A ma connaissance, ceci est le deuxième film en noir et blanc de Chuck Jones, qui avait eu le privilège de passer directement de la case "animation" à un poste de "superviseur", comme Leon Schlesinger s'acharnait à créditer ses réalisateurs, pour les Merrie Melodies. Mais ce n'est pourtant pas son premier essai sur Porky, qui était le héros d'un film spécial en couleurs, Old Glory, sorti en 1939: une affirmation des valeurs Américaines, compassée et raide, sans un gramme d'humour, et si vous voulez mon avis totalement dénuée d'intérêt... Ce qui est loin d'être le cas de ce film.
Superbement animé (Rudy Larriva, lui même réalisateur de cartoons WB dans un futur très lointain), ce court métrage n'est sans doute pas très connu du fait de sa situation dans l'Afrique ancestrale, celle des Tarzan, celle dans laquelle les porteurs indigènes ont un os dans les cheveux. Un gag qui pourrait passer plus inaperçu, mais ce serait difficile, tant l'intrigue lui donne de l'importance: Porky fait un safari en Afrique, donc accompagné d'un porteur laconique, à la recherche de bestioles rares, et en particulier, la fourmi Pygmée. celle-ci les repère la première et va s'amuser avec eux, avec l'aide involontaire d'un lion endormi...
D'une part la beauté des formes (Chuck Jones était déjà en pleine possession de ses moyens), l'animation déjà citée, sont des atouts majeurs du film. On peut ajouter à ça le timing impeccable, pour les quatre personnages... Du moins les trois plus le lion, tant ce dernier fait largement plus tapisserie qu'autre chose! D'autre part, non seulement Jones a trouvé comment utiliser Porky en lui donnant un adversaire peu banal, mais surtout il a trouvé une personnalité fantastique pour sa fourmi pygmée. Le film vaudrait la peine d'être vu rien que pour elle, et elle n'est pas le seul intérêt; bref, un excellent film...
Et donc, un jour, Avery tourna son dernier Porky, et son dernier Looney Tune en noir et blanc par la même occasion... Ce qui me donne une chance de rappeler un fait oublié: de dire ou d'écrire "Looney tune en noir et blanc" à propos de cette époque bénie est un pléonasme. Car les deux séries produites par Schlesinger était distinctes: les Merrie Melodies en couleur, et les Looney Tunes en noir et blanc. Pourquoi tous ces dessins animés sont-ils réunis dans l'inconscient et le conscient collectifs, aujourd'hui, par le même emblème générique? Sans doute parce qu'aux tous débuts, les Looney Tunes étaient plus rigolos (quoique une fois qu'Avery s'est occupé des Merrie Melodies, il faut bien reconnaître que ça se discute: The isle of Pingo Pongo, Dangerous Dan McFoo... hein?), ou peut-être que pour la Warner, le terme Merrie Melodies renvoie un peu trop aux Silly Symphonies, de Disney.
Revenons à ce petit film, qui nous montre Porky Pig dans un prologue, présentant à un public choisi (Avec des gags de putois) un dessin animé de son invention: il est splendide, et représente sans doute la quintessence de ce qu'est l'art d'Avery. A bien des égards, de par sa nature même ce petit film est plus proche de l'image du metteur en scène telle qu'elle évoluera dans l'esprit du spectateur une fois qu'il sera passé à la MGM, que celle du raconteur d'histoires idiotes de la Warner. Mais surtout il démontre qu'à la WB on pouvait faire un film avec rien ou presque.
Les Porky se raréfient à cette époque. Avery, qui ne tournait plus que des Merrie Melodies, a même tourné un ou deux Looney Tunes en noir et blanc, sans le personnage, durant cette période. On le sait,le studio ne va pas tarder à passer à 100% à la couleur... Mais de temps à autre, un film sort, comme cette nouvelle preuve de l'excellente santé de Friz Freleng. Une fois de plus, le cadre est agricole...
Porky tient très bien sa ferme, mais ce n'est pas du tout le cas de celle de ses voisins: une famille d'ours totalement feignants, qui ne font rien, mais alors rien... On retrouve ici un peu de La cigale et la fourmi, et un soupçon de cannibalisme à la mode Ozark mâtinée de Dust Bowl... C'est carré, pas révolutionnaire, mais plaisant, et il y a un je-ne-sais-quoi de sentencieux, jusqu'à une pirouette finale.
Pas d'intrigue, pas de prétexte, comme le titre l'explique à travers un lamentable jeu de mots, Porky's snooze reel (Porky's news reel, et "snooze", une bonne grosse sieste) est en fait une série d'actualités disjointes de cinéma. Un prétexte donc une fois de plus à enchaîner les gags gratuits, les jeux de mots idiots, etc... L'exercice, on le sait bien, est une activité dans laquelle Avery était passé maître, et Clampett, disons, se débrouillait plutôt bien. Mais il n'y a sans doute pas de quoi se relever la nuit.
Pour ce dernier film de 1940, la série des Porky pig inaugure une collaboration inédite: ça faisait quelque temps que McCabe était le principal animateur de Clampett, et celui-ci lui laisse donc un strapontin de metteur en scène. Ce n'est généralement pas une bonne nouvelle, puisque ça annonce le plus souvent un passage de relais imposé, mais ici, c'est pour assurer une transition en douceur: Clampett était promu vers la série prestigieuse et en couleurs des Merrie Melodies, et McCabe pour sa part était promu au poste de superviseur, comme on disait obstinément chez Leon Schlesinger... Cette situation de transition allait perdurer pour quelques cartoons.
Et donc, sinon, le film ne nous surprendra pas trop: il y est question du Mexique, un endroit qui inspire la verve caricaturiste de tout le monde, c'est à dire essentiellement de Clampett et de Mel Blanc qui s'en donne à coeur joie avec les accents et les idiotismes. Et bien sûr, le toréador timide du titre n'est autre qu'un vendeur de "tamales" aperçu un instant au début du film, le cochon Porky pig, aux prises cete fois avec un toro fortement dangereux...
Porky Pig engage un veilleur de nuit inepte pour garder un oeil sur un élevage de poulets, mais... un renard a compris le parti qu'il pouvait tirer de sa crétinerie.
Sur au moins deux points, voici un film particulièrement inhabituel. D'abord parce que jusque à un certain point, on y décèle quelque chose de rare dans ces petits courts métrages dont le maître mot est plutôt "défouloir": une morale. Freleng aurait gardé quelque chose de son passage chez Fred Quimby?
Mais sinon, la grande nouveauté de ce film, c'est qu'il me semble qu'en terme de dessin même, d'animation également, c'est le plus beau de tous les Looney tunes en noir et blanc que j'ai pu voir... Les ombres sont très soignées et nous donnent un volume inhabituel, et les deux personnages principaux sont particulièrement bons. Ajoutons les voix, superbement bien rendues, et on pourra conclure que décidément, le vétéran Freleng avait du répondant.
On revient à une intrigue traditionnelle, et à un Porky Pig un peu plus maître de sa destinée, dans ce court métrage qui le voit partir à la pêche en compagnie d'un chat... Probable ancêtre de Sylvester, dans la mesure où il partage la maison avec un canari. Mais celui-ci se suicide avant la première moitié (Le fameux gag récurrent du "Now I've seen everything" a encore frappé!)...
Mais on ne se refait pas, et c'est essentiellement le chat, particulièrement enthousiaste à l'idée de manger du poisson, qui va être le personnage principal malgré tout, dans ses démêlés avec un poisson volant qui a la furieuse manie de se prendre pour la première version de Daffy Duck, aussi bien en voix qu'en comportement (Voir à ce sujet Porky's duck hunt, de Tex Avery, pour s'en convincre)...
La petite Coraline emménage avec ses parents dans un cadre idyllique, mais bien isolé, et très vite l'ennui va être rattrapé par l'inattendu: alors que ses parents, deux écrivains qui ont un contrat à remplir (Un livre de jardinage qui leur prend tellement de temps qu'ils n'ont pas le temps de se consacrer à leur jardin... ou à leur fille) se désintéressent progressivement d'elle, elle est happée par un univers parallèle et mystérieux, et surtout bien plus intéressant que son quotidien: ses parents y vivent, aussi, mais là par contre ils sont flamboyants, drôles, et surtout ils s'occupent d'elle. Pourtant Coraline tombe dans un piège...
Comment peut-on encore attribuer le film The nightmare before Christmas à Tim Burton après avoir vu ce film d'animation, qui en possède presque tous les attraits: un script complexe, et fédérateur puisque aussi bien les enfants que les adultes peuvent y glaner quelque chose; une animation en volumes (la spécialité de Selick, bien sûr), totalement maîtrisée; la splendeur visuelle qui cette fois ne passe pas que par une variation sur le noir et blanc; et enfin, des voix formidables: Ian McShane, Dakota Fanning, Teri Hatcher, Jennifer Saunders et Dawn French, et je suis certain d'en oublier!
La complexité de l'intrigue provient en grande partie d'un roman de Neil Gaman dont Selick a du tirer tout le suc, jonglant avec le merveilleux, la 3D, l'absurde et la beauté picturale. Relativement méconnu car tourné à l'écart de Disney, ce film qui enchaîne les tours de force est donc, une fois de plus, une merveille. Voilà qui est dit.
Fantasia allait sortir en novembre, et ce film, nettement moins prestigieux, et surtout moins sérieux, a quitté le studio en octobre 1940... Clampett s'y livre avec une inconscience militante à une série d'anachronismes joyeux, en nous présentant une préhistoire taillée pour le cartoon, dans laquelle Porky Pig, pour une fois véritable héros de la chose, serait plus ou moins le roi de tout! Les dinosaures y côtoient donc les oiseaux et les cochons humanisés, pour le plus grand plaisir de tout un chacun.
Et donc, le cochon en question se livre à une chasse à l'ours, parce qu'il n'a plus rien à se mettre. Ca nous occasionne bien sûr une série de jeux de mots autour de bear skin/bare skin, soit peau d'ours par opposition à peau nue, et si on est effectivement en matière d'animation bien en dessous des prouesses de Disney, au moins le film est-il plus qu'intéressant dans sa version noir et blanc, qui se pare d'une atmosphère inquiétante...
Le film précédent dans la série de Porky Pig voyait le cochon patient dans un hôpital (Patient Porky, sorti en fin aout 1940, celui-ci étant sorti en fin septembre), ici il est monté en grade et devenu Docteur... Freleng fait comme tout le monde, et abandonne tout intérêt pour son héros, simple épiphénomène scénaristique, au profit cette fois d'un patient alcoolique, affligé d'un énorme problème: il est suivi en permanence par trois éléphants roses (du moins on le devine, le film étant en noir et blanc) qui lui mènent une vie infernale.
Freleng a pris beaucoup de plaisir avec son personnage, ainsi qu'avec les trois mammifères, dotés d'une personnalité particulièrement encombrante... Le film est très soigné, mais ne dispose pas de l'atmosphère de loufoquerie totale du précédent.