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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 18:22

"Les chemins de la force et de la beauté", un titre hallucinant pour un film muet Allemand, à l'époque de Faust et de Metropolis? Disons que le propos de Wilhelm Prager, associé à Nicholas Kaufmann, n'est bien sur pas le même que ceux de Murnau et Lang... Son film est un documentaire, comparable à Häxan (Christensen, 1922) dans la mesure ou il utilise ici des recréations fantasmées de scènes racontées, et aussi parce qu'il s'agit de faire passer une idée. La Körper Kultur, ou culture du corps, est en plein essor, et elle n'est pas encore entachée par la compromission avec le Nazisme. L'idée du film est de montrer quelle devrait être la place du corps dans les sociétés modernes (de 1925, bien entendu), où l'homme et la femme ne se préoccupent pas suffisamment de leur santé et de leur... beauté. Le film cite abondamment les Grecs, se repaît à satiété de visions d'athlètes nus, généralement blancs, et cite à la fin l'exemple d'une Romaine qui se baigne dans la tradition antique, pour prendre soin de son corps dans les moindres détails, avec une dizaine d'esclaves aussi nues qu'elle pour la servir.

Un ange passe.

Le succès de ce film a-t-il été vraiment motivé par le message de santé corporelle, ou la présence récurrente d'athlètes, danseurs, modèles et figurant(e)s nus a-t-il contribué? On y fait finalement beaucoup l'apologie du naturisme, plus que de la santé sportive. Néanmoins, une curiosité qui montre l'étendue du pouvoir philosophique du cinéma: ce film, après tout, est un essai...

Je faisais allusion quelques lignes plus haut, à la compromission avec le nazisme. Ce film ne parle que du corps, mais il n'en reste pas moins précurseur sur un certain nombre de points, notamment dans le recours constant et admiratif à l'antiquité, et puis... ces grands rassemblements de gymnastique, à la fin. Ils me font froid dans le dos...

 

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Published by François Massarelli - dans 1925 Muet Mettons-nous tous tout nus *
4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 15:49

On ne va pas attendre d'avoir écrit des lignes et des lignes avant de le dire: tourné en 1922, assemblé et colorié à partir de 1923, ce film franco-italien n'a qu'un seul intérêt: ses couleurs. Apposées au pochoir, selon une technique rodée depuis Méliès mais qui demandait énormément de soin, de personnel et de temps, elles sont aujourd'hui particulièrement impressionnantes, et aussi proches que possible de l'expérience fournie par le film à sa sortie tardive ne 1925.

J'imagine qu'avec sa distribution transalpine, menée par Pierre Magnier qui était depuis 1900 l'interprète phare du rôle de Cyrano au théâtre, ce machin était sans nul doute une opération de prestige, destinée à faire reluire le cinéma Européen au firmament, et à ce titre la chose a été présentée aux Américains... qui ont du bien rigoler, s'ils se sont déplacés.

Car entendons-nous, les couleurs sont certes impressionnantes, mais un film ça se met en scène, et quand la source est une pièce de théâtre, aussi connue soit-elle, il y a des choix à faire. Prenez Tartuffe de Murnau: certes, le film trahit la pièce. Mais c'est un film, un vrai. Truffé d'images, de moments de cinéma, donc... Ici le film est surtout truffé d'intertitres, les acteurs jouent comme au théâtre, et le film ne prend vie qu'à deux ou trois instants; quand on sait qu'on doit le subir sur près de deux heures, on frémit... Mais non: vous n'êtes, après tout, pas obligés... 

Alors peut-être que c'est un reflet fidèle de la pièce, soit. Mais qu'importe? en tant qu'argument cinématographique, je continue à penser que la fidélité au théâtre ne vaudra jamais rien.

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Published by François Massarelli - dans 1923 Muet Augusto Genina *
4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 10:20

Une femme trompée (Kitty Hott) se plaint auprès de sa sœur (Suzanne Delvé), qui imagine un stratagème pour faire revenir le mari (André Roanne) dans le droit chemin, et ce malgré l’attraction particulièrement forte de la princesse Orazzi (Georgette Faraboni)…

Ce film de trois bobines est d’une ambition rare, et sans doute annonciateur d’une volonté de faire évoluer le cinéma hors des sentiers battus, et hors des canons de la Gaumont, la compagnie qui l’a produit. Feyder a tourné le film d’après un scénario de comédie boulevardière assez classique signé de Gaston Ravel, mais qu’il a filmé délibérément en plans rapprochés et en gros plans. Il en résulte une comédie qui s’attache aux personnages, les découvrant incidemment dans leur environnement.

Ravel, avec l'assistance de Feyder, avait déjà mis en chantier le court métrage Des pieds et des mains, qui cadrait uniquement les jambes des protagonistes d'une comédie boulevardière sophistiquée... Le titre de ce nouveau film est une allusion au fait que les personnages ne sont jamais vus en pied, justement, contrairement à l’usage de plans généraux utilisés en priorité à des fins d’exposition. Le recours à des miroirs, à des caches (Un paravent derrière lequel Roanne, futur acteur de Renoir et Pabst au destin tragique, subit une consultation médicale, seule sa tête dépassant), à la vue subjective d’une loge de théâtre vue à travers les jumelles de l’héroïne, tout concourt à isoler les têtes des protagonistes dans le champ afin d’offrir une série de variations sur le titre. Mais surtout, les acteurs ainsi approchés, enserrés dans un cadre qui limite leur action, trouvent une subtilité qui est très rafraîchissante. Il est dommage qu’on n’ait pas laissé Feyder réaliser beaucoup d’autres films dans ce genre à La Gaumont… 

Pour finir ce tour d'horizon d'un film essentiel, on reconnaîtra dans le film une apparition de luxe, d'une très grande dame à la carrière prestigieuse... Ci-dessous, Françoise Rosay.

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Published by François Massarelli - dans Jacques Feyder Comédie 1916 Muet *
29 mars 2020 7 29 /03 /mars /2020 18:39

On ne parle pas beaucoup de ce film, qui a pourtant tout pour être une cause célèbre... Une star en fin de course qui profite de sa dernière occasion de briller dans un premier rôle, une production internationale (scénario, distribution et studio français, réalisateur Italien, star Américaine, techniciens Allemands et extérieurs Espagnols...), et par dessus le marché un problème de timing particulièrement important: commencé en plein muet, sorti synchronisé et doublé puisque sa star ne parle pas un mot de français... ce qui se voit, et se lit sur les lèvres.

Le film devait être une réalisation de René Clair, mais ça ne s'est pas fait; il signe par contre l'argument, aussi simple que peut l'être Sous les toits de Paris: Lucienne (Louis Brooks) est en couple avec André (George Charlia), et il est jaloux, mais jaloux... La jeune femme, qui est dactylo, rêve de participer à un concours de beauté, et s'inscrit malgré les réticences de son fiancé... Et évidemment elle gagne: le couple va se déchirer à la suite de l'affaire...

Le miroir aux alouettes et l'illusion des paillettes, la difficulté à opérer une véritable ascension sociale, la jalousie, les moteurs mélodramatiques ne manquent pas pour une héroïne qui a autant envie de rêver que de s'en sortir: rêver, c'est justement, probablement, le point qui a motivé René Clair, mais le film me paraît peu en phase avec son oeuvre. D'une part parce que Gennina en a gommé toute fantaisie au profit d'une étonnante et souvent efficace peinture des milieux, des contrastes entre les deux vies possibles de Lucienne la dactylo. Avec son André si terriblement jaloux , elle aurait un peu d'affection et très peu de glamour. Avec les hommes qui guettent les miss, et qui tentent de les séduire et les exploiter elle bénéficie d'un rêve glauque et probablement de courte durée: le film nous conte le choc de ces deux mondes en même temps que le choc entre le prolétariat des années 20 et 30 et une certaine vision de la bourgeoisie. 

Louise Brooks est excellente, à condition bien sûr de regarder la version muette exhumée ces dernières années, qui font de Prix de beauté un bien meilleur film que le bricolage dégoûtant sorti en août 1930. Le film est plus long, plus fluide aussi... La tentation du son y est bien présente (nombreux plans de "machines parlantes", radios, phonographes, etc), et aurait pu être l'affaire d'une ou deux chansons, le reste tient la route presque sans intertitres. C'est souvent du grand cinéma muet, avec cette attention toute particulière du détail, de l'environnement, ces mouvements de caméra et cette place donnée au suspense. A ce titre, la dernière bobine est tout simplement remarquable... 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1930 René Clair Louise Brooks Augusto Genina *
19 mars 2020 4 19 /03 /mars /2020 16:27

L'officier Hermann (Ivan Mosjoukine) passe des soirées entières au milieu des autres officiers, à regarder sans y prendre part aux parties endiablées de cartes. Entendant une anecdote racontée par un de ses collègues, dont la grand-mère, une vieille comtesse, a un jour joué trois cartes particulières qui lui ont donné la fortune, il décide de questionner la vieille aristocrate sur son secret. Il cherche à l'approcher en séduisant sa dame de compagnie, et bientôt il réussit à pouvoir lui parler...

Ce sera un désastre.

Ce film est l'un des plus célèbres parmi les films de l'époque pré-révolutionnaire en Russie. Protozanov y développe un style de narration qui joue sur l'extrême lenteur, d'une part: lenteur de jeu et lenteur de rythme. Et il y filme dans des décors et des éclairages particulièrement soignés... Donc soyons clair: le rythme est si particulièrement lent, qu'on risque assez souvent de s'y perdre, paradoxalement... Mosjoukine, pour l'un de ses rôles les plus notables avant son arrivée à Paris, y est l'ombrageux, tourmenté officier abstinent qui ne veut jouer qu'à coup sûr... Et qui pourrait bien être une métaphore narquoise d'autre chose, d'autant que le bellâtre est bien prompt à sortir son arme de poing pour faire peur aux vieilles dames!

Sinon la technique du film fait la part belle aux truquages (eh oui, brave gens, on n'a pas attendu Netflix pour voir des films avec des effets spéciaux), notamment la surimpression, tant utilisée dans les films de Bauer pour véhiculer les pensées, souvenirs, regrets et tourments des protagonistes... Et une séquence finale montre Mosjoukine pris au piège d'une gigantesque toile d'araignée...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1916 Ivan Mosjoukine *
17 mars 2020 2 17 /03 /mars /2020 16:39

Sorti en 1923, mais prêt depuis la fin 1922 quand il a été montré aux exploitants, La maison du mystère est pour la compagnie Albatros d'une grande importance; hérité des productions Ermolieff, qui s'installent à Paris à l'aube des années 20, le petit studio de Montreuil dominé par les Russes, va enfin rencontrer le succès, en particulier grâce à ce film en dix épisodes, qui sera un triomphe, après les succès d'estime des précédentes productions des Russes Blancs (Dits "De Montreuil") qui ont fui la révolution. Leur cinéma est essentiellement basé sur l'émotion, l'évasion et la captation des sentiments à l'écran, et nul mieux que Mosjoukine ne sait exploiter ce créneau. C'est ce que démontre cette imposante mais superbe production de 6h30, entièrement conservée et reconstituée avec un soin incroyable par feue Renée Lichtig, et enfin mise à notre disposition depuis 2015 en DVD dans la collection Flicker Alley.

Julien Villandrit est un chef d'entreprise heureux en amour, mais dont des soucis de comptabilité assombrissent la vie. Sa femme, la tendre Régine, est à son insu l'objet d'un lourd secret: le banquier Marjory est en effet son père, issu d'une liaison passée et secrète. Depuis la mort de la maman, plus personne n'est au courant, et Marjory ne souhaite pas propager la nouvelle... Mais ses largesses pour le jeune couple, et son amour débordant pour Régine finissent par faire jaser, en particulier Henri Corradin: le meilleur ami de Julien est en effet depuis toujours amoureux de Régine, et très, très jaloux... Et bien sûr le drame est inévitable: après avoir fait part de ses soupçons à Julien, Corradin assiste à une bagarre entre les deux hommes, et lorsque Julien (Qui a compris la vérité) va chercher du secours pour venir en aide à Marjory mal en point, son ami tue froidement le banquier. Les empreintes de Villandrit, les traces de lutte, et les rumeurs sur l'infidélité de Régine, tout concourt à faire accuser Julien du crime... C'est le point de départ de 20 années de tumultes, de coups de théâtre, de trahisons et de mésaventures en tous genres...

Le roman de Jules Mary à la base de cette sombre histoire est sans aucun doute un pensum à fuir, mais le traitement qu'en proposent Volkoff (Et Mosjoukine, qui comme d'habitude à la main sur le scénario) est tout en passion... L'âme Russe, toujours, pour le flamboyant Mosjoukine, qui habite chaque scène de son regard intense, et grâce à son jeu d'une puissance rare, et presque unique dans le cinéma Français. Volkoff se tire de l'invraisemblance de chaque scène en jouant avec un talent fou la carte d'un cinéma visuel, tant dans l'utilisation de décors naturels que dans la composition magnifique; il prend par exemple le parti dans le premier épisode de traiter le mariage des Villandrit en cinq minutes d'ombres Chinoises, sans céder à la tentation de la joliesse et de la mièvrerie: ce théâtre d'ombres incorpore aussi le drame à venir. En prime, il se sert du montage comme personne, sans se vautrer dans l'utilisation d'effets à la Gance (Ce qu'il fera malgré tout avec plus de retenue que le metteur en scène de La roue, dans Kean en 1924 et Casanova en 1927): tout ici est dédié à la mise au coeur de l'action, et au coeur des passions, des spectateurs. Une fois mis le pied dans l'engrenage du premier épisode, impossible de s'arrêter ou de demander grâce!

Et le serial, avec sagesse, suit le parcours inévitable du genre: il installe une harmonie (Un mariage, une naissance) à peine entachée de quelques zones d'ombre suffisamment définies pour apporter plus tard leur lot d'ennuis (L'argent, les soupçons d'infidélité, la présence envahissante du "rival" félon Corradin), et le chaos qui s'ensuit (L'arrestation, puis l'incarcération et enfin l'évasion et la fausse mort de Villandrit) va être la toile de fond d'un long retour à la joie et au bonheur, véritable but des protagonistes et du public (En l'occurrence proclamer et prouver son innocence pour avoir le droit de récupérer sa femme et sa fille!). Les règles du genre sont donc bien respectées, et les passages obligés aussi: spectaculaires retournements de situation, traîtrises diverses (le méchant Corradin), dosage de l'émotion, suspense, accélération du rythme en fin d'épisode...

Ni Mosjoukine, ni Volkoff, ni leurs acteurs ne se sont lancés dans cette aventure pour faire passer quelque message paternaliste que ce soit: on n'est pas chez Gaumont, et si "le patron" est bien mis en danger, c'est par son égal, son meilleur ami, un jaloux, un bilieux qui poursuit probablement des motifs peu recommandables. Certes, le monsieur est amoureux. ...La belle affaire! La façon dont Corradin, l'éternel éconduit par Régine (Hélène Darly), l'épouse de Julien, se retrouve tout à coup à dévisager la petite Christiane, la fille des Villandrit (Francine Mussy), nous laisse à penser qu'en plus d'être un lâche, un traître et un assassin (comme lui fait remarquer Villandrit dans leurs retrouvailles de l'épisode 8), Corradin est peut-être aussi un salopard fortement louche. Pour le reste, justement les sous-intrigues du film (un maître-chanteur pétri de remords et mû uniquement par le bien-être de son fils adoré, un évadé sûr de son bon droit, mais qui montre un profil bas en devenant l'humble et anonyme contremaître de l'entreprise dont il est le propriétaire et patron légitime) donnent l'impression d'une véritable humanité, qui s'étend au-delà des stéréotypes. Le héros est un brave homme, qu'il soit patron ou employé. Et le rôle joué par la religion (exactement comme dans Michel Strogoff, même si ici c'est de Catholicisme Romain qu'il s'agit et non de Catholicisme Orthodoxe) est essentiellement décoratif, pour Mosjoukine et Volkoff qui ont compris où s'arrêter pour qu'un motif ne prenne pas toute la place...

Et la cerise sur le gâteau, c'est qu'au milieu de tout ça, face à Ivan Mosjoukine, qui domine (mais comment pouvait-il en être autrement?), on trouve dans le rôle de Corradin le grand Charles Vanel, qui est superbe. Le clou du film, selon moi, est situé dans le huitième épisode, lorsque les deux hommes luttent après s'être perdus de vue pendant près de quinze ans: ils en sortiront vivants tous deux, mais la lutte est à mort et dure sept minutes, alors tout y passe: les poings, les baffes, l'arrachage de vêtements, les jets d'objets, même les meubles sont mis à contribution dans ce qui est une destruction systématique de l'environnement. Cette lutte se terminera d'une façon inouïe, par la projection d'un des deux protagonistes dans le vide, qui survivra à flanc de falaise. Falaise qui est filmée, entre autres, de très loin, avec des personnages qui ne sont que de menues silhouettes (voir photos plus bas)... Et pourtant, c'est on ne peut plus clair à comprendre. A l'issue de la bagarre, le spectateur est sans doute aussi exténué que les personnages...

C'est frappant, à quel point la mise en scène de ce film, à l'interprétation à la fois sobre et profondément émotionnelle, tranche sur toute la production française de l'époque, à de rares exceptions... Feyder et Crainquebille, ou Visages d'enfants, peut-être? Mais la modernité de Volkoff (et Mosjoukine, et leur assistant non crédité Tourjansky, soyons juste) passe par une habitude Russe d'une part: les personnages et leurs émotions sont constamment relayés par le décor et l'éclairage; et d'autre part, l'influence des Américains est là et bien là: le montage, le rythme de jeu et les angles de prise de vue sont tout entiers dédiés à l'impact émotionnel, et à la rigueur du point de vue. Il en résulte un film joué de façon convaincante, avec autant de fougue que de subtilité. Même si comme je le disais plus haut Mosjoukine domine, ce qui est incontestable, il semble avoir imprimé son style à tous les acteurs... Et c'est la naissance du style Albatros, justement, ces films merveilleux qui vont montrer au cinéma français la marche à suivre!

La Maison du mystère propose donc une évasion express, un divertissement spectaculaire et totalement grisant, dans des images qui sont du cinéma pur de bout en bout. En bref: c'est un film à voir absolument, l'un des chefs d'oeuvre de Mosjoukine, et sans doute l'un des plus beaux films muets Européens... Voilà c'est dit.

 

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Published by François Massarelli - dans Ivan Mosjoukine Muet Albatros 1922 Alexandre Volkoff *
11 mars 2020 3 11 /03 /mars /2020 18:28

C'est l'été, et dans la maison de M. Blomberg, il est de plus en plus difficile de faire la sieste, car les deux jeunes filles de la maison réclament une attention constante. Profitant d'un moment d'inattention de leur gouvernante, elles se rendent à la plage pour s'y baigner, mais elles rencontrent deux jeunes fils à papa, qui leur promettent de passer les prendre le soir même. Deux vagabonds à la recherche d'une bonne occasion ont entendu la conversation, et décident d'informer le père de la situation, afin de profiter du remue-ménage. Quand la police vient, à l'instigation du père, arrêter les deux jeunes hommes avant qu'ils ne s'introduisent dans la propriété, les deux clochards cambriolent la maison...

C'est  familier, bien sûr, et on reconnaît dans ce film séminal de la collaboration entre Lauritzen et ses deux vedettes principales, comme un schéma qui sera copieusement réutilisé: une belle maison de vacances au bord de la mer du nord, un climat doux d'été, un père jaloux de la vertu de ses filles, et deux jeunes gens de très bonne famille, confrontés à deux vagabonds en roue libre... Sauf que ceux-ci (Carl Schenström et Aage Bendixen) sont assez franchement antipathiques. Et Aage Bendixen est loin d'être Harald Madsen! La formule méritait sans doute 'être encore raffinée, ce qui explique le goût de trop peu fourni par ce film.

Quant au duo, qui serait en place dans le film suivant de Lauritzen avec Schenström, il est évident pour qui en douterait que, si Schenström a toujours été le principal moteur de l'association (C'est lui, "Pat", "Doublepatte" ou "Fy", le premier des deux noms dans toutes les langues), il avait besoin d'un partenaire, certes, mais pas n'importe lequel. D'ailleurs, imagine-t-on Laurel et Hardy sans Laurel OU sans Hardy? Il existe un film, un long métrage dans lequel Hal Roach avait tenté de placer Hardy en collaboration avec Harry Langdon... Il vaut mieux ne pas en parler.

https://www.stumfilm.dk/stumfilm/streaming/film/tyvepak

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Published by François Massarelli - dans Schenström & Madsen Muet 1921 Comédie DFI * Lau Lauritzen
4 mars 2020 3 04 /03 /mars /2020 16:11

Sans être aussi connu que Broken Blossoms, ou aussi flamboyant que les énormes Birth of a nation et Intolerance, cette petite comédie tendre et à la petite musique douce et nostalgique est un bien beau film: avec Lillian Gish, bien sur, dont le point de vue reste le principal point d'ancrage d'une narration souvent douce-amère , mais aussi avec Bobby Harron, dont c'est l'un des derniers rôles en vedette pour Griffith.

Je ne reviendrai pas en longueur sur les circonstances tragiques et jamais élucidées de sa mort (On estime qu'il se serait suicidé en raison du choix de Richard Barthelmess pour interpréter Way Down East), mais c'était une grosse perte: on connaît son interprétation magistrale du "Garçon" de Intolerance, et son visage juvénile (ici, il a 26 ans) et malléable lui permet dans True Heart susie d'interpréter de manière convaincante un pré-ado aussi bien qu'un jeune adulte.

L'histoire, située dans l'Indiana, est la chronique rurale d'une petite communauté à l'écart des bouleversements du monde, dans laquelle vivent Susie (Gish) et William (Harron); inséparables, ils se sont aimés comme des enfants jusqu'au jour où par un stratagème, la jeune fille a réussi à envoyer William à l'université, sans lui révéler qu'elle était sa bienfaitrice. Revenu quelques années après et devenu pasteur, il se marie avec la première pimbêche venue (Clarine Seymour, qui allait bientôt décéder aussi), mais Susie souffre en silence car elle sait que ce mariage est une erreur, non seulement de son point de vue à elle, mais aussi par rapport à William qui ne se rend pas compte que sa femme le mène en bateau...

Une fois accepté le trou béant du scénario, par ailleurs typique du mélo facile (Mais pourquoi diable Bettina -Seymour- se marie-t-elle avec William?), le film est un enchantement, basé sur la dichotomie propre au muet (Et si bien illustrée par les films The Kid Brother de Harold Lloyd, Tol'able David de Henry King ou même en plus complexe et intérieur, l'inégalable Sunrise de Murnau) de l'opposition entre une ville qui corrompt, et une campagne authentique et sincère, les deux étant symbolisées par une femme. Le film déroule tranquillement sa trame, à coupe de séquences ponctuées d'intertitres avec clins d'yeux permanents d'un Griffith narrateur, dans un style lumineux et forcément doux.

Mais bien sur, les fans de Lillian Gish sont à la fête, avec une Susie qui ne se laisse jamais aller à devenir une figure tragique, restant du début à la fin une femme-enfant: elle a déjà, par un deuil précoce (Elle est orpheline) une certaine maturité, qui la pousse à se comporter en vraie grande soeur avec ce grand nigaud de William, mais grandie trop vite, elle garde en adulte son allure d'enfant. Le contraste avec Bettina est assez peu subtil, mais Griffith et Clarine Seymour ont bien chargé le personnage, avec un certain succès: il ne s'agit pas ici de faire dans le réalisme, et la comédie se satisfait de cette exagération. C'est d'ailleurs un film pour lequel on convoquerait volontiers les comparaisons avec les grands longs métrages burlesques: Keaton s'inspirera de cette veine Griffithienne dans The goat, ou dans Our Hospitality. Sinon, j'ai déjà fait allusion à Harold Lloyd, mais le jeu de Lillian Gish fait aussi penser à Harry Langdon, en particulier par sa lenteur, son décalage, et l'importance de ses yeux par rapport à un corps dont elle souligne la gaucherie.

Après une séquence un peu plus relevée, dans laquelle Bettina fait face à son destin, et doit affronter les conséquences de ses mensonges, une tempête et la maladie, le film permet aux amoureux d'avoir une seconde chance, et on les revoit une fois de plus, à distance, par le souvenir des enfants qu'ils ont été. On est loin du cynisme, du tumulte des grandes épopées, on est en pleine Americana, et que voulez-vous, on en redemande... On retrouvera une partie de cette atmosphère dans Way Down East.

https://www.youtube.com/watch?v=NxpjXrzWW4Q

 

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet 1919 Comédie Lillian Gish *
3 mars 2020 2 03 /03 /mars /2020 18:23

La jeune femme qui donne son nom au film est interprétée par Francesca Bertini, et elle est lavandière. Dès le départ, nous sommes confrontés au coeur du drame: elle est fiancée à un homme, un boucher très violent, Michele (Gustavo Serena), mais un autre homme la courtise avec insistance, Raffaele (Luciano Albertini). Averti par une lettre anonyme qu'Assunta passe du temps avec un rival, Michele attaque la jeune femme et la défigure. Il va faire de la prison, mais Assunta cède au chantage d'un homme influent, et lui accorde des faveurs en l'échange de la mise en liberté sous six mois de son fiancé...

Cette sombre histoire d'une fuite en avant est notable par beaucoup plus que son intrigue... D'une part, la fatalité de la situation est rendue par des acteurs qui usent d'une grande subtilité, jouant presque plus la fatalité que le drame, Bertini en tête... Véritable auteure du film, elle a obtenu de pouvoir le diriger dans les rues de Naples, au milieu des commerces et des petites gens, et c'est une Italie au naturel, captée dans son jus et pour l'éternité, que nous trouvons devant nous...

Elle a aussi obtenu de son équipe une impressionnante façon de composer le drame, dans des plans souvent tournés dans d'authentiques boutiques, et où la vie grouillante de la ville est captée dans une utilisation gourmande de la profondeur de champ.

 

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Published by François Massarelli - dans Francesca Bertini Muet 1917 *
29 février 2020 6 29 /02 /février /2020 17:56

On est, avec cette rare comédie qui date d'avant l'âge d'or, mais juste avant, en plein univers de Frank Capra... Mais quinze années avant! C'est un des films réalisés autour de la personnalité attachante du comédien aujourd'hui oublié Douglas Maclean, et si le nom de Jack Nelson ne nous évoque lui aussi pas grand chose, on connaît en revanche le nom du superviseur de ce film, le célèbre Thomas Ince, qui adorait signer au delà du raisonnable mes films qui sortaient de ses ateliers; par exemple, sur les trois premiers cartons du générique de ce film, son patronyme apparaît 5 fois...

Jimmie Knight vient de finir ses études, il fait donc ce que tout héros de comédie muette doit faire: il rentre dans son petit trou pourri originel, en l'occurrence Centerville, Iowa... En chemin, il rencontre une adorable créature (Marian De Beck) et le coup de foudre est manifestement réciproque... Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il s'agit en fait de Miriam Rogers, la fille des rivaux du drug store qu'il va désormais tenir, en ayant hérité. Et le père Rogers, lui, est un capitaliste du genre qui ne rigole pas, le magasin familial pourrait bien être liquidé en deux semaines. L'idée qui va sauver le commerce familial est de prétendre que le père de Jimmie, avant de mourir, a trouvé la panacée absolue, de fabriquer un médicament (plus il sera dégoûtant, mieux ce sera), et de le vendre à tous les imbéciles qui le demanderont... Et en plus, ça marche: le truc commercial, bien sûr, mais surtout le médicament, qui guérit effectivement tous ceux qui y croient, quel que soit leur maladie!

Le titre fait allusion à une formule de P.T. Barnum, selon laquelle toutes les minutes, il naît un imbécile à arnaquer... ce qui annonce quand même assez sérieusement la couleur. On notera que sur les fonds baptismaux de la panacée créée par Jimmie Knight (charbon de bois, terre, gingembre...), on trouve non seulement un jeune diplômé de droit, mais aussi le journaliste local, propriétaire de l'unique organe de presse de Centerville: un beau pedigree, donc, pour un médicament qui n'est finalement que de la poudre aux yeux...

S'il faut admettre que le film promet plus qu'il ne donne (on s'attend longtemps à ce qu'un retour de bâton punisse les prétentions du héros, en vain), le film est plaisant pour son optimisme, sa simplicité, et le fait que finalement toute cette histoire de clochers se résout entre amis, au village, pour ainsi dire. Certes, c'est une vision par trop optimiste des dures lois de la publicité et du capitalisme, mais c'est dit avec le sourire, et Maclean évoluant dans un univers qui fait tellement penser à ceux de Fairbanks, Lloyd et Chase, qu'on lui pardonne beaucoup.

 

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Published by François Massarelli - dans Douglas MacLean Comédie Thomas Ince Muet 1921 *