Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

16 juillet 2019 2 16 /07 /juillet /2019 17:47

Continuant dans la veine de son film Die Verrufenen qui s'intéressait de façon naturaliste à la vie de pauvres berlinois, Lamprecht se lance dans une fresque dédiée à la vraie vie d'un immeuble sous la République de Weimar, utilisant le prétexte du lieu presque unique pour lier les histoires et les personnages entre eux.

Les personnages, c'est bien sûr le mot-clé: l'une des réussites du film dont je parlais plus tôt avait été dans la confection "prise sur le vif" de ces quelques habitants défavorisés de la capitale Allemande. Ce nouveau film n'est pas en reste, et le film repose sur plusieurs anecdotes liées au lieu, un immeuble de centre-ville qui abrite plusieurs familles et plusieurs destins:

La propriétaire, la veuve Büttner (Erika Glässner), est une méchante personne, qui n'est satisfaite que par l'arrivée en temps et en heure des loyers. Elle met un point d'honneur à menacer ceux qui ne paient pas de les mettre dehors. Elle va tomber entre les griffes d'un escroc qui va lui promettre le mariage.

...C'est d'ailleurs la faute de Ria Ricorda Roda, la "conseillère matrimoniale" (Margarethe Kupfer), une brave dame qui semble prospérer avec une affaire qui n'a sans doute pas grand chose d'honnête.

Madame Ipanovna (Olga Limburg) tient une école de danse dans l'immeuble, ce qui donne parfois de la vie dans les escaliers.

Dans les derniers étages, il y a la famille du vendeur de ballons (Berthold Reissig), et un vieux professeur de piano qui a du mal à joindre les deux bouts (Paul Bildt). Il y a aussi une dame qui a sans doute connu des jours meilleurs, madame Von Volgast (Mathilde Sussin) et son fils Dieter (Andreas Bull).

L'intrigue la plus importante, au milieu de tout ça (avec des ramifications évidemment) est celle qui concerne le bijoutier Rudloff (Eduard Rothauser) et ses deux filles: la plus jeune, Brigitte (Renate Brausewetter), travaille avec lui et est attentive aux malheurs des habitants des étages, surtout le jeune Dieter; la plus âgée, Gertrud (Aud Egede-Nissen), est mariée au conseiller d'état Helmuth Köhler (Alfred Abel), mais elle vient de passer en jugement pour avoir entraîné la mort d'un homme en conduisant. Au début du film, on apprend qu'elle vient d'accoucher d'un fils: la famille se déchire autour de la condition de la mère et de l'enfant...

Tout ce petit monde nous est présenté au début par deux infatigables commères, qui donnent un peu un ton léger au film. C'est vrai que contrairement à son précédent effort "Berlinois", Lamprecht a décidé d'insuffler un peu de comédie dans ce nouvel effort qui en dépit de similitudes de structure avec Die freudlose Gasse, reste beaucoup plus optimiste. C'est, tout de suite, un film passionnant, qui sait nous rendre proche des personnages, au moyen de scènes parfois en apparence inutiles, mais qui toutes participent d'un ensemble, soit en faisant le lien entre les êtres et les appartements, soit en créant des passerelles d'une intrigue à l'autre. 

Tout ne sera pas totalement résolu à la fin du film, mais la plupart des personnages vont évoluer, et beaucoup d'entre eux vont voir leurs problèmes résolus: ce qui n'a pas manqué d'attirer sur Lamprecht les foudres de certains critiques qui l'accusaient de légèreté, là où il avait plutôt tendance à  faire passer un message, fut-il naïf: car le futur metteur en scène d'Emil und die Detektive nous parle ici d'entraide, de main tendue et de compassion. Son film n'a rien d'un cri d'alarme politique, mais c'est beaucoup plus un éloge de la générosité, incarnée entre autres par Brigitte et son père. Mais on peut aussi voir cet aspect dans le comportement d'une ballerine anonyme, qui met en rapport Madame Ipanovna et le pianiste, sauvant ainsi ce dernier. Elle avait une bonne raison, car elle lui avait manqué de respect dans l'escalier. Et on en revient à ce que je disais plus tôt sur ces scènes apparemment inutiles: c'est parce qu'elle revient de l'étage où elle a acheté un ballon que la jeune femme bouscule le pianiste, et par voie de conséquence lui vient ensuite en aide. Tout le film fonctionne dans cette tendance à passer d'une strate (d'un étage) à l'autre, par des mouvements qui tous ont une suite, des conséquences, et une logique naturelle et désarmante. 

L'effort d'observation qui préside au film est remarquable, tout comme la mise en scène qui disparaît totalement derrière les personnages et leur destin. Ca donne un film généreux, qui emballe sans jamais faire d'étincelles inutiles. Car il est manifeste, au vu de  ses films, que Lamprecht aime demander de la retenue à ses acteurs, qui sont remarquables de subtilité. Les plus intenses restent, sans surprise, les deux "stars Langiennes", Alfred Abel et Aud Egede-Nissen, qui réussissent à ne pas déparer en jouant suffisamment le jeu. Et l'actrice, qui doit incarner dans le film une prisonnière séparée de son enfant nouveau-né, est sans doute le seul vrai lien de ce beau film avec le mélodrame. Pour ma part, je pense que l'interprétation de celle qui fut une Cara Carozza excessive dans Dr Mabuse, der Spieler, est ici irréprochable.

Voilà qui donne sérieusement envie de continuer à explorer le travail de Gerhard Lamprecht, un metteur en scène qui n'était ni Lang, ni Lubitsch, ni Murnau, ni Pabst, et qui a pourtant réussi à se bâtir une carrière hors des sentiers battus du cinéma Allemand, autour de quelques films hautement personnels, dont celui-ci est un excellent échantillon... Et à travers son plaidoyer pour la générosité et l'entraide, se niche un portrait fascinant d'une société en voie de désintégration, dont on sait ce qu'elle est devenue ensuite: alors ça donne envie de tirer la sonnette d'alarme.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Gerhard Lamprecht Muet 1926 *
15 juillet 2019 1 15 /07 /juillet /2019 16:48

1925, à Berlin, deux hommes sortent de prison: l'un, Gustav (Arthur Bergen) content de sortir mais particulièrement insouciant, avise qui veut bien l'entendre qu'il ne va pas travailler. L'autre, Robert Kramer (Bernhard Goetzke), le visage marqué par la honte et la déprime, se met de suite à chercher un travail, et un logement: il est rejeté par son père, et va devoir passer sa première nuit de liberté dans un refuge. Il trouve du travail auprès de patrons peu regardants, mais se rend vite compte qu'il sera payé en alcool. Résolu à en finir, il est sauvé du suicide par une prostituée qui le prend sous son aile: Emma (Aud Egede Nissen) est la soeur de l'homme qui est sorti en même temps que Robert... Grâce à l'aide d'Emma, Robert va pouvoir recommencer à espérer. Mais son frère est là, et lui n'a pas changé d'optique: le travail, c'est bon pour les autres...

C'est l'un des premiers films significatifs de Gerhard Lamprecht, metteur en scène assez particulier dans la mesure où il est venu au cinéma par passion. Contrairement à Lubitsch, Wiene, Dupont, Lang ou Murnau, il n'était pas artiste au préalable, mais avait la passion de ce nouvel art, au point de s'y investir totalement. Et au point de toucher à tout, puisqu'on lui prête une gourmandise certaine pour à peu près tous les genres du cinéma populaire. Car, et c'est un autre aspect qui le distingue de ses illustres contemporains, Lamprecht n'avait que faire de l'expressionnisme et de ses effets. Et s'il est significatif, c'est parce que ce film appartient à un cycle d'oeuvres dans lesquelles il a cherché à peindre le Berlin des pauvres gens, d'une façon aussi réaliste que possible.

Ce que Lamprecht obtient n'est pas tant du réalisme que du naturalisme: une concentration de noirceur, de saleté et de pauvreté qui couvre le sujet, mais on espère quand même qu'il y a eu exagération! Si le cinéma des années 20, en Allemagne, était vraiment l'âge des studios, alors Lamprecht était vraiment un original, car il s'en est tenu à l'écart, apparemment, en choisissant de tourner en pleine rue, dans des lieux dramatiquement adéquats, et a engagé un grand nombre de figurants qui venaient directement de ce même milieu qu'il cherchait à dépeindre... Et ça se voit!

On s'attache à ce personnage ravagé par la honte, la misère, et surtout l'incompréhension, parce qu'il ne cherche pas des excuses. D'ailleurs, si on lit entre les lignes on comprendra que Robert, dont un flash-back nous apprend qu'il fut un bon vivant quand il était encore de l'autre côté, est en fait allé en prison pour quelqu'un d'autre, une femme qu'il a aimé, et qui ne l'a pas attendu. S'il s'en sortira au final, ce sera entièrement grâce à Emma et son monde, car il va trouver, avec son "association" avec a jeune prostituée, de l'entraide, de la chaleur et de l'humanité...

Sans être socialiste pour autant (la gauche comme la droite n'aiment pas les films de Lamprecht qu'ils trouvaient louche, et par ailleurs trop populaire), le film est très humain, marqué par un jeu subtil qui n'est pas l'apanage du cinéma Allemand. Tout au plus y a t-il un passage où Aud Egede Nissen en fait un peu trop, dans une grosse colère qui se termine par un intertitre, où elle invective l'ex-fiancée de Robert: "Salope!"... Oui, car on parle fort dans ce film muet qui évite le mélodrame, mais ne ment jamais. Et on y voit une belle collection d'acteurs, dont beaucoup viennent de chez Lang ou Pabst, mais pas que: Mady Christians, par exemple, vient de Lubitsch et Murnau... Mais on connaît bien Georg John, Robert Garrison, Bernhard Goetzke et Aud Egede Nissen...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1925 Muet Gerhard Lamprecht *
12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 16:55

Ce long métrage est le dernier que Mariaud tournera en France, et l'avant-dernier film de sa carrière. Il n'a quasiment pas tourné depuis 1924, et sa place dans l'histoire du cinéma, ou plutôt son absence, semble déjà scellée. C'est avec un studio indépendant qu'il tourne ce film policier, qui lui permet de retrouver les lieux de son enfance: le réalisateur a grandi à Alger...

L'intrigue, un récité original co-écrit avec Jean-François Martial, qui interprète le rôle principal, est une histoire d'aventures rocambolesques de détective, de déguisements, de coup de théâtre et d'objets mystérieux. Un titre alternatif annonce d'ailleurs mieux la couleur: L'énigme du poignard... L'objet en question devient un McGuffin au sein d'une enquête du valeureux et intrépide commissaire Delcamps (Martial) qui va secourir la belle chanteuse Miralda (Jeanine Lequesne), séquestrée par trois vils impresarii... 

Ca commence sur un bateau qui fait la navette entre la côte Nord-Africaine et Marseille, et les allers et retours sont nombreux entre les deux continents. Le film, qui aligne les coups de théâtre et les bagarres, permet à Maurice Mariaud de mettre en scène quelques scènes durant lesquelles il transcende intelligemment la violence, en en limitant la représentation. Comme un Michael Curtiz (mais sans sa maîtrise en ce domaine), il utilise avec adresse les plans d'ombres pour ajouter du mystère. Enfin, il se permet aussi une poursuite dans le désert dont on set qu'elle a du faire plaisir à l'équipe!

Le film n'est pas  très sérieux (le principal collaborateur de Delcamps est son chien Sherlock...), et ne se départit jamais d'un esprit boy-scout suranné, mais ça n'empêche pas les bonnes idées, comme un traumatisme de la jeune héroïne, qui se remémore une terrifiante anecdote en voyant le visage grimaçant d'un de ses tortionnaires en quatre exemplaires... Mais l'essentiel, paradoxalement, me semble être le plaisir de tourner à Alger, où Mariaud a ses repères. Il sait bien choisir ses lieux pour obtenir le meilleur effet de ses décors, et ceux-ci sont naturels... 

Puisqu'on parle de naturel, je ne peux m'empêcher de penser qu'en représentant deux bandits, poursuivis par des cavaliers aguerris, qui s'enfoncent vers la mort dans le Sahara, Maurice Mariaud envoyait probablement un clin d'oeil appuyé à un très grand nom du cinéma: toutes proportions gardées, comment ne pas penser en effet au final sardonique de Greed? Ici, Mariaud en fait le triste destin de deux canailles...

Bref, c'est un bon film en dépit d'un héros un peu terne, mais c'est surtout un film qui ne va pas marcher et va tout bonnement disparaître de la mémoire collective pendant des années. Remercions une fois de plus Frédéric Monnier, l'auteur du seul livre consacré au cinéaste, de ses efforts pour remettre le nom de Maurice Mariaud dans l'histoire du cinéma, et de nous permettre en prime, de voir une poignée de ses films sur un DVD paru avec l'ouvrage.

http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100222630&fa=details

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1929 Maurice Mariaud *
9 juin 2019 7 09 /06 /juin /2019 13:33

Aucun rapport avec Tati, bien sûr! Sorti en 1925, ce film de cinq bobines est également connu sous le titre de Mon oncle de Passy. On a l'excellente surprise d'y retrouver le grand René Navarre, inoubliable interprète de Fantômas dans les cinq films de Louis Feuillade (1913 à 1914), un habitué des rôles inquiétants... Mais pas ici!

Le matin, dans un refuge pour miséreux à Paris, deux hommes parlent de leurs perspectives: Jean Bonnefous, dit "le père Jean" (René Navarre), est bien décidé à travailler parce qu'il a une morale, mais pas "la Bricole" (Paul Menant) qui lui attend de la vie qu'elle lui fournisse des combines. Jean se rend sur les quais de la Seine, où il a ses petites habitudes, travaillant auprès d'un toiletteur pour chiens. mais celui-ci n'a rien pour lui... si ce n'est un chien abandonné dont il souhaite se débarrasser. Quelques pas plus loin, Jean trouve au sol un paquet de vêtements, et des papiers. Une lettre, signée de Maurice de Champleux, annonce la couleur: l'homme, fatigué de vivre dans la solitude, a décidé de se jeter à l'eau. Il laisse une villa cossue, un coffre-fort et des clés. Le père Jean qui n'y croit à peine, se rend sur les lieux, et à sa grande surprise se retrouve le seul habitant d'une villa très confortable...

Mais "la Bricole", renseigné par un malfrat de ses amis, s'y rend cette nuit-là, et a la surprise d'y trouver le vieux Jean, qui le chasse sans ménagement. Le lendemain, conforté par une nuit passée dans la villa, Jean a la surprise d'y trouver une famille venue de nulle part: c'est la nièce du propriétaire (Francine Mussey, vue dans l'excellent La maison du mystère de Alexandre Volkoff) qui a décidé de reprendre le contact avec "son" oncle qu'elle ne connait pas, et dont elle ne peut pas savoir qu'il est décédé. Partagé entre l'affection d'une très mignonne nièce, et la menace du retour de "la Bricole", Jean s'enfonce dans le mensonge...

Certes toute cette histoire est impossible, et le ton est résolument à la comédie, mais derrière cette histoire structurée sur des besoins moraux (celui de Jean de ne pas aller trop loin dans un mensonge embarrassant, et celui du spectateur que la vérité éclate afin que la gentille nièce ne souffre pas à cause du héros), Maurice Mariaud se plaît à suivre les aventures d'un homme coincé dans une situation embarrassante dont il ne peut se sortir sans ajouter à son embarras. C'est le ressort le plus souvent utilisée à cette même époque dans les comédies de Leo McCarey avec Charley Chase! Et quand on annonce au faux Maurice de Champleux qu'il va devoir "recommencer" à écrire des romans à succès, la réaction de Navarre est impayable!

Et si bien sûr le film ne s'adonne jamais au slapstick, le ton reste constamment à deux doigts du drame sans pour autant y sacrifier. Le fait que Navarre soit formidable dans le rôle, bien évidemment, nous aide à adhérer au film, et celui-ci est très soigné. On notera de quelle façon le metteur en scène utilise le décor, que ce soit les quais de Paris, ou l'intérieur cossu de la villa. Et les quatre personnages (à Jean, sa nièce et le dangereux La bricole, vient s'ajouter un secrétaire timide, qui cache un intéressant secret) ont dans leur interaction de quoi soutenir un film entier sans forcer... Avec son histoire de vagabond embarrassé qui n'a pourtant rien de Chaplin, c'est une nouvelle excellente découverte, un film superbement interprété, toujours avec le ton juste, à voir séance tenante!

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1924 Maurice Mariaud Comédie *
31 mai 2019 5 31 /05 /mai /2019 17:03

C'est de la mer que viendra l'aventure, ou tout du moins l'intrigue de ce film: un bateau brûle au large d'un petit village côtier du Finistère, et le sauvetage s'organise. Dans une maison, les femmes sont inquiètes et nous faisons la connaissance d'Annaïck (Yvonne Mario), une jeune Bretonne qui vient de sortir en chemise de nuit de son lit clos pour s'enquérir de l'agitation qui vient de prendre tout le village... 

C'est frappant, comment Mariaud réussit, dès le début de son film, à camper de façon totalement tangible à la fois le décor, ses traditions, la vérité des corps et des métiers des uns et des autres: les vieilles pierres des maisons, dont les murs ont été usés par les embruns, le pavé rustique, les rues étroites... et les sauveteurs qui mettent le bateau à la mer pour aller secourir les victimes: on est en Bretagne, ça ne fait aucun doute.

Puis au retour des matelots, l'intrigue proprement dite va pouvoir commencer: seul rescapé du naufrage, un mystérieux jeune homme est devenu amnésique. Annaïck va se charger de lui, lui faire reprendre pied dans la vie, avec douceur et patience... Mais aussi avec des contes de fées auquel elle va l'intéresser. Mais ce sera justement l'un d'entre eux, qui révélera l'identité du jeune homme, au grand dam de la famille qui l'avait recueilli, et surtout d'Annaïck qui perdra plus qu'un ami.

Ce film superbe prouve qu'il n'y avait finalement pas que Feuillade et Perret à la Gaumont avant 1914: Mariaud, l'un des cinéastes les plus mystérieux qui soient, avait lui aussi un talent visuel distinctif, qui éclate dans la façon dont il traite le cadre dans ce beau film. A bonne distance des acteurs, mais juste de quoi leur donner le champ nécessaire pour composer une certaine vérité. Le jeu est sobre, contenu, mais suffisamment expressif pour aller droit au but...

Et Maurice Mariaud (au fait, ne serait-ce pas lui qu'on voit dans les premiers plans, sonner l'alarme après avoir repéré le bateau qui brûlait?) s'est déplacé jusqu'en Bretagne, et il n'y est pas allé pour rien: sa séquence de sauvetage, dont il se sert précisément pour camper son décor et ses personnages, est fort belle et bien vue, et la façon dont il se sert aussi de la pierre, mais aussi de l'authenticité des intérieurs sombres, de la texture boisée du lit clos, nous transportent aussi sûrement qu'un TGV! Ce qui ne l'empêche pas de montrer, à partir de sources de lumière pas forcément évidentes, de jouer avec brio sur l'éclairage, pour souligner l'angoisse de la jeune femme restée à la maison, durant le sauvetage dramatique, et pour montrer la tranquillité de la petite communauté réunie à la veillée, et éclairée depuis le modeste foyer de la cheminée.

On reparlera de ce cinéaste, d'autant que Frédéric Monnier, au terme de plusieurs années de recherches pour reconstituer le parcours du cinéaste méconnu, et explorer sa filmographie (moins d'une vingtaine de films sur 40 ont survécu), vient de lui consacrer un livre. La nouvelle est d'importance, et elle a été assez peu relayée dans les médias: un oubli à réparer, en se procurant l'ouvrage, accompagné d'un double DVD contenant une poignée de films. ...Quand je vous disais qu'on en reparlerait!

Pour se procurer cet ouvrage: http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100222630&fa=details

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Maurice Mariaud *
16 mai 2019 4 16 /05 /mai /2019 21:40

Bill Dana (Richard Dix), bien que vaguement venu du Texas, est un New Yorkais bon teint, qui passe du temps sur un banc à lire... Il rencontre un jour Molly (Esther Ralston), une jeune femme à l'esprit si romanesque qu'elle ne jure que par l'Ouest Américain. Afin de la séduire, Bill décide d'affronter ses racines et se rend dans le ranch Texan de son oncle, persuadé qu'il va s'y confronter à la dure vie de cow-boy... et déchante bien vite: les cow-boys sont bien fatigués, ils sont tous de New York ou du New Jersey, et ils conduisent des Ford T plutôt que de monter des chevaux. Et par dessus le marché, Bill apprend après un temps que sa fiancée vient le visiter pour l'encourager...

On se doute de ce qui va se passer: le jeune homme va essayer de faire passer le ranch "modernisé" pour une installation héroïque à l'ancienne, et le gag ne va pas marcher. Le film, lui, par contre, est adorable: toutes proportions gardées, car La Cava en était encore au début de sa carrière, mais il est déjà doué pour mettre le public sérieusement de son côté, en exploitant le ridicule d'une situation avec un mélange d'ironie et de tendresse, qui sont assez uniques.

Quant à Richard Dix, on n'a pas l'habitude de le voir interpréter un rôle de comédie, et il s'en débrouille fort bien. Mais Esther Ralston, elle... est toujours parfaite.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Gregory La Cava 1925 Muet Comédie *
12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 13:24

Quand un cinéaste s'acharne au-delà du raisonnable, tout peut arriver, y compris n'importe quoi. Mais quand il sait qu'il a raison, et que contre vents et marées, contre la production, les coupes budgétaires, le doute et même contre le bon sens, il a décidé que le film doit se faire, parfois, ça donne de l'or: Chaplin, Stroheim, Christensen et bien sûr Orson Welles sont tous passés par là. On devrait, aujourd'hui, connaître ce film comme on connaît les classiques de ces grands noms... Mais l'histoire a été injuste envers Sandberg, comme d'ailleurs avec le cinéma Danois dans son ensemble, dont on retient essentiellement un nom de réalisateur aujourd'hui, je vous laisse deviner lequel. Non que ce ne soit mérité, et non que j'estime que Sandberg puisse rivaliser sur la distance avec tous ces grands artistes.

Mais ce film, qu'il a voulu faire voire refaire puisque c'est un remake, et sur lequel il a littéralement hissé le drapeau noir, terminant le film en solo après avoir essuyé le refus de la Nordisk qui jusqu'alors le produisait, eh bien ce film, donc, est un chef d'oeuvre, un mélodrame admirable qui justifie la dithyrambe... 

Le matériau de base, c'est bien sûr le film de 1917 avec Valdemar Psilander, énorme succès dans un pays qui affectionne la noirceur dans le mélo, et doté d'une trame à toute épreuve, pour 1917 du moins: un clown, qui travaille dans un petit cirque minable, est fou amoureux; un homme de la ville vient lui apporter une promesse d'immense succès s'il accepte de se rendre à la capitale pour y devenir une star; il le fait, mais va graduellement perdre son épouse qui s'est laissée séduire par le tentateur mentionné plus haut; elle va en mourir, et le clown qui sombre dans l'alcoolisme va finalement prendre le prétexte d'une représentation pour tuer son rival en public, durant la représentation... De cette intrigue, on retiendra l'inéluctabilité du destin, l'ironie, et le choix apparemment obligatoire entre bonheur et succès, l'un ne pouvant aller avec l'autre. Tous ces thèmes sont présents dans ce nouveau film, mais Sandberg va beaucoup plus loin en accentuant d'autres aspects, déjà présents mais uniquement en filigrane. Son nouveau film, qui dure le double du précédent, va prendre son temps aussi et creuser les personnages. Beaucoup d'entre eux n'étaient que des silhouettes à l'identité plaquée (le clown naïf, le séducteur à moustache, la femme futile et frustrée, les braves vieux artistes, etc), dans ce nouveau film le metteur en scène les dote d'une identité, d'une histoire, d'une essence...

Deux choix étaient cruciaux: le premier est celui des acteurs, et sans surprise quand on connaît le cinéma Danois des années 20, Sandberg fait appel à des acteurs de plusieurs pays: à un solide casting Danois, il ajoute le Suédois Gösta Ekman pour interpréter Joe Higgins le clown; deux acteurs Français, l'un de tout premier plan, viennent compléter la liste: si on se souvient assez peu d'Edmonde Guy, modèle et actrice spécialisée dans les petits rôles "plastiques", en revanche, comment oublier Maurice de Féraudy, l'inoubliable interprète de Crainquebille et des Deux timides? Ici, il est le beau-père complice, un rôle de vieux de la balle, profondément humain. Sinon, Karina Bell joue Daisy, le belle écuyère, et Robert Schmidt lui aussi Danois, sera le séducteur Marcel Philippe, qui était un comte sans envergure dans le film initial. Ici, le rôle a été transformé de fond en comble et son arc qui va durer sur tout le film permet au personnage d'acquérir une dimension bien plus intéressante... Tout en restant, bien évidemment, le méchant incontesté du film, cela va sans dire. Le deuxième choix pour Sandberg est lié à son envie de dépoussiérer, voire d'aérer cette histoire, et sans aucun doute à la présence deux acteurs Français: de nombreux extérieurs sont tournés en France, notamment dans les rues de Paris, où Sandberg a lâché ses acteurs, au milieu de la foule; tournant à distance. C'est criant de réalisme et de vie...

Le personnage bien sûr sur lequel tout le film repose, celui du clown "Joe Higgins", est joué avec conviction par Gosta Ekman, qu'on connaît ici surtout pour sa contribution à Faust de Murnau, mais dont il ne faut pas oublier qu'il a lui-même été une immense star, participant au deuxième age d'or du cinéma suédois, tout en étendant son champ d'action dans toute la Scandinavie et les pays Germaniques. Son visage si particulier, lunaire même, passe beaucoup mieux pour faire passer l'innocence de ce personnage trahi, que pour interpréter Faust, si vous voulez mon avis! Mais dans ses mains, Joe Higgins gagne en complexité, et Sandberg en a fait un nouveau personnage: désormais, Joe Higgins assume clairement le statut de star au point d'en développer un complexe de supériorité marqué par une vanité excessive. Quand il interdit à son épouse d'accepter les cadeaux de Marcel, elle lui répond gentiment que lui accepte tous les cadeaux qui lui sont faits... Ce à quoi il rétorque que c'est pour son talent. La scène de la révélation de la tromperie reprend l'idée du premier film, en situant cette révélation dans un miroir, mais la scène est étendue, et contient plusieurs éléments de référence explicite à la vanité, à l'égarement même du personnage de Joe qui a perdu Daisy en se perdant lui-même. Au final de vengeance du premier film, on substitue ici une scène durant laquelle Joe VEUT tuer Marcel Philippe, mais la peur donnera à ce dernier une crise cardiaque: une ironie dans laquelle passent des allusions à l'impuissance, mais aussi au fait que finalement Joe comme Marcel sont tous deux victimes du péché d'orgueil du clown... Et si Sandberg ne cherche jamais à frimer, il multiplie les petites touches de mise en scène pour faire de chaque séquence un merveilleux moment de cinéma. Par exemple, quand Marcel, Daisy et Joe marchent ensemble après que ce dernier a eu la révélation de leur duplicité, ils s'enfoncent dans une rue noire, inquiétante... Quand Daisy se jette à l'eau, le reflet du nom de son mari en lettres de lumière apparaît sur la surface de la rivière... Ajoutez à ça un sens aigu de la composition, une utilisation hors pair de la figuration et de la profondeur de champ... Bref: Sandberg fait un film et il le fait à la perfection!

Ce sera malgré tout son dernier grand film, et c'est dommage. Il faut croire qu'en 1926, il n'y a pas de place pour une telle production, aussi soignée soit-elle. On a au moins la chance d'en disposer dans une très belle version, intégrale et telle que l'a voulu son metteur en scène. Celui-ci reprend donc la thématique de son premier film, avec cette image de ville corruptrice face à une ruralité simple et humaine. Un sujet encore de saison, puisque l'année suivante Murnau allait réaliser Sunrise... Mais Klovnen enrichit le mélodrame d'une façon inventive, systématique, et ce avec un bonheur constamment renouvelé...Si ceci était l'unique film de Sandberg, il aurait définitivement sa place dans l'histoire, et pas seulement en bas d'une page.

En attendant, en bas de cette page, justement, voici le film:

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/klovnen

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1926 Muet DFI A.W. Sandberg *
11 mai 2019 6 11 /05 /mai /2019 17:05

Anders Wilhelm Sandberg ambitionnait, lorsqu'on l'avait promu réalisateur dans les années 20, de devenir le maître de la comédie au Danemark... Mais le créneau était déjà pris: Lau Lauritzen occupait de façon incontestable ce terrain. Néanmoins, à la vision de ce film, on peut se dire que l'idée a du avoir du mal à lui sortir de la tête... C'est une comédie policière particulièrement farfelue, dont le succès a dépassé les frontières au point qu'il est plus facile de trouver le film ou des renseignements le concernant sous son titre Anglais: The Hill Park Mystery, ou The Park Hill Mystery, puisque on trouve les deux! 

Le journaliste Erik Brandt (Gorm Schmidt) est arrivé à la rédaction de son journal à Copenhague, avec à nouveau la résolution d'une enquête. Grâce à son acharnement, il est venu à bout d'un tueur redoutable... mais n'a pas dormi depuis bien longtemps. Il se rend donc chez lui avec un chèque conséquent, et deux semaines de vacances pour rattraper ses nuits en retard, et comme le dit un intertitre, "n'aurait pas du regarder par la fenêtre".

...Car il y a vu un meurtre, simple, bête et brutal. Dans le parc avenant à sa propriété, un homme est accosté par une femme (Olga D'Org) qui fait tomber ses cigarettes, et quand l'aimable citadin les ramasse, il se prend un coup sur la tête, qui le laisse raide mort pendant que la femme disparaît. La police n'ayant que peu d'envie de le croire, le jeune détective va se lancer aux trousses d'une tueuse qui est d'autant plus redoutable qu'elle est particulièrement avenante, et pas insensible à son charme elle non plus...

Impossible de prendre au sérieux ce film qui lance un détective compétent mais très très fatigué, dans des aventures où le cocasse le dispute à l'absurde. Sandberg s'est clairement énormément amusé, en variant les décors avec un goût certain, une pointe d'extravagance dans le farfelu (on pense parfois au ton particulier du Brasier Ardent, la flamboyance en moins), et bien sûr ne rate aucune occasion de relancer le mystère en prenant systématiquement le point de vue du héros, c'est à dire celui de l'homme qui n'a en réalité rien compris du tout! 

Sandberg se paie même le luxe de se placer dans son film, et de chasser sur les terres de Lauritzen dans une jolie séquence à la mer avec ses baigneuses en maillot. Il se dégage de ce film pour le plaisir un parfum enivrant de parfaite carte postale du muet, sans un gramme de drame, ce qui est quand même frappant pour une production Danoise! Bref, ce film oublié du réalisateur de Klovnen est plus que recommandable, il est donc hautement recommandé.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/nedbrudte-nerver

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1923 Comédie A.W. Sandberg DFI *
10 mai 2019 5 10 /05 /mai /2019 11:15

Pour pouvoir afficher Asta Nielsen en Hamlet, sans ambiguité aucune à l'époque où l'homosexualité est passible de sérieux ennuis judiciaires en Allemagne, la production de ce film a pris une décision: s'appuyer sur les travaux récents d'un universitaire Américain. Je pense que nous n'avons même pas besoin de vérifier, c'est bien sûr du pipeau: Nielsen avait tellement envie d'interpréter le Prince du Danemark... Et elle avait raison. Elle domine d'une façon évidente un film, dont il n'y a pas lieu de douter qu'elle est l'auteur principal...

Le script suit les grandes lignes de la tragédie la plus violemment ironique et désespérée de Shakespeare, en s'appuyant donc sur une théorie qui prétendrait expliquer les zones d'ombre de l'intrigue en révélant que le prince Hamlet était en réalité une héritière, un stratagème permettant à sa mère de maintenir la couronne du Danemark dans sa famille au moment où la mort du Roi Hamlet. Un stratagème qui permet au Hamlet d'Asta Nielsen de vivre dans un écheveau de mensonges, dès sa plus tendre enfance. Maintenant, si vous voulez mon avis, ça aurait sans doute été aussi intéressant de laisser l'actrice jouer directement un rôle d'homme, à la façon de Peter Pan... mais je n'ai bien sûr pas été consulté!

Non, l'intérêt de cette grosse production, certes ampoulée, est dans la façon dont Nielsen s'affiche au milieu de cette folie de mort qui rôde derrière tous les rideaux, comment elle négocie, enquête, aime, jalouse, seule contre tous: beaucoup connaissent ses secrets, mais aucune personne ne connait absolument tous ses secrets. sa mère sait qu'elle est une femme, mais elle est absolument la seule. Son meilleur ami sait qu'Hamlet soupçonne sa mère et son oncle d'avoir assassiné son père, mais ignore son identité véritable. Il sait par contre que la folie d'Hamlet est feinte... Mais prend sa jalousie de femme, pour une hostilité. De quoi renforcer l'ironie initiale, en ajoutant un peu au drame intérieur.

Mais si le film reste, malgré tout, un film de 1920, avec un jeu parfois intense (Nielsen), parfois embarrassant (le reste du casting), il est intéressant de constater que la Nielsen films (oui, c'est bien le nom de la compagnie, qui en dit long!) a confié la mise en scène à deux personnes: Heinz Schall a déjà réalisé des films avec la star dans les années 10, et c'est un technicien chevronné. Mais Svend Gade n'a jamais réalisé que ce film; le décorateur Danois, probablement promu à ce poste par sa Danoise de patronne qui souhaitait mieux contrôler la production, est aux commandes ici de l'architecture et du décor. Deux éléments essentiels du film, tant le choix des lieux fait beaucoup pour aérer la pièce et parfois lui donner de la force...

Pour finir, le film possède quand même une fin particulièrement unique en son genre, durant laquelle le pot-aux-roses apparaît enfin, tout ça parce qu'Horatio mourant aura par mégarde mis sa main droite sur le sein de celle qu'il croyait être un homme. Une façon étonnante (mais qui passe finalement assez bien) de conclure un drame tout en levant toute possibilité d'ambiguité, voir plus haut! Ayant pu passer à travers toutes les formes de censure possible, ce Hamlet a pu donc être un énorme succès.

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Asta Nielsen Muet 1920 *
2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 18:46

L'un des rares films (ils sont au nombre de quatre seulement) mettant en scène Asta Nielsen et réalisés au Danemark: un paradoxe pour la superstar Danoise, mais en dépit de l'excellence et de la vitalité de sa production, le Danemark restait un petit pays même quand ses films régnaient sans partage sur les cinémas de toute l'Europe! 

Asta Nielsen interprète ici le rôle d'une artiste dont la vie, en quelques semaines, va se transformer en une métaphore de son art... Un comble. Camille, actrice, danseuse et modèle, vient de remporter un énorme succès au théâtre, et le dramaturge dont elle vient de faire triompher la pièce la courtise avec ardeur. Ils filent, un temps, le parfait amour, mais Jean va vite s'intéresser à une autre, qui plus est une femme mariée: il faut dire que le mari de Madame Simon est un abominable tyran qui n'hésite pas à la fouetter. Quoi qu'il en soit, une fois que jean dépose Camille chez son ami Paul, un peintre qui va justement l'immortaliser en ballerine, il file ensuite retrouver sa maitresse. excédée, Camille dénonce les amants auprès de M. Simon, mais elle voit celui-ci préparer une arme. Elle prend peur, et "mue par l'amour avant la jalousie" comme nous l'indique un intertitre, elle va trouver une idée pour éviter que Jean et sa rivale soit pris en flagrant délit: elle va remplacer la dame in extremis...

L'intrigue est compliquée, ce que l'absence de certains passages n'arrange pas. Mais ce qui compte bien sûr dans cette histoire de coucheries et de tromperies de la pire espèce (bien sûr précautionneusement situées dans la lointaine France), c'est la façon dont Blom, qui n'était pas un manchot, a choisi la distance convenable, les positionnements de caméra (qui renvoient à Afgrunden, avec ses nombreuses séquences vues depuis les coulisses d'un théâtre) et a laissé la grande tragédienne faire le gros du travail. Elle est impressionnante, et accompagnée du grand acteur Valdemar Psilander, elle est parfaitement à son aise. Le film est un pur mélodrame avec tous les ingrédients, y compris une solide dose de ridicule, mais peu importe: une fois de plus, Asta Nielsen est tout entière dédiée à un rôle qui lui permet de montrer son impressionnante versatilité.

Blom, pour sa part, s'amuse constamment à rendre floues les théâtres de l'art et de la vie: il nous montre le triomphe de Camille vu des coulisses du théâtre, et incorpore à la scène le passage pour Nielsen de l'interprétation du rôle sur les planches, à l'interprétation de l'actrice qui revient à sa vie. Il nous la montre acceptant de réciter un extrait de son rôle pour des amis réunis dans une soirée, mais se laissant emporter par la vraie jalousie; mais surtout, elle va tenter de sauver son amant en jouant un rôle pour de vrai. Le film a un aspect rare dans les films Danois de ce genre et de cette époque: il finit par un happy end... Du moins dans la copie sauvegardée, on n'est jamais trop prudent.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1911 August Blom Asta Nielsen *