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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 13:24

Quand un cinéaste s'acharne au-delà du raisonnable, tout peut arriver, y compris n'importe quoi. Mais quand il sait qu'il a raison, et que contre vents et marées, contre la production, les coupes budgétaires, le doute et même contre le bon sens, il a décidé que le film doit se faire, parfois, ça donne de l'or: Chaplin, Stroheim, Christensen et bien sûr Orson Welles sont tous passés par là. On devrait, aujourd'hui, connaître ce film comme on connaît les classiques de ces grands noms... Mais l'histoire a été injuste envers Sandberg, comme d'ailleurs avec le cinéma Danois dans son ensemble, dont on retient essentiellement un nom de réalisateur aujourd'hui, je vous laisse deviner lequel. Non que ce ne soit mérité, et non que j'estime que Sandberg puisse rivaliser sur la distance avec tous ces grands artistes.

Mais ce film, qu'il a voulu faire voire refaire puisque c'est un remake, et sur lequel il a littéralement hissé le drapeau noir, terminant le film en solo après avoir essuyé le refus de la Nordisk qui jusqu'alors le produisait, eh bien ce film, donc, est un chef d'oeuvre, un mélodrame admirable qui justifie la dithyrambe... 

Le matériau de base, c'est bien sûr le film de 1917 avec Valdemar Psilander, énorme succès dans un pays qui affectionne la noirceur dans le mélo, et doté d'une trame à toute épreuve, pour 1917 du moins: un clown, qui travaille dans un petit cirque minable, est fou amoureux; un homme de la ville vient lui apporter une promesse d'immense succès s'il accepte de se rendre à la capitale pour y devenir une star; il le fait, mais va graduellement perdre son épouse qui s'est laissée séduire par le tentateur mentionné plus haut; elle va en mourir, et le clown qui sombre dans l'alcoolisme va finalement prendre le prétexte d'une représentation pour tuer son rival en public, durant la représentation... De cette intrigue, on retiendra l'inéluctabilité du destin, l'ironie, et le choix apparemment obligatoire entre bonheur et succès, l'un ne pouvant aller avec l'autre. Tous ces thèmes sont présents dans ce nouveau film, mais Sandberg va beaucoup plus loin en accentuant d'autres aspects, déjà présents mais uniquement en filigrane. Son nouveau film, qui dure le double du précédent, va prendre son temps aussi et creuser les personnages. Beaucoup d'entre eux n'étaient que des silhouettes à l'identité plaquée (le clown naïf, le séducteur à moustache, la femme futile et frustrée, les braves vieux artistes, etc), dans ce nouveau film le metteur en scène les dote d'une identité, d'une histoire, d'une essence...

Deux choix étaient cruciaux: le premier est celui des acteurs, et sans surprise quand on connaît le cinéma Danois des années 20, Sandberg fait appel à des acteurs de plusieurs pays: à un solide casting Danois, il ajoute le Suédois Gösta Ekman pour interpréter Joe Higgins le clown; deux acteurs Français, l'un de tout premier plan, viennent compléter la liste: si on se souvient assez peu d'Edmonde Guy, modèle et actrice spécialisée dans les petits rôles "plastiques", en revanche, comment oublier Maurice de Féraudy, l'inoubliable interprète de Crainquebille et des Deux timides? Ici, il est le beau-père complice, un rôle de vieux de la balle, profondément humain. Sinon, Karina Bell joue Daisy, le belle écuyère, et Robert Schmidt lui aussi Danois, sera le séducteur Marcel Philippe, qui était un comte sans envergure dans le film initial. Ici, le rôle a été transformé de fond en comble et son arc qui va durer sur tout le film permet au personnage d'acquérir une dimension bien plus intéressante... Tout en restant, bien évidemment, le méchant incontesté du film, cela va sans dire. Le deuxième choix pour Sandberg est lié à son envie de dépoussiérer, voire d'aérer cette histoire, et sans aucun doute à la présence deux acteurs Français: de nombreux extérieurs sont tournés en France, notamment dans les rues de Paris, où Sandberg a lâché ses acteurs, au milieu de la foule; tournant à distance. C'est criant de réalisme et de vie...

Le personnage bien sûr sur lequel tout le film repose, celui du clown "Joe Higgins", est joué avec conviction par Gosta Ekman, qu'on connaît ici surtout pour sa contribution à Faust de Murnau, mais dont il ne faut pas oublier qu'il a lui-même été une immense star, participant au deuxième age d'or du cinéma suédois, tout en étendant son champ d'action dans toute la Scandinavie et les pays Germaniques. Son visage si particulier, lunaire même, passe beaucoup mieux pour faire passer l'innocence de ce personnage trahi, que pour interpréter Faust, si vous voulez mon avis! Mais dans ses mains, Joe Higgins gagne en complexité, et Sandberg en a fait un nouveau personnage: désormais, Joe Higgins assume clairement le statut de star au point d'en développer un complexe de supériorité marqué par une vanité excessive. Quand il interdit à son épouse d'accepter les cadeaux de Marcel, elle lui répond gentiment que lui accepte tous les cadeaux qui lui sont faits... Ce à quoi il rétorque que c'est pour son talent. La scène de la révélation de la tromperie reprend l'idée du premier film, en situant cette révélation dans un miroir, mais la scène est étendue, et contient plusieurs éléments de référence explicite à la vanité, à l'égarement même du personnage de Joe qui a perdu Daisy en se perdant lui-même. Au final de vengeance du premier film, on substitue ici une scène durant laquelle Joe VEUT tuer Marcel Philippe, mais la peur donnera à ce dernier une crise cardiaque: une ironie dans laquelle passent des allusions à l'impuissance, mais aussi au fait que finalement Joe comme Marcel sont tous deux victimes du péché d'orgueil du clown... Et si Sandberg ne cherche jamais à frimer, il multiplie les petites touches de mise en scène pour faire de chaque séquence un merveilleux moment de cinéma. Par exemple, quand Marcel, Daisy et Joe marchent ensemble après que ce dernier a eu la révélation de leur duplicité, ils s'enfoncent dans une rue noire, inquiétante... Quand Daisy se jette à l'eau, le reflet du nom de son mari en lettres de lumière apparaît sur la surface de la rivière... Ajoutez à ça un sens aigu de la composition, une utilisation hors pair de la figuration et de la profondeur de champ... Bref: Sandberg fait un film et il le fait à la perfection!

Ce sera malgré tout son dernier grand film, et c'est dommage. Il faut croire qu'en 1926, il n'y a pas de place pour une telle production, aussi soignée soit-elle. On a au moins la chance d'en disposer dans une très belle version, intégrale et telle que l'a voulu son metteur en scène. Celui-ci reprend donc la thématique de son premier film, avec cette image de ville corruptrice face à une ruralité simple et humaine. Un sujet encore de saison, puisque l'année suivante Murnau allait réaliser Sunrise... Mais Klovnen enrichit le mélodrame d'une façon inventive, systématique, et ce avec un bonheur constamment renouvelé...Si ceci était l'unique film de Sandberg, il aurait définitivement sa place dans l'histoire, et pas seulement en bas d'une page.

En attendant, en bas de cette page, justement, voici le film:

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/klovnen

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 Muet DFI A.W. Sandberg *
11 mai 2019 6 11 /05 /mai /2019 17:05

Anders Wilhelm Sandberg ambitionnait, lorsqu'on l'avait promu réalisateur dans les années 20, de devenir le maître de la comédie au Danemark... Mais le créneau était déjà pris: Lau Lauritzen occupait de façon incontestable ce terrain. Néanmoins, à la vision de ce film, on peut se dire que l'idée a du avoir du mal à lui sortir de la tête... C'est une comédie policière particulièrement farfelue, dont le succès a dépassé les frontières au point qu'il est plus facile de trouver le film ou des renseignements le concernant sous son titre Anglais: The Hill Park Mystery, ou The Park Hill Mystery, puisque on trouve les deux! 

Le journaliste Erik Brandt (Gorm Schmidt) est arrivé à la rédaction de son journal à Copenhague, avec à nouveau la résolution d'une enquête. Grâce à son acharnement, il est venu à bout d'un tueur redoutable... mais n'a pas dormi depuis bien longtemps. Il se rend donc chez lui avec un chèque conséquent, et deux semaines de vacances pour rattraper ses nuits en retard, et comme le dit un intertitre, "n'aurait pas du regarder par la fenêtre".

...Car il y a vu un meurtre, simple, bête et brutal. Dans le parc avenant à sa propriété, un homme est accosté par une femme (Olga D'Org) qui fait tomber ses cigarettes, et quand l'aimable citadin les ramasse, il se prend un coup sur la tête, qui le laisse raide mort pendant que la femme disparaît. La police n'ayant que peu d'envie de le croire, le jeune détective va se lancer aux trousses d'une tueuse qui est d'autant plus redoutable qu'elle est particulièrement avenante, et pas insensible à son charme elle non plus...

Impossible de prendre au sérieux ce film qui lance un détective compétent mais très très fatigué, dans des aventures où le cocasse le dispute à l'absurde. Sandberg s'est clairement énormément amusé, en variant les décors avec un goût certain, une pointe d'extravagance dans le farfelu (on pense parfois au ton particulier du Brasier Ardent, la flamboyance en moins), et bien sûr ne rate aucune occasion de relancer le mystère en prenant systématiquement le point de vue du héros, c'est à dire celui de l'homme qui n'a en réalité rien compris du tout! 

Sandberg se paie même le luxe de se placer dans son film, et de chasser sur les terres de Lauritzen dans une jolie séquence à la mer avec ses baigneuses en maillot. Il se dégage de ce film pour le plaisir un parfum enivrant de parfaite carte postale du muet, sans un gramme de drame, ce qui est quand même frappant pour une production Danoise! Bref, ce film oublié du réalisateur de Klovnen est plus que recommandable, il est donc hautement recommandé.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/nedbrudte-nerver

 

 

 

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1923 Comédie A.W. Sandberg DFI *
10 mai 2019 5 10 /05 /mai /2019 11:15

Pour pouvoir afficher Asta Nielsen en Hamlet, sans ambiguité aucune à l'époque où l'homosexualité est passible de sérieux ennuis judiciaires en Allemagne, la production de ce film a pris une décision: s'appuyer sur les travaux récents d'un universitaire Américain. Je pense que nous n'avons même pas besoin de vérifier, c'est bien sûr du pipeau: Nielsen avait tellement envie d'interpréter le Prince du Danemark... Et elle avait raison. Elle domine d'une façon évidente un film, dont il n'y a pas lieu de douter qu'elle est l'auteur principal...

Le script suit les grandes lignes de la tragédie la plus violemment ironique et désespérée de Shakespeare, en s'appuyant donc sur une théorie qui prétendrait expliquer les zones d'ombre de l'intrigue en révélant que le prince Hamlet était en réalité une héritière, un stratagème permettant à sa mère de maintenir la couronne du Danemark dans sa famille au moment où la mort du Roi Hamlet. Un stratagème qui permet au Hamlet d'Asta Nielsen de vivre dans un écheveau de mensonges, dès sa plus tendre enfance. Maintenant, si vous voulez mon avis, ça aurait sans doute été aussi intéressant de laisser l'actrice jouer directement un rôle d'homme, à la façon de Peter Pan... mais je n'ai bien sûr pas été consulté!

Non, l'intérêt de cette grosse production, certes ampoulée, est dans la façon dont Nielsen s'affiche au milieu de cette folie de mort qui rôde derrière tous les rideaux, comment elle négocie, enquête, aime, jalouse, seule contre tous: beaucoup connaissent ses secrets, mais aucune personne ne connait absolument tous ses secrets. sa mère sait qu'elle est une femme, mais elle est absolument la seule. Son meilleur ami sait qu'Hamlet soupçonne sa mère et son oncle d'avoir assassiné son père, mais ignore son identité véritable. Il sait par contre que la folie d'Hamlet est feinte... Mais prend sa jalousie de femme, pour une hostilité. De quoi renforcer l'ironie initiale, en ajoutant un peu au drame intérieur.

Mais si le film reste, malgré tout, un film de 1920, avec un jeu parfois intense (Nielsen), parfois embarrassant (le reste du casting), il est intéressant de constater que la Nielsen films (oui, c'est bien le nom de la compagnie, qui en dit long!) a confié la mise en scène à deux personnes: Heinz Schall a déjà réalisé des films avec la star dans les années 10, et c'est un technicien chevronné. Mais Svend Gade n'a jamais réalisé que ce film; le décorateur Danois, probablement promu à ce poste par sa Danoise de patronne qui souhaitait mieux contrôler la production, est aux commandes ici de l'architecture et du décor. Deux éléments essentiels du film, tant le choix des lieux fait beaucoup pour aérer la pièce et parfois lui donner de la force...

Pour finir, le film possède quand même une fin particulièrement unique en son genre, durant laquelle le pot-aux-roses apparaît enfin, tout ça parce qu'Horatio mourant aura par mégarde mis sa main droite sur le sein de celle qu'il croyait être un homme. Une façon étonnante (mais qui passe finalement assez bien) de conclure un drame tout en levant toute possibilité d'ambiguité, voir plus haut! Ayant pu passer à travers toutes les formes de censure possible, ce Hamlet a pu donc être un énorme succès.

 

 

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Published by François Massarelli - dans Asta Nielsen Muet 1920 *
2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 18:46

L'un des rares films (ils sont au nombre de quatre seulement) mettant en scène Asta Nielsen et réalisés au Danemark: un paradoxe pour la superstar Danoise, mais en dépit de l'excellence et de la vitalité de sa production, le Danemark restait un petit pays même quand ses films régnaient sans partage sur les cinémas de toute l'Europe! 

Asta Nielsen interprète ici le rôle d'une artiste dont la vie, en quelques semaines, va se transformer en une métaphore de son art... Un comble. Camille, actrice, danseuse et modèle, vient de remporter un énorme succès au théâtre, et le dramaturge dont elle vient de faire triompher la pièce la courtise avec ardeur. Ils filent, un temps, le parfait amour, mais Jean va vite s'intéresser à une autre, qui plus est une femme mariée: il faut dire que le mari de Madame Simon est un abominable tyran qui n'hésite pas à la fouetter. Quoi qu'il en soit, une fois que jean dépose Camille chez son ami Paul, un peintre qui va justement l'immortaliser en ballerine, il file ensuite retrouver sa maitresse. excédée, Camille dénonce les amants auprès de M. Simon, mais elle voit celui-ci préparer une arme. Elle prend peur, et "mue par l'amour avant la jalousie" comme nous l'indique un intertitre, elle va trouver une idée pour éviter que Jean et sa rivale soit pris en flagrant délit: elle va remplacer la dame in extremis...

L'intrigue est compliquée, ce que l'absence de certains passages n'arrange pas. Mais ce qui compte bien sûr dans cette histoire de coucheries et de tromperies de la pire espèce (bien sûr précautionneusement situées dans la lointaine France), c'est la façon dont Blom, qui n'était pas un manchot, a choisi la distance convenable, les positionnements de caméra (qui renvoient à Afgrunden, avec ses nombreuses séquences vues depuis les coulisses d'un théâtre) et a laissé la grande tragédienne faire le gros du travail. Elle est impressionnante, et accompagnée du grand acteur Valdemar Psilander, elle est parfaitement à son aise. Le film est un pur mélodrame avec tous les ingrédients, y compris une solide dose de ridicule, mais peu importe: une fois de plus, Asta Nielsen est tout entière dédiée à un rôle qui lui permet de montrer son impressionnante versatilité.

Blom, pour sa part, s'amuse constamment à rendre floues les théâtres de l'art et de la vie: il nous montre le triomphe de Camille vu des coulisses du théâtre, et incorpore à la scène le passage pour Nielsen de l'interprétation du rôle sur les planches, à l'interprétation de l'actrice qui revient à sa vie. Il nous la montre acceptant de réciter un extrait de son rôle pour des amis réunis dans une soirée, mais se laissant emporter par la vraie jalousie; mais surtout, elle va tenter de sauver son amant en jouant un rôle pour de vrai. Le film a un aspect rare dans les films Danois de ce genre et de cette époque: il finit par un happy end... Du moins dans la copie sauvegardée, on n'est jamais trop prudent.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1911 August Blom Asta Nielsen *
28 avril 2019 7 28 /04 /avril /2019 16:45

Ce film, situé dans la filmographie combinée de Lauritzen, Schenstrom et Madsen après Don Quichotte (exactement deux films après), semble partir du principe de tout compliquer: après avoir réalisé un gros film, adapté d'un classique de la littérature, et en Espagne par-dessus le marché, Lauritzen ne pouvait sans doute pas se permettre de se contenter d'une petite comédie domestique... Et c'est là que le bât blesse. Car trop de complication, ça vous flingue un film. Et celui-ci devient assez vite du grand n'importe quoi...

le premier tiers est du très classique: un jeune homme et une jeune femme s'aiment; elle est pensionnaire d'une institution pour jeunes filles comme il faut, et lui est riche: autant dire qu'il est prêt à tous les caprices pour être avec elle. Les premières séquences le voient s'introduire dans l'école, et la surveillante passe semble-t-il son temps à le repérer. Un moment, elle découvre Schenstrom et Madsen qui ont trouvé refuge dans le jardin. Pour les remercier de leur diversion, il les "engage" dans un stratagème qui va vite prendre l'eau: il se font passer tous les trois pour l'équipage d'un yacht qui appartient à la famille du jeune homme (quand je vous le disais) et proposent à l'institution scolaire un voyage pour les jeunes femmes, tous frais payés...

Ce qui aurait fait un sujet suffisant pour une comédie. Mais ce n'est que le prologue! Dans le reste, la jeune femme (au fait, nous la reconnaissons assez facilement, c'est Karin Nellemose, et elle a tourné chez Dreyer deux années auparavant dans Du skal aere din Hustru, Le maître du logis en français) est "invitée" chez des amis de sa famille pour participer à des expériences mystiques, au lieu même (une sorte d'usine ultra-secrète) où les deux "héros" sont séquestrés pour y mener des expériences étranges. Le titre, qui signifie "Pierres-Tonnerre", renvoie justement à de mystérieux explosifs qui sont expérimentés dans le film.

Si vous tenez jusque là... Voilà, pour résumer, un film de vacances qui a bien mal tourné, et qui tend à montrer les limites de la petite entreprise de comédie de Lau Lauritzen.

 

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Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Muet 1927 Comédie Schenström & Madsen *
24 avril 2019 3 24 /04 /avril /2019 19:15

Adapter la pièce Rain, elle même dérivée d'une nouvelle de W. Somerset Maugham, était un défi à la censure: en 1926, Lillian Gish avait réussi à faire en sorte que la MGM, sous la houlette d'Irving Thalberg, se lance dans une version d'un roman pourtant classique, The scarlet letter, de Nathaniel Hawthorne. Il avait fallu batailler, et c'est avec toute la ténacité qui la caractérisait que l'actrice avait finalement obtenu gain de cause: The scarlet letter parlait d'un adultère, vécu et assumé comme un amour. Sadie Thompson de son coté allait irriter les ligues de décence en présentant le couple habituel de la jeune femme "perdue" et du réformateur religieux, mais en donnant un point de vue inédit.

 

Le film a pu se faire, sans doute d'une part parce que par rapport à la pièce initiale, des modifications ont été acceptées... ensuite parce que le système de censure des studios Américains, chapeauté par un fantoche, n'était peut-être pas si drastique. Sadie Thompson est une jeune femme qui vient de San Francisco pour travailler dans une île des mers du Sud; elle est assez clairement venue des bas-quartiers, porte des tenues vulgaires, et semble éprise de sa propre liberté. Elle débarque pour une escale sur une autre île en même temps que deux couples, les Horn, de paisibles touristes tolérants et compréhensifs, et les Davidson, un pasteur rigoureux et sa femme, tous deux obsédés par le péché au point d'en faire de salaces cauchemars. Bien sur, Sadie est empêchée de se rendre à sa destination, le bateau devant l'emporter étant mis en quarantaine. Elle doit donc attendre son départ en cohabitant avec le pasteur qui ne tarde pas à l'accabler de tous les maux du monde. Elle trouve un certain réconfort auprès des soldats de la base Américaine proche, en particulier le sergent O'Hara, en qui elle trouve vite l'âme soeur, au point que celui-ci lui propose vite le mariage, afin qu'elle puisse refaire sa vie. Mais c'est compter sans le pasteur Davidson, qui a décidé d'empoisonner la vie de la jeune femme...

 

Sadie Thompson est-elle une prostituée? Peu importe, mais pour Davidson, c'est une évidence: elle fume, boit, se complaît dans la promiscuité masculine... Gloria Swanson incarne avec génie un personnage défini à travers un cocktail de comportements aujourd'hui plus pittoresques que scandaleux, mais l'intérêt, c'est que pour Sadie comme pour O'Hara, il semble qu'il n'y ta là rien de foncièrement immoral. Sadie provient de quartiers de San Francisco ou elle a subi la tyrannie des hommes, qui l'ont prostituée, ou associée malgré elle à des manigances criminelles. Cela importe peu, donc, car ce qui est important, c'est que pour Davidson, incarné par un Lionel Barrymore génial, elle porte sur elle tous les stigmates de la "femme perdue". Le film est de fait une attaque en règle de ces hypocrites et réformateurs de tout poil, et se sert de cette image de femme transcendée par un père-la-pudeur en réalité obsédé par sa propre concupiscence...

 Walsh, qui interprète le sergent O'Hara, nous donne ainsi plusieurs points de vue croisés, au lieu de se contenter du point de vue moraliste du mélodrame à la Griffith. Et de fait, entre O'Hara, qui comprend instinctivement que Sadie et lui viennent du même type d'environnement, et Horn qui apprécie peu l'aveuglement de Davidson, ou Sadie elle-même qui fait comprendre au public qu'elle a subi beaucoup de la part des hommes, c'est le procès des idées reçues qui est fait ici. Les "filles perdues" ne le sont pas de leur propre fait, et ce prédicateur aveugle qui voue Sadie à l'enfer fait fausse route. Plus grave, il rejoindra à la fin du film la liste des hommes qui ont fait du mal à Sadie, après avoir réussi à l'embrigader dans sa croisade... Barrymore joue le rôle tout entier, en prêtant son physique qui était encore modulable à cet inquiétant personnage. Walsh joue sur sa stature, en le présentant de dos, face à un O'Hara de face: le message est clair, le loup avance masqué... Et il prolonge ce type de plan qui joue sur l'anatomie en montrant Sadie aux pieds du prédicateur, peu de temps avant ce qui est bien un viol; elle est soumise, mais il va aller trop loin. Le titre de la pièce a donc changé, afin d'éviter les foudres de la censure, mais le territoire ou se situe l'action est balayé du début à la fin du film par une pluie battante, qui s'insinue en permanence dans les vêtements des personnages, qui dicte aussi les comportements, comme cette jolie scène ou O'Hara et Sadie se découvrent, elle juchée sur les épaules du gaillard pour éviter les flaques d'eau... La pluie devient une métaphore de l'inéluctabilité sensuelle des sentiments, ceux des deux amoureux, mais aussi hélas, ceux plus troubles de l'homme qui est censé incarner une certaine moralité.

Le film est l'un des chefs d'oeuvre de Walsh, au même titre que Regeneration, The roaring twenties ou White heat. Il est le portrait d'une femme mise en marge, qui demande la reconnaissance mais n'aime pas qu'on la contraigne à la mendier; elle est vue ici en être humain, par un réalisateur qui a non seulement décidé de ne pas la juger, mais qui va jusqu'à interpréter un homme qui tombe fou amoureux d'elle, sans aucune condition, et qui va l'assumer la tête haute. Un geste symbolique de la part d'un des réalisateurs les plus attachants et les plus humains d'Holywood, pour un film qui présente Gloria Swanson dans son  plus beau rôle muet, c'est dire... Hélas, le film est partiellement perdu, la dernière bobine n'ayant pas été retrouvée. La reconstitution qui en est disponible permet au moins de se faire une idée pertinente du film, mais on enrage de ne pas en avoir l'intégralité.

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Published by François Massarelli - dans Muet Raoul Walsh 1927 *
21 avril 2019 7 21 /04 /avril /2019 11:47

Regeneration serait le plus ancien film de Walsh encore disponible. Le conditionnel s’impose : on en sait peu sur cette période et les films vraiment consultables… Quoi qu'il en soit, ce film tourné dans les quartiers de New York vient, trois ans après The musketeers of Pig Alley, de Griffith, donner la version de Walsh du film de gangsters. La comparaison des deux œuvres permet de constater que le point de vue, la méthode, le script, les efforts demandés aux acteurs, sont bien différents dans l’un et l’autre.

Walsh aborde son film en Irlandais, et en catholique : c’est une évidence, même s’il fait jouer à l’amour au sens sentimental du terme un rôle extrêmement important, il est clair que la rédemption comprise dans le titre naît d’un engagement personnel complet du personnage principal. Il peint une Amérique des bas-fonds dans laquelle certes les gens les moins aisés ont la solution de facilité du crime, mais ne les juge d’autant pas que son héros, Owen Conway (Rockliffe Fellowes), s’est fait tout seul après avoir fui le domicile de ses parents adoptifs, le père (James Marcus) étant une grosse brute avinée. Son caractère fondamentalement positif apparaît dans une anecdote, lorsque Owen sauve un jeune garçon handicapé des brimades d’un groupe de grosses brutes: il le suivra ensuite jusqu'au bout du monde par reconnaissance. Le déclic se fait lorsqu’ Owen rencontre Marie Deering (Anna Q. Nilsson), une jeune bourgeoise qui participe à une mission. Il l’aide, et bien vite va tomber amoureux, ce qui va le pousser à s’amender. Mais tous ses ex-copains ne l’entendent pas de cette oreille.

Le naturalisme du film est son meilleur atout : autant dans la reconstitution des bas-fonds, que dans la participation de vrais gangsters et de figurants authentiques, on retrouve la vision simple et directe d’un monde tangible. Les acteurs sont amenés à jouer d’une façon toujours juste; Walsh atteint ainsi une certaine vérité des sentiments qui permettent à la dimension sentimentale importante du film (On est Irlandais ou on ne l’est pas) de passer sans forcer. Et puis contrairement à Griffith, il se repose largement sur les images sans imposer une seule fois d’éditorial: c’est un film réalisé par un conteur qui a compris que les images sont son seul vecteur.

Et il me paraît, par rapport au style certes foisonnant du cinéma Américain des années 10, particulièrement en avance sur à peu près tout le monde: lui qui vient de participer à l'aventure de The birth of a nation pourrait même, avec son découpage dans lequel aucun plan n'est inutile, et chaque image frappe par sa beauté, son authenticité et les couches de sens qu'elle contient, en remontrer à Griffith soi-même: par exemple, à l'heure où son ancien patron tente avec plus ou moins de bonheur d'imposer des travellings lents, qu'il appelle ses "mouvements Cabiria" en référence au film de Pastrone, Walsh lui non seulement les utilise de façon formidable, mais il leur donne constamment du sens...

Et cerise sur le gâteau, non seulement Raoul Walsh sait recréer le monde naturel et complexe dans lequel il a largement vécu (la dimension personnelle de ce film si Irlando-Américain ne doit pas nous échapper), il sait aussi tirer parti de la vérité face à lui: j'ai fait allusion aux "acteurs" de fortune, vrais gangsters et vraies filles de joie, qu'on croise dans le film, mais il n'avait pas prévu qu'il y aurait un vrai incendie sur un vrai bateau, celui précisément sur lequel il était en train de tourner une fête organisée par la mission. Imperturbable, Walsh a demandé à son équipe de continuer à tourner: il a ainsi obtenu une vraie panique...

C’est donc un drame superbe dans lequel l’un des plus grands réalisateurs du siècle se révèle dans toute sa fraîcheur… La Fox avait en son sein un artiste sur lequel elle allait largement se reposer dans les années qui suivraient ; quel dommage que la plupart des films qui en résulteraient soient aujourd’hui perdus…

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Published by François Massarelli - dans Muet 1915 Raoul Walsh *
19 avril 2019 5 19 /04 /avril /2019 18:42

Le titre signifie "Afrique, droit devant!", et ça s'explique aisément: alors que Schenström-le-maigre et Madsen-le-petit-rablé travaillent dans une taverne à matelots, une émeute provoque un raid. Parmi les clients, il y a deux charmantes jeunes femmes qui ont fait le mur de leur somptueuse propriété pendant un bal costumé, et dont les soupirants les ont lâchement abandonnées. Les deux héros inattendus les déguisent en marins, pour traverser le port, mais se font attraper par l'équipage d'un cargo qui les embarque de force: direction l'Afrique, donc, où une partie du film a été tournée.

...Ou plus précisément les Canaries, mais une chose est sûre: ce n'est absolument pas au Danemark que ce film au budget probablement conséquent (une preuve de l'importance de l'équipe Lauritzen-Schenström-Madsen pour la Palladium) a été tourné... C'est l'un des meilleurs, et aussi sans aucun doute les plus politiquement incorrects avec sa tribu Africaine qui semble regarder avec une certaine envie l'embonpoint de Madsen.. Parmi les nombreuses péripéties du film, il y a une évasion, un enlèvement de masse par des indigènes, et diverses tentatives de fraterniser entre les Danois d'un côté, et une tribu Africaine où "Doublepatte et Patachon" sont tellement bien intégrés qu'ils se voient dotés d'épouses...

Mais ça ne les empêche pas de tout faire pour s'enfuir, en compagnie toujours de ces deux femmes dont ils sont responsables, et d'un cuisinier fort sympathique; par contre, dans ce film dont le titre Allemand était Kannibalen, nos héros n'hésitent pas à laisser la tribu agir comme bon lui semble avec deux malfrats qui sont à leurs trousses.

Quoi qu'il en soit, c'est une occasion fort plaisante de voir l'art naïf mais précis de ces pionniers du rire, dont l'humour bon enfant puise aussi bien chez Chaplin (ces sentiments si frontaux) que chez Roscoe Arbuckle (les gestes de précision dans la taverne), et dont les héros sont si faciles à suivre: leur gestuelle, leurs mouvements, leur jeu et les expressions de leurs visages dictent la mise en scène précise et efficace de Lau Lauritzen. et en plus, contrairement à tellement de cas similaires (Prenez Three's a crowd, de Langdon, par exemple), eux au moins ils ont une belle récompense à la fin.

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Lau Lauritzen Schenström & Madsen Muet Comédie *
18 avril 2019 4 18 /04 /avril /2019 10:00

Avant-dernier film muet de Tod Browning, ce film taillé pour choquer un maximum, montre à la fois les caractéristiques de l'univers tout entier de Tod Browning, et ses limites de plus en plus flagrantes. Marqué par un montage serré et très sec, il fait preuve d'une mise en scène réduite à l'essentiel, et tout y est question d'atmosphère: la photo bien sûr, le jeu des acteurs: en pleine jungle, ils sont sales, suants, malades et on est en plein réalisme brutal. Et toutes les péripéties vont délibérément vers le sordide...

Phroso (Lon Chaney), un prestidigitateur de foire, est fou amoureux de sa jeune épouse, mais se rend compte qu'elle souhaite partir avec l'aventurier Crane (Lionel Barrymore). Celui-ci le lui explique, et dans la bagarre qui s'ensuit, Phroso se blesse et restera paralysé en dessous de la ceinture. Ce qui ne l'empêche pas de se mouvoir: quand il apprend quelques mois après que son épouse a trouvé refuge dans une église, il s'y rend, et c'est en rampant qu'il vient constater qu'elle est morte... dans l'église, il y a une petite fille, et Phroso jure alors devant Dieu qu'il fera payer Crane et sa fille...

Près d'une vingtaine d'années plus tard, "à l'ouest de Zanzibar", en pleine jungle, Phroso dirige un petit trafic de vol d'ivoire. Il ourdit une machiavélique vengeance qui implique d'attirer Crane, et de méthodiquement transformer sa fille (Mary Nolan) en une épave alcoolique. Mais il souhaite aller plus loin, en prenant appui sur une loi indigène qui décrète que quand un homme meurt, ses épouses et filles doivent l'accompagner dans la mort...

Tod Browning, illusionniste jusqu'au bout, utilise tous les écrans de fumée possibles et imaginables pour nous faire passer la pilule de cette "loi ancestrale" susceptible de sérieusement dépeupler les villages, et d'ailleurs noie tout son film dans la fumée, la boue, la nuit. C'est l'un des films MGM les plus désespérément noirs de toute la décennie... C'est aussi, probablement, une épure du style,ou du non-style de Browning. On constate que trois années avant le tournage de son Dracula, il installe son atmosphère particulière en multipliant les images d'animaux qui grouillent, garde ses distances face à tout ce beau monde, et laisse faire ses acteurs qui tout adoptent un jeu fait de grimace et d'excès: on est loin de la machine à glamour, et on voit que le studio commençait à ne plus trop savoir quoi faire, ni de Chaney, ni de Browning.

L'acteur commençait d'ailleurs à opérer une transition vers une carrière à la Lewis Stone, et désormais n'était plus l'amant délaissé, mais bien le père frustré (même s'il avait joué un peu les deux dans Laugh clown laugh); et dans Thunder, son dernier film muet, il jouerait un vieil homme sur le point d'être mis de côté... Avec West of Zanzibar, c'est un peu à un baroud d'honneur que le comédien nous convie: il y interprète pour la dernière fois un infirme qu'il doit jouer aussi physiquement que possible et joue avec force de son visage extraordinaire...

Et le metteur en scène oscillait entre succès et films problématiques. Je pense que West of Zanzibar n'ajoute rien à sa légende, et se contente de faire semblant de renouveler une formule en poussant au plus loin le bouchon de la cruauté, du bizarre et du malaise. ...le tout dans l'illusion, bien entendu. Et encore, le film a la réputation d'avoir été sévèrement coupé par la MGM avant sa sortie (ce que prouvent des photos de scènes qui sont absentes du film, dont une troublante apparition de Chaney avec un costume d'homme-poule, quatre ans avant Olga Baclanova)! Cela étant dit, cet avant-dernier muet de Browning vaut bien mieux que son film suivant, Where east is east, un film absolument et résolument vide du moindre intérêt.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Tod Browning Lon Chaney Muet *
11 avril 2019 4 11 /04 /avril /2019 10:16

Le moins qu'on attende d'un film situé dans le milieu de la couture Parisienne, c'est qu'il soit élégant... Et heureusement, on est servi. Situé dans un monde cohérent, entre les salles de couture et les salons publics, entre restaurants et boîtes de nuits, le film e se noie jamais dans l'anecdotique et nous propose un mélodrame basé sur un triangle amoureux, caché derrière une comédie de moeurs enlevée et même parfois dynamique, le tout en 80 minutes...

Dans une maison de couture réputée, trois amis travaillent: Mady (Suzy Pierson) y est première couturière, Thérèse (Andrée Lafayette) modèle, la plus sollicitée de tous les mannequins, et Laurent (Malcolm Tod) est pour sa part dessinateur. Ils sont inséparables, d'ailleurs leurs appartements sont situés les uns à côté des autres, et leurs soirées sont communes. Mais Mady et Thérèse sont toutes les deux amoureuses de Laurent, qui lui n'a d'yeux que... pour l'une d'entre elles. A la faveur de l'arrivée à la maison de couture d'un riche collectionneur d'aventures (Léon Mathot), qui ne cache pas son envie de connaître mieux Thérèse, les choses vont se précipiter...

Un personnage en plus, on aurait presque pu dire en trop, mais il n'en est rien, vient se greffer sur cette intrigue: Bartlett, un Américain qui est l'homme de confiance d'un couturier de New York, est interprété par Armand Bernard, le grand acteur de théâtre que Diamant-Berger avait débauché pour interpréter Planchet dans sa version des Trois mousquetaires. Ici, il continue à jouer un rôle comique, mais il réussit une prouesse: tout en étant un faire-valoir, un imbécile de première, même, il réussit à être important... Et le timing impeccable de Bernard, qui cette fois n'a pas seulement à se prendre des coups de pied au derrière comme dans le feuilleton sus-mentionné, fait merveille. Et donne du même coup une dimension de comédie au film, qui oscille constamment entre mélodrame et bulles pétillantes.

Diamant-Berger fait ici deux choses particulièrement bien: d'une part, il filme dans Paris, pour de vrai, et offre une alternative intéressante à ses nombreuses scènes tournées en studio. Ensuite, il fait une grande confiance à ses acteurs, principalement les cinq premiers, qui font une grande partie du travail dans des gros plans très étudiés: le découpage et le montage de ce film sont particulièrement intéressants... Et Diamant-Berger est même très en verve, à sa façon: il installe très bien ses ambiances nocturnes, situe avec efficacité l'ambiance d'une boîte de nuit, et ne perd jamais ses personnages dans ses décors; il utilise à bon escient la profondeur de champ: son final est situé dans une pièce qui est une antichambre d'une maison de couture où une fête bat son plein, pendant qu'au premier plan le drame arrive à son paroxysme. 

Bref, ce Rue de la Paix est le film qui prouve que le très estimable Henri Diamant-Berger, producteur heureux, affabulateur fripon (il affirme dans ses mémoires avoir inventé la bande-annonce, pourquoi pas? il ajoute avoir défini le rôle de la script-girl, et surtout il prétend avoir été le premier à faire des essais en Technicolor en 1925, ce qui trois ans après la sortie de The toll of the sea est un splendide mensonge, digne du reste de ceux que proféraient d'autres cinéastes: Ford, Hawks, Walsh ou Capra en étaient coutumiers) était aussi un cinéaste. Ben oui!

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Henri Diamant-Berger 1927 Muet *