La reine d'Espagne, Isabella, se laisse convaincre par Porkystophe Colomb du fait que la terre est ronde (il utilise une démonstration particulièrement efficace, avec une balle de base-ball) et finance son expédition vers l'autre bout de la terre... Et ce ne sera pas facile...
Cette relecture de l'histoire archi-connue (Et tellement transformée et simplifiée depuis 1492, que le terme d'histoire est quand même à prendre avec de sérieuses pincettes) de Christophe Colomb est un mélange entre l'inspiration d'un Tex Avery (Une histoire racontée avec un décalage entre narration et visuel) et celle d'un Bob Clampett (Gags absurdes et "physiques", poussés jusqu'au bout du loufoque). Et c'est merveilleux, tout simplement...
J'ai si souvent et si farouchement affiché mes convictions concernant ces dessins animés des années 30, notamment les Porky Pig en noir et blanc, que je vais prendre un peu de recul avec celui-ci: il n'est réalisé ni par Bob Clampett, ni par Frank Tashlin, ni par Tex Avery, mais par le tandem Hardaway et Dalton, soit une équipe qui ne brille jusqu'à présent ni par son génie, ni par l'originalité. Et pourtant...
Le film est assez classique: Porky et son père tiennent une ferme, qui n'est pas riche. Le petit doit aller effectuer une vente, et revenir avec l'argent, mais il se fait avoir en chemin... Flanqué d'un cheval minable nommé Teabiscuit, il va essayer de gagner une course pour récupérer l'argent qu'il s'est fait escroquer.
On a déjà vu ce scénario, plus ou moins, dans le film Milk and money, de Tex Avery. Hardaway et Dalton le jouent au premier degré absolu, contrairement à un Clampett, par exemple, mais ils ont la bonne idée de multiplier les gags, dans une animation ronde et très soignée. C'est parfois disneyien, mais toujours dynamique.
Une fois de plus, Clampett installe Porky Pig à la tête d'une ferme, et une fois de plus, non seulement on abandonne quasiment le cochon en plein milieu du film, pour laisser le reste de l'environnement se dépatouiller (Face à un renard), mais surtout les poules et autres canards volent allègrement la vedette au protagoniste en titre...
Ce qui entraîne plusieurs constatations: d'une part, le personnage de Porky Pigne revenait décidément pas aux metteurs en scène de l'unité de production de Leon Schlesinger. D'autre part, les animateurs aiment la basse-cour (Voir la pléthore de films réalisés dans ce cadre par Tex Avery ou Frank Tashlin). Enfin, on s'imagine aisément se lancer dans un commentaire historico-sociologique sur l'importance de la ruralité dans la civilisation nord-Américaine d'une part, et dans l'oeil du public de cinéma d'autre part.
Mais on ne va pas le faire...
Sinon, une fois de plus, Clampett donne un rôle important à un canard, mais il ne s'agit en aucun cas de Daffy Duck, qui désormais volait de ses propres ailes et n'avait nul besoin d'aller jouer le faire-valoir...
Une fois n'est pas coutume, Bob Clampett met clairement son unité dans les pas de Tex Avery, avec ce film parodique qui commence d'une façon typique d'un cartoon de son ancien patron: des coupures de journaux, un montage excitant, des sons liés à la recherche intensive et haletante d'un meurtrier... Dont on annonce qu'il serait caché dans les studios Warner Bros! Il s'agit d'un criminel masqué, "The Phantom", qui est en réalité l'homme invisible du film de James Whale, fâché de n'avoir qu'un seul film à son crédit. Il faut faire appel à Porky Pig, dans le rôle de Mr Motto, pour contrer les agissements du fou dangereux...
Porky est donc un acteur qui interprète un rôle, comme il le sera souvent dix années plus tard dans les films de Chuck Jones (Le plus souvent en faire-valoir de Daffy Duck). Ce rôle, c'est Mr Motto, d'après Mr Moto, un détective Japonais dont les films avec Warner Oland ont eu un certain succès dans les années 30, dans cette période pré-télévision. Une fois de plus, Clampett s'attaque à la culture populaire sous toutes ses formes, sans préjugés. Il s'amuse à nous montrer la police interroger avec rudesse le monstre de Frankenstein interprété par Boris Karloff, et multiplie les plans incorporant les affiches de films. On notera d'ailleurs une affiche qui me laisse perplexe, annonçant "Cecil D. DeMille's Birth of a nation"!
Le metteur en scène réserve d'ailleurs une surprise au spectateur de 1939, qui est à mon avis complètement cryptée pour le spectateur moyen d'aujourd'hui: l'homme invisible, c'est révélé à la fin du film, n'est autre que l'acteur Hugh Herbert, comédien spécialisé dans des rôles vaguement efféminés. Totalement oublié, sauf de ceux qui continuent vaille que vaille à voir les glorieux films WB des années 30.
Porky pig se rend à son travail, où il produit des pneus en caoutchouc. Mais son patron a une règle d'or: pas de chien. manque de chance, c'est justement le jour qu'avait choisi Flat Foot Flookey, son chien, pour l'accompagner au travail.
Le chien, avant peu, aura absorbé du caoutchouc et verra son corps acquérir les possibilités plastiques du matériau. Une série de gags donc liés à la thématique de la déformation, que Clampett (On a envie de dire "exceptionnellement") sait maintenir raisonnables. Et le fait que le patron n'aime pas les chiens (ce qui me le rend évidemment sympathique, mais c'est une digression inutile) va déboucher sur une autre série de gags mémorables.
Le film est excellent, et il est dommage que le chien n'ait pas été repris ça et là, il est gentiment, mais sûrement, loufoque. Notons qu'il est tellement plastique, qu'il se transforme en Edward G. Robinson, ou Clark Gable, et que son nom est une autre allusion transparente à la culture populaire, et au succès contemporain des jazzmen rigolos Slim Gaillard et Slam Stewart, The flat foot floogie (1938)
Porky Pig vit dans une petite cité portuaire Californienne, en compagnie d'un canard (Parfaitement insupportable), nommé de façon appropriée Dizzy Duck. Ils pêchent, accompagnés d'un chien manifestement sorti d'un court métrage Disney. La tempête menace, ils trouvent refuge dans une cabane où les objets vont rivaliser d'invention pour leur faire croire que la bâtisse est hantée.
D'une part, on a déjà vu ce type de scénario, plus d'une fois, chez Disney, et les animateurs se retrouvaient à varier les plaisirs en animant Mickey Mouse, Goofy, Donald Duck ou Pluto... On aimerait, dans ces moments-là, se lever de son siège et lancer un message par delà les âges aux animateurs, scénaristes, metteurs en scène qui ont commis ces films, qu'ils soient Jack King, Ub Iwerks ou Hardaway et Dalton: réveillez-vous, vous êtes chez Warner Bros!!
Ensuite, certes c'est impeccablement animé, avec soin et avec vie. Mais qu'est-ce que c'est ennuyeux!
Poursuivant sa longue quête de la déconstruction du héros sans intérêt qu'est Porky Pig, Clampett lui donne le second, voire troisième, rôle dans un western de série B... Basé sur le personnage du Lone Ranger, le justicier masqué archi-connu des spectateurs Américains qui en suivent les aventures depuis 1933... à la radio. Une preuve s'il en est besoin que décidément le metteur en scène est fasciné par la culture populaire sous toutes ses formes, mais on n'avait pas besoin de le prouver: chaque film réalisé sous sa supervision regorge d'allusions attendries... A ce sujet, parmi les bandits recherchés, on remarque un inquiétant Cob Blampett.
C'est donc avec une voix off omniprésente, qui d'ailleurs deviendra la cible d'un bandit, qu'on nous raconte les exploits idiots de The lone stranger, le justicier caché sous son masque, et toujours accompagné de son cheval Silver (dont le film nous révèle qu'il s'agit en réalité d'une jument...). Et Porky dans tout ça? Eh bien, il conduit une diligence qui est attaquée par un bandit, puis pris en otage par celui-ci. Là s'arrête sa contribution à l'aventure...
C'est formidable, sans être forcément aussi révolutionnaire que Wackyland (mais là encore, aucun dessin animé au monde n'est aussi révolutionnaire que ce croisement entre les Looney tunes et Dali!): la façon dont l'intrigue se conduit, tout en étant dynamitée en permanence par les idioties de Clampett et son équipe, qui s'amusent à parodier le style "feuiletonnesque" des aventures du justicier: on demande au public si le "Lone Stranger" va s'écraser dans un ravin, par le biais d'un intertitre bardé de points d'interrogation, par exemple.
Vous vous en doutez, la réponse est évidemment non.
Sur un navire de la marine Américaine, Porky Pig est l'un des marins anonymes. Dans un premier temps, le film s'amuse de la vie quotidienne à bord, du rapport conflictuel entre les marins et leurs officiers, puis on passe à l'intrigue proprement dite: un sous-marin pirate écume les mers, son périscope est mis à prix... C'est bien sûr le canonnier Porky Pig qui va empocher la récompense...
Mouais... D'une part, je suis sceptique devant un dessin animé qui à ce stade (Alors que Tashlin, Avery et Clampett ont bien montré la voie à suivre pour le personnage porcin, et qu'elle ne passe absolument pas par ce genre d'héroïsme) nous montre un personnage aussi falot que Porky se livrer avec conviction à des actions d'éclats; d'autre part, le film est bien fait, tout le travail (en particulier le travail de décors) est fait avec soin. Hardaway et Dalton ont bien repris les model-sheets de Clampett, et leurs personnages sont convaincants. Disons que leur film est un looney Tune de 1938 dont le script renvoie plutôt à un Mickey Mouse de 1935...
Pour finir (J'ai fait des recherches car le mot ne m'était absolument pas familier), "gob" est un mot d'argot pour désigner un marin, mais pas le modèle premier choix. Un marin, quoi, un matelot, pas un officier...
En cette fin 1938, Bob Clampett se retrouve souvent seul à faire fonctionner la machine des Looney Tunes consacrés à Porky Pig... Et il a plus ou moins carte blanche, comme en témoignent plusieurs chefs d'oeuvre: What price Porky en était déjà un; Porky in Wackyland aussi. Et enfin ce film paradoxal, dans lequel le metteur en scène et ses animateurs osent aller loin dans la déformation. Il est quasi irracontable: disons que dans une clinique (Dirigée par le Dr Quack, soit Dr Charlatan), on assiste à des opérations terrifiantes, sabotées par l'assistant Daffy Duck, en mode fou furieux...
Ca se terminera par une vision de Porky Pig (Le patient) et Daffy Duck après leur passage dans un poumon d'acier. Voir photos...
Avec un titre pareil, on se dit qu'on va voir les pyramides, le Sphinx... Eh bien pas du tout. Porky est un touriste qui est arrivé trop tard pour prendre le chameau collectif en direction du "tombeau de la Momie", il doit donc se contenter d'un modèle une place, mais cet animal (Le chameau, bien entendu) est tout sauf efficace, et ils se perdent dans le désert. Donc, mirage, et crises de folie à répétition... C'est à la fois typique de l'oeuvre en noir et blanc de Clampett, et un peu frustrant...