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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 février 2019 6 23 /02 /février /2019 11:05

Une fois indépendant, Griffith a commencé à réaliser systématiquement des longs métrages, de 6 bobines pour commencer, qui se sont succédé jusqu'à l'été. Le dernier d'entre eux, après les expériences de Home sweet home (film à sketches) et Battle of the sexes (adaptation de pièce de théâtre) est aussi un film bien curieux. Inspiré de Edgar Poe, un auteur éminemment Américain auquel le metteur en scène vouera longtemps un culte, le film se situe pourtant dans l'Amérique contemporaine, et plutôt que d'adapter un récit ou un poème précis, Griffith a amalgamé un certain nombre d'événements tirés de divers contes, nouvelles et poèmes. L'histoire est celle d'un enfant gâté par son tuteur et qui, devenu adulte, ne supporte pas que celui-ci lui refuse d'épouser celle qu'il aime. Pris de dépit, il l'assassine et emmure soigneusement le cadavre, et devra ensuite être tourmenté par sa conscience, par un détective un peu trop malin, et par un maître-chanteur Italien.

Les acteurs sont tous tirés de la troupe de Griffith, et à l'exception de Blanche sweet (Qui n' a pas grand-chose à faire ici, hélas) se retrouveront dans le film suivant: Walthall est le héros, assez convaincant. Spottiswoode Aitken joue l'oncle, affublé d'un bandeau sur l'oeil. Ralph Lewis est le détective, et George Siegmann l'Italien (forcément louche, un navrant signe des temps). Quant à Mae Marsh et Bobby Harron, Griffith les a placés pour un intermède comique qui ne s'intègre pas très bien à l'ensemble. Le résultat est, disons, bizarre, mais pas sans qualités: l'idée d'intégrer des éléments d'horreur dans un drame bourgeois donne lieu à une série de surimpressions, trois ans avant The whispering Chorus de DeMille, qui sont moins virtuoses, mais bien dosées: Bitzer a bien relevé le défi ici. Griffith utilise à merveille le montage, c'est bien connu, et on n'est pas déçu: les scènes spectaculaires intègrent de façon dynamique des gros plans qui relaient efficacement le suspense: outre un gros plan des yeux de Walthall torturé par la culpabilité (Il voit partout le fantôme de son vieil oncle), il y a aussi utilisation de plans des pieds d'un personnage pour souligner la nervosité, etc... Griffith fait même jouer pour un plan les mains de Lewis et Walthall, avec un effet de précision. C'est, bien sur, dans les deux dernières bobines que le feu Griffithien se déchaîne: montage parallèle, élargissement du cadre, accélération de l'action, meurtre, morts violentes, suicide... (Pas de train, par contre!) Honnêtement, l'attente est un peu longue, mais elle en vaut la peine...

Certes, Griffith se cherche encore en 1914, mais le film, s'il est souvent gauche, est une bonne surprise: on n'attendait pas vraiment Griffith sur le terrain du fantastique, et il ne s'en tire pas si mal. Et puis, avant de devoir se replonger dans le tumulte et la salissure du film suivant, The Birth of a Nation, ce petit conte est assez ravigorant.

 

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Published by François Massarelli - dans 1914 David Wark Griffith Muet *
22 février 2019 5 22 /02 /février /2019 11:39

Dans Le rail, on a essentiellement quatre personnages, et un décor assez limité. Et surtout, c'est suffisamment répété dans l'histoire du cinéma, on n'a pas d'intertitres, enfin si: un seul... A part celui-ci, toute la communication non visuelle est ici limitée à la mention des actes et leur fin (chaque acte étant un des cinq jours de l'action), et à un télégramme.

Werner Krauss interprète un garde-barrière saisi dans sa routine. Il vit avec sa femme ( Hermine Straßmann-Witt) et sa fille adulte (Edith Posca); le quatrième personnage est un inspecteur des chemins de fer (Paul Otto), dont un télégramme annonce l'arrivée à la fin de la première journée. Il s'installe et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il séduit la jeune femme. Quand l'épouse les surprend, elle s'enfuit dans la neige et meurt en priant...

Tout le film, le premier d'une trilogie célèbre, est affaire de jeu : jeu d'acteurs, bien sûr, dont le style sera ensuite connu sous le nom de Kammerspiel, théâtre de chambre. La situation est aussi quotidienne, aussi banale même que possible, mais interpelle le spectateur par l'intensité du drame, soutenue par l'intensité du jeu des acteurs. Celui qui se détache du lot, c'est bien sûr Werner Krauss, auquel on peut faire confiance pour en faire des tonnes. Le résultat global est, comme on dit dans ces cas-là, intéressant. Somme toute, comme peut l'être Der letzte Mann, de Murnau, un film dont j'avoue que je ne le porte pas dans mon cœur ! Une expérience, donc, qui sera de courte durée : les metteurs en scène Allemands, Murnau en tête, finiront par admettre qu'il est difficile de se passer d'intertitres.

Le film garde son intérêt historique, et est une bonne illustration de la mainmise des scénaristes sur le cinéma Allemand des années . D'une certaine façon, Carl Mayer, qui va bientôt gagner une réputation phénoménale, est un peu l'anti-Thea Von Harbou... Ce qui ne l'empêchera pas de s'embourber.

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Published by François Massarelli - dans 1921 Muet *
16 février 2019 6 16 /02 /février /2019 16:50

Après tant de films perdus (Les cinq premiers, à l'exception de quelques secondes de Satanas, une scène de séduction peu probante et dont la sensualité cadre mal avec le cinéma de Murnau tel qu'on le connait) on peut enfin voir l'un de ces petits drames que le metteur en scène a tourné avant la consécration qui viendrait de sa collaboration avec Erich Pommer, et pour un film seulement, d'un rocambolesque mais décisif séjour dans les Carpathes. Après avoir quasiment tourné en amateur pour l'acteur Ernst Hoffmann, et collaboré avec Veidt sur deux autres films, c'est à nouveau avec le grand acteur de Caligari qu'il va mettre en scène ce sombre mélodrame, sur un script du, en partie, à Carl Mayer, qui travaille pour la deuxième fois avec Murnau. 

Eigil Börne (Olaf Fonss) est un médecin qui a dédié sa vie à son métier, et qui a rencontré le succès. Sa fiancée Hélène (Erna Morena) souffre en silence, elle qui nourrit une passion qui la dévore de l'intérieur pour son grand homme, mais ne souhaite pas trop le presser de se marier, afin qu'il se consacre à son métier. Mais un soir au théâtre, il rencontre la danseuse Lily (Gudrun Bruun Stephensen), qui lui tend un piège pour qu'il tombe dans ses bras: elle feint d'avoir mal aux jambes. Ils deviennent amants, et Eigil va rompre ses fiançailles avec Hélène afin de se marier avec Lily. Ils quittent la grande ville pour s'installer dans un petit village au bord de la mer; là, Eigil soigne un homme, un peintre devenu aveugle (Conrad Veidt). Après qu'une opération a réussi, Eigil tente de calmer ses remords vis-à-vis d'Hélène en lui rendant visite, mais il ne la verra pas; par contre, pendant son absence, Lily et le peintre tombent follement amoureux l'un de l'autre... 

Le sixième film de Murnau nous montre que si le metteur en scène en est encore à faire ses gammes (Le film étant un drame symbolique bien dans l'air du temps), il a ici des idées qui resteront: une façon d'utiliser à la fois les décors intérieurs des maisons et les extérieurs, notamment la nature pour suggérer des émotions ou des caractères, ce qui bien sur sera porté à sa plus noble expression dans le reste de l'oeuvre, dès Nosferatu. le film est aussi déjà remarquable par la façon toute personnelle d'aborder la peinture de l'échec sentimental, à travers un rectangle amoureux dans lequel ses quatre personnages sont prisonniers jusqu'à la fin du film. Ici, le destin se confond avec l'impossibilité de l'amour... A toutes fins utiles, rappelons que le film n'est pas, pas plus que ne le serait Schloss Vogelöd, voire Nosferatu ou Marizza pour en rester à des films de la première partie de la carrière du cinéaste, un film "expressionniste", même si la présence de Conrad veidt, après Caligari, rend possibles quelques apparitions de jeu et de détails qui renvoient aux expériences alors en vigueur: Murnau n'y sera sensible que parfois, préférant développer sa propre dramaturgie et sa science très personnelle de l'utilisation de l'espace, qui rappelons-le, mène à la maîtrise formelle des années 1924 à 1927: beaucoup de choses sont ici en germe...

Pour commencer, le film a beau installer un drame bourgeois qui verra évoluer un homme d'une femme à l'autre, Olaf Fonss a beau interpréter un médecin dédié à son art qui se rend malgré lui irrésistible, au moins momentanément pour deux femmes, le fait est que le docteur va souffrir: les premières scènes le montrent insensible à la passion évidente d'Hélène, dont la position dans la première moitié du film fait d'elle une "soeur Anne", à la fenêtre pour le guetter en permanence, qui ne verra jamais rien venir. Les deux fiancés, montrés dans la première séquence, sont séparés par le montage, et lorsque le médecin revient d'une entrevue pleine de promesses avec Lily, il propose le mariage à Hélène comme on passe la corde au cou. Il se ravise, et la quitte, en descendant un escalier: descente aux enfers, bien sur, qui sera à la fin relayée par une autre descente, celle de Lily après la consultation finale... Mais aussi par un plan du même escalier après la révélation de la mort de Lily: le médecin entame l'ascension qui le renverra aux côtés d'Hélène, avant de se raviser. Lily, au début du moins, est l'antithèse de l'ombrageuse Hélène qui ressent les effets du désir mais se refuse à l'exprimer (Du moins le spectateur sait-il à quoi s'en tenir!), et elle n'a aucun problème lorsqu'elle décide de jeter son dévolu sur le médecin (Qu'un cadrage approprié lui associe durant les scènes de la représentation de la danseuse). Son langage corporel, son exubérance et son naturel en matière d'expression des sentiments seront même repris par le médecin lui-même. Mais après l'apparition du peintre, la jeune femme est vue, dans la maison près de la mer, entre deux fenêtres, comme Hélène avant elle restait Gang in die Nacht 1face à une ouverture symbolisant l'éventualité de l'arrivée du médecin, Lily est comme désignée par le destin pour participer à un adultère, coincée entre son affection pour son mari, et la fascination engendrée par l'étrange aveugle... Celui-ci, joué par Veidt, est forcément très impressionnant à regarder; il arrive du reste comme Nosferatu, et comme le vieux Hitu dans Tabu, par la mer, sur une barque qui accoste lentement, l'homme debout sur le bateau étant à la fois une menace et un inéluctable signe du destin, d'ailleurs souligné par un cadre dessiné par l'arche d'un pont dans le champ de la caméra...

Donc Murnau explore déjà le destin contrarié d'un amour passager, dont la première victime va, à l'instar d'Hutter, littéralement mettre les deux amants dans les bras l'un de l'autre: lors d'un dîner organisé entre les deux époux et le peintre qui vient grâce au médecin de recouvrer la vue, le docteur Eigil met littéralement les deux futurs amants en contact, et scelle même leur union sans le savoir en partageant le vin avec eux. Ironiquement, lui qui vient de donner a vue à un non-voyant, qui était aveugle au trouble sensuel d'Hélène, est désormais aveugle face à l'inéluctable rapprochement entre le peintre et Lily, surtout que le jeune homme a vu la femme de ses rêves... Le peintre aveugle, bien que considéré comme un intrus dans le déroulement du film, un homme par lequel le scandale va arriver, est sans doute considéré par le scénario de ce film comme l'amant destiné à Lily, Eigil Börne devenant juste un instrument du destin: il est celui qui va, l'espace d'un instant, permettre le rapprochement des amoureux par le fait de donner la vue à cet homme, qui va ainsi voir la femme de sa vie. Et Lily, danseuse, qui demandait à Eigil si il l'estimait en tant qu'artiste, va de fait se trouver des affinités avec le peintre. Eigil est donc écarté, comme Hutter, et comme Matahi le seront plus tard dans l'oeuvre, de l'accomplissement nécessairement tragique de la destinée de sa bien-aimée... 

La nature de ce film, situé pour une bonne part sur les rives de la mer du nord, renvoie inéluctablement à Nosferatu. Comment ne pas penser à ces plans fascinants d'Ellen pensive devant les vagues, quant on voit ici les jeunes mariés se laisser aller à quelques images de bonheur, dans le vent? Mais si le film, comme je l'ai déjà dit, préfigure la suite de l'oeuvre par tant d'aspects, il est aussi et surtout une oeuvre de jeunesse qui se trouve au confluent de deux tendances: d'une part le désir d'images de Murnau, dont le sens de la composition est déjà fort aiguisé, et dont l'envie de tirer parti des décors et de la nature se manifeste dans chaque plan ou presque; et d'autre part le cinéma Allemand de l'époque, sous l'influence Danoise pour une large part (Ce sombre mélodrame dans lequel les protagonistes meurent ou sont voués à la solitude), mais sans céder de façon trop évidente aux sirènes expressionnistes, présentes certes, mais pas au détriment de tout le reste. Comme on le sait, c'est une voie très personnelle que le metteur en scène s'apprêtait à tracer, et dont il esquissait les contours avec ce film,faisant montre de ce qui est une solide assurance...

Pour finir, une note d'espoir: après des années de purgatoire (le film a été considéré comme perdu, puis retrouvé dans une copie privée d'intertitres, puis re-titré, mais sans grande conviction, pour les rares passages en cinémathèque, puis enfin retrouvé dans une version décente) et doté de titrages appropriées et enfin restauré en bonne et due forme, par la cinémathèque de Munich dans une version tellement belle qu'on doute parfois qu'il s'agisse d'un film de 1920. Cette merveille est sortie sur un DVD (seulement, mais il est très soigné) et fourni en sous-titres Anglais et Français, et c'est une merveille. 

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Published by François Massarelli - dans Friedrich Wilhelm Murnau Muet 1920 *
24 décembre 2018 1 24 /12 /décembre /2018 11:12

Lotus Flower (Anna May Wong) aurait tout pour être heureuse, si d'aventure elle n'avait croisé la route de l'étranger (Américain) Allen Carver (Kenneth Harlan)... Ayant manqué de se noyer, le riche jeune homme a été sauvé par l'intervention de la jeune femme et celle ci n'a eu aucun mal à interpréter l'idylle qui s'ensuivit comme une véritable histoire d'amour. Mais à son départ pour les Etats-unis, Carver doit se plier aux convenances, et il laisse donc derrière lui celle qui va continuer à se croire sa femme, à plus forte raison parce qu'elle est enceinte...

Le script de Frances Marion doit beaucoup à Mme Butterfly, l'opéra de Puccini, avec ceci de changé que le film est situé en Chine et non au Japon. Pour le reste la scénariste a adroitement adapté l'histoire mais si celle-ci adopte pour une large part le point de vue de Lotus Flower, la morale revient quand même à la sempiternelle prudence à l'égard des mariages inter-ethniques... Ca reste donc frileux, avec une bonne base de tragédie, mais le résultat final, assez linéaire, reste une miniature. La mise en scène de Chester Franklin, conformément à son style, est tout sauf notable, mais elle est évidemment fonctionnelle: c'est tout ce qu'on lui demandait, après tout!

Mais le principal intérêt du film, bien entendu, est ailleurs: la couleur. C'est le premier film en Technicolor qui fut vraiment satisfaisant, et qui grâce à la Metro, a bénéficié d'une distribution décente, et a obtenu un succès significatif. Une grande date, techniquement parlant, et honnêtement, le rendu est efficace, avec des teintes d'une authentique poésie... Rien que pour ça, un détour occasionnel s'impose.

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Published by François Massarelli - dans 1922 Muet Technicolor *
24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 09:39

Mahlee (Alla Nazimova) est la fille (illégitime) d'un Américain de passage à Pékin, et elle n'a jamais connu ni son père (parti peu de temps après sa naissance) ni sa mère (morte en la mettant au monde). Ni blanche, ni Chinoise, elle souffre en particulier des moqueries qui l'accompagnent partout: le père, avant de partir, a formellement interdit qu'on lui raccourcisse les pieds durant sa croissance, et toute la ville la rejette parce qu'elle a des "pieds diaboliques". Mais au-delà de cette situation de rejet, c'est la vraie place de Mahlee qui est l'enjeu du film, et du personnage. A la mort de sa grand-mère, elle est recueillie par une mission, et finit par se considérer comme une occidentale. Jusqu'au jour où des Américains en visite arrivent à Pékin, parmi eux, le père de Mahlee, et sa fille, qui ressemble de manière troublante à l'héroïne. Pour le malheur de celle-ci, sa vraie place va lui être révélée...

Mené tambour battant par l'interprétation (double, vous l'aurez compris) de Nazimova, le film fait partie des productions les plus remarquables, et remarquées (il a eu un énorme succès à sa sortie) de Capellani aux Etats-Unis. Le réalisateur, parti en 1915, tournait alors pour la compagnie Metro (dont nous reconnaissons d'ailleurs l'acteur vétéran Edward Connelly qui tournera ensuite pour Rex Ingram, Tod Browning et d'autres), et nous donne à voir un film plastiquement superbe, avec des décors impressionnants d'efficacité. Il réussit à détourner certains codes du mélodrame et évite le racisme, en renvoyant dos à dos les préjugés des uns et des autres. Noah Beery y interprète son rôle favori, celui d'un homme Eurasien qui va entraîner Mahlee avec lui dans la spirale de la violence, mais surtout menace de la violer à tout bout de champ! L'interprétation de Nazimova, subtil mélange de ballet et d'observation, est la meilleure création de l'actrice que l'on puisse voir, bien différente de son horrible Salomé.

Réalisé clairement en étroite collaboration entre le metteur en scène et sa star, ce film séduisant est non seulement une preuve supplémentaire de l'importance de Capellani, c'est aussi un film de femme, une production qui permet à une autre sensibilité de s'exprimer, avant même les années 20, et contemporain des oeuvres de Lois Weber ou Nell Shipman. Et pour couronner le tout il est foncièrement distrayant et superbement accompli.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Albert Capellani 1919 Alla Nazimova *
12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 15:12

Deux hommes, l'un un noble, poète de profession (Georges Pomiès) et l'autre son valet (Michel Simon), sont appelés sous les drapeaux. Une soirée organisée par la maman de Jean Dubois D'ombelle, à laquelle était invité une huile de l'état-major, a eu l'effet contraire à ce qui était escompté, puisque les deux hommes font leur devoir dans la même chambrée. Et si le destin de leur pays est entre leurs mains, je pense que le pays est bien mal parti...

Ils se sont mis à plusieurs (Renoir, son assistant Claude Heymann et Alberto Cavalcanti, un complice fréquent à cette époque) pour adapter une pièce de André Mouézy-Eon et André Sylvane. Je n'ai aucun mal à imaginer la pièce, d'ailleurs, un simple support pour comique troupier... Mais si on peut se demander ce qu'allait chercher Renoir dans un tel sujet, lui qui avait tenté de lancer un naturalisme à la française avec Nana, le visionnage du film nous permet de voir ce que le metteur en scène a plutôt pu tirer de ce sujet ingrat: une pochade, certes, mais dans laquelle il a su insuffler de l'énergie.

Parfois peut-être un peu trop: le réalisateur a encore une fois fait confiance à sa bonne étoile, c'est-à-dire improvisé dans le n'importe quoi ambiant, en décidant en particulier de transcrire SA vision d'une caméra mobile. On est loin de Murnau, mais cette idée de faire jouer ses comédiens, et de lancer le caméraman un peu dans tous les sens, débouche parfois sur des effets burlesques assez réussis. Ca commence d'ailleurs par une scène efficace, et manifestement planifiée, qui oppose les valets (Michel Simon et Fridette Fatton), qui dressent la table en ayant les plus grandes difficultés à se lâcher l'un l'autre, puis dans le même lieu, Jean D'ombelle et sa fiancée sont sagement assis côte à côte sans même se regarder. Chaque partie de la scène commence par le même mouvement de caméra, qui part d'un tableau quelque peu coquin si on sait le regarder, et se termine par un travelling arrière vers le même tableau. Seulement notre opinion est faite: le coeur de Renoir, comme le notre, va à ces domestiques qui vivent leur amour au grand jour...

Sinon, le film est généralement trop long, trop brouillon, trop frénétique et trop loufoque (oui, c'est donc possible!). Mais il est aussi doté d'un antimilitarisme à l'ancienne, dans lequel on tape sur les officiers, et ça, c'est indispensable, surtout par les temps qui courent... une scène hilarante de classes désastreuses nous promène par ailleurs du côté de chez Hal Roach...

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Published by François Massarelli - dans Jean Renoir Comédie Muet 1928 *
16 septembre 2018 7 16 /09 /septembre /2018 14:55

Un meurtre particulièrement sanglant sert de prologue au film, montré à travers un montage ultra-rapide de plans violents, avec des gros plans très brutaux: un couple est tué, chez eux, par un fou homicide. Pendant ce temps, les deux filles du couple jouent. Quand elles reviennent à la maison, elles ont le choc de découvrir leurs parents morts, dans une mare de sang...

Après les funérailles, les deux jeunes filles quittent la campagne et vont toutes les deux s'installer à Ménilmontant, se soutenant l'une l'autre. Mais l'une d'entre elle (Nadia Sibirskaïa) rencontre un homme (Guy Belmont) qui sait se montrer très persuasif, et pendant que sa soeur (Yolande Beaulieu) l'attend, elle couche avec lui...

Puis l'inévitable arrive: elle est enceinte, à la rue, et elle a l"horreur de découvrir que son amant a mis sa soeur sur le pavé. Dans un nouveau déchaînement de violence, plusieurs femme s'allient pour tuer l'homme...

Kirsanoff, né en Russie mais qui a décidé de s'installer en France, fait partie de ces intellectuels qui sont destinés à créer, en quelque média que ce soit: il écrit plusieurs récits, et est décidé à s'attaquer au cinéma aussi, mais strictement selon ses propres termes. Clairement, il a trouvé dans l'atmosphère Française des années 20, propices à l'avant-garde sous toutes ses formes, un terrain de jeux tout à fait adéquat. 

Le film est célèbre pour un certain nombre de choses, notamment son absence totale d'intertitres, et son intrigue qui joue finalement plus sur la sensation que sur l'installation d'un flot narratif. Et Kirsanoff semble faire la synthèse entre tous les courants du cinéma de l'époque, du montage à la Russe, à l'impressionnisme de Louis Delluc, et le mélodrame bourgeois. Le film est violent et cru, mais aussi servi par des acteurs qui sont d'autant plus impressionnants qu'ils sont très souvent captés en gros plans. Nadia Sibirskaïa, visage étonnant, est sublime, tant par sa beauté que par son jeu, et Kirsanoff nous laisse la suivre dans une méditation poétique cruelle qui prend beaucoup aux codes en vigueur, tout en apportant infiniment plus au cinéma Français de cette époque pourtant héroïque. Bref, c'est un classique indispensable.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Avant-Garde *
12 août 2018 7 12 /08 /août /2018 00:31

C'est le troisième film tourné en 1925 par Browning et le troisième aussi pour la MGM: le metteur en scène revient de loin, et The unholy three et son succès, plus les retrouvailles avec Lon Chaney, connu à la Universal en 1919, ont été décisifs: il allait sombrer dans l'alcoolisme, il ne travaillait plus que pour des petites compagnies. Irving Thalberg, en lui offrant un contrat, lui a remis le pied à l'étrier, et lui a redonné confiance: c'est bien.

Seulement... j'ai déjà dit ailleurs que je n'étais pas convaincu outre mesure par The unholy three, le premier d'une série de thrillers MGM bizarres avec Lon Chaney, qui vont souvent virer au grand n'importe quoi. Je le suis encore moins par The Mystic, le deuxième film MGM, sur lequel on ne va pas s'étendre, pou l'instant du moins, par charité élémentaire! The Blackbird en revanche a une bonne réputation...

Limehouse, à Londres, est un peu comme le Barbary Coast de San Francisco: un endroit où tout est criminel, et les seuls riches qui y viennent entendent justement s'encanailler... Ou bien y travaillent. C'est le cas de West End Bertie (Owen Moore). Dan Tate (Lon Chaney) ne le porte pas dans son coeur, et pour cause, les deux voyous en ont après la même femme, une jolie petite française du nom de Fifi Lorraine (Renée Adorée). Tate va tout faire pour la conquérir, mais c'est Bertie qui va gagner la partie.

Il faut dire que Dan Tate, c'est tout sauf un parti enviable: violent, profondément craint et soupçonné de se livrer à tous les crimes possibles et imaginables. Pas comme son frère jumeau, qu'on a surnommé "L'évèque". Il est le dirigeant d'une mission située en plein coeur de Limehouse; on vient chercher une protection rare chez lui, et il en a remis plus d'un sur le droit chemin... Tout le monde l'adore... Et on vient souvent se plaindre de son frère, justement.

Et ça tombe bien: car le bon, handicapé sérieux, homme bon et ouvert, qui trouve des solutions et prend sous son aile toute la misère du monde, et l'ordure criminelle, ne sont évidemment qu'un seul et même homme, qui a trouvé la planque de rêve: c'est pas moi, c'est mon frère jumeau! Et j'ai renoncé à essayer de comprendre en quoi ça fournit un alibi à Dan Tate, d'avoir un frère jumeau estropié, qui est aussi bon que lui est fourbe. L'intérêt, évidemment, est ailleurs: dans la complicité morbide qui s'installe entre le film, le personnage et les spectateurs qui savent dès la première bobine la vérité; dans la réflexion qui s'engage alors sur la bonté et la criminalité: Dan Tate n'est donc pas si pourri? Et "L'évèque" est donc, fondamentalement, un criminel? pourtant les crimes de l'un sont réels, et la bonté de l'autre a des effets bénéfiques sur la communauté... C'est troublant, et on comprend que Lon Chaney qui aimait pousser son public dans ses derniers retranchements, ait pu être attiré par l'idée.

Seulement, une fois brillamment établi le début, il faut attendre la dernière bobine pour que le film, largement situé dans les bouges sans véritable vie de Limehouse, reprenne enfin vie, avec cette scène hallucinante durant laquelle Dan Tate meurt en essayant une fois de trop de forcer ses membres à adopter la posture tordue de l'évèque. Il lui importe de continuer jusqu'au bout à tromper son monde, et devant son ex-épouse, qui vient avec horreur de comprendre la vérité Dan Tate meurt sous l'identité d'un homme qui n'existe pas, son propre frère: il est satisfait: "I'm foolin' em", dit-il, je les trompe... Mais autour de lui,, c'est la tristesse: le seul homme qui faisait le bien est parti...

Ironique, cynique et sérieusement inquiétant, donc, le film va au bout de son étrange logique, mais déçoit: a trop vouloir développer une intrigue sentimentale très convenue, Browning perd l'intérêt pour son film. Et nous aussi...

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Published by François Massarelli - dans Muet Tod Browning Lon Chaney 1925 *
10 août 2018 5 10 /08 /août /2018 09:42

Don Juan est à Rome, et c'est le pur produit d'une éducation prodiguée par un père trompé, et impétueux: Don José de Marana a en effet prodigué la leçon la plus décisive de toute sa vie à son fils Juan, le jour où il a répudié son épouse infidèle, et emmuré au passage son amant... Vingt ans plus tard, Juan (John Barrymore) consomme les femmes, sans jamais s'enivrer dans la moindre histoire d'amour. 

...Et il les lui faut toutes! Et comme il vit dans la Rome très corrompue de l'époque de Borgia, il est plutôt à son aise. Sa rédemption viendra de Donna Adriana (Mary Astor); la pureté angélique même. Dans un premier temps, il la convoitera comme les autres, et s'étonnera qu'elle lui résiste. Puis il cherchera sa présence afin de gagner son affection. Puis il la sauvera des griffes de l'abominable Giani Donato (Montague Love), homme de main de Lucrèce (Estelle Taylor) et César Borgia (Warner Oland)... 

Ce n'est pas par son intrigue que ce film se distingue. Celle-ci, signée par Bess Meredyth, qui n'allait pas tarder à devenir Michael Curtiz, est une excellente utilisation d'une formule raffinée de film en film, et qui allait souvent donner des splendides swashbucklers dans les années 30 ou 40: voilà où je voulais en venir avec mon allusion au ménage Meredyth-Curtiz! En voyant Don Juan, film luxueux dans un studio qui n'avait pas forcément les moyens en 1926 de se permettre de telles excentricités, on constate que le terrain est en voie de préparation pour les films de Curtiz Captain Blood ou The sea hawk...) Seulement en attendant, c'est Alan Crosland qui était préposé aux grosses machines de ce genre.

Et Don Juan est une splendide réussite dans le genre: le héros est à la fois suffisamment sympathique, et suffisamment fripon pour garantir le spectacle, les méchants (des Borgia qui ont été taillés sur mesure pour le public Américain de 1926: aucun lien avec la papauté, ils sont juste 'les maîtres de Rome': a-t-on besoin de plus? Si on est un historien, oui. Sinon...) sont parfaitement adéquats, les seconds rôles sont à foison: John George, silhouette inquiétante dans le prologue, symbolisant l'âme tortueuse du père de Don Juan; Warner Oland, au naturel, en César Borgia inquiétant, mais pas autant qu'Estelle Taylor qui est la véritable reine de la famille; Montague Love dans son rôle préféré: un homme de main libidineux qui se fait tuer à l'avant-dernière bobine... Myrna Loy dans un rôle inhabituellement développé de dame de compagnie-espionne, et le grand Nigel De Brulier, qui joue un mari trompé qui fait basculer l'histoire de Don Juan depuis la comédie vers la tragédie: au naturel, lui aussi, son rôle est crucial, et le personnage qui se lance dans un pétage de plombs intensif, nous change des bons pères et des Richelieu tout en manoeuvres feutrées, deux types de personnages qu'il avait l'habitude de jouer... Et puis il y a, dans le rôle d'un bourreau, Gustav Von Seyffertitz, l'inénarrable sadique dont Barrymore aimait tant copier les traits (voir son Mr Hyde, c'est troublant), et qu'il imite ici dans une scène située vers la fin...

On ne s'ennuie jamais, et on en prend plein les yeux: la photo de ce film, ses décors, le cadrage (avec un certain nombre de cascades jouées en plan large, et rendues plus spectaculaires encore) et les costumes, tout y contribue au plaisir. C'est que la Warner avait une idée derrière la tête: le Vitaphone. On lit souvent que Don Juan était le film par lequel la compagnie WB avait expérimenté ce système de synchronisation qui allait ensuite mener la compagnie à insérer 2 minutes parlantes dans The jazz singer. Sauf que pour une fois, c'est rigoureusement exact. Jack Warner jouait son va-tout avec Don Juan, dont le succès allait précipiter la révolution du cinéma sonore. D'où les précautions, et le soin apporté à la production. Et du même coup, ceci est le meilleur film de Crosland, et ce de très loin. Le principal atout du film, je pense, est son montage formidable, qui nous permet de toujours nous situer du bon côté de l'action (c'est à dire en prenant parti pour Don Juan, y compris avant qu'il n'entame une rédemption ô combien nécessaire!)... Mais franchement, il n'y a là-dedans que des motifs de satisfaction, et tant qu'à faire ce long métrage d'excellente facture est aussi à mes yeux le meilleur film de John Barrymore. 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Alan Crosland *
6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 18:30

Ce long métrage de 1925 est aujourd'hui éclipsé par le remake de King Vidor, mais ce serait trop facile de se contenter de le considérer comme un précurseur à mettre poliment de côté, ou une simple note en bas de page... Henry King, maître exigeant d'un cinéma profondément humaniste, attiré par les occasions de sortir le médium de la facilité, l'a réalisé pour la compagnie de Samuel Goldwyn, éternel indépendant qui encourageait ses metteurs en scène à dépasser les codes et les conventions...

Stephen Dallas (Ronald Colman) aime la jeune Helen, depuis leur enfance, mais... le sort a décidé que les deux amoureux seraient éloignés : le père de Stephen, au cœur d'un scandale financier, se suicide, et le jeune homme va devoir se recostruire par son travail d'avocat... Seul, car helen s'est mariée de son côté, probablement poussée par sa famille suite au scandale. Devenu l'avocat d'une petite entreprise, Stephen se prend d'amitié pour Stella (Belle Bennett), une jeune femme au francparler rafraîchissant, et dotée d'une famille brute de décoffrage, particulièrement encombrante.

Ils se marient, puis ont une fille, la petite Laurel. Celle-ci va surtout grandir auprès de sa mère, car quand Stephen obtient une situation avantageuse à New York, où elle ne connaît personne, elle décide de rester. Séparés de fait, le mari et la femme vont cesser de s'aimer ou de compter 'un pour l'autre, et Laurel va donc vivre avec une mère aimante, mais qui la handicape socialement...

C'est un mélodrame, plutôt cruel, dans lequel Henry King joue d'une certaine ambiguïté : il n'adhère pas aux codes sociaux qui gouvernent le drame qui se joue pour le personnage de Stella, qui sera bientôt amenée à sacrifier sa présence auprès de Laurel pour le bienfait de la jeune femme, mais il les rend indispensables au spectateur pour comprendre le drame qui se joue. Ce n'est pas tant une ambiguïté liée à la moindre volonté de ménager les sensibilités, qu'une façon d'amener le public, en contrebande, là où il souhaite l'amener.

Et pour bien faire, le metteur en scène se donne les moyens : du temps d'une part, car c'est un film assez long, dans lequel chaque scène pourtant n'est pas étirée inutilement : ce n'est sans doute pas un hasard si Jean Hersholt, qui joue le seul ami de Stella, semble ici reprendre le rôle de Marcus Schouler de Greed ! Car Henry King utilise la caractérisation, le vêtement, les codes sociaux, et impose dans chaque scsène une vie formidable par des petits riens, à l'instar d'un Stroheim ! Et la mise en scène, d'une précision incroyable, joue aussi sur la profondeur de champ d'une façon encore assez peu courante : par exemple, quand Stephen séduit Stella sous le balcon de sa toute petite maison, nous voyons derrière les amants les deux frères de la jeune femme en train de se moquer d'eux derrière la fenêtre. Plus tard, la première vision des deux mariés et parents, est d'une grande clarté : au fond du cadre, à gauche, le bureau de monsieur ; au fond du cadre à droite, le boudoir de madame qui se pomponne. Au centre, la petite Laurel est sous la garde d'une nourrice. Si jeunes mariés, à peine parents, et déjà séparés. A maintes reprises, King utilise le cadre non seulement pour séparer les parents de Laurel, mais surtout pour séparer Stella du reste de la société ; quand elle offre des vacances à sa fille, la mère doit garder le lit, c'est donc d'une fenêtre qu'elle assiste au bonheur de sa fille...

C'est un rôle formidable pour Belle Bennett, qui doit ici jouer un personnage de son adolescence à un âge plus mûri par les vicissitudes, que mûr tout court, car quand nous voyons pour la dernière fois Stella, quasiment une clocharde, elle n'a sans doute pas cinquante ans... Mais le bon goût et l'audace impressionnante d'un cinéaste qui sera plus tard l'un des plus ennuyeux de tous les réalisateurs académiques, se manifestent ici par un vrai sens du mélodrame, accompagné d'un impressionnant savoir faire : il sait comment ne pas aller trop loin, comment suggérer, et la direction d'acteurs est constamment splendide. Bref, je le répète : il n'y a aucune raison de considérer ce film de 1925 comme un simple satellite de celui de Vidor, quelles que soient les qualités de ce dernier...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1925 Henry King *