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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 juillet 2018 1 23 /07 /juillet /2018 07:38

En Chine, le vieux mandarin Wu se réjouit de pouvoir préparer le passage de flambeau vers son petit-fils. Une fois devenu adulte, celui-ci va pouvoir prendre la direction de la famille. Mais un drame va l'isoler et le rendre dur: son épouse meurt peu de temps après avoir donné naissance, à une fille.

Une fois celle-ci (Renée Adorée) parvenue à sa majorité, son père, qui ne s'interrompt dans ses affaires sérieuses que pour s'occuper d'elle, cherche à la marier selon les coutumes ancestrales. Mais Nang-Ping, la jeune femme, rencontre Basil Gregory (Ralph Forbes) un séduisant jeune homme Américain, avec lequel elle ne tarde pas à vivre le grand amour...

...Avec tout ce qu'un mélodrame implique dans ce genre de cas.

Je ne vais pas prendre de gants: dans ce mélodrame de la pire espèce, qui ne parvient même pas à donner vie à sa tentation esthétique et à nous faire croire un seul instant qu'on est en Chine, le seul avantage est la présence de Lon Chaney. J'y reviendrai... POur le reste, à aucun moment un effort n'est fourni pour nous sortir du cadre de la pièce de théâtre dont le film est une adaptation, et l'essentiel de ce qui nous est conté suit fidèlement les codes raciaux de l'époque: qu'un fils à papa, blondinet jusqu'au bout de la cravate, séduise une Chinoise, c'est du plus haut romantisme, y compris quand il est gêné de devoir assumer de l'avoir engrossée. Mais qu'on suggère ne serait ce que du bout des (longs, très longs) ongles qu'un Chinois puisse entretenir des rapports avec une blanche et de suite, c'est l'horreur. Et comme Ralph Forbes doit effectivement embrasser Nang-Ping, on a choisi de confier le rôle à Renée Adorée... Alors qu'on avait Anna May Wong sous la main!

Une scène, une seule, atteint une certaine dignité: celle durant laquelle Wu, déçu de la trahison de sa fille, et Nang-Ping qui ne se fait aucune illusion sur la conduite future de son amant, se préparent à observer la loi de leur clan: elle n'est plus pure, elle doit donc mourir de la main de son père. A ce moment, les acteurs sont impressionnants, et... William Nigh se réveille. 

Non, heureusement, il y a Lon Chaney: dans deux rôles, chacun à deux périodes de la vie, il donne vie une fois de plus à des orientaux, avec un certain génie de la transformation, une fois acceptée l'embarrassante manie des occidentaux de confier des rôles exotiques à des acteurs anglo-saxons. D'une part, que ce soit en vieux Mandarin Wu ou en jeune Wu, il montre toute sa science du maquillage avec un talent devant lequel on doit déposer les armes. Si je suis plus mitigé sur sa performance d'acteur (Chaney nécessitait une authentique direction afin d'éviter d'en faire des tonnes, et la dernière bobine le voit déborder sérieusement du raisonnable), on reste confondu devant sa capacité en un seul plan, à nous faire passer la vérité d'un personnage qui passe d'une certaine dignité calme, à une violence intérieure et une cruauté sans nom.

Et là encore, je vais me plaindre: le cinéma muet Américain avait quand même un sérieux problème avec les orientaux, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Lon Chaney *
20 juillet 2018 5 20 /07 /juillet /2018 09:57

Waldemar Young, Lon Chaney, Tod Browning: ces trois noms évoquent un bouquet de films, mettant en vedette l'acteur (Chaney), écrits par le scénariste (Young) et mis en scène par le réalisateur (Browning): sur les dix films de Browning avec Chaney, sept scripts sont de Young... La première collaboration entre les trois hommes (et d'ailleurs la première fois que Browning va diriger Chaney) est ce long métrage, destiné au départ à être un véhicule pour Priscilla Dean, star de films d'aventures. Mais le tournage va révéler à Browning le potentiel impressionnant de Lon Chaney...

L'ouverture est une visite des bas quartiers: une métaphore, celle d'une rose qui tombe dans l'égout, mène à un plan de Dean: Mary Stevens est assise sur un trottoir, enlève une chaussure et se masse le pied. D'une métaphore à l'autre... la séquence suivante nous montre l'environnement: un homme titube en sortant d'un drug-store, sur le mur duquel un panneau annonce 'soft drinks': une allusion à la rumeur sévèrement ancrée dans l'inconscient collectif, selon laquelle le Coca-Cola contiendrait de la cocaïne. Du coup, le "signe cinématographique" est clair: cet homme qui fréquente le même quartier que l'héroïne est un junkie... 

Mary est une voleuse aussi, elle fréquente la bande de 'Stoop' Connors, un dandy qui est aussi un pickpocket et une sacrée fripouille (Lon Chaney). Mais Mary vole un soir un collier, qui va la mener à une rencontre: pour échapper à la police, elle se réfugie chez Kent Mortimer (Wellington Playter). Celui-ci est un homme de la meilleure société, mais ruiné. Sa fiancée vient de le quitter à cause de ses revers de fortune, mais pour Mary, il représente une chance de se sortir de sa situation. Seulement il va falloir mentir... Et comment faire aussi, pour éviter que le collier ne tombe entre les mains de Stoop?

...Car ce collier à l'histoire rocambolesque, va devenir bien un objet symbolique, lien entre Mary et Kent: à l'origine il a été offert par ce dernier à sa fiancée Adele (Gertrude Astor), mais celle-ci l'a perdu. Récupéré par Mary, elle ne peut pas le rendre à Kent qui lui avoue détester le vol: admettre qu'elle l'a volé serait abandonner tout espoir de garder Kent... Et de son côté, Stoop convoite le collier de perles, tout comme il convoite Mary...

Le monde des coulisses du spectacle, qui deviendra souvent le théâtre des opérations pour Browning, n'est pas présent pour ce qui est essentiellement un mélodrame de gangsters, dans lequel le metteur en scène transpose un univers qu'il connait bien: comme le petite monde du show-business et du cirque, la pègre obéit à des lois très fortes, possède ses codes, son langage, et des costumes particuliers. Chaney a beaucoup joué sur cet aspect, car Stoop est un dandy, habillé selon la dernière mode des pickpockets: un accoutrement (chapeau, costume clair, noeud papillon, pantalon très étroit et bottines cirées) qu'il remettra quasiment à l'identique dans Outside the law. Le personnage aurait pu n'être que secondaire, représentant une sorte de menace générique, mais l'acteur n'a aucun mal, avec un naturel impressionnant, à voler la vedette à quiconque partage l'écran avec lui. Sa façon de se tenir, ses gestes, tout concourt à donner au personnage une réalité inédite.

Le rôle de Browning dans cette réussite de caractérisation n'est pas négligeable. En effet, Chaney mal dirigé pouvait en faire des tonnes, il le savait lui-même très bien. Mais ici, il est parfait, et il n'est pas le seul... Priscilla Dean, une star que Browning n'appréciait pas outre mesure, est brillante en voleuse en quête de rédemption. Le style du metteur en scène tel qu'il nous apparaît dans ce film est bien différent de cette tendance à la contemplation, cette étrange absence de rythme, qui marquera son cinéma dans ses films ultérieurs. et le choix de tourner tout le film de nuit ajoute à l'efficacité d'une peinture du milieu qui est très réussie. Aucune surprise donc dans la décision de browning de refaire appel à Chaney pour Outside the law deux ans plus tard.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Tod Browning Lon Chaney *
19 juillet 2018 4 19 /07 /juillet /2018 09:03

Al Jennings (1863-1961) était un bandit. Du moins, entre le printemps et l'automne de 1897: révolté après la mort de son frère l'avocat Ed Jennings, lui et son frère se sont mis à attaquer des banques et des trains, avant d'être capturés en novembre, et envoyés au pénitencier. Libérés par le président McKinley et réhabilités par le président Roosevelt (Theodore), les deux hommes auraient pu se fondre dans la masse et se faire oublier...

Ce serait beaucoup demander à Al Jennings: celui-ci avait des histoires à raconter, et pour commencer la sienne, ou du moins les versions qu'il lui plaisait de colporter... Car dans son optique, leur cavale miteuse devenait systématiquement épique, et de deux sales gosses attardés, en colère ou en rébellion plus ou moins circonstancielle contre la société, on passait volontiers à une relecture de Robin des Bois, en plus flamboyant encore... Après quelques tentatives malheureuses d'entrer en politique, Jennings a profité de sa notoriété acquise avec un article du Saturday Evening Post, pour... entrer en cinéma!

Le premier de ses films, Beating back, a eu un certain succès; il est aujourd'hui perdu... Mais le deuxième long métrage d'importance associé à Jennings, celui qui a la réputation d'être le meilleur, c'est ce film de cinq bobines produit par l'ex-bandit lui même, et qui le fait revivre un épisode marquant de sa (courte) carrière d'outlaw... Mis en scène par un jeune réalisateur, qui avait un peu traîné sur les plateaux de Griffith, c'est plus un témoignage sans concession sur la vie à la dure de la Frontière, qu'une aventure de ce pauvre Jennings, qui traverse le film en se faisant beaucoup moins voir que son frère Frank...

Al et Frank Jennings font un coup dans une petite ville, et cherchent à échapper à leurs poursuivants: ils se réfugient dans le désert auprès d'une jeune femme et de son fils. Elle vit dans une extrême misère, dans une cabane creusée à même le sol, et n'a plus rien à manger. Les deux frères décident de lui venir en aide, et pour ça vont organiser un casse de la banque qui l'a mise sur la paille...

Je vous le disais: Robin des Bois! Mais l'intérêt est vraiment ailleurs, dans la façon dont Van Dyke se réfugie dans un naturalisme jamais excessif et tellement plus efficace que le romantisme louche de William Hart, et dans la poésie rugueuse qui se dégage de ces décors plus authentiques que jamais. La vie à la dure fascinait déjà le jeune metteur en scène, et l'inspirait...

Quant à ce pauvre Al Jennings, il est sans doute bien plus intéressant en tant que conteur qu'en tant que bandit... Ca peut, et The lady of the dugout en est la preuve, faire un bon film!

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Published by François Massarelli - dans Muet Western 1918 Woody Van Dyke *
18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 09:22

Tito (Lon Chaney) et Simon (Bernard Siegel) sont deux frères, deux clowns itinérants, qui un jour recueillent une enfant perdue, Simonetta. Ils sont jeunes, et Tito, particulièrement sentimental, insiste auprès de son ami bourru... Les années passent, et le duo a de plus en plus de succès. Simonetta devenue une belle jeune femme (Loretta Young), Tito se rend compte que ses sentiments ont changé... Il ne voit donc pas d'un très bon oeil l'idylle naissante entre la jeune femme et le comte Luigi (Nils Ashter), qu'il soupçonne d'être un incorrigible séducteur...

Herbert Brenon était un choix inattendu pour diriger Lon Chaney en 1928; à cette époque, la MGM avait l'habitude de confier les "véhicules" de l'acteur aux metteurs en scène maison, des techniciens compétents qui ne faisaient pas trop d'ombre à la star (William Nigh, George Hill, Jack Conway) ou à Tod Browning, son ami et complice. Le dernier film avec Victor Sjöström était The tower of lies, d'après Selma Lagerlöf, et ça avait été un échec, tout comme l'étrange Mockery tourné par Benjamin Christensen... L'Irlandais, artiste établi et meneur irascible, était un réalisateur fin et ambitieux, et il est à noter que ce long métrage de huit bobines joue dans une catégorie bien différente des films de Chaney de l'époque: c'est un mélodrame, pur et dur, et la résolution en est notable dans la mesure où Chaney échappe à toute tentation du mal...

Les clowns ont inspiré à Chaney un personnage inoubliable, celui de He who gets slapped. Ici, il incarne un vieil artiste, bien sûr amoureux de la jeune femme qu'il a élevé. Pour Lon Chaney, c'est un rôle en or, qui lui permet de montrer toute la gamme de ses talents, dans les registres les plus sentimentaux: le père, l'amoureux transi, l'artiste frustré, et surtout, l'homme vieillissant: à cette époque (en témoignent des films comme Mr Wu, Tell it to the marines, ou les fragments de Thunder, voire le médiocre Where east is east), Chaney s'intéressait particulièrement au vieillissement de l'homme. C'est poignant, quand on pense qu'il n'avait que 45 ans durant le tournage de ce film, et qu'il n'avait plus que deux années au compteur... Et comme de juste, il va aller au bout de son interprétation, en utilisant le costume d'artiste qui pour lui fonctionnait le mieux pour installer son univers de contrastes intimes...

Loretta Young est merveilleuse, et on a du mal à croire, non seulement qu'elle n'avait que 14 ans, mais aussi qu'il s'agit de son premier film... L'histoire a retenu que l'actrice a beaucoup souffert de la direction de Brenon, qui était je le répète un excellent metteur en scène (Ce film en fait foi, tout comme son Peter Pan de 1924), mais aussi un salopard qui aimait se choisir une victime désignée... Jusqu'à ce que Lon Chaney s'en mêle, protégeant Young comme il l'avait fait pour Mary Philbin contre les injonctions délirantes de Rupert Julian en 1925.

Tout ceci, bien sûr, ne se voit pas dans le film, mais ce qui se voit, c'est la délicatesse avec laquelle Chaney, Young et Brenon ont réussi à rendre cette histoire triste de clown amoureux qui se sacrifie en sachant que son âge le condamne aussi bien pour ses sentiments que pour son métier, et la grandeur de Chaney est doublé d'une mise en scène impressionnante pour son sacrifice, qui est, comme souvent dans l'univers de Lon Chaney, particulièrement ouvragé...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney 1928 * Herbert Brenon
13 juillet 2018 5 13 /07 /juillet /2018 09:26

Le cinéma muet Australien est aujourd'hui peu connu et pour cause: comme partout, mais plus qu'aux Etats-Unis, par exemple, la vaste majorité des films a disparu au gré des ans, et contrairement au cinéma Européen et bien sûr au cinéma Américain de l'époque (dont pourtant seulement un peu moins de 30% aurait survécu selon les estimations les plus optimistes), il n'y a pas eu un élan mondial de préservation comme dans les années 30 en Europe, qui aurait permis d'enrayer le désastre... C'est bien sûr l'un des éléments essentiels qui font le prix de ce film, l'un des plus significatifs de la période, et probablement le plus important film de son auteur, le pionnier Raymond Longford. Celui-ci s'est lancé dans une production indépendante foncièrement nationale, en adaptant en compagnie de sa complice Lottie Lyell les poèmes de C. J. Dennis consacrés à un Australien aussi typique qu'il est possible de l'être...

Nous suivons les mésaventures de Bill (Arthur Tauchert), un brave gars né dans les quartiers pauvres de Sydney, vendeur de légumes au marché; il rencontre Doreen (Lottie Lyell), une jeune femme de son milieu, mais comme il faut, et leur histoire d'amour nous est contée sans fards, sans excès de sentimentalisme, mais aussi avec une énorme tendresse...

C'est assez dur de résumer ce film sans avoir l'air de faire dans la banalité, tant on a parfois l'impression qu'il ne se passe rien ou presque dans ce film de 7 bobines... Les obstacles au bonheur entre Doreen et Bill existent bien sûr, mais ils sont vite contournés ou affrontés: le tempérament excessif de Bill qui doit lutter contre sa propre nature; les tentations offertes par les copains qui ne sont pas vraiment des gens très sophistiqués; la présence occasionnelle d'un rival mieux habillés, aux manières plus tempérées... Même une belle-mère potentielle ne s'avérera pas être le dragon attendu pour Bill! Arthur Tauchert, un comédien d'un certain renom, a été choisi justement parce qu'il avait l'habitude de jouer un personnage dans la lignée de ce Bill, créé par le poète C. J. Dennis pour dresser un portrait tendre de l'Australien moyen dans sa simplicité et sa modestie... Et Lottie Lyell, par ailleurs scénariste (et, il se murmure, co-réalisatrice), incarne Doreen sans jamais forcer la dose dans un sens ou dans l'autre...

La mise en scène du film est travaillée, dosée en fonction de trois critères: d'une part, une grande partie du sens est véhiculée par des intertitres en vers, inspirés des poèmes originaux, et écrits en argot australien, qui tous sont à la première personne du singulier: c'est bien sûr du point de vue de Bill qu'il s'agit. Ensuite Longford, disposant ainsi de deux fils narratifs possibles (Images et intertitres), évite aussi bien l'illustration que la redondance, ce qui était une prouesse. Il utilise avec une certaine rigueur la grammaire cinématographique, jouant des gros plans avec parcimonie mais aussi une justesse jamais démentie. Enfin, il fait osciller son style entre un véritable naturalisme, et l'influence du slapstick de Mack Sennett, mais débarrassé de l'obligation de faire rire. Non que le film soit triste, bien au contraire! Ce ton constamment entre rire et gravité est d'une grande originalité, et bien sûr le fait que Lottie Lyell ressemble un peu à Mabel Normand, ajoute à notre trouble!

Mais par ces moyens, Longford, qui a tourné dans les vraies rues et quartiers de Sydney, qui a imposé un maquillage minimal à ses acteurs, et qui anticipe Stroheim et son style de Greed (qui lui aussi reposait souvent sur une transposition du cinéma burlesque, on s'en rappelle), ce qui je vous l'assure est un compliment de taille. Je n'ai pas la moindre idée du fait que Stroheim ait vu ou non ce film, mais je ne serais pas étonné qu'il en ait tiré une part de son inspiration... Et en dépit de la présence envahissante de la poésie de Dennis, en dépit de la difficulté sémantique face à l'argot Australien qui prévaut dans des intertitres très nombreux, ce film rescapé est une très belle redécouverte...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 *
9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 10:11

Après une poignée de films à la réputation assez médiocre, tous perdus, John Gilbert avait finalement obtenu de la Fox de tourner dans des oeuvres plus intéressantes, qui pourraient enfin rendre justice à sa flamboyante impétuosité: ce sont les seuls films de Gilbert pour le studio qui ont été conservés. L'autre est Cameo Kirby, de Ford; mais celui qui nous occupe aujourd'hui est plus qu'une curiosité: c'est une adaptation extrêmement décente du roman de Dumas, condensé avec une certaine expertise en 107 minutes... dans la version d'exportation en tout cas, la seule à avoir survécu.

On ne va pas reprendre l'histoire, qui certes a subi des micro-modifications, et dont la fin a été changée à travers une série de petites touches qui permettent de garder la cohérence du film intacte: si le fait que Mercedes et Dantès peuvent filer le parfait amour à la fin, ou du moins finir de vieillir ensemble, peut apparaître comme une petite trahison, du moins cela est-il préparé avec soin dans le déroulement du film...

Et celui-ci donc est soigné, tourné et accompli avec conviction, dans la tradition d'un mélodrame pris au pied de la lettre, sans bien sûr la flamboyance d'un Rex Ingram, mais avec une rigueur notable, Flynn ayant décidé d'utiliser en particulier la dramatisation des gros plans, avec goût! Les acteurs sont excellents de bout en bout, on y trouve des noms familiers, de chez Griffith tout d'abord: George Siegmann et Spottiswoode Aitken étaient bien sûr tous deux dans The birth of a Nation... Maude George n'est pas n'importe qui non plus, même si son rôle, celui de Mme Danglars, ne lui permet ps de se faire remarquer autant que dans ses rôles pour Stroheim. La délicieuse Renée Adorée ne sait pas encore qu'elle donnera la réplique à John Gilbert plus d'une fois dans l'avenir...

Et John Gilbert? Eh bien, s'il s'est donné à fond dans cette histoire éprouvée de trahison, de chute, de vengeance et de rédemption qui tient debout toute seule, il réussit à maintenir aussi bien l'intérêt que sa dignité dans le rôle d'un homme qui doit quand même beaucoup vieillir d'une partie à l'autre. Quand on sait que l'acteur avait la bougeotte, on souffre un peu pour lui de devoir incarner un homme vieilli précocement, qui s'accomplit dans la vengeance et n'aura sans doute au final pas beaucoup d'autre option que de mourir... Pourtant Gilbert joue essentiellement le film avec ses yeux... Le film est bien plus qu'nue curiosité de toute façon.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 * Dumas
25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 09:27

Ce merveilleux film est, après Rosita (1923), le deuxième film de Lubitsch aux Etats-Unis, et plus que tout autre, c'est la fondation même de son style des années à venir, de cette fameuse "Lubitsch touch" que l'on sort comme ça sans crier gare dès qu'on parle du talentueux réalisateur... Une fondation paradoxale, pour un metteur en scène qui est quand même à l'ouvrage depuis 1914, ce qui fait de lui un vétéran en ces jeunes années du cinéma. On le verra, il y a une continuité réelle entre le Lubitsch Allemand, et les comédies sophistiquées qui seront désormais sa marque de fabrique. Une continuité, oui, mais aussi une cassure...

Mizzi Stock (Marie Prevost) s'échappe de son foyer, où elle vit avec un professeur de mari (Adolphe Menjou) qui se désole de la voir le négliger. C'est qu'elle souhaite ardemment un peu de romance, alors quand elle se trouve partager un taxi, par erreur, avec le docteur Franz Braun (Monte Blue), spécialiste des maladies nerveuses (parmi lesquelles en ce début de siècle le corps médical compte l'hystérie, qui fait d'ailleurs l'objet de beaucoup d'attention. C'est un détail qui pourrait s'avérer significatif), elle jette son dévolu sur lui.

Sauf que ça n'arrange pas les affaires de Franz Braun: il est d'autant plus gêné que la belle n'est pas vilaine! Mais voilà, Franz est amoureux, et Madame Braun (Florence Vidor) le lui rend bien. Le comique, c'est que Mizzi, lors de cette fatale rencontre en taxi, se rend chez sa meilleure amie... Charlotte Braun. Celle-ci, qui vivait un mariage jusqu'alors sans ombre ni tache, va par la seule grâce de la visite de sa meilleure amie voir le spectre du doute s'installer, ce qui débouchera sur une situation des plus absurdes: se méfiant de toutes les femmes et de toutes les occasions qui pourraient s'offrir à son mari, Charlotte va confier certaines responsabilités à Mizzi, mettant sans le savoir Franz au coeur de toutes les tentations...

Deux autres intrigues sous-tendent cette adaptation brillante par Paul Bern de la pièce Rien qu'un rêve de Lothar Schmidt: d'un côté, le fit que le professeur Stock ait engagé un détective (Harry Myers) pour coincer son épouse et se fendre d'un triomphal divorce; de l'autre, le collaborateur de toujours de Franz, Gustav (Creighton Hale), est amoureux de la belle Charlotte, et l mini-crise traversée par le couple va lui donner des occasions de tenter sa chance, mais... ce sera généralement lamentable.

The marriage circle est à l'intersection de trois influences: la comédie sophistiquée de Cecil B. DeMille (ce dernier étant parti vers de nouvelles directions en 1924) a sans doute eu un effet significatif; mais l'élégance d'un cinéma d'auteur, moins porté sur la comédie, et qui se retrouve aussi bien derrière les fabuleux films de Lois Weber (The blot) que dans les oeuvres de Chaplin (A woman of Paris, bien sûr) seront déterminants aussi. Enfin, il ne faut pas négliger ce que Lubitsch a développé en Allemagne, de comédies farfelues (Die Puppe) en contes grinçants (Ich möchte kein Mann sein): ce sens du détail, du timing, et le savoir-faire inné en matière de dosage... Et le film est notable aussi par son exceptionnelle interprétation: même si l'image cliché souvent véhiculée sur le film muet comme étant forcément mal joué, est la plupart du temps une impression partagée par ceux qui n'en voient jamais, on a rarement atteint une telle sobriété, une telle justesse même dans le jeu d'acteurs aux Etats-Unis...

Et il y a ces fameux non-dits, et l'art et la manière de contourner les interdictions et les codes moraux. Ces regards, ces gestes; cette scène fabuleuse d'un soudain élan de tendresse entre Monte Blue et Florence Vidor, un câlin qui nous est montré uniquement par un gros plan des deux tasses de café qu'ils consomment au petit déjeuner. Derrière les dites tasses, on voit l'esquisse de gestes, jusqu'à ce que la main ferme de Monte Blue ne pousse purement et simplement les tasses qui semblent-ils, gênent! Le rôle joué comme d'habitude chez Lubitsch par les portes, ascenseurs, lettres, et gens de maison, est déjà bien en place, et si la scène (reprise dans le remake One hour with you, de 1932) du placement des convives d'un repas est justement célébrée, j'aime énormément la dose de développements possibles du film: par exemple, avez-vous remarqué qu'avant de quitter un lieu, Adolphe Menjou a un regard particulièrement gourmand pour la bonne? Donc si l'homme est partagé entre l vengeance de l'homme blessé et le cynisme du bonhomme qui voir arriver l'opportunité facile d'un divorce avantageux, il n'en a pas moins des parts d'ombre...

Et le monde peint par Lubitsch, un monde d'élégance et de sophistication, est quand même sous-tendu par de bien noires idées, et autres immoralités bien ancrées. Quant aux dames, oisives en cette période, elles portent en elles une part d'ombre elles aussi, notamment Mizzi. Si ses tentatives répétées d'obtenir du bon docteur Braun un intérêt qui ne soit pas que professionnel sont notables par leur nombre, il n'en reste pas moins que son obsession pour lui relève de la médecine, ni plus ni moins!

Pour finir, j'en reviens à la filiation entre DeMille et Lubitsch: dans ses comédies de 1918-1920, l'Américain jouait avec les idées "risquées", pour finir par rétablir un équilibre moral acceptable. Ici, d'une part la lassitude des Stock déboucher sur un "changement de mari", pour faire une allusion aux titres des films de DeMille, et non sur un retour à la normale. Mais même chez les Braun, flanqué de l'éternelle cour lamentable de Gustav, on a le sentiment au moment où s'achève le film que l'avenir réserve des aventures bien troublantes, puisque rien n'a été réglé.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1924 Ernst Lubitsch *
21 juin 2018 4 21 /06 /juin /2018 09:12

Sur un scénario de Darryl F. Zanuck, Dolres Costello est la star de ce petit film bien de son temps à tous points de vue, qui prend prétexte d'une histoire située à San Francisco d'avant le cataclysme de 1906, pour faire bouillir la marmite de la Warner! Après Don Juan, When a man loves et The better 'ole, ce film d'aventures est l'un des premiers programmes Vitaphone, et comme ses prédécesseurs le son n'y est utilisé que pour la musique et l'ambiance.

La famille Vasquez est venue s'installer dans la baie de ce qui deviendra San Francisco avec les premiers arrivants Espagnols, et elle a maintenu une certaine aisance... Jusqu'à la ruée de 1849. En 1906, c'est donc une vieille famille hispanisante qui tente tant bien que mal de conserver son statut, et qui a fort à faire pour contrer les spéculateurs de tout poil qui en veulent à leur terre, notamment l'étrange Chris Buckwell (Warner Oland), qui cache un secret inavouable, un secret qui pourrait bien se révéler au contact de la belle Dolores Vasquez (Dolores Costello)...

Autant vous le dire tout de suite: "Chris Buckwell" n'est pas blanc, mais c'est un métis, fils d'un blanc et du'ne chinoise. Alors on va le dire tout de suite: oui, le film est raciste, d'un racisme ordinaire et dégueulasse qui se cache derrière un respect des communautés, tant qu'elles restent chacune de leur côté. Le principal pêché de Buckwell est bien sûr de convoiter celle à laquelle il n'a pas le droit de rêver... Mais au-delà de cette identité gênante, et convention mélodramatique passe-partout qui n'a fait sourciller personne, le film est un long métrage d'obédience classique, avec ses péripéties absurdes, sa visite de Chiinatown (avec So-Jin et Anna May Wong, mais aussi Angelo Rossito en couleur locale) et... sa vengeance divine. Consultez les livres d'histoire si vous voulez savoir comment Dieu, décidément bien taquin, a opéré cette fois-ci! ...Ou voyez ce film.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Alan Crosland *
18 juin 2018 1 18 /06 /juin /2018 08:20

Très officiellement la première comédie burlesque de long métrage, premier long métrage aussi bien de Mack Sennett réalisateur que de son studio, le film possède une importance historique indéniable, et on peut ajouter par dessus qu'il s'agit aussi du premier long métrage de Charles Chaplin, même si l'implication de ce dernier est limitée.

Marie Dressler, actrice reconnue pour son travail au théâtre, est la véritable vedette de ce film (Adaptée d'une pièce à succès, Tillie's nightmare), et interprète donc Tillie Banks, une jeune femme franchement disgracieuse dont un coureur de dot (Chaplin, en costume pré-vagabond) essaie de faire sa prochaine victime: il a en effet constaté que son père avait un sacré bas de laine. Lorsqu'il apprend par la presse que Tillie est l'héritière de la fabuleuse fortune de son oncle milliardaire, qui a disparu lors d'une chute en montagne, le malfrat l'épouse. Son authentique petite amie, interprétée par Mabel Normand, n'a aucun mal à se faire engager comme soubrette pour y voir clair et récupérer son homme...

C'est gros et gras, et si j'ai parlé d'importance historique, cela ne va pas beaucoup plus loin. Sauf... que Chaplin vampirise l'écran, et n'a aucun mal à s'imposer avec la mise en scène basique de Sennett: il demande au chef-opérateur de poser la caméra, et doit vaguement demander aux acteurs de bouger. Beaucoup d'entre eux s'agitent, certains en font des tonnes, Chaplin, lui, vampirise l'écran; rien que sa première apparition est splendide: il est de dos, et contemple la ville comme s'il prenait une pause avant de fondre sur sa proie. Quelques gestes, et subrepticement, il se place en plein milieu du cadre, tout simplement. En ces mois de mai et juin, il n'en était qu'à tourner ses premiers courts, mais nous qui savons ce qui a suivi,; nous n'avons aucun mal à le reconnaître. heureusement qu'il est là, sinon, le reste du film est bien sur regardable, mais pas franchement extraordinaire. Et pourtant, c'est par ce film qu'est née la comédie de long métrage, pas par The kid comme on le lit parfois.

On remarquera qu'au-delà de l'attraction représentée par le film lui-même qui quoi qu'il en soit était un grand pas en avant pour Sennett, il a fait en sorte que tout le monde participe. On peut s'amuser à reconnaître ses acteurs, de Mack Swain à Chester Conklin, en passant par Minta Durfee, Al St-John ou Charles Parrott. Mais on ne verra ni Sennett, ni Arbuckle, qui ne jouent ni l'un ni l'autre.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1914 Mabel Normand Charles Chaplin *
20 mai 2018 7 20 /05 /mai /2018 17:00

On peut sans doute parler d'un film maudit... Car cette production Paramount de 1921 n'est pas sortie aux Etats-unis avant...1981. Si vous ne savez pas pourquoi, j'en parle plus loin , mais je vous préviens: c'est triste, injuste et révoltant.

Pas le film, en revanche, qui n'est certainement pas le meilleur film de 1921, mais qui a au moins le mérite d'adapter avec intelligence une farce boulevardière à l'économie, mais sans lésiner sur la rigolade. Ce qui n'est pas étonnant, puisque le personnage principal en est interprété par celui qui s'est autoproclamé "Prince of Whales", le comédien et cinéaste Roscoe Arbuckle, qui après avoir fait le bonheur du public depuis le début des années 10 avec des courts métrages d'une, deux, ou trois bobines poilants et à l'humour foncièrement décalé, accédait enfin au droit de sortir des longs métrages. Il était le premier des acteurs comiques à interpréter des comédies de longue haleine exclusivement, depuis 1920. Et il en avait un peu payé le prix, en renonçant à son style volontiers absurde et surréaliste. Ce qui ne l'empêchait pas d'insuffler aux comédies de moeurs qu'on lui confiait, un esprit frondeur de comédie physique. C'est exactement ce qui fait le sel de cette adaptation, qui sans lui aurait probablement été inintéressante...

Stanley Piper (Roscoe Arbuckle), héritier de la fortune de son oncle Jeremiah, un authentique misogyne, est quant à lui un admirateur complexé de la beauté féminine. Complexé, car il est bègue d'une part, et d'autre part il est irrésistible. Lors d'un séjour à la mer, il tombe toutes les femmes sans le vouloir, et est sérieusement embêté de devoir gérer quatre fiancées auxquelles il est impossible d'expliquer qu'elles ont tort... Surtout que la femme qu'il aime (Mary Thurman) débarque à l'improviste. 

Sans Roscoe, qui assume pleinement d'être un véritable aimant à jeunes femmes dans le film, on n'aurait eu ici qu'une série de scènes de portes qui claquent, et quelques intertitres amusants. Mais Arbuckle sait fort bien faire monter la température en interprétant physiquement une scène, et en s'y investissant avec génie. Bref, ce film s'il était sorti ailleurs qu'en Finlande (en 1924...) aurait sans doute obtenu un succès mérité, et rappelé après The round-up, le western controversé de George Melford qui manquait paraît-il cruellement de gags, que Roscoe Arbuckle était un comique, et l'un des plus grands.

Sauf qu'avant la sortie du film, le premier mai 1921, l'actrice Virginia Rappe décédait lors d'une soirée arrosée, organisée par Arbuckle. le comédien, accusé, arrêté, acquitté du meurtre, blanchi par la justice qui a établi la preuve de son innocence totale, était désormais un paria, marqué du sceau de l'infamie pour le simple fait d'avoir été potentiellement le coupable. Interdit de travailler à Hollywood sous son vrai nom, déchu, bref: à plus ou moins court terme, foutu. Pour la Paramount, sortir le film Leap year était plus qu'un risque: c'était une impossibilité.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1921 James Cruze Roscoe Arbuckle *