Phillys Dale (Alice Joyce) est reporter. Veuve depuis peu, elle est la mère d'une jeune femme, Bobby (Virginia Lee Corbin) un peu trop indépendante, à 17 ans. Larry (Malcolm McGregor) aimerait bien que ses affections pour Phillys soient honorées en retour, mais elle se refuse pour l'instant à donner suite à ses avances... Mais Bobby, par son comportement irresponsable, va sérieusement précipiter les choses.
C'est un film au titre trompeur; un peu à la façon de The front page, avec cette héroïne reporter et un titre qui nous annonce "les gros titres", on s'attend éventuellement à une comédie enlevée sur le monde de la presse... Mais c'est peine perdue: d'une part la presse est plus une commodité qu'atre chose, et on verra très peu Phillys à son travail. Et surtout, les "headlines" promis par le titre sont surtout les ragots qu'un soupçon de comportement scandaleux promettent à la jeune veuve qui en dépit de sa prudence va à cause de sa fille se retrouver dans le viseur d'un public américain impitoyable avec les histoires croustillantes qu'il aime tant.
D'autre part, ce n'est pas une comédie, loin de là, et le drame pris au premier degré dans ce film est plutôt du genre à faire bailler, ce qui est dommage. MIs en scène sans grande imagination, avec des personnages fades même incarnés par des acteurs plus que capables, le film peine à fédérer...
Le professeur Illington, hélléniste distingué, a appelé sa fille Damophilia, ce qui n'est pas un prénom très facile à porter, c'est la raison qu'elle invoque pour se faire surnommer Phil... Et Phil est un vrai garçon manqué. Ce qui scandalise d'ailleurs l'entourage, en particulier un couple de vieux notables rigoristes. Quand le professeur Illington décède, ces braves gens sont désignés tuteurs... Mais Phil qui n'entend pas subir leur méthodes éducatives, s'enfuit déguisée en homme. Elle rencontre alors un autre professeur de Grec, qui est revenu de tout et en particulier des femmes: ils sympathisent, et «Phil» prétend avoir une sœur jumelle qui pourrait devenir l'assistante du professeur...
C'est un film étonnant, d'abord par la façon qu'il a de poser les jalons de plusieurs genres et de passer sans effort de l'un à l'autre: à la comédie, il emprunte l'intrigue sentimentale entre deux personnes, dont l'un reste à conquérir, et un certain penchant pour la caricature, sans parler de la réjouissante différence entre les deux humeurs des personnages principaux... Au mélodrame, on part ici d'une situation dramatique, quand Phil perd son père, et écope de deux tuteurs infects! Et une intrigue secondaire fait intervenir quelques clichés du genre aussi...
Et puis tout le film tient par la grâce d'Evelyn Greeley, qui interprète le rôle de Damophilia, véritable électron libre dans une société qui ne peut que se méfier de sa liberté de penser. Le personnage ose défier l'ordre établi (une scène la voit défendre fièrement le costume dans lequel elle danse, typique de la danse progressive de l'époque autour de Ruth St-Denis), et les bien-pensants un poil trop hypocrites, et surtout n'a aucun complexe à se déguiser en homme. C'est d'ailleurs en se déguisant en homme qu'elle trouvera l'âme sœur, un professeur devenu méfiant à l'égard des femmes... Tiens tiens...
Dans la famille aisée de John Wheeler (Warren Cook), la fille Loris (Mabel Taliaferro) vit une vie aussi rangée que possible de jeune femme sans soucis, souvent auprès du playboy Bruce Mitchell (James Cruze). Wheeler, pourtant, a besoin de ce dernier et de sa fortune: il lui propose de racheter ses parts sur un titre de propriété située au Canada, qui pourrait rapporter gros. Mitchell accepte, mais le co-gérant de la propriété, apprenant que Wheeler n'a pas conservé de papier prouvant qu'il est co-propriétaire, refuse d'envoyer une preuve. Menaçant de dénoncer Wheeler qui lui a soutiré de l'argent sans raison valable ni tangible, Mitchell tente d'effectuer un chantage au mariage aux dépens de Loris. Pour échapper à cette éventualité, cette dernière se rend au Canada où elle a un plan pour approcher Corteau (Edwin Carewe), le co-propriétaire irascible...
Pas facile à résumer, ce film repose sur un certain nombre de ficelles propres au mélodrame, et on craindrait le pire, s'il n'y avait d'une part Mabel Taliaferro, qui tend à illuminer les scènes dans lesquelles elle joue, et qui fait partie d'un groupe assez restreint d'actrices qui utilisaient le stratagème du déguisement en homme, pour justement questionner la notion de genre. Ca n'ira pas très loin, car le film n'a pas vraiment vocation qu'à ça, mais la façon dont le personnage va jouer de sa masculinité (bien fragile, j'en conviens) pour approcher un type tellement revenu de tout qu'il déteste les femmes, est assez intéressante pour être soulignée. Et lors de la révélation de son identité, une scène d'essayage de robe (sans aucune connotation érotique extravagante) est absolument superbe, avec un sens du détail qui doit autant à la mise en scène qu'au jeu tout en fascination de l'actrice...
Et sinon, le film été tourné dans un environnement enneigé, et c'est toujours joli. Je doute que ce soit au Canada même, mais ce serait donc plutôt dans le Nord de la Californie, où Chaplin allait tourner quelques scènes de The Gold Rush, et où deux années plus tôt, DeMille avait également pu capter quelques séquences de The Squaw Man, son premier film. Puisqu'on en est au name-dropping, il y a dans ce film deux cinéastes: Edwin Carewe lui-même bien sûr, qui avait commencé sa carrière d'estimable tâcheron en 1914, et surtout James Cruze, qui était alors acteur pour Thanhouser, et qui mettrait en scène quelques films parfois surestimés dans les années 20, mais aussi deux classiques solides: The covered wagon, et surtout le splendide Old Ironsides.
Ce n'est pas à proprement parler un film de long métrage, mais une série, située durant la guerre de Sécession, qui met en scène les agissements d'une espionne confédérée, Nan. Fille d'une respectable famille, elle a décidé de se battre à sa façon pour la cause des Sudistes et accomplit des exploits...
Il ne reste que trois épisodes (sur 6) de cette série, qui n'est pas un feuilleton au sens strict du terme; le cinéma avait encore à se servir de ce moyen pour fidéliser les spectateurs en utilisant chaque semaine ou chaque mois le pouvoir magique des mots "A suivre"... C'est à la compagnie Kalem que Gene Gauntier (Nan) et Sidney Olcott tournaient à l'époque, avant de se lancer dans des tournages exotiques (Palestine, et... Irlande pour une série de films significatifs). Kalem était basée à New York, mais les tournages étaient relocalisés en Floride durant l'hiver, ce qui fut le cas pour tous ces "épisodes", et c'est peut-être l'une des raisons qui ont poussé la compagnie à adopter un point de vue sudiste sur la Guerre Civile. Rappelons qu'embrasser la cause sudiste revient à défendre le point de vue de l'esclavage... La Floride en 1915 (mais plus de cent années plus tard, un peu aussi) était quand même encore nostalgique des années d'avant la guerre, et on y gardait un point de vue très tranché aussi bien sur le conflit que sur ses causes...
D'autres raisons ont peut-être joué: on constatera d'ailleurs que la majorité des films muets consacrés au conflit ont pris fait et cause pour le Sud, depuis les nombreux courts métrages de Griffith qui y ont été consacrés, à The General de Keaton (et je ne parle évidemment pas ici de The Birth of a Nation, mais il ne faudrait pas l'oublier quand même), ainsi que de nombreuses productions de Thomas Ince, certaines réalisées par Francis Ford: le cinéma penchait sans doute sur le versant romantique de la cause perdue du Sud, et c'est probablement le cas ici aussi...
Et d'ailleurs, pas de plaidoyer ouvertement raciste en vue, juste de l'aventure, et des péripéties dans lesquelles Nan se met en danger... La réalisation est encore assez plate (Olcott n'est pas Griffith) mais avec Gene Gauntier, qui avait son mot à dire sur la conception de ses films, il a manifestement souhaité mettre l'accent sur l'aventure, les risques pris, et l'audace de cette jeune femme, dont les parents savent les dangers qu'elle encourt...
A Oxford, un Américain qui vit sur place depuis quinze années, et est amoureux d'une jeune femme locale, doit rentrer au pays, à la demande de sa famille... Mais il sait qu'ils vont refuser son choix et lui imposer une riche héritière. Son meilleur copain Dick (Douglas Fairbanks) décide de prendre sa place, vu que la famille n'a pas vu Reginald depuis son enfance, et de résoudre les problèmes liés à la situation. Quand il arrive au Etats-Unis, il comprend très vite que la partie n'est pas gagnée: les trois tantes de Reginald n'ont aucune envie de déroger aux traditions, et son oncle est complètement coincé. Et sa soeur est, comme l'infortuné Reginald, tenue de se marier avec un parti riche et bien vu en société... Mais Dick décide qu'il va "tout résoudre", car comme il le dit "I'll fix it!"...
C'est une charmante comédie, un de ces films absurdes, gentils et joviaux comme Fairbanks et ses copains (Albert Parker, John Emerson, Christy Cabanne, Victor Fleming et Allan Dwan) en pondaient plusieurs par an! Mais c'est tellement bien fait, sans jamais se prendre au sérieux, tout en distillant un gentil message optimiste, qu'on se laisse totalement prendre... Et la façon dont le "faux" Reginald va imposer à "sa" famille complètement coincée toute une marmaille d'enfants qui sont nés du mauvais côté de la barrière, en les prenant par les sentiments, est un beau moment.
Et la principale leçon, dans ce film qui nous conte un "choc de cultures" peu banal, est bien sûr que cette insupportable manie des riches de vouloir maintenir les classes sociales et les traditions, est finalement contraire à ce qui fait l'Amérique...
Le film est miraculé, il fait partie des dernières redécouvertes d'un film muet important de ces dix dernières années, grâce à une restauration bien menée, sur une copie détenue par un chanceux collectionneur. Il n'y a pas si longtemps, aucun film de l'année 1918 n'avait survécu parmi les nombreuses productions de Douglas Fairbanks d'avant ses épopées en costume... C'est une raison de plus de se réjouir de l'existence de celui-ci.
En 1916, Griffith a réalisé ce qui reste sans doute son film le plus important, le plus avant-gardiste et le plus beau, avec Intolerance. J'en ai déjà (longuement) parlé ici:
...j'y faisais allusion aux circonstances qui ont amené le metteur en scène a prendre un film qu'il venait de terminer mais n'avait pas sorti, pour le gonfler artificiellement en une prouesse narrative et technique, réalisant ainsi un pamphlet géant (plus de trois heures pour certaines versions) autour de la notion d'intolérance. Mais si le film est resté célèbre pour son enchevêtrement de quatre intrigues, pour ses scènes historico-biblico-antiques (les murailles de Babylone! La nuit de la Saint-Barthélémy!) il était difficile d'oublier en le voyant, que tout était parti d'un autre film, ce The mother and the law, un long métrage qui en lui-même n'était certes pas aussi spectaculaire, mais contenait pourtant à lui seul suffisamment de frissons (dont une préparation d'exécution, un meurtre, diverses scènes de répression sociale, et une course contre la mort programmée d'un homme, excusez du peu) pour justifier de tenir debout tout seul sans l'ajout des épisodes tournés ultérieurement.
On pouvait croire, après tout que des quatre histoires saupoudrées dans Intolerance, deux en particulier pouvaient prétendre être considérées comme des films à part entière, les deux plus opposées... d'un côté, l'histoire vue par le petit bout de la lorgnette des fantasmes d'un réalisateur de films qui vient d découvrir la réinterprétation par le cinéma Italien de l'antiquité (The fall of Babylon), et de l'autre une chronique sociale qui s'attaque aux réformateurs qui maintiennent une population de la classe ouvrière dans un assujettissement coupable (The mother and the law)... On ne s'étonnera pas que pour récupérer un peu de bénéfices sur un film dont l'exploitation avait été coûteuse, le réalisateur ait pris la décision de sortir, justement, des versions remontées de ces deux histoires en deux films indépendants en 1919. J'ai parlé de The fall of Babylon ici:
Quant à The mother and the law, la grande surprise qui nous saisit quand on voit cette version remontée, c'est à quel point Griffith avait soigné son pamphlet contre les père- et mère-la-pudeur... L'intrigue reste la même (un jeune couple, qui s'est rencontré dans l'adversité suite à une répression des grèves dans une usine, se retrouve séparé: le jeune homme a été accusé à tort d'un crime, et la jeune femme a accouché d'un garçon qui lui a été enlevé par un comité de bienfaisance auto-proclamé), mais privé des histoires parallèles qui le sous-tendent, Griffith n'avait plus besoin d'élaguer dans la continuité.
En effet, l'une des forces d'Intolerance était de permettre à quatre intrigues de se chevaucher en donnant l'impression d'un zapping avant la lettre, le fait de passer d'une histoire à l'autre faisait qu'on abandonnait parfois les personnages à leur triste sort. Mais cette version de 99 minutes restitue à The Mother and the law sa continuité romanesque originale, avec l'évolution progressive de ses quatre personnages principaux, donnant un poids supplémentaire à l'unique scène durant laquelle ils sont tous réunis: je veux bien sûr parler de la séquence du meurtre. Le passage par la prison, pour le jeune homme interprété par Bobby Harron, va totalement dans le sens d'une dénonciation de l'intolérance par la vision de la crudité du système carcéral. Je ne sais si ces séquences ont toutes fait partie d'Intolerance à un moment ou un autre, mais elles sont d'une force rarement atteinte. Et le personnage de Miriam Cooper prend une dimension plus importante (ce dont il n'existe aucune raison de se plaindre) ainsi que le brave policier joué par ce bon vieux Tom Wilson: il devient un personnage secondaire à part entière au lieu de débarquer de nulle part à la fin du film...
Il y a quand même une scène de l'épisode Christique d'Intolerance qui figure dans ce film, celle de la femme adultère, mais c'est dans l'air du temps. Et Griffith n'a jamais caché ses intentions profondément ancrées dans la religion. Quoi qu'il en soit, on en a la preuve: Intolerance est certes fondée sur The mother and the law, mais The mother and the law, la version sortie en 1919, est un tout autre film, excitant, fort et d'une urgence formidable. Un chef d'oeuvre à part entière, qui existe indépendamment du chef d'oeuvre officiel.
Le petit Jackie Rabinowitz se fâche avec son père (Warner Oland), qui lui reproche de gâcher sa jeune voix en chantant du rag-time et du jazz; il faut dire qu'il est hazzan dans le ghetto, c'est-à-dire cantor ou chanteur à l'office religieux, et en tant que tel, très respecté... et très rigoureux sur les traditions! Après une bonne correction, le jeune garçon s'enfuit avec la complicité de sa mère (Eugenie Besserer)... Devenu adulte (Al Jolson), il chante et obtient un grand succès sous le nom de Jack Robin. Se réconciliera-t-il avec ses parents et sa culture?
Commençons par une mise au point: venant des Etats-Unis, le pays de Donald Trump et de Walt Disney, ce film qui a sauvé la Warner en 1927 a la réputation d'être le premier film parlant, et d'avoir inauguré la vogue de ce qu'on appellerait les Talkies, en opposition aux Movies, à savoir un cinéma populaire et 100% parlant et sonore... Sauf que The jazz singer n'est pas un film parlant, mais un film dans lequel on a utilisé la bande son pour des chansons synchronisées (environ une demi-heure du film y est consacrée), et de courts dialogues qui bout à bout n'excèdent pas 3 minutes... Le reste? Du cinéma muet: tourné sans besoin sonore et agrémenté ensuite au cours du montage, d'intertitres et de musique en boîte, la vocation première des productions Vitaphone étant de fournir aux cinémas des films avec de l'image ET une bande-son, permettant aux exploitants de se passer de la présence d'un orchestre. Le fait que ces trois minutes aient décidé de la suite des événements et poussé le public à en vouloir plus, n'empêche pas que ces quelques minutes de borborygmes en font, au mieux, un film hybride, à mi-chemin entre le muet (qui avait encore quelques beau jours devant lui) et le parlant (qui ne deviendrait majoritaire qu'en fin 1929)...
Sinon, le film est un mélodrame de facture assez classique, qui tient bien la route quand il n'est pas dominé par le chant de Jolson, ce dernier étant si vous voulez mon avis un abominable cabotin bien plus quand il chante du "jazz" (je mets les guillemets parce que je crois que je connais le jazz, et cette musique là n'en est absolument pas) que quand il joue... L'un des intérêts du film est de mettre en avant la culture Juive, ce que peu de films faisaient à l'époque des grands studios, dont les patrons, souvent des juifs fraîchement naturalisés, souhaitaient se fondre dans la masse. Mais le conflit du film, déguisé en un tragique combat entre père et fils, est bien le dilemme d'un homme entre son assimilation par le milieu du spectacle, et la tradition de s communauté. Un sujet là encore peu présent à cette époque, en particulier dans le cinéma Américain! Et Crosland, qui a bien mesuré l'enjeu du film, a pris la décision de planter ses caméras et ses acteurs dans les quartiers Juifs de New York, pour une poignée de scènes, avant de rentrer en Californie...
Quant à juger la performance sonore, on peut quand même dire que le système Vitaphone sur disques est assez efficace. Dommage qu'il ait fallu commencer par mettre en valeur la voix de Jolson, et ses chansons, qui sont toutes plus ou moins insupportables quand il les chante...
Carl (Charles Emmett Mack) et Mary (Norma Shearer) se rencontrent, et ils ne pouvaient pas être moins assortis: lui, gibier de potence, à peine sorti de prison et déjà déterminé à poursuivre une vie de crime, et elle, ancienne artiste de cirque, tombée dans la déchéance, croit dur comme fer en une vie saine et sans reproche... Mais ils s'aiment et grâce à Mary, Carl envisage de se réformer. Mais pas sans un dernier coup...
Engagée dans un cirque, Mary monte un à un les échelons, mais s'attire les foudres de Yonna (Carmel Myers), la vedette du cirque, dont l'amant (John Miljan) reluque la nouvelle venue avec gourmandise... Le drame couve, ou plutôt les drames...
C'est le premier film Américain de Benjamin Christensen, et pour ceux qui ne connaissent pas le monsieur, un petit rappel: dans les années 10, le metteur en scène (et acteur, et scénariste, et baryton à l'opéra) Danois a été l'un des plus importants pionniers du médium, un homme dont les deux films réalisés durant la période ont fait la preuve des possibilités dramatiques de la lumière et de la façon dont on pouvait transmettre de l'émotion, et accroître l'implication du public, par des effets esthétiques inspirés des grands maîtres de la peinture... Et pour couronner le tout, son troisième long métrage (a priori, car les sources divergent, mais il se peut qu'il en ait également commis un entretemps, achevé ou non), le brillant Häxan, a inventé un genre à lui tout seul, en proposant un documentaire romancé et passionnant, sur une vue personnelle et subjective de l'obscurantisme religieux, à grands renforts d'images toutes plus belles les unes que les autres. Avec ces trois films, Christensen serait un géant, l'un des plus importants artistes du cinéma, si...
S'il n'y avait les autres. Car après Häxan, ce qu'on voit de lui, forcément, déçoit... Il a voulu tenter d'autres voies, d'autres approches: une comédie Allemande extravagante mais aussi un peu gnan-gnan, dans un pays pourtant pas réputé pour la comédie (Sa femme, l'inconnue, avec Lil Dagover), et puis aux Etats-Unis, il est devenu un metteur en scène de studio... ou pas d'ailleurs, car son parcours à ce moment-là montre que le bonhomme, habitué à travailler seul et en démiurge total, a bien souffert d'un système industriel dans lequel le metteur en scène n'est qu'un rouage, un facilitateur de films plus qu'un auteur. C'est donc dans les usines de la MGM naissante que le metteur en scène Danois et ombrageux a réalisé ce petit mélo, qui est, une fois admises quelques réserves, une plutôt bonne surprise:
Car si le script (avec rencontre du mauvais garçon et de la madone, comme dans Intolerance) ne va pas très loin dans l'originalité, Christensen adopte dès le départ une double démarche: d'une part, sa directions d'acteurs est irréprochable, et il fait assumer à chaque protagoniste la part mélodramatique de son personnage, sans honte ni remords, mais tout en trouvant une certaine vérité. Carmel Myers en particulier, est excellente, et on apprécie de voir Charles Emmett Mack, un probable inconnu aujourd'hui pour la plupart des gens, se voir gratifier d'un rôle plus complexe et plus riche que les sempiternels mauvais garçons auxquels il était généralement cantonné...
Et d'autre part Christensen conditionne apparemment sa mise en scène au matériau qu'on lui a donné (il n'st pas responsable du script, rappelons-le) et utilise avec parcimonie des trouvailles et embellies, qui lui permettent de reprendre le contrôle sur le film: une fois établie la situation, il commence à mettre plus de lui-même dans le film, et une belle séquence de cambriolage, racontée avec des ombres, et montée avec bonheur, fait s'emballer le film; un accident dans le cirque est aussi une prouesse de montage et de narration, et les très belles images qu'il utilisent pour montrer la guerre (vue du point de vue d'un soldat abattu et nostalgique à la veillée, plutôt qu'avec l'enfer des tranchées: Christensen ne souhaitait pas rivaliser avec King Vidor et sa Grande Parade!) montrent en effet son sens de l'économie, et sa faculté à raconter une histoire d'une façon intéressante, fut-elle mélodramatique: c'était déjà son point fort avec L'X mystérieux (1913) et La nuit vengeresse (1916), ses deux premiers films. Il signe d'ailleurs ce mélo qui lui a été confié en apparaissant brièvement au début dans un de ses déguisements préférés, celui de Satan!
La suite de sa carrière ne transformera pas l'effet, en dépit d'un Seven footprints to Satan rigolard et d'assez bonne tenue pour la First National en 1929: ses autres films MGM vont être l'occasion de se laisser broyer par le système, et je ne connais sans doute pas de pire purge que Mockery (1927) tourné avec Lon Chaney, dans lequel l'intérêt ne décolle absolument jamais. rentré au Danemark, Christensen est aussi rentré dans le rang. Et il est devenu pour l'éternité et le cinéphile moyen, l'homme d'un seul film...
Quel étrange film... Un drame westernien, situé en plein Arizona, et avec un shérif valeureux, interprété par... Roscoe Arbuckle, dans un rôle à peine teinté de comédie. Et pour couronner le tout, le film a été son plus grand succès critique, avant d'être retiré de la circulation pour cause de scandale...
Jack Payson trahit son meilleur ami, Dick, qui est parti faire fortune en laissant sa petite amie Echo derrière lui, car il veut faire fortune pour l'épouser. Jack dit à Echo que Dick est mort, tué par les Indiens... Quand a lieu le mariage, Dick revient et comprend en regardant par la fenêtre, il disparaît sans laisser de traces.
Dans le cadre d'une enquête, le Shérif Slim (Roscoe Arbuckle) est aiguillé vers son ami Jack par un témoin plus que louche, et avant de se rendre à la police, Jack révèle la vérité à Echo... Puis il s'enfuit pour retrouver Dick, poursuivi par Slim et un posse imposant, ainsi qu'une troupe de renégats menée par le témoin qui souhaite se débarrasser de Jack!
Ouf, pas simple, tout ça... Tout se passe comme si le scénario de Tom Forman (futur réalisateur de Shadows avec Lon Chaney) essayait d'accumuler autour de la star désignée Rocsoe Arbuckle toutes les péripéties western possibles et imaginables! Et on finit par ne plus trop s'intéresser à l'histoire, mais plutôt à la façon dont Arbuckle semble s'installer presque en contrebande dans le rôle d'un shérif efficace et valeureux, extrêmement bon camarade mais très malheureux en amour. Sinon, il y un indien qui fait, à un moment, une cascade tellement spectaculaire qu'on jurerait qu'il s'agit de Buster Keaton.
Lord et Lady Greystoke se rendent en Afrique où le noble va s'attaquer au problème de l'esclavage, en pleine recrudescence... Mais en chemin, leur bateau subit une mutinerie. Sauvés par Binns, un marin loyal, ils s'installent dans une cabane de fortune, pendant que Binns est fait prisonnier par les marchands d'esclaves. Lady Greystoke donne naissance à un fils et ne survivra pas. Un chimpanzé qui entend le bébé vient et avec ses congénères, tue Lord Greystoke et s'empare du petit, car il vient d'y avoir la mort d'un petit chimpanzé et sa mère est inconsolable... Vous devinez sans doute la suite.
C'est le premier de tous les films de Tarzan, adapté directement d'Edgar Rice Burroughs, et grâce à son contrôle sur la production, très fidèle à sa vision... Tarzan a donc un contexte, une histoire et même une illustre lignée, ce qui fait de lui un Anglais: c'est souvent dit et répété, il n'est plus blanc, il est Anglais! Et c'est parce qu'il l'est, nous dit-on, qu'il a tant de facilités à dominer la jungle, mais aussi à apprendre, et pas seulement des singes. On pourra rire devant son apprentissage en un éclair, mais cette naïveté fait partie des charmes du film (bien plus que les relents d'eugénisme qui traversent les oeuvres de Burroughs, et que les films MGM sauront brillamment mettre à la poubelle!
Tarzan (Elmo Lincoln) est Anglais, d'ailleurs, jusqu'au point de comprendre qu'il ne faut pas céder à ses pulsions avec Jane (Enid Markey) quand elle le lui indique: "vous êtes un homme, après tout!"... Et Tarzan achève de devenir le noble qu'il a toujours été... Bon, pour ma part, je préfère les batifolages aquatiques de "moi Tarzan, toi Jane"...
Le racisme du film est indéniable, et à double tranchant. D'une part, on nous montre les Arabes comme d'horribles exploiteurs de chair humaine, et d'inquiétants bandits, et ce du début à la fin. Mais quand ils enchaînent Binns au côté d'un Africain, le film semble envoyer un message trouble, comme si le plus désolant chez ces esclavagistes, était de mettre à égalité un blanc et un noir!
Enfin, une petite note pour ce bas de page: on lit régulièrement que la grande Lois Weber aurait été la scénariste du film, ou en tout cas aurait participé à la rédaction d'une adaptation. Elle lançait sa propre compagnie à l'époque, n'avait aucun lien avec la First National qui a distribué ce film, et avait sans doute d'autant moins de temps pour cela, qu'elle tournait un nombre considérable de longs métrages par an... Donc en attendant des preuves de cette allégation, on va la tenir à l'écart de ce petit film gentiment historique...