Est-ce délibéré? ans doute pas, car même si le studio de Termite Terrace n'a rien d'un gigantesque building, les équipes qui travaillent sur des courts métrages différents ne communiquaient pas entre elles, et gardaient le silence sur leur production. C'est donc un miraculeux hasard si ce film et le suivant dans la filmographie de Porky Pig sont sur le même sujet...
La première partie du film est en forme de visite d'un lieu, évidemment peuplé de choses et de gens bizarres: un hôpital... Les références aux films (Du Dr Kildare, une série de longs métrages de la MGM), les anecdotes idiotes, les gags visuels, et même l'apparition riche en descendance d'un lapin perturbateur, encore dessiné de façon primitive, et doté de la même excentricité que le proto-Daffy Duck de Clampett, tout nous fait patienter pour ce qui n'arrive qu'à la 4e minute, à savoir l'arrivée d'un patient: Porky Pig lui même vient se faire soigner parce que je cite, il a mangé "comme un cochon"... Il arrive donc, et se fait accaparer par un chat particulièrement idiot, qui passe d'ailleurs du statut de patient à celui de docteur...
Ca se laisse volontiers regarder, et si l'animation ne recèle aucun tour de force, l'atmosphère de dinguerie généralisée nous laisse en, disons, très bonne compagnie... Et on y décèle aussi une allusion à Jean Hersholt, le fabuleux acteur qui sous l'identité du Dr Christian, avait trouvé une seconde carrière dans les films MGM. Il est ici élégamment parodié sous le nom de Dr Chris Chun.
Après quelques années passées loin de "Termite Terrace", le studio de Leon Schlesinger, Freleng est revenu, et est-ce sa façon de célébrer sa joie de revenir au bercail, ou une manière de flatter le patron? Il va en tout cas mettre Leon en scène dans ce film, l'un des plus longs parmi les films de la série des Looney Tunes, avec 9 mn et 40 secondes, et aussi l'un des rares à mélanger prises de vues réelles et dessin animé...
Porky Pig est las de n'être qu'une créature de papier, et manipulé par Daffy Duck (qui souhaite être LA star des Looney Tunes), demande à son patron Leon Schlesinger de déchirer son contrat. Puis il se rend vers les studios de la WB, les vrais, où il ne sera pas accueilli à bras ouverts...
C'est formidable, car le film, bien que reposant pour une grande partie sur des images de prises de vues réelles, a été traité exactement comme l'aurait été un pur dessin animé! Et on s'amusera de voir les animateurs, metteurs en scène, et scénaristes se prêter au jeu, sans parler de la qualité des inserts. Et on peut aussi voir, avec cette première mise en scène de Freleng impliquant Daffy Duck, le début de la mutation pour un personnage dont on peut quand même souligner qu'il avait tout à perdre à abandonner la folie, et comme dans ce film, à devenir juste un minable opportuniste...
Avec le retour de Freleng, la série des looney tunes en noir et blanc se trouve comme re-dynamisée, d'autant que le style du vétéran qu'était Isadore Freleng est particulièrement en contraste avec celui de Clampett. Ce film, qui anticipe beaucoup sur Baseball Bugs sans en posséder la rigueur, nous montre aussi que Freleng n'a pas grand chose à faire du héros-cochon, le reléguant dans le rôle passe-partout du commentateur aperçu ça et là...
On assiste donc à des gags variés, certains incompréhensibles (Moi et le sport, décidément), d'autres amusants, certains très pointus, durant un match de base-ball, et tout au long du film, un monsieur très digne (mais qui ressemble à une préfiguration de Droopy, c'est frappant), tente de trouver la meilleure place. Ce fil rouge trouvera une résolution digne du metteur en scène le plus colérique de la galaxie WB.
Porky Pig est cette fois un enfant, fasciné par les histoires que lui raconte un "old-timer" das sa cabane de chasseur. Et cette fois, le conte est lié à un trophée particulier, celui d'un impressionnant grizzli, dont le vieux vantard raconte qu'il était d'une espèce rare: fasciné parle tabac à chiquer. Puis, bien sûr, l'histoire qu'il raconte nous est montrée en flash-back...
C'est bien sûr un prétexte à une série de gags visuels liés à l'intrigue, un style que Bob Clampett n'utilisait qu'avec parcimonie, mais dans lequel il excelle. Et bien sur, on peut voir que la chasse, ce passe-temps pour sous-développés, était décidément une manne pour les dessins animés de la Warner. Pour résumer, ce film est routinier, mais parfaitement distrayant... Et riche en images hallucinantes, dont voici (hélas, en couleurs, certes sympathiques, mais ce n'est pas comme ça que le film a été conçu) un échantillon:
Plusieurs styles se télescopent, avec une grande efficacité, dans cet excellent film; on s'étonnera d'abord qu'un film intitulé Poor fish commence par la vision d'une souris en promenade, suivie par un chat. On n'est évidemment pas encore dans l'univers de Sylvester, même si on sait que c'est Clampett qui initiera les mésaventures de ce félin malchanceux, et dans la foule de misères subies par le chat anonyme de ce film, on reconnaît le type de traitement qui sera souvent réservé à l'ennemi à moustaches de Tweety Bird.
Mais après une courte exposition montrant que décidément, il n'est pas facile d'attraper une souris dans un dessin animé, on passe sans transition à une boutique, dans laquelle Porky Pig vend des poissons d'aquarium; c'est bien sûr l'occasion d'une batterie de gags visuels et d'abominables jeux de mots (Goldfish, 14 karats), et de variations inventives ou absurdes, comme les "filets de sole" qui ont tous une semelle ("Sole" en anglais), avant de se mettre à une démonstration de claquettes. Puis Porky part manger son déjeuner, prouvant une fois de plus que le personnage ne sert à rien.
C'est à ce moment qu'attiré par toute la nourriture potentielle, le chat apparaît, et va se retrouver aux prises avec des animaux marins qui refusent le destin... Mais ce qui me frappe le plus, c'st le final, qui voit le chat renouer avec son idée initiale: bouffer une souris. Comme Clampett est Clampett et qu'il fait à peu près ce qu'il veut, ça va se résoudre de cette façon:
Un Porky Pig agricole de plus? Pas vraiment, car ce film, qu'il est assez étonnant de pouvoir voir (L'auto-censure de la Warner qui tendait jusqu'à présent à pousser ses dessins animés gênants sous le tapis est-elle finie?) est en réalité surchargé en provocations, et va même faire d'un sous-entendu graveleux le sujet même du film...
On passera sur le fait qu'un lapin (Jack Bunny, allusion à Jack Benny bien sûr) manque d'y casser un oeuf tout noir et puant, qui renferme en réalité un poussin noir qui parle avec l'accent de Eddie 'Rochester' Anderson, vedette Afro-Américaine du vaudeville à l'époque (On peut le voir dans Cabin in the sky de Minnelli)... Pas du meilleur goût, donc.
On constate que Porky est présent environ sur une minute de film, confirmant le fait qu'il n'est plus qu'un prétexte... Mais le véritable héros est Eddie Cackler, le coq: il attend désespérément un poussin, un garçon insiste-t-il, et son épouse Ida ne sait lui donner que des filles. Jusqu'au jour ou son copain, le coq Bing, lui donne un secret: il suffit de chanter comme un crooner, et les oeufs de poussins mâles affluent!
C'est idiot, me direz-vous. En effet. Mais l'intérêt est ailleurs: Bing est bien sûr le crooner Bing Crosby, et Eddie Cackler est une caricature de Eddie Cantor, chansonnier des années 20 et 30, qui était, tout le monde le savait, gay. Alors cette histoire d'un coq efféminé qui attend, avec insistance, un poussin mâle, en mettant des panneaux "Boy wanted", sur son poulailler, c'ets, comment dire, un peu gonflé...
Et c'est reparti pour le Mayflower! Dans une énième variation sur le mythe des premiers pèlerins, Bob Clampett choisit de donner à Porky Pig la barre du vaisseau qui part de Plymouth. On s'amuse beaucoup des anachronismes et absurdités diverses, on baille un peu devant le gag récurrent d'un cuisinier noir pas vraiment futé, et l'arrivée aux Amériques est bien dans l'esprit montré en 1938 par Tex Avery dans Johnny Smith and Poker-Huntas...
Mais le film n'est absolument pas un remake de ce dernier: d'une part parce que contrairement au personnage de Egghead dans le Tex, Porky est ici totalement décoratif, et aussi parce que la narration y est confiée une fois de plus à une voix off didactique, qui nous présente les gags les uns à la suite des autres avec une dignité jamais prise en défaut...
C'était inévitable: avec la raréfaction des unités noir et blanc, Clampett était devenu quasiment le seul metteur en scène de l'équipe Schlesinger a continuer à sortir des Porky Pig, à la chaîne. Et parfois, la qualité s'en ressent, d'où ce film qui n'ajoute pas grand chose, et qui recycle plusieurs idées déjà vues ou revues (Cette obsession pour les chameaux!), sur un mode 'Porky dans le désert', qui finit par lasser. Et le petit chameau est repoussant. Bref: ce petit film n'est pas un chef d'oeuvre, loin de là!
Ma seule indulgence sera pour le titre, un abominable jeu de mot entre Ali-Baba et Alabama bound, une expression qui là encore, provient du creuset culturel contemporain.
Dans ce qui est un assez bon film, Clampett s'amuse à faire la synthèse entre l'univers de Porky Pig et les parodies de "travelogues" qu'affectionnait Tex Avery. Porky est donc un explorateur qui s'enfonce une fois de plus dans l'Afrique profonde, avec une réutilisation du gag de l'évolution de Dark Africa vers Darker, puis Darkes Africa. Puis en chemin, les gags idiots de présentation d'animaux locaux se succèdent... Certains cellos sont des réutilisations, notamment de The isle of Pingo-Pongo de Tex Avery.
...On ne s'étonnera pas que le politiquement correct soit plus que malmené, c'est une habitude chez le metteur en scène qui adore l'humour ethnique, donc ça n'a rien de nouveau; mais une fois de plus, un gag récurrent nous laisse un peu sur notre faim, tant la référence à l'actualité culturelle, donc celle de 1939-1940, était importante pour Clampett: il y représente Spencer Tracy en Stanley recherchant avec insistance Livingstone, une série d'allusions au film Fox de Henry M. Stanley.
Avec un titre pareil, on s'attend à un western qui sera une variation sur la fameuse bataille de Little Big Horn, aussi nommée Custer's last stand... perdu! Le "stand" en question est une roulotte située à l'orée du désert, dernière station avant la disette. Porky y sert de quoi manger, bien sûr, notamment des hamburgers. ET c'est de là que viendra le problème, car le cuisinier (Daffy Duck) n'a plus de viande. Il lui faut donc envisager de s'attaquer au bétail, et quand on confond une vache avec un taureau on va forcément au devant des ennuis...
Ca se laisse regarder, et comme souvent avec ces films qui mettent en scène un Daffy Duck en liberté, la folie douce traverse l'écran, et se mue parfois en folie dure. Beaucoup de poulets aussi se font voir, un genre d'animal qui inspirait beaucoup l'auteur.