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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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27 novembre 2019 3 27 /11 /novembre /2019 16:40

Donc, Marion Davies ne voulait pas jouer dans des tragédies, surtout pas, et William Randolph Hearst ne voulait pas qu'elle interprète des comédies... Je ne sais pas de quoi ils pouvaient vraiment parler à San Simeon, quand le couple en venait à aborder les productions Cosmopolitan! Mais ils ont fini par trouver un terrain d'entente, puisque en 1922, When Knighthood was in flower était bien un film historique traité avec sérieux, dans lequel l'actrice injectait une solide dose de dérision! Le cas de ce film tourné l'année suivante par le vétéran Sidney Olcott, est encore plus flagrant: il montre que les compromis entre la star et son producteur-éditeur finissent par pencher définitivement en faveur de Marion... Tant mieux.

Au début du XIXe siècle, on nous présente la faune dorée de New York, un certain nombre de personnages d'ailleurs authentiques qui font la pluie et le beau temps à New York: l'ingénieur Robert Fulton, l'écrivain Washington Irving, ou le financier multi-tâches John Jacob Astor; c'est dans le cercle de ces éminences que l'on annonce le décès d'un ancien immigrant Irlandais, O'Day, dont le testament promet à son beau-fils le jeune et ambitieux Larry Delavan (Harrison Ford) une fortune. Sauf que ce n'est pas le cas: le défunt lègue en effet sa fortune à un neveu éloigné, Patrick. A charge pour Delavan de devenir le tuteur du jeune homme, s'il vient: car il vit en Irlande, auprès de son père et de sa jeune soeur: celle-ci, Patricia, est aussi flamboyante que ses origines le lui permettent! Mais Patrick est malade, et la famille O'Day, par-dessus le marché, est expulsée de son logement. 

Moins d'un mois plus tard, "Patrick" arrive en compagnie de son père qui a mal vécu le voyage jusqu'à New York, et est très malade. Sauf que ce n'est évidemment pas Patrick, mais Patricia...

C'est une très belle surprise: un film très soigné, dans lequel l'équipe trouve dans l'évocation d'un New York disparu et mythique (et sérieusement en contact avec le progrès et le raffinement, via toute l'intelligentsia réunie dans les beaux quartiers) une source de plaisir constant, une légèreté et un plaisir de narration, auquel Marion Davies n'est absolument pas étrangère. Il est évident qu'elle a mené toute cette production à la baguette et c'est une réussite. Par ailleurs, non seulement elle joue la comédie du déguisement à fond, sans faute, mais en prime, elle paie de sa personne. Et sous son influence, le film qui aurait pu être un mélo ou un drame pesant, se mue en comédie.

Le film se joue aussi d'un défaut qui aurait pu déstabiliser le spectateur: il y a une ellipse, au moment de l'arrivée de "Pat" à New York, la production nous prive de réelle explication quant à la substitution de Patricia en Patrick. Cette explication viendra dans le final, et c'est assez adroit. Le fait d'avoir vu le jeune homme mal en point en Irlande, du reste, suffit à nous éclairer, et le choix de traiter le voyage, dans tout son pathos, en flash-back, sert le film puisqu'il permet d'utiliser l'effet de surprise. Quant à Marion Davies en jeune garçon, on ne s'étonnera guère du fait que celle qui allait quelques années plus tard (en 1928) si bien croquer les actrices de premier plan du muet dans le génial The Patsy, puisse s'en tirer avec les honneurs.

La réalisation d'Olcott est constamment fonctionnelle; bien sûr, il ne faut pas s'attendre à des passages complexes, des expériences novatrices, mais le metteur en scène a su parfaitement placer son point de vue et demander à ses acteurs (parmi lesquels on reconnaîtra le "jeune" Louis Wolheim dans un superbe rôle de brute) le meilleur. Il a bien su maîtriser les foules dans l'évocation d'un New York nocturne et qui s'encanaille, et a insufflé une solide dose d'Irlande dans le film. L'interprétation est retenue et inspirée... Et les décors adroits combinés avec une mise en scène délicieusement à l'ancienne jouent aussi beaucoup pour la réussite du film: pas de surprises, c'est devenu un énorme succès. Largement mérité.

 

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Published by François Massarelli - dans 1923 Marion Davies Muet Comédie Sidney Olcott *
8 novembre 2019 5 08 /11 /novembre /2019 17:17

Sur-vendu depuis des décennies, sans manifestement aucun droit de s'opposer, comme le plus grand film de tous les temps, ce deuxième effort d'Eisenstein ne demande qu'à être vu comme ce qu'il est: un film, à voir objectivement, ce qui paraît impossible. D'une part à cause du pedigree particulier d'un film confié à un artiste dans des fins de propagande, par un état soucieux de se dé-diaboliser auprès du monde entier, tout en assurant le socle idéologique de la Révolution pour les masses. A ce titre, les intentions d'Eisenstein se confondaient avec la mission d'état puisqu'il s'était lancé avec La Grève dans une fresque en plusieurs parties qui célébrait les prémices de la révolution... Entre intentions artistiques et propagande musclée, ça ne facilite pas la mission critique objective. D'autre part, le film est apparu très vite comme un étendard pour une critique Européenne dominée par une gauche pas trop soucieuse de se démarquer du Stalinisme. 

Pourtant le film tend vers UNE scène, bien plus que La Grève qui accumulait les morceaux de bravoure de montage, de cadrage, de caractérisation... Dans ce nouveau film, l'ironie disparaît, au profit d'un flot narratif qui est entièrement au service du message de propagande: l'intrigue est liée à l'histoire des marins du Cuirassé Potemkine, en 1905, qui ont pris part à leur façon à un fort courant évolutionnaire qui agitait alors l'Empire Russe, en se mutinant, et en gagnant la sympathie de la population. 

Le film commence par un exposé des conditions de vie des marins lors d'une escale près d'Odessa, priés par une hiérarchie méprisante de consommer une viande avariée et grouillante de vers, puis harcelée jusqu'à une condamnation à mort collective. Un homme, le marin bolchevik Vakoulinchouk, mène alors la révolte mais se fait tuer lors de la mutinerie. La population d'Odessa va se presser pour lui rendre hommage, mais lors de la fraternisation, l'armée intervient et déclenche un massacre...

Je le disais plus haut, l'humour parfois féroce et génial de La Grève est ici délibérément écarté par Eistenstein au profit d'une narration linéaire totalement galvanisée; le traitement ignoble des marins, la mutinerie, puis l'hommage du peuple sont autant d'occasions pour le cinéaste d'écarter toute tentative de mettre en avant un individu, si ce n'est pour présenter le héros, ou ceux qui vont mourir. Le traitement ironique des supérieurs hiérarchiques, les officiers surtout, se passe de la moindre subtilité: le message est clair, le comportement des officiers Tsaristes de la marine était totalement inhumain, et le cinéaste adopte un manichéisme tranquille particulièrement assumé dans son montage...

Le point fort du film, bien sûr, est la séquence des escaliers d'Odessa, rendue épique par un montage impressionnant. La foule se presse, et depuis dix bonnes minutes le fil ne nous montre que la fraternité et la joie des habitants et des marins qui se rencontrent autour de la dépouille de Vakoulinchouk. Eisenstein réussit (un exploit!) à éviter dans cette partie d'être léni(ne)fiant en adoptant un montage hyper serré, puis... il lâche l'armée. A couper le souffle, la séquence devient indescriptible, avec un tour de force pour le cinéaste: il réussit à mêler les plans d'une foule compacte et soudée, prise pour cible par les soldats, et les plans de quelques victimes reconnaissables; un enfant, sa mère, une jeune mère qui lâche un landau, et une vieille dame à bésicles. Des images qui ont fait le tour du monde, à juste titre. Elles se passent d'ailleurs de commentaires...

Ce qui n'est pas le cas de l'épilogue longuet dans lequel le cinéaste essaie de jouer avec le suspense d'une hypothétique fin tragique pour le bateau, cerné par la flotte: il construit plan après plan la menace, avant de lâcher un pétard mouillé: les marins des autres bâtiments fraternisent à leur tour... Pour un peu, Eisenstein placerait la révolution d'Octobre en 1905! Mais ce n'est pas la leçon d'histoire qui me dérange, simplement le fait qu'après le climax foudroyant de la scène des escaliers, il s'embourbe dans la figure imposée de propagande. Et son choix de privilégier la masse au détriment de l'individu dessert à mon sens le film qui devient un catalogue de scènes sans relief, avant que le montage ne s'emballe enfin pour la scène des escaliers d'Odessa, certes proprement géniale à elle toute seule...

Mais six minutes de génie peuvent-elles rendre un film aussi indiscutable?

Au final, je continue à refuser à ce film son statut poussiéreux, qui du reste ne lui rend pas justice... Mais si Le cuirassé Potemkine (Pas plus à mon avis que Citizen Kane) n'est définitivement pas pour moi ce soit-disant "meilleur film du monde" dont on nous rabâche les oreilles, ce n'est pas parce qu'il serait mauvais, c'est tout simplement parce qu'il n'y a pas lieu d'élire un film de cette façon... Ce dessert bien sûr les autres productions, in fine ça dessert le film lui-même, et ça dessert l'art cinématographique dans son ensemble. Ce film de propagande est aujourd'hui un objet imparfait, un film de transition d'un cinéaste qui avait goûté à la liberté, et est maintenant, même s'il ne le sait pas encore, pris au piège de la propagande d'un état qui va bientôt devoir cesser de se pencher sur le passé glorieux de la révolution pour essayer de chanter les louanges de la réussite Soviétique.

Et Eisenstein, qui va devoir à son tour faire des publicités pour les tracteurs, sera en première ligne...

 

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Published by François Massarelli - dans 1925 Muet Eisenstein Demain, nous serons des milliers *
6 novembre 2019 3 06 /11 /novembre /2019 17:34

Le premier film d'Eisenstein, du moins son premier long, était presque un film amateur, marqué par l'enthousiasme et une énergie formidable, communicative et même naïve... C'est ce film qui a mené le réalisateur à sa carrière, marquée par des films ambitieux, importants, et sans doute aussi très frustrants. Cette frustration, selon moi, est partie intégrante de ce premier effort, mais elle n'est pas excessivement gênante, car je crois que ce qui caractérise La Grève aujourd'hui c'est non seulement son inventivité, mais aussi et surtout cette incroyable liberté qui se manifeste à travers cette histoire pourtant marquée par la propagande...

Une usine est la propriété d'un groupe de financiers, qui décident d'accélérer les cadences et de surveiller au plus près leurs ouvriers, en leur mettant dans les jambes un groupe de mouchards tous plus véreux les uns que les autres. Les ouvriers se mettent en grève avec l'appui de la population, les patrons vont frapper fort et la répression sera terrible...

Eisenstein, jeune cinéphile, s'était enthousiasmé pour Stroheim (dont il admirait l'oeuvre entière), Griffith (y compris The birth of a nation, même s'il en désapprouvait évidemment le conservatisme) et Lang... Sans surprise, ces trois modèles se retrouvent à des degrés divers dans La Grève: de Stroheim, Eisenstein va reprendre un sens du détail et une certaine tendance au naturalisme; de Griffith il reprend l'énergie et la clarté de la mise en scène quand il s'agit de montrer la lutte entre deux clans, ce qui va le servir dans un film qui sera on ne peut plus manichéen. Enfin, de Lang, il va s'approprier la lente montée vers la violence, notamment celle présente dans les scènes de révolte de Dr Mabuse, qui ont représenté pour lui un modèle de cinéma d'attraction. Il va pour sa part mener son film vers une explosion de violence et d'injustice, racontée en détail avec la répression de la grève.

Pourtant ce qui me frappe, et ce qui fait sans doute le prix de ce film, c'est que s'il décide très tôt de ne jamais s'intéresser à UN prolétaire en particulier, en privilégiant constamment la masse sur l'individu (Lénine est appelé à la rescousse pour amener l'idée via un texte en préface), Eisenstein qui ménage constamment sa foule de gréviste et de prolétaire, en les traitant avec respect, déchaîne une vraie verve de caricaturiste pour présenter les autres: financiers et patrons à gros cigares, mouchards et briseurs de grève qui sont tous des "types" reconnaissables (ils sont affublés de noms 'animaux le plus souvent) et le film est souvent, dans ses scènes d'exposition, une comédie. Par la suite, cette verve s'affinera pour se débarrasser de toute trace de rigolade, même si la caricature demeurera (dans le portrait des officiers du Potemkine par exemple)... Mais ici elle fait mouche, et tranche efficacement avec la violence qui s'ensuivra.

Le message passe, en fait, assez bien: c'est qu'en 1924 quand il tourne ce film, Eisenstein est encore à raconter les époques durant lesquelles la révolution était nécessaire, il n'est pas encore confronté à l'écueil de La Ligne Générale qui l'obligera à être, à la demande de Staline, le chantre des tracteurs... Il y a des longueurs et des balourdises dans La Grève bien sûr, mais elle ne pèsent pas si lourd face au montage brillant, au cinéma d'avant-garde profondément excentrique qui se manifeste ici, notamment de la première bobine qui est époustouflante dans son cadre et dans sa narration goguenarde... Et puis le rire se fige vite: ces briseurs de grève et autres mouchards sont peut-être drôles, mais ils annoncent des morts, des injustices et une spectaculaire charge de cosaques dans les habitations des ouvriers, dans laquelle les morts innocentes en annoncent d'autres, plus célèbres: ce sera sur un escalier...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Eisenstein 1925 Demain, nous serons des milliers *
6 octobre 2019 7 06 /10 /octobre /2019 17:15

Voici un film à cheval entre le muet (pour ses premières 55 minutes) et le parlant (pour les dernières 24!): il est aussi situé entre le mélodrame et la comédie, avec un fort penchant pour ce dernier genre d'autant qu'il s'agit d'un "véhicule", comme on dit, pour la comédienne Laura La Plante dont la carrière était sous surveillance à la Universal, car si elle pouvait jouer la comédie muette, le parlant lui posait problème. ...Ce que confirme le film, hélas...

Evelyn Todd est une chorus girl, naïve et simple, montée à la grande ville de son propre chef. Et elle se fait licencier parce qu'elle n'est pas très douée... Effondrée, elle accepte le conseil d'une amie, qui lui propose de passer u bon temps dans la mesure où elle a un joli minois. Mais les hommes qu'elle côtoie dans une soirée aimeraient un peu plus, et elle s'enfuit... Pour trouver sa porte close et ses affaires dans la rue: elle vient d'être mise à la porte de son logement!

C'est le moment que choisit Paul (Neil Hamilton) pour entrer dans sa vie. Le richissime prince charmant la sauve, l'emmène, l'épouse, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si le propre oncle du jeune marié n'était un témoin du passé de la jeune femme. Elle n'a rien à se reprocher, mais comment pourrait-elle le prouver?

La Universal, contrairement à la MGM, peut largement se permettre de dégonfler les bonnes moeurs comme une baudruche, et s'amuser de voir une jeune femme de la classe ouvrière se payer la tête d'une vieille baderne qui la traite comme de la crotte, mais comme je le disais plus haut, le film passe soudainement, en plein milieu de sa partie dramatique, du muet vers le parlant, et justement, quand il s'agit de parler, Laura La Plante ne tient pas vraiment la distance. Reste un film soigné, dont les ruptures de ton sont parfaitement bien amenées, et dont les acteurs, dans l'ensemble, assument parfaitement leur rôle... Tant qu'il ne faut pas trop parler!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie William Wyler 1929 Pre-code *
19 août 2019 1 19 /08 /août /2019 16:46

Ceci est le sixième et dernier de ceux réalisés par Neilan pour le compte de Mary Pickford, et il est aussi la première production personnelle de l'actrice, distribué comme les deux suivants par First National avant que Pickford ne fasse distribuer ses longs métrages par United Artists. Il est évident que le film est conçu dès le départ comme une oeuvre très importante, et aussi bien la star que le metteur en scène vont s'y déchaîner...

Jerusha "Judy" Abbott ne s'appelle ainsi que parce qu'il fallait bien lui trouver un nom. Elle est une enfant trouvée, placée dans l'orphelinat de John Grier, un bienfaiteur qui comme tous les bienfaiteurs, se lave un peu les mains des conditions dans lesquelles les enfants dont il finance l'éducation, sont pris en charge: l'orphelinat est un enfer, où la fantaisie et l'inventivité de la petite Judy (Mary Pickford) entrent en conflit avec l'autorité discutable des gérants du lieu... Mais quand elle approche des dix-huit ans, une des âmes charitables qui ont investi dans l'asile réussit à décider un mécène de financer des études pour elle, car elle la trouve brillante... Judy se trouve donc confrontée au grand monde, mais aussi... à l'amour: entre le jeune play-boy un peu immature, Jimmy McBride (Marshall Neilan) et le séduisant mais un peu plus âgé Jarvis Pendleton (Mahlon Hamilton), quel sera l'heureux élu? Et Judy réussira-t-elle à aller au-delà de sa condition d'orpheline pour se marier? Et surtout, qui est 'Daddy-Long-legs', comme elle a surnommé le mystérieux bienfaiteur qui semble refuser de la rencontrer mais la soutient dans ses études?

Ces questions, bien sûr, trouveront toutes des réponses dans ce très joli film, où Pickford a tout fait pour qu'on s'y trouve autant dans une atmosphère de comédie, qu'une intrigue mélodramatique. L'actrice a en effet fait le pari de jouer toutes les scènes de la première moitié comme une enfant, faisant passer la dureté (châtiments corporels, menaces lourdes de conséquences sur les enfants, et même la mort d'un petit dans les bras de la jeune fille) derrière l'énergie phénoménale de la star.

Et cette extravagance qui semble profiter de l'indépendance de la jeune actrice, paie en permanence. On comprend pourquoi elle a confié la mise en scène à Neilan, avec lequel elle s'était si bien entendue pour cinq films consécutifs à a compagnie Artcraft, et qui tranchait sur les autres réalisateurs: Tourneur et DeMille étaient sans doute moins enclins à l'écouter, alors que le style visuel et le type de direction de Neilan s'adaptent totalement à l'univers que cherche à créer l'actrice: dès le départ, le choix de prendre son temps dans une série de vignettes qui installent les deux mondes (les privilégiés et les malchanceux), puis la façon dont la mise en scène se met en permanence au diapason du personnage de Judy, donnent au final un film absolument formidable.

...Et l'un des rares où Pickford peut se voir vraiment évoluer, en passant de l'enfance espiègle, à l'âge adulte, en changeant son personnage avec subtilité de séquence en séquence. Elle s'y révèle, décidément, une actrice exceptionnelle. Elle reviendra, pour un film nettement moins enjoué, à ce type de personnage de "grande soeur" des orphelins, avec l'admirable Sparrows de William Beaudine, tourné en 1926.

 

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Published by François Massarelli - dans 1919 Muet Mary Pickford Marshall Neilan Comédie *
6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 16:06

Chance? C'est un bien grand mot! Disons que la chance, dans la vie de Dolly dite Angel Face, n'a pas un grand rôle, car elle sait très bien ce qu'elle fait. Au moment où commence le film, elle est standardiste dans un hôtel, et plutôt que de gagner sa vie honnêtement, profite de sa position pour faire la chasse aux monsieurs riches. Elle est repérée par des "amis", d'autres escrocs, Brad (Lowell Sherman) et Gwen (Gwen Lee) et ceux-ci font un "coup" avec elle... A l'issue duquel elle part avec l'argent, tout bonnement: bref: sans foi ni loi, c'est une pro.

Elle rencontre un jeune homme, Steve Crandall (Johnny Mack Brown), qui est Sudiste et qu'elle croit riche. Or, il ne l'est pas. Du moins pas encore. Et quand elle l'apprend, il est trop tard: ils sont déjà mariés. Et sinon il y a deux autres développements imprévus: d'une part, elle tombe amoureuse de sa victime potentielle, mais surtout, Brad et Gwen font irruption dans sa vie: difficile dans ces conditions de se racheter une honnêteté...

Ca commence par une étourdissante comédie dont la principale force est sa star, Norma Shearer dont on voit bien à quel point elle est heureuse, elle qui était de plus en plus abonnée aux rôles "positifs" tels que les concevait Louis B. Mayer gardien de la morale à la MGM, de jouer un femme profondément malhonnête, aguerrie, et sans aucun scrupule! La comédie repose entièrement sur la complicité inévitable qui s'établit entre elle et nous, et tout ou presque passe par un visage étonnamment expressif.

La scène la plus réjouissante reste celle durant laquelle Dolly tente de séduire le "millionnaire", du moins croit-elle, en révélant ses atouts: une paire de jambes comme il n'en a jamais vues! Sauf que justement, il n'en a jamais vu, et il s'efforce de les couvrir au fur et à mesure. La scène serait efficace telle quelle, mais Shearer en rajoute à notre bonheur par un jeu d'expressions et de réactions formidables...

Sans véritablement se gâter, ça baisse un peu en intérêt quand l'histoire d'amour prend le dessus, d'autant que Johnny Mack Brown a quand même la charge de jouer un benêt... Heureusement, Lowell Sherman et Gwen Lee sont eux toujours du mauvais côté de la loi et maintiennent à flot le salutaire esprit canaille du film. N'empêche, cette petite comédie sans prétention est une preuve de plus du talent de Norma Shearer, qu'une grande proportion des films parlants qu'elle a tournés n'ont pas su exploiter à sa juste mesure.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Comédie *
2 août 2019 5 02 /08 /août /2019 09:19

Camille de Morlhon a la dangereuse réputation d'être un faiseur, à la chaîne, de films vite faits mal faits qui sacrifiaient à tous les pires clichés des genres populaires, mais on ne voit pas ses films à l'exception de quelques projections à la Cinémathèque, qui par l'entremise de l'historienne Renée Lichtig, passionnée et regrettée, a restauré tout un pan de son oeuvre... La Broyeuse de Coeurs est disponible sur un ensemble de DVD peu banals, puisqu'ils sont entièrement consacrés à ces films que Franz Kafka a commentés dans des correspondances privées et autres journaux intimes.

Pierre (Pierre Magnier) et Marthe (Clémence Liceney) s'aiment et vont se marier, mais lors d'une réunion de son cercle, il rencontre la fascinante Ida Bianca (Léontine Massart), chanteuse et artiste. C'est le coup de foudre... Il utilise les prétextes les plus classiques pour ne pas honorer ses rendez-vous avec sa fiancée, et celle-ci le prend en flagrant délit: attablé à un café en compagnie de la chanteuse... Marthe, le coeur brisé, est guettée par la tuberculose, et part se refaire une santé dans les Pyrénées, mais elle croise Pierre et Ida qui sont en panne sur la route de l'Espagne... Et Ida rencontre un autre homme, un toréador: voila que ça la reprend...

On est en plein mélodrame classique, avec un jeu souvent ampoulé... Je ne sais pas si tout ce petit monde prend très au sérieux cette histoire dont on a par ailleurs gommé certains aspects scandaleux, puisque Pierre et Marthe ne sont pas encore mariés. Du coup, l'adultère n'en est pas tout à fait un... Quelques passages surnagent, dont des échanges enflammés de regards entre Magnier et Massart, ou encore le voyage aux Pyrénées, qui permet à Morlhon de photographier de magnifiques paysages... Sinon, il s'inspire directement du cinéma Italien et de ses actrices passionnées, en présentant le numéro de music-hall de la chanteuse, accompagnée de surimpressions de flammes...

 

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Published by François Massarelli - dans Camille de Morlhon Muet 1913 *
29 juillet 2019 1 29 /07 /juillet /2019 11:14

Amarilly Jenkins (Mary Pickford) vit de ce que d'aucuns considèrent comme le mauvais côté de San Francisco, avec sa famille Irlandaise: elle a quatre frères, ceux qui sont adultes sont devenus policiers, et ceux qui ne le sont pas encore sont plus ou moins des voyous... La mère (Kate Price) est une fière lavandière, fille de lavandière et si Amarilly veut bien suivre la lignée, mère de lavandière. Une famille simple, saine, qui vit sa petite vie tranquille loin des soucis, et en plus Amarilly a un petit ami, le barman Terry (William Scott). Jusqu'au jour où, à l faveur d'une bagarre qui a éclaté alors qu'il s'encanaillait, Amarilly ramène à la maison le beau dandy Gordon Philips (Norman Kerry), un oisif qui est doté d'une famille qui est tout le contraire de celle d'Amarilly. A partir du moment où la jeune femme est entrée dans la vie de Gordon et de sa riche famille, ceux-ci se mettent en tête de l'élever socialement et humainement, si possible...

Marshall Neilan et Mary Pickford, avec ce scénario insubmersible de Frances Marion, visent la comédie tout de suite, et ils ont raison!: l'énergie déployée par tous les acteurs, Pickford en tête, pour mettre en valeur les qualités humaines et la vie profondément enthousiaste des Jenkins, ne peuvent aller que dans ce sens. Du coup le film se joue de coups de théâtre qui en d'autres circonstances auraient pu tourner au drame, et la rencontre entre les Jenkins et la richesse va devenir, pour la famille Irlandaise, juste une expérience burlesque. Dans le contexte cinématographique éminemment édifiant de la fin des années, c'est une excellente idée, et c'est assez novateur.

Le film, durant vingt minutes, nous promène d'ailleurs dune famille à l'autre avec un montage parallèle discret, nous permettant d'avoir fait notre choix au moment où Norman Kerry et Mary Pickford se rejoignent. Le choix de l'acteur est excellent, car il n'a pas son pareil pour jouer à la fois une fripouille et un type sympathique... Et il extrêmement crédible en fêtard. La bonne humeur générale, la vivacité de la production, l'abattage de Pickford, rien n'est raté dans ce joli film, l'un des derniers de l'actrice pour Artcraft avant la création de sa compagnie.

 

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Published by François Massarelli - dans 1918 Marshall Neilan Muet Comédie Mary Pickford *
19 juillet 2019 5 19 /07 /juillet /2019 11:36

C'est l'un des derniers films muets de son auteur, et il y reprend le souffle social bien particulier qui faisait déjà l'intérêt de Die Verrufenen en 1925. C'est donc de nouveau un film sur Berlin et ses habitants, sur un thème qui a été beaucoup représenté au cinéma, en particulier dans le cinéma Allemand: on avait déjà du mal à ne pas penser à G. W. Pabst en voyant Menschen untereinander de 1926, qui était un peu comme l'envers de la médaille de Die Freudlose Gasse... Mais ici, on pensera forcément à Das Tagebuch einer Verlorene qui sera réalisé et sorti l'année suivante... C'est à mon avis quelque chose qu'il faut s'efforcer de chasser de son esprit, d'une part parce que les films sont différents, ensuite parce que les intentions sont différentes: une fois de plus, Lamprecht constate, il ne juge pas, ni ne milite pour quelque révolution sociale que ce soit. Ici, en revanche, contrairement aux trois autres de ses films "Berlinois" qu'il m'a été donné de voir, le metteur en scène et sa scénariste fétiche Luise Heilborn-körbitz se tiennent à l'écart de toute volonté de happy-end...

Else (Lissi Arna) est une jeune femme insouciante, amoureuse de Hans (Mathias Wieman), et qui pense pouvoir contourner facilement l'interdit paternel (Gerhard Dahmann) de prendre du bon temps: elle sort donc en douce, mais trouve porte close le soir quand elle revient. Pas d'autre solution pour elle que d'aller frapper à la porte de son petit ami. Dans un premier temps, les deux amoureux font chambre à part, et Hans prétend à son colocataire Max (Paul Heideman) que Else est sa soeur. Mais quand ils trouvent tous trois un travail sous la forme d'un numéro de music-hall, ça devient plus dur à prétendre, d'autant que Max est amoureux d'Else. Une fois la vérité admise le verrou saute: ils couchent ensemble... Et les ennuis commencent: le père qui a eu vent de la publicité autour de sa fille la retrouve et met la police sur le coup, et le patron des trois comédiens commence à tourner autour de Else. Celle-ci, de plus, est obligée de se cacher: La descente aux enfers a commencé...

Il y a dans ce film un aspect arbitraire avec lequel j'ai du mal: Hans dit au père d'Else que s'il continue à la chercher comme il le fait, elle sera obligée de rester dans la rue, et elle finira à la rue... Ca ressemble un peu à un mauvais jeu de mots, mais c'est surtout une faiblesse d'un film dont la prétention est de rester un reflet de la vie: derrière le déterminisme un peu malsain, se cache une vraie grosse convention de mélodrame. Mais ça n'est que partiellement embarrassant, tant le film peut aussi passer pour une fable. Une fable un peu simpliste, mais dans laquelle Lamprecht nous intéresse, deux heures durant, au destin contrarié d'une jeune femme qui est de son temps: Lissi Arna, certes, n'est pas Louise Brooks, mais elle sait insuffler une énergie, une combativité à son personnage, qui emportent l'adhésion. 

Et s'il ne se départit rarement de son style direct et sans fioritures, Lamprecht se fait aussi plaisir, en amoureux du cinéma, avec une séquence superbe, où il détaille en dix minutes le destin de son héroïne, sans jamais la montrer. Une prouesse de montage et d'un choix d'objets et de symboles, montrés à l'écran, qui vont nous renseigner sur la nouvelle vie de femme entretenue de la jeune femme: les préparatifs d'un bain, une collection de Pékinois, les multiples couches d'habillage préparées par les mains d'une domestique, les bouteilles de parfum... Puis les chaussures élégantes, qui sont accompagnées des souliers noirs avec des guêtres de son amant. Enfin, un paravent sur lequel l'une après l'autre, les couches de vêtements viennent s'accrocher... mais la chemise de nuit, elle, y reste aussi: le dernier plan de la séquence est situé sur le côté d'un lit: le bras nu d'une femme éteint la lumière. A côté de la lampe, trahissant la situation, une miniature montre l'image d'une femme totalement nue.

Le film a aussi sa dimension morale, bien sûr, et le rôle joué par Hans est à la fois celui du traître (il va quasiment la répudier sur des soupçons injustifiables) et celui d'un homme qui va faire une tentative de sauvetage de la jeune femme une fois qu'elle travaillera 'unter die Laterne', sous le lampadaire, donc dans la rue. Une dimension naïve qui rappelle le credo de Lamprecht: commençons par agir et ne cherchons pas la solution politique. Un credo répété de film en film, qui allège leur portée au vu des critiques contemporains, mais qui donne curieusement à ces oeuvres oubliées une cohérence rare. Et in intérêt certain: je le répète, on peut penser aux autres cinéastes autant qu'on voudra, il n'empêche, ces films ne ressemblent qu'à eux-mêmes, hors des modes, des genres et des catégories courantes du cinéma de Weimar.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Gerhard Lamprecht Muet *
17 juillet 2019 3 17 /07 /juillet /2019 16:39

Peter (Ralph Ludwig), Lotte (Margot Misch) et Frieda (Fee Wachsmuth) sont des enfants placés dans une famille d'accueil, les Zielke: et comme on s'en doute dans un mélodrame, la vie n'est pas rose. Madame Zielke (Margarethe Kupfer) a recueilli des enfants illégitimes parce qu'elle peut en tirer quelque chose, et le père Zielke (Max Maximilian) est alcoolique et violent. Un jour, Peter et Lotte prennent très froid, et Lotte meurt de pneumonie: Peter décide de dénoncer le couple, et va se trouver placé chez une femme (Hermine Sterler) qui est très bonne avec lui. Mais son père (Bernhard Goetzke) réapparaît dans sa vie: il est batelier, et il se figure que devenu un peu plus grand, il peut faire travailler son fils...

Lamprecht choisit cette fois de s'intéresser aux gosses de Berlin, et crée à cette occasion un univers Dickensien, avec en prime un couple d'affreux parents d'accueil qui ont tout des Thénardier! Il choisit aussi de se situer à la hauteur de ses petits héros, et surtout de Peter: il est vrai que le jeune acteur, Ralph Ludwig, est excellent dans le rôle. Mais surtout, et ça lui sera reproché au vu des critiques contemporaines, le metteur en scène adopte le point de vue d'un enfant: ils souffrent, et le reconnaissent; ils envient ceux qui ont plus qu'eux (comme le prouve la toute première scène où on passe de la description des passe-temps d'une petite fille de riches, à la misère des deux héros), mais ils acceptent tristement le monde tel qu'il est, sans le questionner plus avant. Et le film ne le fait pas non plus...

Ce n'est pas la première fois que je le dis: Lamprecht est riche en compassion, et c'est un homme qui est motivé par la générosité. Ses films en font foi; mais changer le monde? Ca ne semble pas l'intéresser... Au moins son film est-il une plongée assez réussie dans la vie de ces enfants, mais on aura du mal à parler ici de réalisme, tant le film se nourrit des traditions du mélodrame et des romans simplistes. Maintenant, on ne quitte de toute façon pas l'univers de Lamprecht, puisqu'il fait ici appel à ses acteurs habituels, et que de nombreuses scènes, de par la vitalité des jeunes acteurs, nous prouvent que le tournage a du être un grand moment pour tout le monde. Cette joie de vivre transparaît au moins à l'écran...

 

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Published by François Massarelli - dans Gerhard Lamprecht 1926 Muet *