Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 15:27

Curtiz a mis ce film en chantier pour la Paramount après la fin du tournage de son remier film Américain hors Warner, The Egyptian. Ces deux films sont donc les premiers pas en solitaire d'un grand cinéaste de studio, dont la réputation s'est écroulée à la fin de sa vie, précisément lorsqu'il a désiré sortir de la firme qui l'avait employé durant 28 ans... Pourtant l'un comme l'autre des deux ouvrages, s'ils sont bien des films mineurs de l'auteur, n'en sont ni indignes ni d'extravagantes tentatives de s'approprier de nouveaux territoires: de même qu'il avait réalisé des films assimilables aux productions de Cecil B. DeMille durant ses années Autrichiennes, puis l'extravagant Noah's ark (1928) à la Warner, Curtiz avait tâté du musical dès l'aube du parlant, et avait continué jusqu'à la fin des années 40. C'est donc tout sauf une surprise de le voir s'atteler à une oeuvre comme ce White Christmas, une comédie musicale certes éloignée des canons du genre tels qu'ils avaient été établis par les productions RKO avec Fred Astaire, les films Warner organisés autour des chorégraphies de Busby Berkeley (Dont Curtiz lors des années 30 s'était maintenu à l'écart, mais j'y reviendrai) ou les productions d'Arthur Freed pour la MGM...

Wallace et Davis sont deux vedettes de music hall, dont la partenariat remonte à leur passage commun dans l'Armée Américaine lors de la seconde guerre mondiale. Ils font équipe en tout: l'un compose, l'autre écrit, les deux interprètent, dirigent et produisent leurs revues. Mais Phil Davis (Danny Kaye) se plaint de ne pas avoir une minute à lui depuis qu'il travaille avec le très entreprenant Bob Wallace (Bing Crosby). Il a l'idée de tout faire pour lui trouver une fiancée, afin de trouver un peu plus d'indépendance. Le destin met entre leurs mains deux artistes, les deux soeurs Haynes: Betty (Rosemary Clooney) et Judy (Vera Ellen). Judy et Phil forment une alliance dans le but de marier Betty et Bob... La situation va se compliquer dans un hotel du Vermont ou les quatre descendent de façon imprompue, et les deux anciens soldats vont tomber nez à nez sur leur général, devenu propriétaire d'un établissement pas vraiment prospère...

Ce film fait partie d'un certain nombre de productions Américaines qui ont fait les beaux jours de la télévision, mais si on peut comprendre l'attraction particulière d'un It's a wonderful life, par exemple, l'élévation au rang de film culte, programmé tous les ans à Noël, reste assez peu facile à appréhender! C'est un musical très moyen, une comédie certes charmante, mais pas vraiment révolutionnaire. Ce n'est pas non plus un film abominable, dans la mesure ou le metteur en scène a su mettre son savoir-faire indéniable au service d'une histoire et d'interprètes somme toute sympathiques, qui ont su injecter dans la production suffisamment d'énergie pour maintenir l'intérêt au moins poli du spectateur... Mais les fans de Michael Curtiz ne trouveront rien de très personnel à se mettre sous la dent; si ce n'est qu'une fois de plus, le metteur en scène Yankee doodle dandy (1941) traite le musical à l'encontre des lois et des possibilités établies en son temps par Busby Berkeley, qui ouvrait l'espace cinématographique en imaginant des coulisses délirantes, des extensions virtuelles folles à ses spectacles représentés à l'écran. Chez Curtiz, un spectacle musical supposé être présenté sur scène, est présenté sur scène, point final. Bien sur, il est clair que les scènes ou se produisent Crosby, Clooney, Kay et Ellen sont au moins élastiques, mais le metteur en scène prend bien soin de souligner dès son premier plan la tangibilité de son espace scénique, le fait qu'il s'agit bien d'une représentation dont il s'efforce de présenter la captation, laissant les artistes s'y débrouiller... Une manie (Paradoxale pour un auteur qui a toujours eu à coeur d'élargie l'espace visible par l'utilisation savante d'ombres Chinoises totalemet maîtrisées) qui remonte à Mammy (1930), et qui fait des musicals de Curtiz à la fois une énigme, et disons le tout net, une source assez fréquente d'un ennui poli.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Musical
15 décembre 2013 7 15 /12 /décembre /2013 13:44

Epopée imposante, marquée par le souffle et l'énergie communicative de son beau casting, Gangs of new York est un film un peu paradoxal, par bien des aspects. Projet de longue date d'un Martin Scorsese désireux de se frotter depuis toujours à des types de films apparemment hors de son canon (Et ils ont été nombreux depuis New York, New York!); le projet a eu des fortunes diverses, avant de se concrétiser sous l'impulsion de Miramax, qui ont poussé Scorsese à travailler avec des stars qu'on n'attendait pas, même si ce qu'on retient essentiellement de l'interprétation, c'est bien sûr la prestation fabuleuse de Daniel Day-Lewis, hallucinnant de bout en bout par sa justesse et la vivacité de sa création d'une brute magnifique. Et surtout, le film gagne en intensité par le fait qu'entretemps, la ville dont il nous conte une anecdote oubliée ait été la cible d'une attaque terroriste fortement médiatisée, qui a durablement changé notre façon de voir. Cette attaque est bien sur intervenue alors que le film était fini, ce qui ne doit pas être oublié, mais le rapport fascinant de Scorsese à sa ville, et à son pays d'une manière générale, n'en sont que plus évidemment justes.

C'est, en partie, cette justesse que le film transmet: Gangs of New York raconte en effet la vile d'avant la guerre de Sécession, un territoire déjà vaste, principale attraction de l'immigration de plus en plus massive, Babylone moderne dont les beaux quartiers et les ghettos ne se mélangent surtout pas. Il nous raconte aussi accessoirement, au milieu d'une guerre des gangs riche en anecdotes gouleyantes, en trahisons, filiations et stratégies, la montée d'un ras-le-bol de la population face à une guerre incomprise, qui va culminer en une semaine d'émeutes qui vont détruire des quartiers entiers, parmi les plus crapuleux de la ville. De fait, le mélange entre fiction et histoire est d'autant plus facile que dans le chaos des émeutes, une bonne part de la vérité historique a été tout bonnement perdue... Mais ces constatations ne font que renforcer une impression mitigée: ce film est aussi et surtout une somme de compromis, pour un réalisateur qui avait envie de voir aboutir coûte que coûte son projet.

On suit donc les aventures d'Amsterdam Vallon (Leonardo Di Caprio), le fils d'un immigré Irlandais qui est mort en défendant son territoire contre un chef de gang rival, Bill "Le boucher" Cutting (Day-Lewis). Lui et sa bande de 'natives' (Des Américains blancs 'de souche', comme on dit chez les obsédés de la race) cultivent le privilège de ce qu'ils estiment être une prérogative ethnique, celle d'être plus Américain que les autres. Particulièrement remontés, évidemment, contre les groupes d'immigrés les plus nombreux en ces années de famine en Irlande: les Irlandais au milieu du XIXe siècle étaient de loin les principaux arrivants. Les "natives"ont donc pris le contrôle des bas-fonds de la ville, et essaient à leur manière de construire une Amérique moderne, tout en se servant allègrement. Les deux hommes vont donc bien vite cohabiter, puis s'affronter, au milieu d'un tumulte grandissant.

Le film nait d'une violence terrifiante, lors d'une bataille qui surgit des profondeurs sales et enfouies des sous-sols des "five points", un endroit peu recommandable qui ne survivra pas aux émeutes. La bagarre ultra-violente est vue d'un petit garçon, le jeune Amsterdam qui va y être témoin de la mort de son père (Liam Neeson). Un début idéal, tragique voire biblique, qui trouvera de multiples échos dans le film, entre reconnaissance d'un héritage, besoin d'assouvir une vengeance, mais aussi transfert d'une paternité réelle (Neeson) vers une paternité symbolique (Day-Lewis). Scorsese utilise le moyen de la voix-off déjà si magnifiquement présentée dans Goodfellas, mais en ne s'attachant pas toujours à suivre le point de vue de Vallon. Les digressions historiques, journaux notamment, ou photographies de Matthew Brady intégrées ou non à la narration, pour permettre de rappeler le contexte brûlant de la guerre et de son effet sur une population de plus en plus prise en tenaille. Le film montre en particulier combien la politique de Lincoln (la guerre qui prenait les fils, mais aussi la mise à égalité des noirs et des blancs, très mal vécue) était loin de faire l'unanimité...

Mais au milieu de tout ça, Scorsese raconte à sa façon la "Naissance d'une nation", ou du moins d'une ville nouvelle. Reprendre le nom du film controversé de Griffith a du sens ici, puisque Scorsese en cite jusqu'à la structure, montrant au milieu du film une tentative d'assassinat en présence d'une effigie de Lincoln, dans un théâtre à l'imitation d'une séquence célèbre de The birth of a nation... Le rappel du cinéma antérieur, qui ne nous étonnera pas venant de Scorsese, est également complété par des allusions à Raoul Walsh (The bowery, Gentleman Jim). Scorsese s'est donc aussi fait plaisir, on ne s'en plaindra pas... Le grand regret, par contre, c'est que les frères Weinstein aient insisté pour que le montage de ce film soit plus serré, et qu'aucune version alternative plus longue n'ait été présentée au public; par moments, le découpage se ressent...

Fin d'une époque, aboutissement d'un projet de longue date, le film inaugure également une période durant laquelle Scorsese le touche-à-tout a été très fêté partout, présenté à Cannes, devenu en quelque sorte le porte-parole d'un certain cinéma de qualité. Cet aspect est également présent dans le film, avec la première interprétation de Di Caprio pour Scorsese, et bien sur Cameron Diaz. Il y a un côté grand film de luxe, qui nous perd parfois dans les méandres de ses 2h et 45 minutes, mais on est aussi devant un cinéaste qui réussit malgré tout à accomplir un projet personnel difficile en se renouvelant. et la suite sera passionnante, puisque Scorsese nous régalera avec The aviator, et The departed. La preuve que Di Caprio allait lui permettre de trouver du sang neuf. La preuve aussi que le vieux lion en encore pour une quatrième décennie des choses à dire... Et ce film le montre plus que tout autre, avec cette histoire de ville qui nait du chaos, replonge dans le chaos, pour mieux affronter les siècles.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Martin Scorsese
7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 15:08

Un instinct maniaque de reconstitution aussi complète, parfaite que possible, dans un univers aussi complexe que le cinéma, peut être une source infinie de reproches et réserves, et c'est probablement le principal aspect des crtiques souvent faites à Ang Lee, qui a au cours de sa carrière "internationale" reconstitué la Nouvelle-Angleterre des années 70 (The Ice Storm), Bethel en 1969 (Taking Woodstock), les sous-bois ce la guerre de Sécession (Ride with the devil), et j'en passe... Avec ce très beau film en forme de retour aux sources Chinoises de son art, il s'attaque à la recréation de l'occupation Japonaise de la Chine, donnant à voir une impressionnante version de Hong-Kong et de Shanghai entre 1938 et 1945... Mais bien sur ce n'est pas là l'essentiel du film, qui situe son action dans un passé palpable et hyper-réaliste pour mieux toucher du doigt un drame humain de plus... Lust, Caution (Littéralement, "La luxure, la prudence", deux mots qui sont bien un portrait des deux extrêmes dans lesquels les personnages évoluent) s'attache à décrire la vie d'une jeune femme, une étudiante qui découvre le frisson du jeu théâtral, et va aller au bout de l'interprétation, jusqu'à se perdre quand la vérité va s'en mêler.

Wong Chia Chi est une jeune femme un peu paumée lorsque les Japonais étendent leur domination sur la Chine avec l'intensification de la guerre. Elle intègre par hasard une troupe de théâtre menée par Kuang, un jeune agitateur idéaliste, devient une impressionnante actrice, trouvant dans un flirt permanent avec la réalité des émotions une source infinie d'inspiration. Mais lorsque Kuang, dont elle et amoureuse, décide de proposer à la troupe de quitter le théâtre pour utiliser leur art à des fins de résistance, elle le suit dans une opération risquée: infiltrer l'entourage d'un haut dignitaire de la Chine collaborationniste, Yee, afin de l'assassiner. Elle ne va pas tarder à attirer ce dernier qui décide la séduire. Le jeu va devenir dangereux, et Chong Chia Chi, au coeur de la tempête, va devoir aller très loin... Séduire un homme telleemnt rompu au jeu de la duperie qu'il semble impossible de s'en approcher, et se jeter corps et âme dans une relation brûlante qui rendra bien floues les limites du jeu et de la réalité.

Le film possède une structure globalement linéaire, mais un épisode situé vers la fin de sa chronologie est mis volontairement en ouverture du film: un moment durant lequel Chong, sous le nom de Mak Tai Tai, lance la dernière opération, qui va mener à la mort de sa cible, alors qu'elle l'attend dans un café. L'attente nous permet de la suivre dans un flash-back. On y apprend qui elle est, en l'occurrence: une jeune femme laissée au pays par un père qui a pris la fuite pour Londres avec son fils, en abandonnant derrière lui une fille dont il n'a que faire. La troupe de théâtre devient la seule raison d'être pour Chong, à plus forte raison quand il s'agit de séduire l'homme qu'elle aime. mais celui-ci ne se réveillera que trop tard. L'éducation sexuelle, à défaut de sentimentale, de celle qui se prétend une jeune mariée, mais est en réalité vierge, va passer par une épreuve filmée frontalement, de façon glaciale: puisque qu'il s'agit ouvertement de séduire un homme pour mieux l'éliminer, "Mak Tai Tai" va devoir perdre sa virginité, et vite. Le seul des étudiants théâtreux à être expérimenté se charge donc de la besogne durant quelques jours qui devront suffire à donner suffisamment d'expérience à la jeune femme. L'art théâtral, durant cette première partie, mène donc l'héroïne à un état proche de la prostitution...

La deuxième partie du film voit les ex-étudiants, dont la couverture bien fragile a failli être exposée au grand jour, rattrapés par une résistance bien mieux organisée, et tout naturellement, on leur demande de reprendre leur tâche là on ils l'avaient laissée. C'est à ce stade que la jeune femme semble faire définitivement don de son corps, et devient effectivement la maîtresse de Yee. Les scènes de leurs rencontres furtives possèdent une vérité rare (Qui a failli coûter très cher à l'actrice Tang Wei, dans un pays où on ne plaisante pas avec la nudité d'une actrice, et encore moins avec une représentation aussi explicite de l'acte sexuel), qui nous permet de comprendre la vérité des sentiments découverts par la jeune femme dans les bras de celui dont elle doit provoquer le meurtre... Il est inutile de dire que ce film à la beauté glacée et maniaque finit fort mal, par un choix sacrificiel de la jeune femme, qui entraînera la mort d'autres personnes. Le jeu, qui lui a permis de toucher sa propre vérité, a conduit la jeune femme à sa perte. Actrice, elle l'a été jusqu'à un certain point puisqu'elle a compris, lors d'un  rendez-vous avec l'homme qu'elle trahit, que celui-ci est arrivé à l'aimer plus que tout, et qu'elle a vu en son geste naïf (L'achat d'un énorme diamant) un reflet de son propre amour.

Avec des acteurs exceptionnels, Tang Wei bien sur, mais aussi Tony Leung aussi extraordinaire que d'habitude, le film palpite, regorge de moments intimes, liés au détail, non seulement d'une décoration maniaque, mais aussi de toilettes, vêtements, parfums, moments de calme (des parties de Mah-Jong, des salons de thé, etc) moments de suspense, moments de violence (Certains ébats se font dans la douleur). Un homme qui est généralement un monstre se révèle une créature fragile, complexe et contradictoire, prêt sans doute lui aussi à franchir la ligne de démarcation entre son camp et celui de ses assassins potentiels. Ang Lee ne fait pas de quartier, et comme pour The ice storm, nous a installés dans une fascinante reconstitution pour mieux asséner sa réflexion pessimiste, noire, ironique et si humaine sur des temps révolus et des passions extrêmes.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Ang Lee
24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 17:43

Au moment d'aborder son quatrième film lors de ses entretiens avec François Truffaut, Hitchcock sur la défensive part bille en tête sur l'hypothèse que Downhill est un fort mauvais film. Ce qui est étonnant, et Truffaut de son côté ne manque pas de le noter... Peut-être Hitchcock a-t-il difficilement digéré, après avoir réussi à imposer son style et ses idées dans un film entièrement fait selon son coeur (The lodger) de devoir à nouveau composer avec d'autres (Producteur, scénariste en vue, et pour couronner le tout, ce dernier est aussi l'acteur en vue de ce film...). On a pourtant ici un aspect plus qu'intéressant: le film parle après tout d'un thème qu'il a déjà abordé dans The lodger, et dont on sait à quel point il lui sera cher toute sa carrière durant: le faux coupable...

 

Roddy Berwick (Ivor Novello) est un jeune étudiant auquel tout réussit: son père est justement fier de lui. Mais un jour, tout bascule: une jeune femme qui travaille dans une boutique proche de l'université l'accuse d'avoir piqué dans la caisse; il ne l'a pas fait, mais connait le coupable, et pour l'honneur de l'université refuse de le dénoncer. Il est exclu, puis son père le déshérite... il doit quitter le confortable domicile familial, son avenir, et toute perspective de bonheur, tout ça pour rien... Il se retrouve vite dans la déchéance, fait un héritage imprévu qu'il va dilapider dans un mariage absurde, et va aller plus bas encore...

 

Les motifs de satisfaction ne manqueraient pas pour le jeune Hitchcock ici: d'une part, son désir de tout faire passer par l'image à l'instar de son maître Murnau se concrétise souvent, et avec d'excellentes idées; ensuite, il donne à voir un film bien de son temps, rythmé par une musique omniprésente, ce qui est étonnant pour un film muet! Et surtout, il donne vie au titre et à l'idée de déchéance qu'il contient, en montrant à l'issue de chaque nouvelle expérience Roddy Berwick sur une pente descendante, avec à chaque fois une nouvelle façon de le dire, toujours intégrée dans la dynamique de l'histoire: l'escalier chez ses parents, un escalator, un ascenseur, jusqu'à un escalier miteux dans une maison Marseillaise, ou une passerelle qui le mène, à demi-conscient vers un bateau.

 

Mais là ou on suivrait malgré tout le metteur en scène, c'est lorsqu'on s'aperçoit que toute cette déchéance repose sur du vide... Ce qui rend The lodger si fort, c'est l'ambiguité du personnage principal... Cette impression qu'il ne lui faudrait pas grand chose, comme tant de héros Hitchcockiens dont certains franchiront la ligne jaune d'ailleurs, pour être un vrai coupable. Roddy Berwick et son code d'honneur, coupable de rien, mais qui perd son droit d'appartenance au système de valeurs conservatrices hérité de dizaines de Lords hautains et condescendants, manque cruellement d'intérêt, aussi bien pour nous que pour un Hitchcock qui a si souvent dépeint la classe ouvrière Londonnienne avec tant d'esprit et d'affection. Et on serait parfois presque tenté de ricaner, notamment lorsqu'il tombe dans les griffes d'une chasseuse d'héritiers en mal d'épouse, interprétée par Isabel Jeans, accompagnée de l'excellent Ian Hunter qui joue son complice en affaires. Là se niche sans doute la raison du désamour d'Hitchcock pour ce film, et le fait qu'il s'agit quand même d'un long métrage mineur, assurément.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **
10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 13:58

1940: Six officiers Allemands sont en mission sur le sol Canadien. Ils doivent rejoindre la frontière Américaine (Située sur le 49e parallèle Nord), et doivent faire face à plusieurs dangers: d'une part, le Canada et l'Allemagne nazie sont en guerre. D'autre part, ils ont participé à la destruction de plusieurs navires, et sont activement recherchés. Sur leur chemin, les six vont faire de nombreuses rencontre, certains vont être ébranlés dans leurs convictions, d'autres vont commettre des véritables actes de barbarie. Ils vont aussi faire la connaissance de beaucoup de citoyens Canadiens de nombreuses origines: des Indiens, desFrançais, des Anglo-saxons... Tous sont différents, mais tous tiendront, chacun à leur façon, tête face à ces "envahisseurs".

Dernier film de Michael Powell scénarisé par Emeric Pressburger avant que les deux compères ne décident de brouiller les cartes en signant désormais "Ecrit, produit et réalisé par" suivi de leurs deux noms, cet étrange et envoûtant film de propagande est l'un des plus inclassables et les plus fascinants de leurs oeuvres communes. Un film dans laquelle la virtuosité des deux compères, que ce soit l'étonnante mine d'idées géniales de Pressburger, ou le génie de l'image de Powell, éclate au grand jour. Conçu autour d'un périple du nord vers le sud, 49th parallel semble presque laisser la parole à nos six Allemands, abandonnés par le sort (Leur sous-marin a été coulé) à un environnement hostile, dans lequel la remarquable organisation, la discipline de fer du lieutenant Ernst Hirth (Eric Portman) triompheront jusqu'à un certain point de tous les obstacles... C'est parfois de leur point de vue que l'essentiel de l'intrigue est montré, mais à aucun moment le spectateur n'est invité à les suivre dans ce qui est bien un égarement. Le réalisme de la mise en scène, conjugué à un montage exceptionnel signé de David Lean, qui a rendu tous les morceaux de bravoure encore plus forts par le dynamisme qu'il a su mettre en valeur, n'empêche pas le film de glisser en permanence vers l'allégorie: les six nazis, du début à la fin, rencontrent des citoyens Canadiens attachés à leur liberté, leur démocratie; des gens qui sauront trouver les mots justes, non pour convaincre les nazis, c'est peine perdue, mais pour rappeler au spectateur l'importance de ces valeurs. C'est que la cible principale de l'aspect propagandesque du film était bien sur le spectateur Américain, dont le gouvernement était encore à cette époque d'avant Pearl Harbor hésitant quant à la participation à cette guerre lointaine.

Le point de vue de l'ennemi représenté ici (Comme dans tant de leurs films) permet donc à Powell et Pressburger de nous montrer six Allemands (Dont cinq nazis invétérés, la nuance est importante), en proie aux délires d'Hitler et de ses suiveurs. A chaque mésaventure, ils vont perdre l'un des leurs, comme dans une comptine. Dès leur apparition, le ton est donné: le sous-marin vient de couler un navire Canadien au large du St-Laurent, et les marins accueillent les survivants; Hirth n'a aucune considération pour les simples marins, et veut s'adresser aux officiers; on retrouvera cette obsession maladive de la supériorité hiérarchique dans une autre scène, lorsque confrontés à une communauté religieuse égalitaire, Hirth n'a qu'une idée: trouver leur leader! Ils en ont bien un, mais il n'est absolument pas dirigiste, ce qui bien sur le déroute profondément. Tout au long du parcours, ils vont être confrontés à des hommes et des femmes épris de liberté (Finlay currie, Laurence Olivier), de fraternité et de justice clémente (Une communauté Huterrite d'origine Allemande menée par Anton Walbrook), d'art et de culture (Leslie Howard), et enfin de liberté d'expression (Raymond Massey). Lors du passage le plus beau sans doute, au cours duquel les quatre survivants de l'équipée (L'avion qu'ils ont volé au nord vient de s'abîmer dans un lac) arrivent dans la communauté religieuse, ils vont croire trouver du soutien, et ils pensent pouvoir prêcher auprès des habitants du village: ils sont d'origine Allemande. Mais leur raideur militaire détonne bien vite dans ce qui est une société autarcique douce et modérée, et un discours enflammé de rappel des préceptes nazis tombe à plat; pire, certains des membres de la communauté se sentent pris d'un sentiment à l'égard des nazis qu'ils avaient oublié: la haine. Bref, ces gens sont contagieux! Mais la leçon de la désastreuse et rocambolesque arrivée de quatre loups dans une bergerie se clôt sur une touche à la fois ironique (L'un des Allemands, boulanger avant l'avènement d'Hitler, retourne aux plaisirs des valeurs d'avant et cesse dêtre un nazi. Il est joué par le formidable Nial McGinnis) et tragique (Le boulanger est exécuté sommairement par ses camarades pour traîtrise).

Mêlant les regards juste et intelligent de deux artistes exceptionnels, et la mise en valeur de l'urgence de la situation par le montage, avec l'imposante présence dans le décor des montagnes rocheuses, des chutes du Niagara, bref de la nature canadienne, ce film oppose donc la tranquillité et la bonhomie du peuple Canadien aux sanguinaires militaires nazis, et dont la portée dépasse bien vite l'anecdote puisque la propagande Allemande va vite tenter de faire de cette épopée une preuve de l'héroïsme de ses soldats, seuls contre tous dans un pays hostile. pour autant il ne bascule jamais dans le manichéisme, ni l'alarmisme facile. On l'a vu, les nazis y sont dangereux, bien sur, racistes, militaires... Que des défauts qui les rendent effrayants, quoi... Mais ils sont surtout d'une bêtise affligeante, et assez faciles à contrer: seulement les héros qui se dressent sur leur chemin le font avec bon sens, en découvrant parfois leur courage de façon inattendue (Une très belle scène avec Leslie Howard); au final, les super-héros Germaniques ne sont que des cloportes sur lesquels il suffit d'appliquer un bon coup de botte bien placé. Il est toujours temps de le rappeler... Il sera toujours temps.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Michael Powell Criterion
10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 13:38

Sonny Steele (Robert Redford) est un "cowboy électrique", un ancien champion de rodéo qui a trouvé à son corps défendant une seconde carrière, puisqu'il participe à des spectacles en tant que caution publicitaire: il chevauche une monture, affublé de guirlandes électriques, pour faire la promotion de céréales matinales. Il boit: ce n'est pas une surprise, puisqu'il n'aime pas ce qu'il est devenu... D'autres indices permettent de le situer vraiment au plus bas, ayant divorcé entre duex conquêtes douteuses, perdu ses repères, sa passion pour les chevaux, etc... Mais deux évènements vont changer les choses: Hallie (Jane Fonda), une journaliste qui l'a repéré va essayer d'en savoir plus sur ce personnage exploité par une compagnie cynique; et un jour, en se rendant à une répétition d'un évènement publicitaire, il voit que le magnifique cheval qu'on lui a confié a été drogué, et maltraité. Il monte sur le cheval et s'enfuit, dans le but de permettre à l'animal de retrouver la santé et les grands espaces... La compagnie lance la police à ses trousses, mais Hallie est bien décidée à transformer l'anecdote en scoop...

 

Ce qui frappe de prime abord dans ce film, c'est sa construction, qui épouse la renaissance d'un personnage en même temps que d'autres évolutions positives: la découverte de l'humanisme de Sonny par Hallie, puis leur graduelle conquête l'un de l'autre, la réalisation par la compagnie victime du vol que le voleur, à savoir Sonny, va peut-être leur permettre d'engranger des bénéfices conséquents, et de faire semblant de s'acheter une conduite, et enfin la libération progressive du cheval qui va enfin pouvoir assumer en pleine nature sa condition d'étalon. Pollack passe ainsi de l'Amérique, fausse, de Las Vegas de 1979, de ses intérieurs en plastique ou le ridicule, le strass et le disco règnent en maîtres, à ces grands espaces magnifiques où l'imperturbable Sonny, qui retrouve ainsi sa vocation réelle, va conduire son ami, le cheval qu'il a volé. La comédie, les constrastes entre les personnages, mais aussi la tendresse sous-jacente, alliée à la dénonciation d'une Amérique qui se perd dans sa propre course au profit, permettent à Pollack, un an avant le superbe Bronco Billy de Clint Eastwood, d'ajouter sa pierre à un cinéma Américain qui renvoie directement à Frank Capra.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Comédie
4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 07:48

Whedon ne fait rien comme tout le monde, et même si c'est en train de devenir partie intégrante de son image publique, un peu de la façon dont auparavant Tim Burton par exemple a été labellisé puis absorbé dans le sillage de son propre culte, on aime cette vision décalée, cette façon de prendre Hollywood, et le monde de la télévision, avec une approche systématiquement différente. Mais jusqu'à présent, l'heureux papa de Buffy the vampire slayer et Angel, le bienheureux metteur en scène des Avengers, le géniteur presque secret de Dollhouse et Firefly a pu s'imposer en auteur, comprendre essentiellement en scénariste autant, sinon plus, qu'en réalisateur ou producteur: ce qui lie les 144 épisodes de Buffy, par exemple, ce sont les personnages, le contexte particulier, et le talent à mettre en mots les situations rocambolesques vues à l'écran. Des critiques ont d'ailleurs parlé de 'Whedonese' pour désigner le langage particulier, fait de mots ou expressions altérés, de timing parfait et d'invention burlesque utilisé pour verbaliser les apocalypses généralement mise en scène par le monsieur ou par les réalisateurs (Drew Goddard, Tim Minear, ...) des épisodes des séries concernées. C'est pourquoi on n'imaginait pas Whedon s'attaquer à Shakespeare. Non pour des questions de noblesse ou d'intellect, ou quoi que ce soit d'autre, la culture du monsieur ne faisant aucun doute, mais envisager un film de Joss Whedon dont ce dernier n'aurait pas assuré ou supervisé le dialogue était jusqu'à présent bien difficile. Comment du reste imposer à un film adapté d'une comédie de Shakespeare une réplique aussi établie que le fameux "We've got a Hulk" de Iron Man (The avengers), ou le magnifique échange entre Nathan Fillion et Alan Tudyk qui ouvre Serenity:

 

Wash (Tudyk): This landing is gonna get pretty interesting.

Mal (Fillion): Define "interesting".

Wash: Oh God, oh God, we're all going to die?

 

(Wash: cet atterissage va être particulièrement intéressant.

Mal: Donne-moi une définition de "intéressant".

Wash: "Mon dieu, mon dieu, nous allons tous mourir!")

 

Donc, dans ce film tourné dans sa propre maison de Santa Monica, avec des acteurs qui sont venus vêtus de leurs propres habits (Comme pour la web-série Dr Horrible), Whedon a tourné en douze jours avec une équipe réduite, en vidéo numérique et en noir et blanc, une adaptation de Much ado about nothing, "beaucoup de bruit pour rien", l'une des plus connues, et plus réjouissantes, comédies du barde. Les acteurs ont été choisis comme d'habitude par Whedon, en raison de leur capacité à varier les émotions, et si la plupart sont issus de la comédie, beaucoup viennent de la télévision, et ce ne sera pas une surprise quand on connait Whedon, une grande partie d'entre eux viennent justement de l'univers Whedonien: pour commencer, les deux principaux acteurs, Amy Acker (Beatrice) et Alexis Denisof (Benedick) ont déjà incarné une paire amoureuse comique et compliquée avant que ça ne vire au noir, dans la série Angel; les deux 'adultes', Leonato et le prince Pedro, sont interprétés par Clark Gregg (The Avengers) et Reed Diamond (Dollhouse). Fran Kranz (Dollhouse) est ici Claudio, le fougueux amoureux d'Hero, et Sean Maher (Firefly) est le méchant Prince félon qui va précipiter le drame... On se réjouit de voir Nathan Fillion (Firefly, Buffy) et Tom Lenk (Buffy) se partager les rôles des pandores profondément stupides, qui malgré eux et malgré leur lourdeur font grandement progresser l'action tout en commettant d'odieux crimes contre la langue Anglaise...

 

Rappelons l'intrigue de cette pièce, située à Messine dans l'original, et visible à Santa Monica, de nos jours dans le film: lors d'une fête organisée pour le retour des héros de la guerre, le prince Pedro est venu avec le jeune Claudio chez son ami Leonato. Claudio tombe amoureux de la fille de celui-ci, Hero, et Beatrice la cousine de cette dernière se fait une fois de plus remarquer par ses chamailleries constantes avec Benedick, un des valeurreux compagnons de Pedro. Tout en arragent le mariage de Claudio et Hero, la compagnie va pousser les deux querelleurs impénitents à reconnaitre leur amour...

 

Ce n'est pas la première fois que Much ado about nothing est adapté au cinéma, avec un changement d'époque à la clé. La plus connue des versions précédentes, celle de Kenneth Branagh (1993) était tournée en Toscane, située vaguement dans un XIXe siècle approximatif, et comptait dans sa distribution un mélange déjà aventureux d'Américains et d'Anglais. Mais cette nouvelle version plaque le texte de Shakespeare sur une situation moderne, et de fait, ici, pas de tricherie (A part le recadrage inévitable d'une réplique attaquant les Juifs dans le texte original, impossible à justifier, et hors contexte de toute façon, et une légère condensation du texte original): c'est du Shakespeare pur jus. Mais la nouveauté, c'est qu'aucun des acteurs Américains ici présents ne tente de se faire passer pour Anglais, et que le texte passe très bien, sans heurts, de façon, mais oui, naturelle. Force reste bien sur à la comédie, que Whedon a su rendre très visuelle (En laissant Denisof et Acker faire l'essentiel du travail de comédie corporelle), et l'énergie déployée par tous, ainsi qu'une technique essentiellement de caméra à l'épaule (Dans une vraie maison, ce qui a du poser de nombreux problèmes techniques, n'en doutons pas) finissent par donner une robuste version d'une comédie déjà alerte. Contrairement à Branagh qui profitait de décors grandioses situés autour  de la belle propriété dont il faisait le théâtre des opérations, jamais Whedon et ses acteurs ne sortent de la maison et du petit (Tout est relatif) jardin attenant...



Parler de l'amour en des termes moins noirs qu'à l'habitude, c'est ce que Shakespeare aura permis à Whedon de faire ici, puisqu'on sait que l'une des lois qui régit le petit monde de l'auteur de Buffy, c'est que lorsqu'une histoire permet à un couple de vivre heureux ou d'exprimer leur amour dans l'espoir de le partager longtemps (Willow, Tara; Wash, Zoe; Angel, Cordelia...),  le désatre est inévitable. On aurait assez facilement attendu que Whedon s'attaque à Romeo and Juliet, bien sur! Pourtant, dans cette pièce, le barde William Shakespeare montre au contraire deux amours contrariés qui vont éventuellement triompher des barrières qui viennent se dresser devant les couples. Mais devant ce qui est bien sur la peinture d'une crise, on devine quelques secrets inavouables. Pour commencer, de quelle guerre reviennent ces messieurs en costumes, qui sortent de limousines dans lesquelles des pandores patibulaires les accompagnent? Ou sommes-nous exactement, et qui sont ces 'voisins' subalternes qui veillent au grain, agents de sécurité, agents secrets? Ensuite et surtout, Whedon a donné corps de façon insideuse à une réplique de la pièce, qui laissait entendre que Benedick et Beatrice avaient déjà été atirés l'un vers l'autre avant de devenir des querelleurs impénitents. Un flashback qui les montre faire l'amour confirme que les deux tourteraux, qui vont répondre de façon positive à leur affection mutuelle essentiellement par le biais d'un stratagème de leurs amis, n'en sont pas à leur coup d'essai. Et l'ouverture du film, détachée de tout contexte, nous montre un Benedick sombre qui quitte le lit de Beatrice, un matin. Ils se sont disputés, sans doute. Mais cette scène d'ouverture, qu'aucune explication ne viendra nous permettre de situer, est-elle supposée s'être passée avant ou après le film? Nul ne le saura, évidemment...



Aucun besoin d'appropriation de toute façon dans ce qui est une respectueuse expérience: Much ado about nothing est un film-hommage, à Shakespeare, et aux possibilités ouvertes du cinéma, permettant de passer du tournage monstre d'un blockbuster (The avengers) à la confection en douze jours d'une petite adaptation, tournée avec des amis chez lui. Et en prime, c'est un hommage amusé et amoureux aux acteurs qui sont tous venus en amis, et ont pris un malin plaisir à relever le défi, non seulement de parler le Shakespeare avec talent, mais aussi de s'exposer à des critiques qui ne manqueront pas de venir tenter de prouver que ce film n'était comme dit la formule consacrée, "ni fait ni à faire". Peu importe, car le résultat, dans un noir et blanc numérique qui ne s'imposait sans doute pas au-delà du marquage net d'une différenciation du film par rapport aux sagas de science-fiction qui ont fait la célébrité de Whedon, est une réussite, un film attachant, plein d'énergie, drôle au-delà du plaisir de retrouver des têtes familières dans des rôles inattendus. C'est un plaisir de cinéma, de texte aussi, qui réussit à laisser la pièce de Shakespeare à sa dimension de comédie impertinente, spirituelle, et physique.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Joss Whedon Shakespeare
1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 12:07

Après un film controversé (La piel que habito), mais qui reste l'un de ses plus intéressants à bien des égards, Almodovar s'autorise une sorte de pause, en forme de retour en arrière: retour pour commencer tant dans la thématique que dans le style. Une comédie, donc, truffée de provocations en tous genres, et confectionnée, une fois n'est pas coutume, avec l'aide d'effets spéciaux. Pas de film-matrice derrière l'intrigue cette fois, mais comme dans Volver qui prenait comme point de départ un synopsis inspiré d'une histoire entendue dans La fleur de mon secret, Les amants passagers est le titre d'un film dont on voit l'affiche dans La Mauvaise éducation... Par ailleurs, on assiste ici à une parodie évidente des films catastrophes, façon The high and the mighty, de Wellman. Comme ce dernier, le film d'Almodovar se passe pour l'essentiel de l'intrigue dans un avion en route pour le Mexique, mais un souci technique va obliger l'appareil à faire du surplace en attendant qu'une piste d'atterrissage soit disponible pour l'accueillir. Pendant ce temps, une passagère douée de pouvoirs de prédiction met la pagaille en disant qu'elle a pressenti de gros problèmes à venir pour la plupart des passagers; elle a aussi, sur une note plus privée, ressenti la certitude qu'elle allait perdre sa virginité dans l'avion. De leurs côté, l'équipage composé de deux pilotes et trois stewards (Tous les trois gays) va distribuer et consommer moult produits euphorisants, et un pilote va faire son coming-out de façon assez spectaculaire. Quant aux autres passagers, certains vont changer radicalement leur vie, d'autres vont changer leur façon de voir, et d'autres vont avoir des rapports sexuels dans l'avion...

La presse a été plutôt maussade sur le film, pourtant cohérent et soigné. La durée plutôt courte du film (90 minutes), l'apparition d'un grand nombre d'acteurs d'Almodovar (Lola Duenas, Cecilia Roth, ou encore Antonio Banderas et Penelope Cruz, une fois de plus enceinte, pour une petite apparition tous les deux), son côté "accessoire" (une comédie légère, impertinente et auto-référentielle) ne doivent pas nous faire oublier d'une part que la rigueur acquise par Almodovar, surtout depuis l'écueil de Kika, est bien au rendez-vous, et que cette accumulation d'expériences, bien qu'interrompue comme aux temps héroïques des 80s par un numéro musical hilarant (Et plus gay que jamais, on ne se refait pas!), sonne comme un échantillonnage concentré des thèmes de prédilection de Pedro Almodovar, certaines anecdotes auraient après tout pu être développées en des films à part entière: l'acteur qui fuit les femmes sur lesquelles il a une désastreuse influence, l'ex-star du porno qui tombe amoureuse du tueur payé par une épouse trompée pour la tuer, ou encore bien sur l'adorable Lola Duenas en fil conducteur, un Puck qui aurait autant à gagner de l'expérience que les gens qui l'entourent, et qui découvre la sexualité dans un avion en perdition, preuve que la vie continue en toutes circonstances, et qu'il ne faut surtout pas oublier ni la bonne humeur, ni le sexe.

Sage vision des choses.

Partager cet article
Repost0
Published by Allen john - dans Pedro Almodovar
31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 18:50

Stanley Donen est assurément l'un des metteurs en scène les plus inclassables qui soient, même si on l'assimile le plus souvent à la comédie musicale; il est vrai que Singing in the rain trône aisément sur le reste de sa filmographie, et qu'on y voit aussi des perles, telles que Royal wedding, Funny face ou On the town (Ce dernier, comme Singing in the rain, co-dirigé avec Gene Kelly). Mais les années 60 lui ont permis de faire la preuve de son impressionnante versatilité et de son sens esthétique hors du commun, avec des films aussi divers et dissemblables que Charade, Arabesque, Bedazzled... Et Two for the road. Son film préféré, et un bilan personnel en forme d'expérimentation fabuleuse.

Un couple marié passe ses vacances en France... Tous les ans. Et la narration s'offre le luxe de ne pas s'arrêter à la linéarité chronologique, passant au gré d'un stream of consciousness rare et rarement aussi réussi, d'une époque à l'autre, en pratiquant avec bonheur l'association d'idées. Les deux héros, Audrey Hepburn et Albert Finney, nous racontent ainsi l'histoire mouvementée de leur mariage, sachant qu'un mariage n'est narrativement intéressant que s'il y bien des choses à dire...

 

Dire que Donen croyait s'en tirer à bon compte avec ce film, et le tourner en un rien de temps! Mais il fallait tourner toutes les époques dans des lieux précis, le même à chaque fois, et amener avec la troupe les voitures, toilettes, coiffures etc... qui permettent au spectateur de s'y retrouver. Et le film impliquait nécessairement aussi bien des lieux authentiques (Aucun plan tourné en studio, ici!) que des acteurs qui ne pouvaient se faire remplacer, l'adhésion du spectateur était à ce prix. Au final, ce film inclassable et irracontable est la fidèle démonstration des complications d'un mariage ni plus réussi, ni plus raté que n'importe lequel, avec ses hauts et ses bas. Et il est aussi troublant qu'attachant.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Stanley Donen
29 octobre 2013 2 29 /10 /octobre /2013 22:21

On est bien peu de choses... En 1931, la Paramount et la MGM se livrent une lutte acharnée pour la suprématie du cinéma que l'on se devra de qualifier de sophistiqué, un mot qui veut tout, et rien dire en même temps... Aux premières loges, Garbo et Dietrich, les deux femmes aux vies sexuelles aussi mystérieuses que perturbantes, aussi floues que permissives, et pour les servir, des films qui sont autant d'écrins...

A ce stade, Marlene Dietrich gagne au moins sur deux tableaux: D'une part, la Paramount croit en elle, et d'autre part, elle est protégée par son amitié et son exclusivité pour le réalisateur Sternberg, pas Garbo, qui n'a pas pour elle de réalisateur attitré, et doit se fier uniquement à sa chance. Elle n'en a d'ailleurs pas beaucoup en 1931: c'est l'année de Mata Hari, de George Fitzmaurice. Pas un chef d'oeuvre, non, mais un film, disons, notable...

Mais la réaction de la Paramount est plus qu'intéressante: Sternberg met en chantier un film qui, de véhicule un peu impersonnel (Une espionne Autrichienne se meurt d'amour pour l'homme qu'elle a suivi et qui a failli la faire arrêter, elle lui permet de s'évader en pleine guerre, et va devoir répondre de son acte), se mue en tragédie érotique: Marlene Dietrich semble vivre pour Victor McLaglen un amour exclusif, malsain, qui exclut toute autre considération, aidée par la mise en scène exceptionnelle de Sternberg.

Ce dernier laisse comme deux ou trois ans auparavant, avant le grand cataclysme du parlant, parler l'image autant que possible, dans des scènes qui brillent autant pour leurs non-dits que pour le baroque qui s'y déploie; une fête où tout le monde est masqué, par exemple, voit les protagonistes (Dietrich, McLaglen, Warner Oland) ne communiquer que par gestes... et pas serpentins. La lenteur calculée, sensuelle et fataliste, mène immanquablement à la tragédie: le film s'achève, bien sûr, sur une exécution inoubliable. Un dénouement dans lequel le cinéaste abat, de façon inattendue, une carte pacifiste, provoquée par l'affection d'un jeune sous-officier pour celle qu'il a pour mission de tuer...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Pre-code Josef Von Sternberg