle important, dans lequel il ne jouera pas trop de son expérience de comédien chez Sennett : étonnant. Une fois en ville, Alexandra ne se préoccupe plus de Sergei, mais file le parfait amour avec le jeune Capitaine Dimitri, interprété par Ricardo Cortez. Sergei, de son côté, se sent abandonné et sans rien comprendre commence à écouter les sirènes révolutionnaires qui le manipulent...

On aurait attendu de Benjamin Christensen qu'il se rende maître de l'image, comme il l'avait fait au Danemark. En lieu et place, on a un film mis en scène d'une façon plate et purement fonctionnelle : c'est que le réalisateur d'Haxan a besoin d'être chez lui, dans SON studio, et a probablement du mal à gérer les horaires de la MGM, de 9 à 17 heures tous les jours sauf le week-end, et sans doute à accepter de n'être qu'un des rouages du mécanisme. Son film, s'il part d'une bonne idée, manque de tout : des images qui aillent un peu plus loin que le simple enregistrement de scènes, de décors qui changent un peu (une fois en ville, on ne quitte quasiment plus la maison de Mack Swain), et même d'un héros : car le fait est que Sergei ne comprend rien de ce qui l'entoure, et de fait aucun des « nobles » ne donne envie de les apprécier. Pas plus que les révolutionnaires, qui sont traités à la truelle par le metteur en scène. Et par moments, le malaise qui s'installe est plus dû à l'indécision du spectateur devant la confusion qui règne : ceci est-il une comédie, ou un drame? Plus grave, on a l'impression que personne ne le sait vraiment !

Chaney réussit par sa présence seule à sauver quelques moments (le début, je le disais plus haut), mais c'est peu, bien peu...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Lon Chaney Benjamin Christensen *
23 juillet 2018 1 23 /07 /juillet /2018 07:38

En Chine, le vieux mandarin Wu se réjouit de pouvoir préparer le passage de flambeau vers son petit-fils. Une fois devenu adulte, celui-ci va pouvoir prendre la direction de la famille. Mais un drame va l'isoler et le rendre dur: son épouse meurt peu de temps après avoir donné naissance, à une fille.

Une fois celle-ci (Renée Adorée) parvenue à sa majorité, son père, qui ne s'interrompt dans ses affaires sérieuses que pour s'occuper d'elle, cherche à la marier selon les coutumes ancestrales. Mais Nang-Ping, la jeune femme, rencontre Basil Gregory (Ralph Forbes) un séduisant jeune homme Américain, avec lequel elle ne tarde pas à vivre le grand amour...

...Avec tout ce qu'un mélodrame implique dans ce genre de cas.

Je ne vais pas prendre de gants: dans ce mélodrame de la pire espèce, qui ne parvient même pas à donner vie à sa tentation esthétique et à nous faire croire un seul instant qu'on est en Chine, le seul avantage est la présence de Lon Chaney. J'y reviendrai... POur le reste, à aucun moment un effort n'est fourni pour nous sortir du cadre de la pièce de théâtre dont le film est une adaptation, et l'essentiel de ce qui nous est conté suit fidèlement les codes raciaux de l'époque: qu'un fils à papa, blondinet jusqu'au bout de la cravate, séduise une Chinoise, c'est du plus haut romantisme, y compris quand il est gêné de devoir assumer de l'avoir engrossée. Mais qu'on suggère ne serait ce que du bout des (longs, très longs) ongles qu'un Chinois puisse entretenir des rapports avec une blanche et de suite, c'est l'horreur. Et comme Ralph Forbes doit effectivement embrasser Nang-Ping, on a choisi de confier le rôle à Renée Adorée... Alors qu'on avait Anna May Wong sous la main!

Une scène, une seule, atteint une certaine dignité: celle durant laquelle Wu, déçu de la trahison de sa fille, et Nang-Ping qui ne se fait aucune illusion sur la conduite future de son amant, se préparent à observer la loi de leur clan: elle n'est plus pure, elle doit donc mourir de la main de son père. A ce moment, les acteurs sont impressionnants, et... William Nigh se réveille. 

Non, heureusement, il y a Lon Chaney: dans deux rôles, chacun à deux périodes de la vie, il donne vie une fois de plus à des orientaux, avec un certain génie de la transformation, une fois acceptée l'embarrassante manie des occidentaux de confier des rôles exotiques à des acteurs anglo-saxons. D'une part, que ce soit en vieux Mandarin Wu ou en jeune Wu, il montre toute sa science du maquillage avec un talent devant lequel on doit déposer les armes. Si je suis plus mitigé sur sa performance d'acteur (Chaney nécessitait une authentique direction afin d'éviter d'en faire des tonnes, et la dernière bobine le voit déborder sérieusement du raisonnable), on reste confondu devant sa capacité en un seul plan, à nous faire passer la vérité d'un personnage qui passe d'une certaine dignité calme, à une violence intérieure et une cruauté sans nom.

Et là encore, je vais me plaindre: le cinéma muet Américain avait quand même un sérieux problème avec les orientaux, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Lon Chaney *
30 juin 2018 6 30 /06 /juin /2018 16:37

Dans le petit royaume de Karlsburg, le jeune prince héritier Karl Heinrich (Philippe de Lacy) arrive chez son oncle le roi Karl VI (Gustav Von Seyffertitz). Malgré la présence du Dr Jüttner, un précepteur qui lui sert de père de substitution, et un ami en même temps qu'un éducateur (Jean Hersholt), la vie est rude pour le jeune prince, qui n'a pas la possibilité ni de sortir, ni d'avoir d'authentiques amis de son âge... Devenu adulte (Ramon Novarro), il doit partir pour l'université de Heidelberg, où il compte bien rattraper le temps perdu en faisant le plein de plaisir et d'amitiés. En compagnie du Dr Jüttner, le jeune prince va y trouver un bonheur immense, mais fugace, surtout dans les bras de la belle Kathi (Norma Shearer)... Fugace car le prince insouciant va vite être rattrapé par l'annonce de la maladie du Roi, et bien entendu par la raison d'état... Comment dans ces circonstances donner sa pleine mesure à ce qui n'apparaîtra jamais aux yeux de la cour, que comme une amourette sans importance?

On pense évidemment à Erich Von Stroheim, et ce n'est pas un hasard; dans l'esprit d'Irving Thalberg, maître d'oeuvre du projet pour la MGM, ce film devait suivre The merry widow entre les mains du metteur en scène de Greed. Mais celui-ci, qui souhaitait écrire et réaliser ses films à sa guise, a quitté le studio, avec fracas, en fin 1925. Lubitsch, qui venait de remplir un contrat de cinq films pour la Warner, n'était que le quatrième choix pour le jeune producteur, ce dernier ayant considéré faire venir E. A. Dupont, auréolé du succès de Variétés, ou confier le travail au vétéran John Stuart Robertson. Si Lubitsch est arrivé sur le tard sur un projet qui avait déjà pris vie sans lui, il y a suffisamment insufflé de lui-même: le ton pour commencer, mélange savant de mélodrame et de comédie, et le contraste saisissant entre les décors un rien grandioses de conte de fées, et le talent du metteur en scène pour nous intéresser à un détail, à un geste, et comme le ferait remarquer Mary Pickford, à une porte...

Et surtout, il a su s'intéresser à ses personnages et leurs relations: l'amitié quasi filiale de Jüttner pour Karl Heinrich, et la relation d'irrésistible passion de Kathi et du jeune prince, entre bouffées de gaminerie friponne, et conscience aiguë des réalités de leur rang respectif: une scène me revient en mémoire: la nuit, les deux jeunes gens se voient, et Karl court après Kathi, à la fois en jeu et afin de l'embrasser, ce que la prudente jeune femme ne souhaite pas: ils sont filmés de côtés, et la caméra les suit dans un travelling latéral, qui les voit passer derrière une rangée d'arbres, jusqu'à ce que la caméra dépasse un gros arbre, mais de derrière le tronc, les deux amoureux n'émergent que tardivement: la preuve qu'un metteur en scène aussi distinctif que Lubitsch pouvait malgré tout continuer à garder son style distinctif, y compris au sein de la MGM. 

Cela étant dit, le film reste avant tout un véhicule pour le studio, pour le savoir-faire MGM et pour ses stars. Mais Lubitsch, s'attaquant à une thématique qui l'intéresse (le passage difficile à l'âge adulte, la frustration née des classes sociales, et un portrait formidable de jeune femme plus adulte que son amant, qui est celle qui remettra le jeune prince devenu roi, dans le droit chemin d'une succession difficile mais nécessaire), et continuant à montrer son talent en matière de point de vue: la façon dont Karl Heinrich découvre, devenu roi, qu'aucun de ses camarades étudiants ne lui témoignera jamais plus qu'un respect froid et protocolaire, par exemple, est traitée du point de vue de Novarro, sans qu'il soit possible pour le public d'en vouloir à ces sujets zélés... Et il y a Jean Hersholt, génial acteur trop méconnu, qui joue ici l'un des deux rôles les plus importants de sa vie.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Ernst Lubitsch 1927
21 juin 2018 4 21 /06 /juin /2018 09:12

Sur un scénario de Darryl F. Zanuck, Dolres Costello est la star de ce petit film bien de son temps à tous points de vue, qui prend prétexte d'une histoire située à San Francisco d'avant le cataclysme de 1906, pour faire bouillir la marmite de la Warner! Après Don Juan, When a man loves et The better 'ole, ce film d'aventures est l'un des premiers programmes Vitaphone, et comme ses prédécesseurs le son n'y est utilisé que pour la musique et l'ambiance.

La famille Vasquez est venue s'installer dans la baie de ce qui deviendra San Francisco avec les premiers arrivants Espagnols, et elle a maintenu une certaine aisance... Jusqu'à la ruée de 1849. En 1906, c'est donc une vieille famille hispanisante qui tente tant bien que mal de conserver son statut, et qui a fort à faire pour contrer les spéculateurs de tout poil qui en veulent à leur terre, notamment l'étrange Chris Buckwell (Warner Oland), qui cache un secret inavouable, un secret qui pourrait bien se révéler au contact de la belle Dolores Vasquez (Dolores Costello)...

Autant vous le dire tout de suite: "Chris Buckwell" n'est pas blanc, mais c'est un métis, fils d'un blanc et du'ne chinoise. Alors on va le dire tout de suite: oui, le film est raciste, d'un racisme ordinaire et dégueulasse qui se cache derrière un respect des communautés, tant qu'elles restent chacune de leur côté. Le principal pêché de Buckwell est bien sûr de convoiter celle à laquelle il n'a pas le droit de rêver... Mais au-delà de cette identité gênante, et convention mélodramatique passe-partout qui n'a fait sourciller personne, le film est un long métrage d'obédience classique, avec ses péripéties absurdes, sa visite de Chiinatown (avec So-Jin et Anna May Wong, mais aussi Angelo Rossito en couleur locale) et... sa vengeance divine. Consultez les livres d'histoire si vous voulez savoir comment Dieu, décidément bien taquin, a opéré cette fois-ci! ...Ou voyez ce film.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Alan Crosland *
23 mai 2018 3 23 /05 /mai /2018 16:34

John Breen vit avec sa mère et son père adoptif sur une péniche, et passe son temps libre à admirer New York, depuis la rivière. Il souhaite y aller un jour, et y devenir quelqu'un; tout ce qu'il sait de son histoire compliquée, c'est que le capitaine Breen n'est pas son vrai père, mais par ailleurs le sujet est tabou pour ses parents. Quand un bateau heurte la péniche accidentellement, de nuit, les Breen sont noyés. Seul survivant, John décide de tenter sa chance...

Produit par la Fox en 1927, East side, west side reste à l'écart des expériences chères à Murnau, qui commencent à envahir toute la production du studio, avec les encouragements subjugués de William Fox lui-même. Allan Dwan ne s'en préoccupe guère, plus proche dans son style d'un Walsh que d'un Murnau ou un Borzage... Et justement, ce qu'il cherche dans ce film largement tourné à New York, du moins certains extérieurs notables, c'est justement une certaine vérité locale, plus qu'une réinterprétation artistique des lieux. 

Mais ça ne veut pas dire que son film est dénué de clichés ou d'artificialité; au contraire, une bonne part de cette histoire initiatique, celle d'un jeune homme un peu naïf venu de l'eau, tient du conte de fées; mais un conte de fées New Yorkais, qui va voir John Breen rencontrer des Juifs qui lui donnent un toit pour quelques jours, des Irlandais avec lesquels il va se frotter, mais qui vont surtout lui faire découvrir la boxe, et enfin un homme d'origine Hollandaise (un sang bleu de New York, donc!) qui va l'aider à trouver la possibilité d'élévation sociale qui le motive tant. L'homme en question est son père, nous le savons, mais lui, pour des raison propres à l'intrigue, ne le saura jamais.

East side, west side: un côté, puis l'autre: la symbolique du lieu est bien sûr liée à une réalité sociale, celle d'une ville à deux vitesses dans laquelle les deux côtés ne se mélangent que rarement. Pour certaines occasions bien spécifiques, comme la boxe, par exemple: c'est autour de ce sport que vont en réalité graviter absolument tous les personnages importants du film: Flash, le premier manager de John, un escroc peu recommandable (Frank Allworth); Pug Malone (J. Farrell McDonald) qui lui au contraire va traiter John avec respect, même si je soupçonne fortement ce personnage bourru d'être plus ou moins un parrain de la mafia Irlandaise; Gilbert Van Horn (Holmes Herbert), le père secret...

Il y a aussi deux femmes: d'un côté, celui de l'East side et des quartiers populaires, Becka Lipvitch (Virginia Valli), la fille des fripiers qui ont "sauvé" John au début du film, et qui l'aime depuis le premier regard, et Josephine (June Collyer), la pupille de Van Horn, qui va s'intéresser à John lors de l'ascension sociale de ce dernier. Deux femmes, deux tentations. Mais l'idylle entre John et Josephine tournera court, cette dernière ne supportant pas le fait que son fiancé soit plus intéressé par la construction, et passe du temps sur les chantiers (en particulier sous terre), pour des activités qui ne sont pas en phase avec les aspirations de la jeune femme.

Le haut, le bas, Dwan est clair dans le parcours de John qui certes est ambitieux: son mentor/ami/père Van Horn lui conseille de "viser les étoiles". Mais contrairement à Josephine qui ne supporte pas de descendre pour se rendre sur les lieux où John supervise les fondations d'un building, le jeune homme sait que sans un travail vraiment sérieux au bas de son bâtiment, il ne sert à rien de viser à le construire, et à le faire tutoyer les étoiles: le bon sens au service de la métaphore en quelque sorte! Cette intéressante utilisation de l'image de la construction se double d'une dichotomie entre le jour (le monde de la haute société et des Van Horn et consorts) et la nuit, le moment d'aller s'encanailler dans le ghetto, et le monde où va travailler Becka qui a une famille à aider. Les nombreuses scènes nocturnes bénéficient d'un travail exceptionnel du chef-opérateur George Webber qui préfigure le film noir, mais on sait que Dwan a toujours été à l'aise dans ce domaine (voir les scènes de fin de Stage struck, mais aussi certaines séquences de Robin Hood et bien sûr The iron mask à ce sujet). le metteur en scène est aussi chez lui devant la thématique des contournements de l'impossibilité de l'élévation sociale: The half-Breed, Zaza, Manhandled, Stage Struck, tous ces films abordent ce thème avec force. Et j'ai parlé du film noir plus haut, mais East side, west side, avec ses scènes tournées dans un quartier juif, ses séquences de speakeasies et les junkies qui viennent chercher leur dose, son mafieux au grand coeur et ses dames de petite vertu qui décidément font plus vrai que nature, anticipe aussi sur le naturalisme du cinéma Américain du début des années 30.

Et j'ai failli oublier: Dwan situe une scène de son film sur un bateau qui transporte des gens de la bonne société, qui heurte un iceberg. En choisissant de raconter le désastre du Titanic à sa façon, il en profite pour montrer l'égoïsme de Josephine qui cache son amant sur le canot de sauvetage, et l'héroïsme de Gilbert qui lui laisse sa place à des femmes et des enfants, et... coule, rejoignant ainsi les deux (autres) parents de John. Mais au-delà de l'audace de l'idée (le désastre du Titanic n'avait pas beaucoup été abordé) et de l'impeccable réalisation "à l'économie" de la scène, qui anticipe malgré tout sur le réalisme du film de Cameron (les efforts des passagers pour rester debout), la séquence reste une séquence mélodramatique dans un mélodrame...

Maintenant, il faut admettre que le film reste un "véhicule" pour George O'Brien, ses pectoraux, son regard doux de petit garçon, et ses nombreuses scènes à tomber la chemise: je pense que c'était dans son contrat. Ce qui ne l'empêche pas bien sûr d'être un bon acteur, et même loin de son mentor Ford, qui a fait de lui une star, et de son grand révélateur Murnau qui a prouvé qu'il était un acteur, il est quand même excellent... Virginia Valli aussi: clairement, dans ce film qui fait fi de tout racisme, de toute tentation de privilégier les convenances, et qui nous montre la vie contrastée des petites gens et celle des privilégiées, vous ne serez pas surpris si je vous dit qu'il est très clair que Dwan, lui, a choisi son camp.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Allan Dwan