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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 17:12

Mary Louise Fuller, dite Loie Fuller (sans tréma, contrairement à ce que tant d'historiens du cinéma d'origine française prétendront), est à l'origine d'une danse célèbre, la danse serpentine, dont le mouvement caractéristique (une danseuse esquisse quelques pas en agitant des voiles extravagants situés sur les côtés de son costume... 

Dès les débuts du cinéma, et de ses cousins, les protoréalisateurs ont été intéressés par cette danse pour tout un tas de raisons: d'une part, il y était question de mouvement. Ensuite, le jeu esthétique particulier des mouvements des voiles pouvait rehaussé de couleurs pour créer des effets enchanteurs... Et puis sous couvert de danse, on y voyait une jeune femme soulever ses jupes!

Ce dernier point permet sans doute plus que les autres, d'expliquer l'inexplicable succès de ces innombrables petits films.

Mais Loie Fuller s'obstina à refuser (du moins au début) les sollicitations, y compris celle des techniciens d'Edison. C'est donc à une imitatrice, Annabelle Whitford, que revient le mérite d'être la vedette de la première tentative, Annabelle Serpentine Dance en 1894 (soit avant que les frères Lumière ne présentent leur premier programme de films).

Ce film d'Alice Guy, tourné avec une autre imitatrice française, Baptistine Adrienne Dorothée Dupré dite Bob Walter, est donc la réplique de la jeune société de films Gaumont face à ce déferlement de frou-frous... 

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Published by François Massarelli - dans Alice Guy Muet
4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 17:07

En 1897, Alice Guy suivait encore les traces des frères Lumière, en privilégiant les "vues documentaires", des films d'une minute qui se contentaient de capter des scènes de la vie quotidienne... 

Ici, par exemple, une troupe de garçons d'une quinzaine d'années qui se baignent dans la cascade d'un torrent. Le film est sans doute plus intéressant pour ce qu'on ne voit pas que pour ce qui s'y trouve: car le même jour, avec les mêmes protagonistes, Alice Guy a eu l'idée d'improviser un court film narratif, Le pêcheur dans le torrent, qui est un peu son Arroseur arrosé à elle...

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Published by François Massarelli - dans Alice Guy Muet
4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 17:02

Confirmant son statut de pionnière, ce film d'Alice Guy est l'un de ses plus anciens qui aient été conservés. Il date d'une époque durant laquelle les frères Lumière avaient un peu montré la voie d'une tentation de fiction, à travers l'anecdote de L'arroseur arrosé, qui tranchait avec les sempiternelles sorties d'usine... 

Ici, c'est en filmant des ados qui se baignaient dans un torrent (pour un autre film qui a lui aussi été conservé) que la première directrice et réalisatrice de la maison Gaumont a eu l'idée de les faire perturber un pêcheur, pour donc une saynète cocasse et bien innocente.

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Published by François Massarelli - dans Muet Alice Guy
4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 16:44

Une jeune fille a disparu sur une île Ecossaise, Summerisle: une lettre anonyme arrive sur le bureau du sergent Howie (Edward Woodward): celui-ci décide de mener l'enquête, et arrive sur place: profondément Chrétien jusqu'au fanatisme le plus lourd, il est très choqué de constater dès son arrivée que sur l'île, encouragés par le seigneur local, Lord Summerisle (Christopher Lee), les habitants pratiquent sans vergogne, au vu et au su de tout le monde (et surtout du sergent!) des rites païens... Les indices qui s'amoncellent donnent au sergent une certitude: la petite n'est pas morte, et a probablement été retirée de la circulation avant d'être offerte en sacrifice...

C'est un film assez unique en son genre (même s'il a subi un remake récent, et également un pastiche sous la forme d'un excellent clip vidéo pour une non moins excellente chanson de Radiohead, Burn the witch), qui renouvelle de façon remarquable l'horreur à la Britannique, loin des sempiternels films de la Hammer autour de Dracula et Frankenstein... Grâce à une censure de moins en moins tatillonne, le scénariste Anthony Schaffer et le metteur en scène Robin Hardy se sont autorisés à aller assez loin dans la représentation d'une sexualité païenne et débridée, qui est, ne l'oublions pas, surprise par les yeux d'un candide qui se présente lui-même comme vierge, passe son temps à se signer et à aboyer des "in the name of God" à tout bout de champ. 

Et c'est bien là, me semble-t-il, la cible du film: une confrontation, non d'un être cartésien avec l'horreur supposée des pires excès du paganisme, mais bien la confrontation logique entre deux logiques religieuses fanatiques (je sais, pour certains ce sera toujours un pléonasme), dont l'une est sans doute un peu plus fanatique que l'autre. ...Mais laquelle?

Pour répondre à cette question, rendez-vous dans le film: une oeuvre fondamentale du cinéma Britannique des années 70, qui a subi en dépit des relâchements évoqués plus haut de dame censure, une série de coupes drastiques avant d'être plus ou moins restauré à sa juste longueur, et avec son capital choquant (et profondément rigolo) reconstitué: bien sûr, c'est cette version légitime qu'on préférera à la version amputée. Et on pourra, pourquoi pas, en prolonger la vision en retournant du côté de Midsommar, de Ari Aster, qui lui doit plus que certainement beaucoup...

 

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Published by François Massarelli - dans Boo!!
4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 16:24

Même s'ils sont très Parisiens, Bastien et Alfred veulent changer d'air... Chômeurs ou de petits boulots en petits boulots, ils en viennent à rêver du Canada: comme le dit en permanence Bastien (Albert Préjean), c'est grand, et il y a "des Eskimos au Nord et des nègres et des Peaux-rouges au Sud"... C'est lui, d'ailleurs, qui souhaite y emmener son copain pour échapper aux entretiens d'embauche, aux figurations d'un jour. Alfred (Hubert Prélier), lui, suit son copain plus qu'autre chose. Mais arrivés au Hâvre, il leur faut attendre que le bateau, le paquebot Tenacity, répare une avarie. Dans la pension de famille où ils trompent l'ennui, ils se lient avec la petite serveuse Thérèse (Marie Glory): Bastien la drague effrontément entre deux rencontres d'un soir, et Alfred, lui, est amoureux...

C'est un film à part dans la carrière de Duvivier, mais d'abord parce que c'était le préféré de son auteur quand on lui demandait de choisir un film des années 30! Donc, la décennie de La tête d'un homme, de Pépé le Moko, de La Belle équipe et La fin du jour, excusez du peu... Dans l'état du film tel qu'on peut le voir aujourd'hui (et encore il me semble qu'il a même été considéré comme perdu corps et biens), ça peut étonner, tant il ressemble à un film de vacances...

Pourtant, le metteur en scène y montre tout son univers: il part d'ailleurs d'un étonnant prologue, une scène de danse tahitienne avec moult nudité, qui s'achève au bout d'une minute par le mot fin... Les héros sont au cinéma avec leur bande de copains, et parlent forcément, après la séance, d'exotisme! De la bande de sept ou huit gaillards qui fréquentent tous les mêmes studios Parisiens où ils gagnent de quoi survivre, Duvivier va en extraire deux, et les montrer partir vers leur terre promise, sous les moqueries des autres. Comme toujours chez Duvivier, le groupe semble résister à toute tentation de solidarité! Enfin, les deux vont tourner autour de la même femme, comme dans La belle équipe. Duvivier y montre en permanence son talent pour le gros plan pertinent et la composition de première classe... Et bien que ce soit une comédie, ça ne finira pas sans amertume. On parie qu'on ne verra jamais le Canada?

Pourtant, c'est un petit film, tourné par une équipe réduite à même le pavé Hâvrais, aussi souvent en extérieurs que possible. Du coup, on y parle relativement peu (avec Préjean, difficile de faire autrement que d'avoir du texte inutile, des "mon vieux", "mon pote", et autres "t'es une gentille fille"), et le film passe souvent par de poétiques décrochages narratifs: un tour en bateau dans le port du Hâvre, une promenade dans les bois ou une soirée sur la plage... Il flotte ici un air de liberté, malgré l'amertume qui pèse. Situé au Hâvre, le film n'est pas le Quai des brumes, mais participe quand même un peu à sa façon à l'émergence d'un courant du cinéma Français des années 30.

 

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier Comédie
3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 18:19

Zürich, années 50 : le fils d’un procureur surprend chez lui une visite du père d’un ancien condamné, Léonard Maurizius (Daniel Gélin), que son père (Charles Vanel) a envoyé en prison. Il l’interroge, et s’intéresse de plus en plus à l’affaire de meurtre qui date d’une vingtaine d’années auparavant, et en acquiert la conviction de l’innocence du condamné… Remontant la piste, le jeune Etzel Andergast (Jacques Chabassol) s’acharne et retrouve certains protagonistes du drame…

Bien sûr, c’est une histoire embrouillée, et pourtant on pourrait se dire qu’elle tient à peu de choses, voire à rien, puisqu’il semble établi dès le départ que la balle supposée avoir été tirée par Maurizius pour tuer son épouse de face, a été en fait tirée de derrière la malheureuse, l’abattant dans le dos. Mais l’idée selon laquelle le condamné aurait pâti d’un acharnement particulier est ainsi renforcée… Duvivier s’intéresse ici à la justice et à ses ramifications, à ses obsédés aussi, comme ce jeune garçon frêle et obsédé de justice, justement (dans la première scène, on le voit se dénonçant en classe pour une faute qu’il n’a pas commise, afin de prendre sur lui le poids du châtiment !)…

Le personnage est intéressant, mais il semble que Duvivier ait choisi Chabassol justement pour son côté fragile et hésitant, et Etzel Andergast s’en ressent. Le film est souvent passionnant par l’idée de la recherche d’une vérité passée comme étant un dédale sans fin, situé dans des décors volontairement réduits à l’essentiel (avec des murs noirs), une superbe idée de Max Douy et Duvivier. Le casting, dominé par Gélin et Vanel même si celui-ci est amené à jouer un rôle mineur, est aussi l’objet de plusieurs problèmes, le moindre n’étant pas la femme fatale incarnée ici par Eleonora Rossi Drago, qui interprète la sœur de l’épouse de Gélin, et sur laquelle pèse une noire menace. D’ailleurs, quand cette menace s’incarne en Anton Walbrook, on est également déçus : l’immense acteur de Michael Powell, cette fois, en fait trop…

Mais c’est un film foncièrement différent des autres films noirs du genre, de ceux de Duvivier notamment. Une plongée noire dans les arcanes de la justice, de son fonctionnement, et de ses à-côtés sordides…

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Julien Duvivier
2 janvier 2022 7 02 /01 /janvier /2022 13:45

Dans ce film adapté d'un roman paru en 1932 de Peter de Mendelssohn, un pensionnat de jeunes orphelins ou de garçons dont les parents voyagent, accueille Vincent, un nouveau pensionnaire qui fascine pratiquement tout le monde: il vient d'Argentine, et joue de la guitare en chantant "dans une langue qu'on ne comprend pas"; il semble avoir un fluide avec les animaux, il est fort, et il est beau... certains le prennent en amitié, c'est le cas de Manfred, l'un des plus grands élèves; d'autres s'en méfient, c'est le cas des "Brigands", un groupe de jeunes écervelés qui ont surtout retenu de la culture romantique le goût du secret et des confréries baroques. Ils se font appeler "les cruels", et rêvent d'un absolu de courage et de force, mais les autres les appellent "les Loufoques". Et puis il y a Lise, la nièce du directeur, qui est subjuguée par Vincent, au point de se donner à lui... Mais il refuse.

C'est qu'il a vu mieux, ou plus étrange: à l'autre bout du lac qui jouxte la propriété, et sur lequel les garçons aiment passer leur temps libre, il y a une maison mystérieuse, et certains la disent hantée. Mais Vincent qui s'y est rendu, a bien vu, lui, le Chevalier qui l'habite et sa mystérieuse filleule, Marianne, dont il est tombé amoureux...

On n'a pas l'air d'aller beaucoup en cours dans cette institution pour jeunes garçons. Et on n'y pense pas trop aux filles non plus: Lise (Isabelle Pia) semble ne générer qu'indifférence auprès d'elle, et à part Marianne qui ne sera vue que par Vincent, il n'y a pas l'ombre d'une autre présence féminine. On y goûte l'amitié masculine, parfois sublimée, qui parfois se mérite (pour devenir un membre des Brigands, il faut tuer un animal): c' est l'une des clés du film, qui cache derrière une atmosphère lourdement inspirée (décors, motifs, valeurs...) du romantisme Allemand, un sous-texte homosexuel assez marqué. C'est sans aucun caractère négatif, et c'est un aspect dont on peut aussi se passer, comme les innombrables lectures lesbiennes de Picnic at Hanging Rock ne sont qu'une option de lecture...

Le film est surtout l'occasion pour Duvivier de jouer sur deux tableaux, d'une part (le titre est ô combien explicite) l'initiation à l'amour et son souvenir, et d'autre part, une incursion très intéressante et rare chez lui, dans le fantastique. Comme dans La chambre Ardente où le réalisateur se refusera à imposer une marche à suivre, l'expérience de celui (Pierre Vaneck) qu'on appelle l'Argentin peut tout aussi bien être le rêve éveillé de celui qui trompe son ennui en recréant sa mère, qu'une rencontre avec l'au-delà à la manière de Contes de la lune vague après la pluie, de Mizoguchi, ce sublime film de fantômes paru quelques années auparavant... ou qu'une vraie rencontre avec des nobles un peu excentrique. A vous de choisir.

Il existe une autre version du film, avec une bande-son Allemande: le film a été partiellement interprété par les mêmes acteurs (la française Isabelle Pia, l'Allemande Marianne Hold et certains des jeunes pensionnaires étaient les mêmes, mimant le texte d'une des deux langues et parlant l'autre). Si l'Argentin "français" était Pierre Vaneck, c'est Horst Bücholz qui tenait ce rôle dans la version Allemande. Tous deux débutaient...

 

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier
1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 18:22

Ce qui frappe de prime abord dans ce film muet tardif (Il est sorti en juillet 1930, et n'a pas obtenu un grand succès, à cette époque où on allait voir n'importe quoi du moment que ça parle), ce n'est pas tant la modernisation à laquelle se sont livrés Duvivier et son équipe; c'est bien plutôt la virtuosité du début, un montage extrêmement dynamique qui accompagne l'arrivée de Denise Baudu (Dita Parlo) à Paris. Le metteur en scène alterne des plans rapprochés de la jeune femme, en petite provinciale dépassée devant le gigantisme et la foule qui l'entourent, et des plans plus éloignés, comme pris sur le vif en pleine rue, de façon aussi réaliste que possible, ainsi que des plans qui établissent un motif qui reviendra tout au long du film: la publicité du magasin Au bonheur des dames, ce qui établit dès le départ l'inéluctable présence agressive du centre commercial qui donne son titre au film, mais aussi symbole du progrès. Virtuosité donc, qui est la marque du film en son entier, puisque Duvivier fait ici usage d'une caméra mobile (Et de quatre mousquetaires de l'image, dont un tout jeune Armand Thirard), d'un don pour les placements judicieux et novateurs de caméra qui son époustouflants: Quelques minutes après cette introduction, il nous fait vivre l'arrivée déçue de Denise au "Vieil Elbeuf", le magasin de son oncle Baudu (Armand Bour) en caméra subjective, tout en offrant des contrechamps qui établissent une comparaison méchante entre le flambant neuf magasin d'Octave Mouret, et la vieille échoppe miteuse du père Baudu... elle y rencontre deux protagonistes secondaires dont l'histoire va agir en qualité de contrepoint: Geneviève, sa cousine (Nadia Sibirskaïa), et son mari Colomban (Fabien Haziza).

Dès le départ, Denise sait qu'elle va devoir aller chercher un travail au Bonheur des Dames, et c'est avec un mélange d'effroi et de fascination qu'elle s'y rend. Immédiatement choisie pour être mannequin, elle va découvrir l'atmosphère de taquinerie blessante maintenue par ses collègues dans une séquence encore une fois impressionnante, dans laquelle Duvivier multiplie les points de vue, et d'une manière générale joue énormément sur le regard, comme pour appuyer les angoisses de Denise, qui n'est par exemple pas prête à se déshabiller, ou simplement à être vue. C'est dans ce contexte qu'elle rencontre Octave Mouret, interprété par Pierre de Guingand. Celui de Pot-Bouille (Confié par Duvivier à Gérard Philippe dans son adaptation de 1957) est un ambitieux qui se sert des femmes pour arriver à ses fins, mais on a le sentiment que cette version du personnage, situé plusieurs années après la réussite décrite par Zola dans Pot-Bouille, est différent: toujours le protégé d'une femme ("Madame Desforges", interprétée par Germaine Rouer), on a le sentiment qu'il se sert désormais de sa situation pour séduire les femmes. quoiqu'il en soit, il est au fond, bien que très carnassier dans son capitalisme, plutôt humain, et surtout il est amoureux de Denise, ce que celle-ci va mettre longtemps à comprendre...

Et puis ce film n'est pas une histoire d'amour; l'essentiel de l'intrigue réside dans l'essor inexorable du progrès représenté par ce magasin énorme et qui mange tout sur son passage, et le "Vieil Elbeuf" du père Baudu, soit le magasin à l'ancienne, un commerce à visage plus humain... Le film mène l'oncle de la jeune femme, qui retient des traits de plusieurs personnages du roman, à venir suite au décès de sa fille dans le grand magasin et tirer sur la foule des clients: Duvivier ici nous propose un parallèle dérangeant entre les scènes vues quelques séquences auparavant durant les soldes, et la panique qui suit le geste désespéré du vieux commerçant... comme si le progrès incarné par le grand magasin devait porter en lui le germe de la violence, de la folie, de l'assassinat (Baudu dans son geste abat une cliente); un constat qui va peut-être plus loin, ou du moins est plus démonstratif chez Duvivier que chez Zola: il faut dire que la crise est là, et du même coup le choix de moderniser l'action prend tout son sens, tout comme un autre motif aussi récurrent que celui de la publicité agressive: les plans de travaux d'agrandissement nombreux, et qui rythment la deuxième moitié du film. Ils consistent principalement en des images de destruction...

Pour ce film noir, très noir, Duvivier a choisi à l'imitation de Zola de rester sur une fin partiellement heureuse, puisque du chaos de leurs situations respectives (Denise a perdu les derniers membres de sa famille, et le Vieil Elbeuf fait désormais partie du passé, et Mouret n'est plus couvert par sa maîtresse qui se dit prête à se débarrasser de lui), les deux amants semblent désormais plus forts, au point que Denise décide d'embrasser la philosophie de Mouret et de devenir sa muse pour aller toujours plus loin, toujours plus fort. Les contrepoints de l'ensemble du film nous ont de toute façon persuadé que c'est illusoire, mais la fin est malgré tout un passage de témoin de madame Desforges à Denise, puisque c'est désormais sous l'influence d'une autre femme que Mouret va continuer à moderniser la ville et le commerce de Paris... L'ironie est magistrale, la mise en scène bouillonnante, et décidément le film, avec sa vision urbaine fascinée, son utilisation virtuose de la caméra et du point de vue, et son montage passionnant, est très réussi...

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Published by François Massarelli - dans Muet Julien Duvivier 1929 **
1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 10:54

Tout commence par une idée simple, qu'on peut considérer comme une uchronie: la comète qui est supposée avoir tué les dinosaures (à moins que ce ne soit un événement météorologique) serait passée à côté de la terre, et donc notre planète a un visage bien différent de celui que nous connaissons: les dinosaures ont continué à vivre et prospérer...

Des dinosaures doués de paroles et même civilisés, on craint immédiatement le retour au film Dinosaur des ateliers de confection Disney (moi gentil iguanodon, toi méchant carnataure) et heureusement il n'en est rien: le bon goût de Pixar reste intact dans ce qui reste pourtant l'un de leurs plus grands flops. 

Pourquoi un flop? Certains accusent un script qui ne serait pas à la hauteur, et c'est vrai que l'équilibre habituellement facilement atteint entre leçons de vie à la Disney (tu seras un dinosaure courageux, mon fils), pathos (le papa qui disparaît, en d'autre temps c'est la maman de Bambi qui symbolisait le passage à la vie adulte), humour gentiment idiot (les fruits hallucinogènes) et merveille visuelle (ces décors!!) est ici largement handicapé par le premier de ces ingrédients, qui admettons-le est toujours le pire...

Peut-être le fait qu'il y ait eu des problèmes durant le travail sur le long métrage, avec changement de réalisateur et de direction, est-il une indication d'un projet mal parti dès le départ. C'est, à l'arrivée, définitivement un poids léger dans l'histoire du studio.

Mais cette histoire d'un petit apatosaure inadapté qui réussit à affronter la vie grâce à un petit humain (les humains sont des bestioles qui vivent dans l'ombre des dinos, et donc ils ne parlent pas) est un charmant film... pour les petits, et sans doute un peu moins pour les grands. Reste un étonnant et finalement assez logique arrière-plan de western, une rencontre avec un stégosaure névrosé, et une chevauchée de T-Rex (et d'un apatosaure) au milieu de vaches-bisons: ne boudons pas trop notre plaisir...

 

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Published by François Massarelli - dans Pixar Animation Disney
31 décembre 2021 5 31 /12 /décembre /2021 19:44

Ce surnom, la Baronne Irène de Rysbergue (Maria Jacobini) le doit à son benjamin, qui l'a ainsi nommée le jour où elle a essayé un costume qui rappelait fortement un oiseau. Costume qui a valu à son mari de proférer une saleté du genre: "à votre âge, franchement..."... le ton est donné: la baronne souffre de ne pas se sentir vieille, mais de constater que son mari, lui, le pense... tout en courant à droite à gauche. Alors quand elle attire l'attention d'un séduisant jeune capitaine de Spahis, qui est subjugué par elle, elle le suit jusqu'en Algérie, et bref, abandonne son mari qui la néglige, son grand fils qui est coincé, et son benjamin qui est trop jeune pour comprendre tout ça...

L'âge de son interprète est un élément crucial pour le film. A 37 ans, Maria Jacobini peut à loisir louvoyer entre les probables 45 ans de son personnage, et le sentiment d'être restée jeune qu'elle affiche dans la première partie... La chute n'en sera que plus cruelle: car en Algérie, on fera remarquer à son amant qu'il a une mère bien séduisante... Jacobini et Duvivier jouent à fond sur le maquillage et les gros plans qui trahissent les petites rides, vues dans un miroir par des yeux de plus en plus inquiets... 

Il y a deux dimensions dans cet avant-dernier film muet de son auteur, longtemps passé au purgatoire des films négligés: sorti à l'aube du parlant, il a été maltraité par la critique et boudé par le public. Alors, oui, c'est un mélo bourgeois, de la pire espèce, doublé d'un film qui se passe aux colonies... Mais Duvivier s'est quand même doublement fait plaisir: d'une part, en tournant en Algérie, où il a bénéficié d'un soleil permanent, ce qu'il n'avait pas eu pour L'agonie de Jérusalem; et il a orchestré autour de son interprète une mise en scène constamment inventive, qui illustre avec la cruauté qu'on lui connaît le point de vue de la Baronne... Si l'aventure algérienne tourne parfois au décoratif de luxe, la thématique de l'âge reviendra, notamment dans La fin du jour et Carnet de bal.

Quant à son interprète, qu'il est rare de voir aujourd'hui, elle est parfaitement splendide de bout en bout dans un rôle difficile.

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Julien Duvivier **