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11 avril 2015 6 11 /04 /avril /2015 18:03

Un homme sur le point de se marier détruit par mégarde le chapeau de paille d'une dame. Celle-ci avait en effet posé son couvre-chef sur un buisson le temps d'aller se faire lutiner dans les fourrés par un beau militaire, et notre héros (C'est Albert Préjean) n'a pu empêcher son cheval de croquer le rebord... C'est le point de départ pour le futur marié, Jules Fadinard, d'une rude journée! Nous sommes en 1895, et le beau militaire dont il était question est du genre plutôt ombrageux, il lui semble important de sauver l'honneur de sa belle, qui est bien sûr mariée à un autre, et cet autre aura sans doute à coeur de demander des explications quant à l'état du chapeau. Fadinard va donc devoir, d'une part, se marier, et de l'autre récupérer un chapeau similaire afin d'éteindre l'incendie, et de calmer le lieutenant Tavernier, qui menace de tout casser chez lui... Littéralement. La noce se déroule donc pour Fadinard dans une ambiance particulière, le temps presse, et le moindre détail peut faire basculer la situation...

Après La Proie du Vent, Clair a trouvé la perle rare: une adaptation de la pièce d'Eugène labiche, mais au lieu de la situer en 1851, il a l'idée de la transposer en 1895, créant ainsi une possibilité d'hommage au cinéma. Et ce film, de fait regorge d'idées visuelles fantastiques! Le metteur en scène ne se contente pas de filmer la pièce, et suit ses personnages dans tous leurs périples, tout en démultipliant l'espace filmique par le recours au point de vue de son héros. Nous avons vu, nous, l'incident initial, situé en pleine nature. Mais lorsque Fadinard le raconte, il devient un film-farce de 1905, tourné en décor peint avec les acteurs qui gesticulent comme dans les films Pathé de Ferdinand Zecca... Lors du bal de mariage, Fadinard sourit à qui veut bien le regarder, mais il passe son temps à imaginer les dégâts commis par le lieutenant dans son appartement. et Clair s'amuse avec la cadence de défilement des images, les meubles sortant au ralenti, jetés par un lieutenant Tavernier qui lui gesticule à toute vitesse!

Et durant tout ce temps, chaque acteur a un vrai rôle, certains étant prisonniers d'un petit détail, un problème de cravate, des chaussures trop petites ou trop grandes... tous vont porter ce problème jusqu'au bout, dans une narration qui passe sans effort du premier plan (Fadinard et les risques qu'il prend pour sauver la réputation et ses meubles!) au second (Les invités qui s'imbibent, le beau-père et ses chaussures trop petites, l'invité qui a perdu son gant, le mari de la femme adultère, joué avec génie par Jim Gérald).

La réussite de ce film, l'un des meilleurs jamais réalisés à la firme Albatros, et l'un des deux meilleurs films de René Clair qui à mon sens aura tout dit à l'arrivée du parlant 3 ans après, me fait immanquablement penser à l'univers d'Hal Roach, et en particulier aux courts métrages interprétés par Charley Chase, auquel d'ailleurs Préjean fait physiquement penser: il a aussi le même souci de respectabilité, pris comme argent comptant, et y est aux prises avec les aléas d'une situation qui n'en finit pas d'être embarrassante. On n'aurait pas cru que le théâtre de boulevard puisse donner naissance à une telle merveille, éminemment cinématographique.

 

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Published by François Massarelli - dans René Clair Albatros Muet 1927 *
18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 17:43

Ce film présente les mésaventures fort drôlatiques, étonnantes et pleine de rebondissements du chevalier Giacomo Casanova de Seingalt, dont on se demanderait volontiers où il acquit son titre sinon dans les boudoirs, chambres, lits et sofas les plus aristocratiques, tant la polissonnerie lui tient au corps. Nous suivons le chevalier de Venise à St-Petersbourg, puis de retour à Venise, fuyant en permanence les hommes de bien et les hommes de loi dont il a généralement lutiné les épouses à moins qu'elles soient encore en train d'attendre leur tour légitime. La République de Venise s'acharne sur lui, et il va tour à tour s'improviser magicien pour y échapper, se faire passer pour précepteur auprès, s'il vous plait, de la Grande Catherine de Russie, sauver des orphelines en danger, se faire arrêter, condamner à mort, et s'évader, non sans continuellement s'arrêter en route pour contempler quelque minois de passage...

Ivan Mosjoukine a constamment fui lui aussi, la Russie communiste d'abord, puis la compagnie Albatros dont il était la vedette principale pour conquérir son indépendance artistique et financière, mais ce n'est pas tout: si on ne va parler de l'affaire Romain Gary ici, a aussi du séduire bon nombre de femmes!

Mais l'identification n'est pourtant pas totale entre le maitre d'oeuvre-acteur-scénariste Mosjoukine et le picaresque chevalier. Mosjoukine se sert de la figure légendaire pour installer son image de Douglas Fairbanks à la Franco-russe, bondissant et triomphant de l'adversité sans jamais s'arrêter. Et le film est une fête visuelle permanente, à la rigueur cinématographique d'autant plus étonnante que le scénario joue volontiers la carte parodique. La mise en scène, donc, due au complice Alexandre Volkoff, quasiment venu en France dans les bagages de la star, et qui va constamment donner de l'ampleur, dans un luxe impressionnant, à la reconstitution extravagante du passé; et Mosjoukine (qui était aussi metteur en scène, et l'avait prouvé en France avec deux splendides films, L'enfant du carnaval et La brasier ardent) n'est pas e reste, décidant lui aussi de participer à la fête qui consiste à ce que chaque plan, sans exception, ait quelque chose qui le rende spécial. Et quand Mosjoukine est dans le champ... il se débrouille toujours pour que ce soit lui qui soit spécial. Il me fait penser non seulement à Fairbanks, mais aussi et surtout (particulièrement dans ce film) à Chaplin, comme dans une scène où il se fait arrêter. Les deux gardes qui doivent l'escorter en prison tournent les talons mais pas lui. Quand ce petit monde avance, il va dans le sens opposé à ses gardiens, le genre de méprise typique de Chaplin... Qu'il va ensuite compléter en les rejoignant d'une façon inimitable, et on ne voit finalement que lui!

La distribution est bien sûr dominée par Mosjoukine, mais il sait s'entourer: on trouve dans le rôle de Catherine la grande Suzanne Bianchetti, préposée aux rôles de reines et d'impératrice. On en peut pas passer sous silence la superbe composition totalement siphonnée de Rudolph Klein-Rogge qui joue son mari, le Tsar Pierre III de Russie, une composition burlesque assez inattendue pour les habitués de ses rôles chez Fritz Lang: oui, il était aussi bien l'ingénieur fou Rotwang dans Metropolis que le Dr Mabuse du film du même nom... Volkoff, complice fréquent de Mosjoukine qu'il a accompagné depuis la Russie jusque à l'Albatros, et l'a ensuite suivi dans sa quête d'indépendance, joue à fond la carte de la grande classe, dans une superproduction dispendieuse dont le luxe est impressionnant, mais sert la carte de l'ode à la joie de vivre, incarnée à travers Mosjoukine par le jouisseur Casanova.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Ivan Mosjoukine 1927 **
23 août 2014 6 23 /08 /août /2014 17:02

A la fin des années 10, le chaos de la Révolution menace en Crimée. Ce qui ne fait pas vraiment les affaires du diplomate Français Alfred Ney, chargé par son gouvernement d'observer la siuation dans les pays proches de la Russie. Ca n'arrange pas non plus sa fille Jeanne, qui a rencontré à la faveur des événements un jeune Bolshevik, Andreas, dont elle est tombée amoureuse: elle ne se sent pas prête à quitter le pays et l'abandonner... Lors d'une confrontation entre le vieux politicien et des Révolutionnaires, Alfred est tué. Jeanne quitte le pays, et se réfugie chez son oncle Raymond, un détective qui habite à Paris, avec sa fille aveugle Gabrielle. Andreas ne tarde pas à se retrouver à paris où il a pour mission de participer à l'effort d'exportation de la Révolution, tandis qu'un aventurier contre-révolutionnaire, meurtrier et obsédé sexuel (!), Khalibiev, va lui aussi croiser la destinée de nos héros....

A une époque où il lui faut tout essayer, Pabst, auréolé du succès de La rue sans joie, s'essaye après un curieux exercice de style consacré à la psychanalyse (Les secrets d'une âme , 1926) à un film international... à tous points de vue: interprétation Franco-Allemande (Edith Jéhanne, l'excellent vedette du film, a été révélée par Raymond Bernard en 1924 dans Le Miracle des Loups, et est ici opposée au génial Fritz Rasp, l'inoubliable "homme maigre" de Metropolis), mais aussi le style, hérité à la fois des mélos Français, des films d'aventure Américains, et des films soviétiques dont il reprend l'urgence du montage dans quelques passages-clé, sans jamais forcer la dose. Il fait ses gammes, avec un certain plaisir, tant le film n'est pas à prendre trop au sérieux. A part dans l'hypothèse d'une tentative de la part de Pabst de détourner les regards des spectateurs des odieux Bolcheviks: ici, Andreas et ses copains (On reconnaît Sokoloff, u habitué des films du maître) n'ont rien des assassins au couteau entre les dents habituellement représentés dans le cinéma bourgeois. On retrouve toutefois souvent le petit monde inquiétant et nocturne de Pabst, sa peinture ambigue de la prostitution dont Khalibiev en est un consommateur régulier et la façon dont il fait intervenir la mort et le crime dans la vie quotidienne.

A ce titre, Fritz Rasp a un rôle de choix, séducteur cynique d'une jeune aveugle (Brigitte Helm) qui lui tient vertueusement la main tandis qu'il profite de son handicap pour tripoter sa cousine! Et une scène noire nous montre la jeune femme non-voyante qui trouve le cadavre encore chaud de son père, filmée au plus près des gestes de la jeune actrice.

Au final, dans ce film de transition, qui sera suivi lui aussi d'une oeuvre imparfaite (Crise) porte quand même en germe des aspects des films les plus noirs et les plus beaux (Die Büchse der Pandora - Loulou, puis Das tagebuch einer Verlorenen - Le journal d'une fille perdue) de Pabst, tout en apportant avec lui de beaux restes de la fête naturalise qu'était le sublime La rue sans joie. Et c'est un régal constant, aux péripéties qui se succèdent à cent à l'heure, et...

Fritz Rasp!!

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Published by François Massarelli - dans Georg Wilhelm Pabst Muet 1927 **
22 août 2014 5 22 /08 /août /2014 09:21

John Sims (James Murray) rencontre et épouse Mary (Eleanor Boardman); ils effectuent leur lune de miel aux chutes du Niagara, prennent un tout petit appartement miteux à New York, ont des enfants, des grandes joies, de très grandes peines. John, persuadé depuis son plus jeune age qu'il doit aspirer à de grandes choses comme le professait son père, est en fait un insignifiant employé de bureau, avec un don pour la comédie et certaines disciplines artistiques, mais l'élévation sociale attendue ne viendra jamais.... Le véritable enjeu du film est ailleurs: rester vivant, rester ensemble coûte que coûte quelles que soient les frustrations, l'abattement, les trahisons, la lassitude, voire l'influence de l'entourage: ceux qui ont réussi en partant de la même situation de base (Le collègue, interprété par Bert Roach, est devenu le supérieur de John), ou ceux qui ont toujours dit que ces deux-là n'iraient nulle part (La propre famille de Mary es totalement persuadée que John est un minable)...

Le film le plus inattendu de toute l'histoire de la MGM? En tout cas, le but de Vidor était clair: il souhaitait réaliser un film qui donne à voir l'être humain sous son jour le plus honnête, sans triche Hollywoodienne. D'où des acteurs priés de mettre le maquillage de côté, et un jeu naturaliste pas très éloigné de celui des grands comédiens, en particulier Keaton, Lloyd ou les acteurs de l'écurie Roach. Mais là ou Lloyd évolue le plus souvent dans un milieu aisé, Californien (Voir à ce sujet le très injustement sous-estimé Hot Water de 1924), là ou Keaton est souvent cantonné à une misère en marge, John Sims est un contribuable moyen, employé de bureau, qui vit dans des conditions décentes mais absurdement spartiates. Et Vidor va souvent utiliser des transitions magiques, à l'ironie douce-amère, pour souligner la situation des jeunes époux: une séquence les quitte amoureux et fébriles, mangeant un pique-nique avec en toile de fond les chutes du Niagara, et la suivante commence par une vision de John, qui joue du ukulélé sur un fauteuil chez lui. Derrière lui, une porte s'ouvre: la salle de bain, ou trône la première cuvette de toilettes aperçue dans le cinéma Américain. Du Niagara à la chasse d'eau... On y reviendra d'ailleurs car une scène qui vise à établir la frustration grandissante de John et Mary à vivre dans leur appartement trop petit aura pour prétexte de départ John tentant sans aucun succès de réparer la chasse d'eau, justement...

Mais en plus du naturalisme évident et très accompli du film, ce qu'on retiendra c'est la quadrature du cercle que semble avoir résolu le metteur en scène: à l'heure ou les tenants d'un cinéma populaire et les fanatiques d'un cinéma avant-gardiste s'affrontent, Vidor les unit dans un seul et même film, qui lui permet de montrer l'étendue de son savoir-faire de raconteur d'histoire (Linéaire, chronologique, parfaitement cohérente, avec ses pleins, ses déliés, ses ruptures de ton, son pathos et sa comédie, la totale donc) tout en manipulant le médium cinématographique à sa guise. On a tous en tête les deux plans qui commencent et finissent le drame (Une fois passé le prologue trompeur qui nous annonce John Sims, né le 4 juillet 1900, comme un futur grand homme de la nation!) d'un mouvement inversé de caméra: celle-ci monte le long d'un immeuble, s'approche d'une fenêtre, et on coupe à l'intérieur de l'étage concerné, avec la caméra qui s'approche des employés de bureau, en isolant un et nous présentant John Sims devenu adulte. A la fin, on quitte les Sims qui ont choisi de se réconcilier en allant au music-hall avec leur fils, et la caméra en s'éloignant révèle une foule de spectateurs, dont nous ne distinguons plus ni John ni Mary.Tout le film est mis en scène main de maitre, par quelqu'un qui a toujours eu un talent pour la mise en image, un sens de la composition particulièrement aigu, mais sans jamais frimer outre mesure. D'ailleurs, Vidor fait un sort aux avant-gardistes de tout poil (C'est l'époque des films formels Allemands, comme le Berlin, symphonie d'une grande ville, de Ruttman, qui accumule 80 mn durant les plans de la ville dans un montage abstrait): il accumule les vues citadines, semblant s'amuser avec la surimpression et le fondu enchaîné, avant de nous montrer ce qui ressemble bien à un plan trafiqué de ville... qui est en fait un reflet authentique filmé dans la vitre d'une fenêtre ouverte. Avec ce plan, Vidor annonce avec moquerie qu'il abandonne soudain toute prétention intellectuelle affichée pour se concentrer sur un reflet de la réalité, tel qu'on ne le verra jamais dans ces films abstraits, ni il faut bien le dire dans les films de plus en plus formatés de la MGM à la fin du muet.

Eleanor Boardman et James Murray, l'infortuné acteur qui ne s'est jamais relevé de la soudaine notoriété que son rôle lui a donné, sont splendides: la justesse de leur performance, leur capacité à se montrer sinon médiocres, en tout cas terriblement ordinaires, tout en se faisant aimer du public, leur beauté inédite car obtenue sans artifices de maquillage, sont encore efficaces aujourd'hui. Le jeu influencé par le burlesque de situation est une idée d'autant plus brillante, que comme le montre très bien Show people, le film suivant de Vidor, il y avait dans le Hollywood de 1927 une démarcation très nette entre les acteurs et les comiques. Ici, pas de chichis, Vidor met tout le monde à plat et obtient de ses acteurs un jeu naturel, sans jamais forcer, et des scènes d'une force incroyable. Et le tout en montrant quand même le parcours de la vie à travers le chômage, le mensonge, et la mort des êtres chers. Le film réussit aussi sans aucune trace idéologique, à faire le portrait d'une société, et le portrait de deux personnes symboliques de cette société, sans aucun réquisitoire. Un constat vibrant mais jamais furieux dans lequel chacun y trouvera son compte... La foule du titre n'y est ni jugée (Même si certains intertitres tendent à pointer du doigt à plusieurs reprises, aucun méchant à l'horizon) ni exaltée. Juste posée là, dans un monde qui ressemble furieusement au nôtre.Tout ça contribue à faire de ce grand film un chef d'oeuvre unique du cinéma Américain.

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Published by François Massarelli - dans King Vidor Muet 1927 *
23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 17:01

Tourné entre The blue eagle (1926) et le très étonnant Hangman's house (1928), Upstream a beaucoup fait parler de lui depuis 2009 et la découverte d'une copie dans une archive de Nouvelle-Zélande. Un Ford qui reparait, c'est bien sur un évènement, même si ce film n'est pas de l'importance de The iron horse, de Three bad men ou de Four sons, pour s'en tenir au muet. Il provient d'une période fabuleuse non seulement pour le metteur en scène, mais aussi et surtout pour le studio, qui avait ainsi en ses rangs les metteurs en scène Raoul Walsh, Howard Hawks, Friedrich W. Murnau et Frank Borzage en plus de Ford, et qui sous l'impulsion de William Fox avait décidé de réaliser des films de prestige, artistiquement novateurs et aux moyens luxueux (Seventh Heaven, Sunrise...). Du coup, un certain nombre de commentateurs se sont laisser aller à des spéculations sur ce film, et beaucoup se sont  hasardé à dire des bêtises. On a pu ainsi lire (Télérama, bien sur) que ce film était la seule incursion de Ford dans un style sous l'influence de Murnau, alors que c'est en réalité l'un des derniers films qui n'en ait pas énormément bénéficié: dès Hangman's house, Ford explorera des techniques largement inspirées du grand metteur en scène, auquel il continuera de rendre hommage des années durant, dans des films de tout genre (The searchers, The long voyage home, Four sons... tous les styles explorés par Ford seront pour lui l'occasion d'utiliser sa technique héritée de Murnau, et pas seulement dans un contexte, hum, "expressionniste"...). Donc, en attendant, Ford réalise une petite comédie, dans laquelle il se livre de façon discrète à de petites recherches photographiques et des essais de diffusion de la lumière...

Dans une pension d'artistes, les uns et les autres cohabitent tant bien que mal. Les fins de mois sont difficiles, mais il règne dans l'ensemble une certaine camaraderie. Un agent vient pourtant engager le pire des artistes du lieu: le dernier descendant, infâme acteur, d'une famille d'histrions célèbres, l'idée étant tout simplement d'utiliser la notoriété de son nom pour faire une grande publicité sur une production de Hamlet. Il part, et grâce à quelques conseils prodigués à la va-vite par l'un de ses voisins, va triompher... Et attraper la grosse tête. Lorsqu'il revient dans la pension, il va revenir en triomphateur, du moins le croit-il...

Il y a peu à dire sur ce film, une fois qu'on se sera réjoui qu'un film perdu ait pu être retrouvé... C'est une très charmante comédie qui se voit comme un rien, durant à peine une heure. On y retrouve une certaine tendresse de Ford pour ses personnages, avec ses types (Le charlatan interprété par un Francis Ford apparaissant plus jeune que le soiffard incorrigible que l'on voit habituellement), son humour ethnique (Les deux 'Callahan', qui répètent leur numéro de claquettes en permanence, sont en fait un Irlandais et un Juif, extrêmement complices) et son petit groupe humain en pleine dérive, dans lequel l'entraide finit, comme dans d'autres films plus prestigieux (Iron Horse, Three bad men, Stagecoach, Wagon Master), par aller de soi... Le sentimentalisme du metteur en scène est là et bien là, mais tempéré par une solide dose d'authentique joie de vivre...

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Published by François Massarelli - dans John Ford Muet 1927 Comédie *
24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 17:46

Roxie Hart (Phylis Haver) est mariée à un saint homme, Amos (Victor Varconi). travailleur modeste mais intègre, celui-ci sait bien qu'il n'est pas en couple avec une femme très rigoureuse, mais il l'aime trop pour lui en vouloir. Jusqu'au jour ou elle abat froidement son amant (Eugene Pallette) alors que celui-ci venait de lui annoncer avoir décidé de couper les ponts, et donc de ne plus payer pour tous ses désirs. Si elle se défend d'avoir eu la moindre liaison extra-conjugale, Amos a bien compris que Roxie n'est pas innocente dans l'affaire, et il est déterminé à aller jusqu'au bout pour lui épargner la corde: le meilleur avocat, notamment. Celui-ci, aguerri et très rapace, met les grands moyens... à tous les sens du terme: ironiquement, Amos est obligé de lui voler une somme coquette d'argent (Acquise de façon douteuse) afin de payer ses honoraires. Pendant ce temps, persuadée qu'elle joue le rôle de sa vie, Roxie se laisse aller à sa nouvelle célébrité crapuleuse...

 

Miraculeusement préservé de l'outrage des ans, le film Chicago est une cause célèbre des coupeurs de cheveux en quatre: quoique supervisé et dirigé pour une large part par Cecil B. DeMille, il est signé de son assistant Frank Urson. Cela s'explique par le fait que le grand metteur en scène, accaparé par le film King of Kings, était un peu le VRP de la religion en cette année 1927, et n'avait pas envie de tenter le mélange des genres avec cette histoire de meurtrière de petite vertu qui gagne un procès en agitant férocement tout ce qu'elle peut agiter. Et dommage pour lui, car s'il l'avait signé, ce serait l'un de ses chefs d'oeuvre. Sardonique, divisé adroitement en trois actes, ce méchant petit film a une énergie, un esprit et un visuel superbe (Par Peverell Marley), en même temps qu'une morale assez conservatrice: tout le monde n'est pas pourri, mais ce n'est pas loin, heureusement, le mari de la jeune intrigante est là pour relever le niveau, ainsi qu'une femme qui, dans l'ombre, nettoie les stupidités et les turpitudes des autres...

 

Le film porte du début à la fin la marque des films de Cecil B. DeMille, avec son sens du raccourci visuel, ses sous-entendus, sa façon de mettre en scène le décor et les accessoires pour souligner ou mettre en valeur une notion, un concept. On pourra trouver Phyllis Haver parfois excessive, mais ce serait oublier que le propos est ici clairement de faire de la comédie au vitriol. Victor Varconi, en revanche, s'en sort plutôt bien. Il est évident que le film ne mâche pas ses mots sur les femmes du jazz age, qui en prennent pour leur grade! Mais le film est aussi une sorte de cousin des belles comédies, déja fortement satiriques, de 1919-1920 (Why change your wife?, Don't change your husband...), dans lesquelles DeMille s'amusait à représenter la bourgeoisie Américaine. autre temps, autres moeurs, autres rangs aussi: les deux "héros" de ce film sont issus de la classe ouvrière, et contrairement aux films d'après-guerre, on n'a plus de sympathie partagée pour les deux protagonistes... Néanmoins le constat est alarmant: pour l'amour de sa vie, dont il sait qu'il se résume à un gâchis, Amos est prèt à tout, y compris à s'abaisser, dans une scène noire aux éclairages savants qui rappellent que DeMille et Peverell Marley sont des artistes du cinéma, tout simplement...

 

Même s'il ne faut pas oublier que le signataire du film, Frank Urson, y a effectivement travaillé (Notamment durant les deux premières semaines de tournage), le film porte tellement la marque de DeMille qu'il ressemble par moments à une compilation des meilleurs moments, reprenant donc le style détaillé des comédies, le sens du spectaculaire dans les scènes-clés, la science de l'éclairage, et même une scène de "cat fight" qui nous renvoie à Carmen, avec la juste dose de chairs féminines exposées, avec le concours très volontaire de Julia Faye et Phyllis Haver. Par ailleurs, le (Splendide) film de DeMille qui suivra, The Godless girl, reprendra la thématique de la culpabilité féminine sous un angle nettement moins frivole...

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1927 **
27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 09:06

http://3.bp.blogspot.com/_zAoyoHwC5IQ/S1Hz4JAvoBI/AAAAAAAAH8Q/5aaJLwKC65k/s400/Kid+Brother+(1927)+7.jpgEntre deux films de la veine citadine et satirique de Lloyd (For heaven's sake en 1926 et Speedy en 1928), plus en phase avec le cinéma de l'époque, l'artiste s'est malgré tout repenché sur le monde de Grandma's boy, ajoutant un nouveau chapitre tardif à cette magnifique tendance du cinéma Américain à faire de la parabole rurale... Et la référence à Grandma's boy s'impose d'autant plus que le film en est presqu'un remake, en plus lyrique et plus long. Mais le film a aussi été pour Lloyd l'occasion d'une bataille personnelle, puisque pour la première fois, il lui a fallu changer de réalisateur en cours de route. Avec le contrôle de sa star, la petite histoire du film n'a pas trop filtré, mais au moment de donner un successeur à For heaven's sake, Sam Taylor n'a pas repris sa place de réalisateur: c'est à Lewis Milestone que revient sans doute le crédit de l'essentiel de la direction; mais un contrat avec Hughes rendait sa participation problématique (De même a-t-il été débarqué de Tempest en 1928, au profit de...Sam Taylor, qui a signé le film!). On se doute que Lloyd a comme d'habitude mouillé sa chemise, et participé pour une large portion, mais c'est à Ted Wilde que revient le crédit, partagé par l'obscur J. A. Howe, réalisateur de comédies courtes chez Christie. Ajoutons à ces multiples créateurs le nom de Gaylord Lloyd, crédité comme assistant réalisateur, ce qu'il allait être ensuite sur quatre autres films, et on a une idée de la pagaille...

 

A Hickoryville, petite bourgade du bord de mer, tout va bien: le shérif Jim Hickory (Walter James) et ses deux grands fils (Leo Willis, Olin Francis) veillent au grain. Ils envisagent de faire construire un barrage pour la petite ville, avec l'appui et le respect de la population. Le troisième des fils Hickory, en revanche, est un grand benêt que personne ne respecte, surtout pas ses frères. Son père l'aime bien, mais ne lui fait pas confiance. Et donc, fatalement, dès qu'il est seul, Harold essaie de"jouer" à être son père, dont il aimerait tant mériter la confiance. C'est dans ces conditions que débarque en ville la roulotte d'un "medicine show": une jeune femme, Mary Powers (Jobyna Ralston),  a repris les affaires de son père, plus ou moins sous la pression de "Flash" Farrell (Eddie Boland) et de l'"homme fort" du spectacle, Sandoni (Constantine Romanoff). Ils réussissent à profiter de la naïveté d'Harold pour lui extorquer une autorisation de faire leur boniment à Hickoryville, et d'autre part Harold rencontre Mary dans de dramatiques conditions puisque celle-ci manque d'être violée par Sandoni... Mais s'est-elle choisi le bon chevalier pour la secourir?

 

http://www.silentfilmstillarchive.com/stills/kid_brother063.jpgUn monde rural sans age, des décors absolument superbes, et une façon unique de tirer parti de l'environnement, le film est une immersion complète, comme l'étaient ces autres films que Lloyd a pris comme modèle; on pense bien sur à Tol'able David (Henry King, 1921), aux comédies de Griffith. Mais si la référence est liée à l'histoire du film "sérieux", Lloyd n'a pas négligé les gags, mais a comme d'habitude su parfaitement les intégrer à la trame dramatique, et surtout au développement des personnages. Comme dans les autres films, l'enjeu est ici pour Harold de prouver sa valeur en réussissant à trouver en lui le courage et la force de se mettre en avant. Au contact de Mary, il va réussir, comme le montre cette admirable scène de rencontre entre les deux amoureux, qui se termine sur une ascension: Lloyd la voit s'éloigner, et escalade un arbre de branche en branche pour qu'elle ne disparaisse pas de son champ de vision... Une des scènes les plus drôles voit Mary invitée à rester chez les hickory après la destruction de sa roulotte. Mais les frères Hickory, en chemise de nuit, doivent se cacher par pudeur. Ensuite, une voisine vient proposer l'asile à Mary pour la nuit (Trop d'hommes chez les Hickory!!), ce qu'Harold ne révèle pas à ses frères, et il se fait ensuite passer pour elle afin de profiter de la situation en se faisant dorloter... Mais le clou du film, dans ses deux dernières http://wondersinthedark.files.wordpress.com/2010/02/kid-brother-3.jpgbobines, voit Harold se déchaîner pour sauver aussi bien son père que la jeune femme en résolvant le mystère d'un vol qui risque d'entraîner l'arrestation de son père. Harold se bat comme un diable contre l'impressionnant Sandoni, sur un bateau échoué...

Dernier film de Lloyd interprété par la lumineuse Jobyna Ralston, The kid brother était bien parti pour être sans doute le préféré de son auteur... Mais le manque de succès d'un film qui était sans doute très démodé en a décidé autrement. et The kid brother a été occulté par Lloyd durant des années, jusqu'à ce qu'un Kevin Brownlow admiratif persuade les ayant droit de céder le film pour en diffuser une restauration, accompagnée d'une partition splendide de Carl Davis. C'est bien le moins qu'on devait à ce film tendre, témoin du savoir-faire impressionnant d'un artiste de génie. Pour ma part, j'en ai fait mon Lloyd préféré depuis longtemps...

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Published by François Massarelli - dans Harold Lloyd Muet 1927 Criterion **
11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 16:56

Ce premier Oscar du meilleur film (Qu'il soit plus ou moins mérité que d'autres, comme Seventh Heaven ou Sunrise, importe peu) est une sacrée claque! Tourné en pleine fin de l'age d'or du muet, il est le dernier grand film spectaculaire avant longtemps, et reste encore aujourd'hui une très grande date dans la représentation de la première guerre mondiale au cinéma. La Paramount voulait d'ailleurs frapper un grand coup, en, confiant directement à un vétéran des forces aériennes la rude tâche de représenter le combat aérien, ce qui n'avait jamais été fait. Ce qu'en a fait Wellman est tout bonnement époustouflant, embarquant des caméras sur les avions pilotés par les acteurs eux-mêmes, et assurant avec le concours de l'armée Américaine une reconstitution minutieuse des combats, aussi bien aériens (Sur des ciels exclusivement nuageux, afin de voir les avions se détacher nettement) que terrestres, pour lesquels un terrain a été entièrement transformé en gruyère à coups d'explosifs...

 

1917: Jack Powell (Charles "Buddy" Rogers), jeune homme d'origine modeste et amoureux de la belle Sylvia (Jobyna Ralston), s'engage pour aller en europe. Il rêve de voler, et va donc profiter de l'aubaine. Avec lui, il retrouve son rival David Armstrong (Richard Arlen), le fils de la plus riche famille de la ville; les deux deviennent amis, mais David n'ose révéler à Jack que Sylvia l'a choisi lui, et préfère par amitié le laisser à ses illusions. Les deux jeunes hommes deviennent des pilotes, et la guerre se poursuit, mettant un jour en péril leur amitié...

Une intrigue franchement secondaire, mais qui a de l'importance pour la Paramount aussi bien que pour le public, nous permet de suivre les pas de Mary, l'amie d'enfance interprétée par Clara Bow, alors la plus grande star de la firme. Elle fait elle aussi une contribution à l'effort de guerre, en conduisant un camion de médicaments sur les routes de France. Elle croisera Jack, dont elle est amoureuse, lors d'une soirée un peu trop arrosée aux Folies bergères.

Au-delà d'une représentation très réaliste de la guerre, dont même l'excellent The big parade n'avait offert qu'une vision suggérée des conflits, le film est fascinant pour son refus du manichéisme. C'était déja le cas chez Vidor, mais on les voyait finalement très peu;  jamais ici les Allemands ne sont représentés comme autre chose que des combattants; on n'a pas, comme dans The four horsemen of the Apocalypse, ou Hearts of the world, voire dans J'accuse, l'impression que ce sont des brutes sanguinaires et inhumaines. D'ailleurs, les gestes de bravoure alternent en permanence avec des mains tendues, des moments ou des passerelles sont jetées entre les deux camps belligérants, par fair-play ou par simple humanité: un aviateur Allemand lâche un message au-dessus de l'aérodrome allié pour informer de la mort d'un américain, et Wellman montre à la fin du film une croix de fer sur laquelle un jeune soldat Allemand est allongé, mort... Symboliquement, le film est très clair: lorsque Jack, qui croit son ami mort, se venge sur tous les avions allemands qu'il trouve sur sa route, l'ironie veut qu'il abatte aussi son copain qui a réussi à fuir les lignes ennemies en subtilisant un appareil Allemand... ainsi, c'est une fois de plus frère contre frère, humains contre humains. Wellman sépare la croix de fer, symbole du militarisme allemand, et les soldats... Le parcours de Jack, qui est comme tous les ados américains au début du film, se clôt sur l'arrivée d'un homme, accessoirement d'un héros (Il ne rejette pas l'hommage comme le fait John Gilbert à la fin du film de Vidor, mais on sait qu'il en est embarrassé), qui a grandi en 18 mois bien plus qu'il ne l'aurait cru. La famille et la fiancée de David pleurent en silence, mais comme le dit Mme Armstrong à celui qui de fait est le responsable de la mort de son fils, on ne peut pas en vouloir éternellement aux gens... Dans ce film, il n'y a pas de méchant, juste un conflit. Même la conventionnelle rivalité amoureuse entre David et Jack pour le coeur de la belle Sylvia est basée sur une méprise, et la jolie fille riche a pitié de Jack, sans pour autant en rajouter dans la condescendance.

Wellman joue ici sa carrière, et si on peut croire son fils qui affirme qu'avant ce film le metteur en scène n'avait pas produit grand chose d'intéressant, le fait est que ce coup d'éclat va l'imposer. Beaucoup de producteurs malmenés vont s'en plaindre, mais tant pis: on assiste là à l'éclosion d'un immense cinéaste. Déjà, il étonne par sa capacité à composer en toute circonstance, par le talent dont lui et ses monteurs feront preuve devant la cohérence des scènes de bataille, certaines étant filmées aussi bien depuis les avions que depuis le sol, et il sait déjà donner du poids à certaines scènes en les esquivant: la mort de David, par exemple, vue symboliquement via une hélice d'avion qui s'arrête, ou encore la plus fameuse scène du film: celle avec Gary Cooper. Le cadet White, joué par Coop, est juste une silhouette au début du film. Les deux héros arrivent à leur centre d'entrainement, et s'installent dans leur tente qu'ils partagent avec ce grand gaillard; celui-ci s'en va pour voler, et ne reviendra pas. On assiste à l'accident par le biais de la vision des ombres de deux avions, des ambulances qui se précipitent, depuis la tente même. Déjà, Wellman fait preuve de ce culot devant les passages obligés, le résultat étant d'une force émotionnelle brute, qui implique fortement les personnages et le spectateur (Voire les spectateurs seuls, comme dans la fameuse fusillade de The public enemy, vue à travers la seule bande-son.) On peut éventuellement se plaindre de l'ajout d'une partie non-essentielle au film, avec une Clara Bow qui est là pour générer des entrées. Mais les romances un peu puériles entre David, Sylvia, Jack et Mary servent aussi à souligner les différences sociales qu'on croyait inéluctables entre les riches (David, Sylvia) et les Américains plus modestes (Jack, Mary). La guerre, qui fait de Jack et David des égaux, voire des frères, permet aux moins bien lotis de s'en sortir. L'Amérique se sort ainsi de ses conflits de classe. La scène de la visite de Jack aux parents de David nous fait penser que les parents riches du héros morts vivront tout le reste de leur vie sur des souvenirs ressassés... Une page est tournée, nous dit Wellman. Lui, il le savait, qui a fait cette guerre, en est revenu, et a rameuté tous ses copains pour jouer dans le film. Voilà, tout ça, ça fait un film qu'il était temps que la Paramount sorte du formol: il est superbe. Le seul regret que je puisse exprimer devant le Blu-ray sorti en ce début d'année, c'est que personne n'ait essayé de redonner vie à la version "Widescreen", en 65 mm, avec des passages en écran large. Pourtant celle-ci serait préservée. Dommage...

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Muet Première guerre mondiale Clara Bow 1927 **
16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 09:47

Clara Bow n'était pas qu'une star en devenir en 1927: elle était naturellement jolie et exubérante, il fallait bien qu'un jour ou l'autre elle ait la vedette d'un film. Fleming était aguerri avec ses films pour Douglas Fairbanks, il insufflait une énergie fantastique à ses films: à Hawaii, Hula Calhoun (Bow) a grandi avec les manières des indigènes, et lorsqu'elle voit un homme, un vrai (Clive Brook), elle jette son dévolu sur lui, même si'il est marié. Elle va tout tenter (Du moins ce qu'un film Paramount de 1926 lui autorise). Va-t-elle parvenir à ses fins? 

Disons qu'elle n'y va pas de main morte: elle lui tend des pièges gros comme une maison, finit toujours par se retrouver dans ses bras, et Fleming utilise toutes les ressources de l'euphémisme cinématographique pour nous faire comprendre qu'il ne faudrait pas trop les laisser seuls très longtemps: on voit une cafetière laissée à bouillir à un moment, dont le café déborde dans tous les sens... 

Bref: l'énergie, voila le maître mot; le scénario ne vaut pas grand chose, avec un enjeu simple: ce n'est pas qu'Anthony ne veut pas de Hula, c'est juste qu'il veut rester noble. Etant marié, certes sans amour, il ne souhaite pas profiter de la sitution. Mais Hula va bien sur tout faire, en parfaite dame du jazz age, pour qu'il profite de la situation. En vérité, ce qui compte bien sur, c'est Clara Bow, ses manières, sa danse, son sans-gène, et bien sur son bain sans pudeur, qui prouve dès l'ouverture du film qu'une actrice savait se mouiller à l'époque du muet. Rigolo... Victor Fleming, qu'on imagine en grosse brute du baroud, a toujours été particulièrement à l'aise avec les actrices, on peut en juger avec Ingrid Bergman, Vivien Leigh ou Jean Harlow. et bien sur avec Miss Bow. Toutefois, si on peut voir le film aujourd'hui, on aimerait le voir aussi dans une copie décente, mais ça...

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Published by Allen john - dans Muet Victor Fleming Comédie Clara Bow 1927 **
8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 15:26

Relayant les mensonges et les petits arrangements avec la vérité de Frank Capra au sujet de Langdon, le grand public a de ce premier long métrage réalisé par Langdon seul l'impression durable d'un gâchis, d'un film raté et maladroit. De fait, ce fut un flop monumental, suivi par deux autres flops et la fin d'une carrière qui était pourtant prometteuse. Il convient néanmoins d'examiner ce film à l'écart de l'habituelle remarque, de cette critique obsessionnelle qui veut faire de cette tragi-comédie un plagiat éhonté de The Kid. On en est loin! le film est typique de Langdon, et confirme son style, enfin laissé libre de toute concession et de toutes interférence; après, bien sur, on aime ou on n'aime pas, mais si on veut voir du Langdon pur, c'est avec ce film qu'on le fera; en effet, Langdon  a conçu The chaser le film suivant, dans la panique qui a suivi l'insuccès embarrassant de Three's a crowd, et avec l'épée de Damoclès des menaces de la First National, qui réclamait un succès (D'autant que le studio était au bord du gouffre); puis, l'acteur et metteur en scène a fait de même avec Heart trouble, un film qui est à peine sorti, et qui a ensuite disparu corps et bien...

Harry vit de façon misérable dans un appartement situé au bout d'un long escalier branlant, dans un quartier pauvre; il est couvé par des amis, qui ne savent pas trop quoi faire de lui, et son rêve le plus cher est de trouver l'âme soeur; exaucé! il recueille Gladys (Gladys McConnell), une jeune femme enceinte qui a fui son amant alcoolique. Sitôt recueillie, la jeune femme accouche, et Harry se prend à devenir papa.

Comparer avec The kid ce film est déloyal, pour les deux; ceci reste après tout le premier effort d'un réalisateur novice, alors que Chaplin était particulièrement expérimenté, d'autre part, Chaplin a construit tout un univers et un quartier alors que Langdon situe 80% de son film volontairement dans "l'appartement" de Harry. Ensuite, Chaplin utilise les ressources du mélodrame pour construire une histoire qui implique une interaction entre ses deux héros, une complicité, un rapport enfin qui n'ont pas de place ici; c'est à peine si Gladys se rend compte de la présence d'Harry, et celui-ci limite ses désirs de rester en compagnie de la jeune femme et du bébé à un rêve, dans lequel, comble de l'ironie, il ne triomphe pas et doit abandonner toute prétention au profit de l'ancien petit ami. Là ou Chaplin nous montre une situation qui avance, Langdon à la fin de ce film ne peut même plus rêver come il le faisait auparavant...

Le style de Langdon diffère de celui de ses trois principaux compétiteurs (ChaplinLloydKeaton), aucun de ses films ne le montre plus que celui-ci. Là ou les autres vont utiliser le physique pour faire avancer l'action et le temps, Langdon utilise le corps pour ralentir l'action et arrêter le temps. Il agit en cartooniste (ce qu'il était d'ailleurs) et creuse les situations très loin. D'où ce décor étonnant, qui prend la place des personnages parfois. Chaque situation du film est donc soumise au développement de la réaction, de l'appréhension de Harry. Celui-ci imprime son propre état rêveur à une action décalée, dans laquelle le seul moment un tant soit peu rassurant est un rêve, qui tourne vite sinon au cauchemar, en tout cas à l'échec. Là où les autres contaient des histoires de réussite (Lloyd, Keaton) ou d'échec triste (Chaplin) au moins ils avançaient; Langdon souhaite nous faire voir l'immobilisme, l'échec sans recours, là ou Chaplin, au moins a avancé par son sacrifice ou sa bonté d'âme. Son personnage a le culot de ne servir à rien... il fallait l'oser, et c'est sans doute ce qui fait le bien méchant sel de ce film qui n'est en rien comparable aux histoires de clowns tristes, chef d'oeuvre paradoxal d'un comédien éternellement controversé: si le film vous rend inconfortable eh bien c'est peut-être parce que c'est précisément ce qu'il cherchait...

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Published by François Massarelli - dans harry langdon Muet 1927 *