Michel Marnay (Charles Boyer), playboy international et bourreau des coeurs bien connu, se rend aux Etats-Unis pour y épouser une riche héritière, et Terry McKay (Irene Dunne), chanteuse de cabaret, est sur le même transatlantique pour rejoindre son fiancé, qui est aussi son patron. Les deux conviennent assez vite qu'il est très agréable d'être ensemble, et qu'il convient donc de marquer ses distances... ce qui s'avère vite impossible, car comme le dit Michel, ils sont sur le même bateau. Une excursion à terre, pour rendre visite à la grand-mère de Michel, finit par sceller leur entente: au moment où le bateau entre à New York, ils se mettent d'accord pour rompre avec leurs fiancés respectifs et se donnent six mois pour se retrouver au plus près du paradis, soit au sommet de l'Empire state building. Michel devient peintre, et Terry reprend ses activités. Mais à la date convenue, en chemin vers le lieu de rendez-vous, elle a un accident qui la prive de l'usage de ses jambes. resté seul, Michel pense donc qu'elle l'a oublié, alors que...
Refait en Scope et en couleurs en 1957 (An affair to remember), avec Cary Grant et Deborah Kerr, parce que c'était l'un de ses films préférés, ce classique a été produit pour le compte de la RKO, et c'est une merveille: McCarey y raffine sa formule, forgée durant des années, dont bien sûr sa période d'apprentissage chez Hal Roach: une comédie du quotidien, qui est d'autant plus prenante et touchante qu'ici elle est quasiment privée du moindre gag ou de la moindre velléité de faire rire. Sourire, par contre, est tout à fait possible: d'une part parce que le rapprochement cosmique entre les deux fiancés-oui-mais-à-deux-autres-personnes, sur le bateau où le destin les a réunis, est constamment magique, ensuite parce que les héros vient au milieu d'un problème dont l'humain n'est, définitivement, pas la cause: en effet il n'y a pas de méchant ici, que des gens qui veulent le bonheur d'un côté et d'autres qui sont ravis de pouvoir les aider, y compris les fiancés délaissés. Et puis McCarey filme l'évidence des sentiments, ceux qu'on n'a jamais besoin de dire parce qu'ils sont là. Ca passe, par exemple, par la révélation à la fin d'une conversation sur tout et sur rien, du fait que depuis quelques minutes les deux protagonistes se tiennent la main sans qu'on s'en soit aperçu, et peut être qu'eux non plus...
Et si le film traite souvent du quotidien en terme d'embarras selon la règle de la comédie burlesque (en particulier les films avec le comédien Charley Chase dont McCarey était le réalisateur), il traite aussi de l'amour, des sentiments, voire du sacrifice en terme de sacré. Un domaine qui le passionnait tout autant comme le montre The bells of St Mary's, mais qu'il va chercher ici dans le lien indicible entre un artiste peintre amoureux d'un souvenir et persuadé que ce souvenir se dérobe à lui, et une musicienne qui ne veut surtout pas que son amant sache qu'elle est devenue, du moins le croit-elle, un poids lourd.
Lors d'une rencontre motivée par l'amertume et la rancoeur, le salut viendra de la providence, après quelques déconvenues cruelles, mais aussi grâce... à un tableau. Bref, on n'est pas si loin que ça de la notion d'amour fou et sacré telle que la pratiquait Frank Borzage. Une comédie sentimentale qui n'a pas peur de faire délirer ses spectateurs, voilà tout ce dont nous avons besoin!
Christine de Guérandes (Marie Bell) vient de perdre son mari, avec lequel elle vivait dans une demeure grand luxe au bord d'un lac alpin et Italien. Avec tristesse et méthode, elle se débarrasse en compagnie d'un ami de ce qui était jusqu'alors sa vie, faite de luxe, et probablement d'un grand nombre de compromis: elle l'admet elle-même, elle n'aimait pas son mari. Durant le débarras, elle retrouve un petit carnet de bal, souvenir d'une sortie glorieuse de ses 16 ans durant laquelle elle avait dansé avec un certain nombre de prétendants. Elle décide de les revoir et de reprendre les choses là où elles s'étaient arrêtées 20 années auparavant...
La quête commence mal: le premier qu'elle visite est mort depuis 18 ans, ce qu'elle ignorait puisque sa mère, devenue folle (Françoise Rosay) a sombré dans la démence avant d'envoyer les faire-parts de décès... Mais si certains sont morts, elle va quand même en revoir un certain nombre: un ancien avocat, rayé du barreau et devenu un caïd de la pègre (Louis Jouvet), un ancien virtuose devenu moine dominicain (Harry Baur), un guide de haute montagne (Pierre-Richard Willm), le maire d'un tout petit village provençal (Raimu), un médecin abimé par un séjour colonial, devenu avorteur clandestin (Pierre Blanchar), un coiffeur enfin (Fernandel), qui n'a pas bougé de chez lui et va amener Christine sur les lieux de son mythique bal...
On penserait volontiers qu'un film comme celui-ci, possédant comme on dit les défauts de ses qualités, est forcément entièrement soumis à la qualité de ses segments, puisque Duvivier et Jeanson ont structuré le tout sur la recherche fébrile des traces de sa jeunesse par Marie Bell... Et bien sûr, le talent des interprètes fait beaucoup. Marie Bell est assez terne, mais sans être atroce (il faut juste un temps pour se faire à sa diction "grande dame des années 30"...); chacun de ses partenaires est évidemment un acteur de premier plan, et certains sont d'authentiques monstres sacrés, donc il y a de fort beaux moments. Il y a aussi des moments très embarrassants, l'un des pires étant le segment avec Pierre Blanchar: Duvivier y abuse de sa manie de signifier par des placements de caméra de Guingois le sordide d'une situation, et Blanchar en fait des tonnes.
Par ailleurs, le film offre malgré tout une intéressante réflexion sur la croisée des chemins, et un difficile choix pour l'interprète principale: certes, c'est une bourgeoise totalement blindée, qui a passé sa vie dans une tout d'ivoire, mais c'est aussi et surtout une dame qui a soudain le sentiment d'être passée à côté de sa vie, et d'avoir gâché sa jeunesse avant de la quitter. Elle va découvrir qu'en plus elle est contagieuse, puisque elle a manifestement aussi gâché la vie de tous ses anciens amoureux!
Ce film ô combien ironique et méchant se résoudra malgré tout dans un compromis riche en possibilité, avec une apparition de Robert Lynen, le jeune acteur de Poil de Carotte (1932). Un compromis, mais un sentiment évident que la fête est finie pour le personnage principal: une thématique qui rejoint d'autres films sur le souvenir et le douloureux passage des ans chez Duvivier.
Willy Ferrière (Gaston Jacquet), un jeune homme de bonne famille qui évolue dans les milieux interlopes et populaires de Paris, n'a plus le sou. Et c'est dommage, car il est sur le point de se marier... Et Edna (Gina Manès), la promise, aime bien l'argent. Alors quand à l'Eden café, il parle un peu fort du fait qu'il serait bon de se débarrasser de sa bonne tante, qui est assise sur un tapis d'argent qui lui reviendrait à lui directement, des oreilles écoutent... Et il reçoit une proposition qu'il décide d'accepter.
Quand le bandit minable Joseph Heurtin (Alexandre Rignault) se rend chez la tante Henderson, il a plusieurs surprises: d'abord c'est ouvert; ensuite, il y a du sang partout; enfin, la vieille est déjà morte, et il y a quelqu'un: Radek (Valerii Inkijinoff), un étudiant en médecine avec lequel il avait planifié le crime, avant que ce dernier se dégonfle... Mais Radek a tout manigancé justement parce que Heurtin est faible, et pas très intelligent... Radek lui a donc permis de se rendre sur les lieux d'un crime, de se mettre du sang partout et de laisser ses empreintes sur chaque objet de l'appartement! Il promet à Heurtin de tout effacer, en échange de la promesse de ne pas dénoncer son complice. Un seul des deux hommes tiendra sa promesse...
Quand le commissaire Maigret (Harry Baur) est chargé de l'affaire, on ne tardera pas à appréhender Heurtin. Celui-ci ne tardera pas à pousser le commissaire à ne pas pouvoir un seul instant croire à sa culpabilité et surtout au fait qu'il ait pu être seul sur un meurtre comme celui-ci. Le commissaire lui tend donc un piège, en lui permettant de s'évader: il sait qu'une fois libre Heurtin fera tout pour retrouver un hypothétique complice: c'est comme ça que Maigret va retrouver la trace de Radek. Mais celui-ci, au lieu de se débiner, fait tout pour attirer l'attention sur lui...
L'intrigue, adaptée évidemment d'un roman de Simenon, est touffue, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais si Simenon charge particulièrement son assassin psychopathe (un étranger, on ne se refait pas: l'écrivain était sérieusement xénophobe), Duvivier étend aussi la noirceur de son film à à peu près tout le monde de la nuit, mais à des degrés divers. Ce pauvre Heurtin, par exemple, devient une victime d'un criminel, un homme et qui a décidé d'emporter tout le monde dans la spirale de sa mort. Willy Ferrière et Edna, les deux bourgeois qui aiment s'encanailler, sont finalement deux minables qui vivent aux crochets du crime, et la première scène donne clairement l'impression que Ferrière serait quand même un tout petit peu proxénète. La vision sans fard d'une société parallèle, avec les malfrats, les ivrognes, les prostituées, est autant une forme de réalisme qu'une trace de baroque dans le film...
Et Duvivier soigne sa partition en ayant recours à sa technique dérivée du muet, tout en expérimentant avec le sonore: le monde qu'il nous dépeint fonctionne comme d'habitude sur plusieurs niveaux, visuel bien entendu mais aussi sonore avec ses contrepoints, lorsque le cinéaste nous montre une chose en nous en faisant entendre une autre. La scène de l'évasion d'Heurtin, par exemple, est l'occasion pour les policiers de laisser Heurtin seul dans une voiture en fausse panne, pendant que tous les policiers du véhicule se penchent sur le moteur: la bande-son nous fait entendre la conversation de tous ces garagistes du dimanche qui regardent dans le moteur, pendant que l'image reste sur Heurtin qui hésite à tirer parti de l'oportunité...
D'autres expériences sont moins heureuses, telle cette scène qui permet à un policier d'enchaîner les visites à des établissements divers, à la recherche du coupable présumé: Duvivier a utilisé des transparences, qui permettent au policier de passer dans le même plan d'une boutique à l'autre. La compression du temps pour des actes routiniers était une bonne idée, mais le résultat est médiocre quant à la qualité photographique...
Mon grand regret face à ce film est lié à l'interprétation: tout le monde est excellent, et le film confine parfois à la comédie policière en particulier avec les interrogatoires des domestiques, totalement savoureux. Hélas, Inkijinoff, auréolé sans doute de la réputation du film Tempête sur l'Asie de Poudovkine, dont il était le principal acteur, est souvent excessif: certes, son personnage est un dangereux psychopathe, et son physique lui confère facilement des aspects inquiétants: il me fait penser à ce niveau à un petit cousin de Peter Lorre... Mais il en fait dix fois trop, contrairement à Lorre: je suis persuadé que le film de Lang était dans le viseur de Duvivier... Ce dernier rattrape le coup avec le dynamisme phénoménal de sa mise en scène sur le final ...
La tête du titre, c'est celle d'un homme qui sera condamné si on ne prouve pas son innocence. Innocence relative, car on n'est sans doute jamais totalement innocent, et Joseph Heurtin s'est rendu chez la Tante Henderson dans le but de... de quoi, d'ailleurs? La tuer ou simplement s'en prendre à son argent? En lieu et place de cet homme qui sauvera sa tête, Maigret va se retrouver face à un nihiliste sauvage et mourant, un sale type qui fera tout pour laisser autant d'ennuis que possible derrière lui: bref, c'est noir.
La vie quotidienne chez les Lepic, à l'heure où M. Lepic va devenir le maire, est vue à travers les yeux de François, le petit dernier des Lepic; comme il l'écrit dans un devoir au collège, la famille est la réunion forcée sous un même toit de gens qui ne peuvent pas se sentir... Mais s'il y en a un qui en souffre, c'est bien lui, victime de la hargne sans cesse renouvelée de sa mère absolument indigne...
Il devait y tenir, à son Poil de Carotte, pour y revenir sept années après un chef d'oeuvre... Et la deuxième version, parlante et bénéficiant de la présence formidable d'Harry Baur, est aussi une réussite... C'est aussi un film assez différent: parce que justement, avec Harry Baur dans le rôle de M. Lepic, Duvivier a agi différemment de son traitement du personnage dans la version muette. Il lui a donné un peu plus de contour, un peu plus de rancoeur aussi. Il est aveuglé dans son amour pour son petit dernier, par la haine qu'il cultive à l'égard de sa femme. Il a d'ailleurs énormément influé sur des points de vue qui ne sot pas ceux des tourmenteurs ni de François Lepic: ceux là, la mère Lepic en premier lieu, on n'a pas besoin de leur point de vue, il est suffisamment clair. Mais outre M. Lepic, il y a Annette, la brave bonne, qui arrive à la maison au début du film, et qui va beaucoup servir le fil rouge du film; il y a le parrain, aussi, qui est bien développé, et qui est un brave homme à la tendresse évidente. C'est lui qui va dire à Lepic que son fils est probablement en train de se suicider, par exemple... Ces personnages si profondément humains, si faciles à aimer, font du film plus une comédie qu'un drame.
Catherine Fonteney est une Madame Lepic intéressante, mais un peu trop caricaturale, dont la voix trahit le côté théâtral. Mais elle ancre aussi le film dans une tradition de la comédie méchante, qui sied aussi bien au ton du film (c'est que le Poil de Carotte, avec son accent parigot, ce n'est pas non plus un enfant de choeur!) qu'à la mise en scène précise et engagée de Duvivier. Celui-ci est plus qu'inspiré, avec son sens légendaire du montage et du gros plan, du contrepoint (quand un personnage parle, la caméra vit sa vie et le mélange des deux est souvent détonnant)... Tourné en Corrèze en plus du Morvan (A Collonges-la-Rouge, mais aussi, probablement, à Gimel), puisque Duvivier avait gardé un bon souvenir du Massif Central où il avait tourné Haceldama, son deuxième Poil de Carotte est à nouveau une merveille, même si, plus court que le premier, il retrouve la formule épisodique du roman de Jules Renard que la version muette avait sagement contournée... C'est aussi le meilleur rôle du petit Robert Lynen, un protégé de Duvivier qui perdra son naturel dans la suite de sa carrière et dont le destin tragique est hélas bien connu.
David Golder (Harry Baur), faiseur de fortunes ou de misères à la bourse, richissime et redouté, est entouré de rapaces qui n'en veulent qu'à son argent, dont sa famille: son épouse Gloria (Paul Andral), qui vit toujours le plus loin possible de son mari, mène grand train de vie, et sa fille Joyce (Jackie Monnier) a pris l'habitude de l'argent. L'âge est là, et il a un malaise alarmant: son épouse profite de sa faiblesse pour lui annoncer que Joyce n'est pas sa fille. Il prend la décision de tout arrêter...
C'est le premier film parlant de Duvivier, et celui qui fait clairement la synthèse de son style acquis du muet. Le metteur en scène, qui a maintenu sa production de films muets chez Vandal et Delac jusqu'au bout des possibilités et de la patience de ses commanditaires, ne voulait pas passer au cinéma sonore, mais a été bien obligé: on voit avec ce film qu'il n'y perd ni son âme ni ses moyens... Le film est impressionnant, moins pour son interprétation qui est typique de 1930-1931 (on y parle volontiers lentement, sauf bien sûr Harry Baur qui est déjà remarquable, pour son premier rôle parlant) que pour un découpage typique de Duvivier: montage serré, utilisation de gros plans digressifs, compositions constamment inventives, et cette stylisation de l'espace par la lumière et l'ombre, qui le suivra jusqu'au bout de sa carrière. David Golder transpose l'assurance tranquille d'Au bonheur des dames dans le cinéma parlant...
Le film est, à sa façon, une ironique tragédie sur la fin d'un géant, tout en montrant un passage de témoin en guise de conclusion: Golder, qui n'a presque plus rien en revenant d'un voyage en Ukraine, donne tout ce qu'il a sur lui à un jeune immigrant qui lui rappelle sa jeunesse... Le jeune homme se rend à Paris, et envisage d'aller plus tard à New-York...
Ce final éclaire le film, qui souffre d'une réputation compliquée en raison de la présence de personnages jugés négatifs, issus de la communauté Juive, d'une diaspora qui va de Kiev à Paris en passant par Biarritz. Le final, avec son évocation d'un destin de parias condamnés à tout tenter pour survivre, nous renseigne sur le fait qu'avant d'être un sale type (ce qu'il est, la séquence d'ouverture le voit provoquer la ruine et le suicide d'un de ses "amis"), Golder a été lui aussi un petit immigrant venu de nulle part sans rien qui a du se construire seul et se maintenir contre tous les écueils. Il est montré d'abord en financier et homme d'affaires, et accessoirement en juif. Duvivier (qui ne tombe pas dans les pièges caricaturaux de son époque, mais ne s'interdit pas non plus de prendre la complexité de la communauté Juive de front) ne pourrait de toute façon pas être soupçonné d'antisémitisme, son parcours parle pour lui. Le roman qu'il adapte, écrit par Irène Nemirovsky, effectue déjà avec acuité et sans prendre de gants une étude de moeurs, en choisissant de plonger le spectateur dans le quotidien richissime mais empoisonné de cette famille Juive dont le père se rend compte qu'il n'a quasiment que des parasites autour de lui, ce qui ne l'empêchera jamais d'aimer sa fille plus que tout.
1925: dans le Montana, deux frères, les Burbank, dirigent un ranch. Tout les oppose, Phil (Benedict Cumberbatch) est un rustre qui vit au plus près de la nature, alors que George (Jesse Plemons), le délicat, aspire à une vie sobre et simple. Phil est obsédé par le souvenir de son mentor, un cow-boy disparu 20 années plus tôt. Quand au hasard d'une transhumance des bovins ils font une halte à Bleech, un petit village perdu, ils mangent dans un petit restaurant tenu par Rose (Kirsten Dunst), la veuve d'un médecin, et son fils Peter (Kodi Smith-McPhee). Pendant que Phil amuse la galerie en se moquant cruellement de l'adolescent, George est intéressé par Rose, qu'il revient voir de temps à autre. Quelques semaines plus tard, il annonce à son frère qu'il s'est marié avec elle...
Commence pour Rose un parcours du combattant: la vie au ranch est difficile à cause de Phil qui est odieux avec elle. En l'absence de George, elle commence à boire plus que de raison, et n'a plus qu'une motivation: éviter son beau-frère. De son côté, celui-ci va revenir sur sa première impression et devenir l'ami de Peter: l'adolescent se laisse faire, et tout en continuant ses études de médecine, il accompagne Phil dans ses sorties et reçoit son enseignement de la vie à la dure...
Une veuve, accompagnée d'un enfant, qui épouse un brave homme un peu gauche, avec un homme qui a fui la civilisation pas loin, sans oublier le fait que Rose joue, très mal d'ailleurs, du piano. Oui, on y pense, et c'est inévitable: le film reprend le schéma de The piano, mais ce n'est ni la même intrigue, ni le même sujet... Jane Campion a toujours aimé inventer des personnages qui sont seuls en toutes circonstances, y compris accompagnés, et ses quatre individualités ici sont quatre personnes démunis face aux autres. Phil recourt à l'agression, la provocation et se fait toujours plus rustique qu'il n'est vraiment. Celui qui fut un brillant étudiant avant de rencontrer un cow-boy pour lequel il a éprouvé une véritable passion, choisit de ne pas se laver plus parce qu'il sait que ça choque tout le monde (en plus d'être assez peu ragoûtant) que parce qu'il n'en aurait ni le temps ni l'opportunité: après tout, il a une salle de bains... George, lui, est un homme doux et fragile, un peu simplet aussi. Comme Baines dans The piano, il n'entend rien à la musique, mais il souhaite plus que tout rester dans la société des hommes. Des deux frères, c'est celui qui est moins à l'aise sur un cheval que dans un dîner, avec tenue de soirée... C'est lui qui a gardé un contact avec ses parents, Phil ne leur parlant manifestement plus. Rose était mariée à un médecin, dont on apprendra qu'il s'est suicidé au terme d'une vie d'alcoolique: c'était en 1921, en pleine prohibition et dans le Montana on n'a pas attendu 1919 pour interdire l'alcool: c'était déjà effectif en 1916. Ce qui veut dire que tout l'alcool consommé dans le film est probablement de l'alcool de contrebande, et qu'en 1921 le Dr Gordon a perdu la vie en consommant du poison: le suicide n'était qu'un point final... L'alcool reste l'échappatoire de Rose devant la vie dure que lui mène Phil, et qui n'est finalement qu'un symptôme d'une situation plus large, j'y reviendrai. Elle est, en tout cas, confrontée à l'échec de sa vie, aussi bien quand elle s'avère incapable de défendre son fils face à ses consommateurs dans son restaurant, ou bloque devant un piano alors que naïf de mari a invité se parents et le gouverneur de l'état (Keith Carradine) afin de l'écouter jouer... Enfin, Peter se défend comme il peut, c'est à dire assez mal au début. Etudiant en médecine, il tranche sur les cow-boys par sa gaucherie physique (grand, maigre, peu à l'aise dans son corps), et il est inévitablement la cible des moqueries des employés du ranch dès que Phil le décide; il confectionne des fleurs en origami, une occupation que Phil se fait un plaisir d'assimiler à de la faiblesse; il ne sait pas tenir à cheval, et il a "un ami" qu'il refuse de laisser venir au ranch, parce qu'il sait que ça ne passerait pas bien avec le beau-frère de sa mère... Mais il veut aussi être chirurgien, et dans une scène étonnante, on découvre qu'il a de la ressource: il tue un lapin de sang-froid pour le disséquer...
Phil a vampirisé le ranch, tout ce qui s'y passe est ce qu'il a voulu, et George semble n'être qu'un pantin pour lui, qui maintient un semblant de vie sociale (le Montana de 1925, ce n'est pas Broadway, on s'en rend compte assez vite). Mais il y a plus: Phil a une vie intérieure, un souvenir qui le hante, celui de Bronco Henry... Le mentor, celui qui a appris aux deux frères tout ce qu'il fallait savoir dans leur métier, celui dont les reliques sont constamment revisitées par Phil et montrées à Peter dans un geste patrimonial: une selle exposée dans une grange, avec une plaque commémorative, est la version officielle d'un mausolée à son souvenir... Mais Peter découvre qu'une cabane hâtivement construite à l'écart du ranch contient d'autres objets, plus secrets: notamment des magazines fin de siècle de "culture physique", soit un beau prétexte pour étaler des corps d'athlètes nus. Peter, qui a surpris Phil se baignant nu dans une rivière (il porte autour du cou une autre relique, une serviette blanche, ou qui le fut, marquée aux initiales de Bronco Henry...) a compris le lien qui unit Phil et son ancien maître... Il a compris aussi assez vite quel lien Phil souhaiterait établir avec lui. C'est en toute connaissance de cause qu'il accepte ses "enseignements". Et Rose l'a sans doute aussi compris, puisqu'elle fait tout pour empêcher Phil de lui "voler" son fils...
Mais ce que le film conte en priorité, c'est, d'une certaine façon, la disparition de la femme. Chez Jane Campion, l'affirmation de la féminité est toujours un combat, qui passe par la sexualité (In the cut, The piano, Sweetie), la vie sociale (Portrait of a lady, Two friends, A girl's own story), le vêtement (The Piano), la famille (Sweetie), l'éducation (An angel at my table), la spiritualité (Holy Smoke), la confrontation enfin à la masculinité, en essayant de trouver un pied d'égalité (Top of the lake, en particulier la première série, mais aussi Bright star, The piano voire In the cut et Holy Smoke). Dans le moyen métrage After hours, en 1984, elle montrait aussi les difficultés de la jeune femme a faire valoir ses droits face à une affaire de moeurs... Mais ici, le combat semble perdu d'avance, et pour longtemps: Rose, avant même d'être confrontée à Phil, a connu une vie difficile et on imagine (le film n'est jamais explicite à ce sujet, mais on peut y lire entre les lignes) que la mort du Dr Gordon a été autant une délivrance qu'une malédiction. C'est en tout cas l'impression qu'il ressort d'une discussion entre Phil et Peter sur l'alcoolisme de sa mère... Mais au ranch, les deux femmes à domicile (on reconnaît Genevieve Lemon, Sweetie, qui revenait également dans The piano et Top of the lake) sont des domestiques totalement dévouées à tout ce que leur imposera ou demandera Phil. L'arrivée des parents Burbank donne un moment l'illusion d'une soudaine irruption de la vraie vie, mais l'incapacité de Rose à jouer du piano, et la gêne causée par l'irruption odoriférante de Phil, cassent toute possibilité pour Rose de vraiment s'affirmer, ce dont George, bien sûr, ne verra rien du tout! C'est une fois la menace partie que Rose recevra un signe de sa belle-mère, le don d'un ensemble de bijoux, qui est un geste d'une grande force: un signe d'espoir... Au passage, si les femmes ont des difficultés à s'affirmer, on notera que le père Burbank, un vieux barbu un peu à côté de la plaque, est le type même d'un père faible, dépassé par les événements, qui renvoie un peu au père de Sweetie... les abus sexuels en moins. Kirsten Dunst joue magnifiquement de son physique entre deux âges, et ne lâche rien sur la déchéance physique qui accompagne l'alcoolisme; chez Jane Campion, les femmes vieillissent, on se souvient de Nicole Kidman dans China Girl, ou des hippies sexagénaires dont certaines déambulaient nues dans la Nouvelle-Zélande de l'autre saison de Top of the lake.
Cette difficulté à faire exister la femme s'accompagne de la description d'une emprise, même si elle ne sera qu'apparente: bien sûr, Phil est le maître de son ranch, et s'il a décidé de faire de Peter son ami et disciple, on l'imagine aller au bout de l'expérience... Mais notons aussi que l'ensemble du film se résout dans une lente montée vers son dernier quart d'heure, et qu'on y verra que chaque geste qui aura précédé est lisible sur un certain nombre de niveaux. Quand on voit Peter déposer sur la tombe de son père des fleurs en origami, est-ce un hommage naïf, ou une affirmation militante de sa propre différence, comme un défi vis-à-vis de celui qui a bien failli détruire sa mère? Peter a reçu, symboliquement, un héritage: celui d'un passage de son père par une corde, et c'est cet objet même qui va être utilisé par Phil pour attirer vers lui le jeune garçon; Peter, lui aussi, va utiliser cette corde, mais il va aussi se l'approprier à sa façon en en changeant le sens. Le film montre plusieurs aspects de cet héritage intime, à travers les personnages de Phil et Peter exclusivement. Les autres sont exclus de ce type d'échange... Ils sont exclus aussi d'un passage par le mythe: le titre, par son recours à un obscur psaume (qui est cité visuellement quand Peter consulte la Bible) installe déjà l'idée d'une violence et d'une menace qui ressortent du mythe. Phil affirme à ses hommes qu'il a vu, lui, dans la montagne, quelque chose qu'ils ne verront jamais: le seul à le rejoindre sur ce point, c'est Peter, qui ira justement seul dans la montagne pour se livrer à une expérience sur un veau mort, une de ces carcasses victimes de l'anthrax, indiquées par Phil qui ne s'en approche jamais. Un geste qu'on prendra dans un premier temps pour une tentative de faire une expérience afin d'apprendre la médecine. Mais on a tort... Enfin, Phil et Peter sont, excluant de fait les autres humains qui les entourent, deux conceptions opposées de la masculinité. Ils dominent le film, dans une atmosphère d'homo-érotisme assumée et lente, et The power of the dog est l'histoire de l'affirmation décisive d'une personnalité. Un élément qui permet à tout ce qu'on apprendra sur le chemin de ne jamais être gratuit...
Depuis toujours Jane Campion sait magnifiquement intégrer ses personnages dans un décor, et elle est particulièrement servie par les paysages qui sont le théâtre du film: ce n'est pas le Montana, en l'occurrence, mais la Nouvelle-Zélande, où filmer a été bien plus pratique en cette période délicate. Qu'elle ait réussi à aller au bout de son projet est un incroyable exploit, et elle a vraiment bien profité de ses paysages. C'est à couper le souffle: l'ombre de Days of heaven passe parfois dans le champ. La musique de Jonny Greenwood, ses cordes entre deux époques et son piano maladroit s'intègrent très bien dans cette histoire de domination et de vengeance, et on retrouve le sens légendaire du détail de la cinéaste: vêtement, décor, objets, mais aussi tâches de vieillesse, boucles, plaies, saleté ou paires de chaussures: chaque détail compte, comme ce doigt aperçu en très gros plan dans The piano, qui touchait par un minuscule trou dans le bas, la peau de Holly Hunter. Les montagnes grandioses, les initiales d'un mort sur une serviette, l'infiniment grand ou le ridiculement petit, chez Jane Campion chaque image compte. Chaque film compte aussi, et The power of the dog, merveilleux retour au cinéma (enfin, presque) de Jane Campion est l'un des plus beaux de ses 10 meilleurs films...
Okajima (Tokihiko Okada) travaille dans une compagnie d'assurances de Tokyo, où la prime annuelle va bientôt être distribuée. Au milieu de a fébrilité ambiante ( le bonus est bien plus avantageux qu'anticipé) il remarque un vieil employé prostré: il vient d'être mis à l'écart. Okajima, poussé par les autres, va se plaindre du traitement réservé à son collègue, et est licencié. Commence alors pour lui la galère de devoir trouver un travail alors qu'il est trop qualifié, l'humiliation pour lui et sa famille quand il doit accepter des travaux indignes, et finalement l'entraide des anciennes fréquentations universitaires...
Et pourtant c'est bien une comédie, assez typique de la façon dont Ozu traite de la vie quotidienne avec un regard inspiré de Harold Lloyd, son idole! La vie de tous les jours ne vient malgré tout pas en droite ligne de Safety last, ou de Hot water, deux films qui restent fermement optimistes, mais plus d'une lecture subtilement contestataire vis-à-vis du capitalisme triomphant adopté par le Japon impérialiste... Le patron d'Okajima est montré classant des bagues de cigare de sa collection avant de se livrer à un licenciement sec: Ozu charge le patronat, d'une façon étonnante, et qui lui passera d'ailleurs assez rapidement, pour adopter en permanence le point de vue d'un homme victime de comportements plus que de circonstances... On n'est pas non plus devant un pamphlet communiste, le licenciement d'Okajima étant après tout provoqué par la vindicte syndicale des collègues, qui le poussent à agir tout en s'écrasant!
Mais cette lecture sociale ne fait de toute façon absolument pas de ce classique, l'un des meilleurs films muets de son auteur, un brûlot. Son propos est plus d'étudier avec sa caméra placée au plus près des hommes et des femmes, l'effet de l'embarras sur les gens, la façon dont les dispositions économiques défavorables s'insèrent entre les gens et le bonheur. Okajima chômeur devient irascible, colérique, perd patience avec ses enfants; Mme Okajima ne comprend pas que son mari s'abaisse à accepter de devenir homme-sandwich, par exemple...
Tout cela n'empêche pas les gags, comme une ouverture très chorégraphiée avec une revue de détail à l'université (tous les étudiants y portent un uniforme) effectuée par un professeur excentrique (Tatsuo Saito, très présent à l'époque dans les films d'Ozu), puis une séquence enlevée et osée, où les toilettes communes deviennent le seul endroit où les employés peuvent aller compter les sous de leur prime! La dernière partie permet au professeur facétieux de revenir et au ton de redevenir léger, mais on ne s'y trompera pour autant pas: quand Okajima retrouvera du travail, ce sera pour quitter Tokyo, déraciner sa famille et affronter l'inconnu. Toute opportunité a sa part d'ombre...
Pour finir, la petite fille aperçue en haut sur la gauche de la photo, n'est autre qu'Hideko Takamine (1924 - 2010), actrice qu'on retrouve souvent chez Mikio Naruse, et qui fera jusqu'aux années 70 une belle carrière...
New York, 1957: dans les rues, la nuit, les gens sortent. Un homme a l'air préoccupé: c'est Sidney Falco (Tony Curtis), l'agent de quelques artistes, et il a un problème: son "ami", le chroniqueur star des nuits New Yorkaises, J.J. Hunsecker (Burt Lancaster) lui a confié une mission dont il n'a pas pu s'acquitter et maintenant l'homme de média, faiseur intransigeant de rois et de princes, lui refuse son soutien et sa fréquentation... Il va tenter le tout pour le tout, en essayant de rattraper son échec: de n'avoir pas pu séparer Susan, a soeur de Hunsecker, de son nouveau petit ami, un guitariste de jazz dont le quintet est la coqueluche des boîtes de jazz... La course au ragot et à la manipulation est lancée, sous la direction obsessionnelle de Hunsecker...
C'est un univers très malsain qui nous est présenté, et bien qu'il n'y ait rien ici que du politique, en quelque sorte, dans les coulisses crapoteuses d'un mode du spectacle nocturne, c'est un film noir. Autant par la thématique que par la réalisation de Mackendrick, qui profite avec James Wong Howe de tout un savoir-faire en matière de photo, intimement lié au genre roi des années 40 et 50.
Le réalisateur Anglais a choisi de baigner ses acteurs dans un New York qui est toujours authentique, et souvent tourné dans les rues même avec post-synchronisation des dialogues; les protagonistes évoluent systématiquement dans ce monde nocturne qui est le leur, et le personnage de Hunsecker, central, ne nous sera révélé qu'au bout de 25 minutes, qui sont malgré tout une exposition rigoureuse de son importance: la peur qu'il suscite chez les uns et les autres, l'importance de ses chroniques quotidiennes, tout nous prépare à la froideur d'un homme qui est sans doute la plus effrayante des créations de Burt Lancaster! Mais une fois le personnage révélé, le reste sera baroque: un salaud complet, vivant dans une tour d'ivoire au-dessus des médiocres, et qui dit à un sénateur face à lui qu'il n'est qu'un médiocre, c'est l'un des plus grands misanthropes du cinéma! ...Et un sacré psychopathe aussi.
Si Mackendrick s'est fait connaître par des comédies en Grande-Bretagne, on aura du mal à considérer que ce film fasse partie du genre; pourtant la méchanceté militante des dialogues, la petitesse des personnages (Falco en est un beau spécimen, lui qui ne vit que pour plaire à son "supérieur" car le bon plaisir du prince est sa seule chance à lui de s'élever) ne se situent pas très loin du Wilder des jeux de massacre, mais aussi de ce diamant noir qu'est The Apartment. Et ce film sur un médiocre qui voudrait tant plaire à un sale type ne vous laissera pas indemne: il offre une vision du monde de la nuit qui a été rarement vue au cinéma, et rarement avec autant de méchanceté.
C'est la rentrée à Ridgemont High School en Californie du Sud. Les seniors tentent de trouver un sens à leur vie, et une perspective d'avenir. Les autres tentent pour leur part de trouver l'amour ou du sexe, c'est selon, ou tout simplement de profiter au maximum de leur jeunesse sans trop perdre de cellules cervicales, comme Jeff Spicoli, le "stoner" officiel du lycée...
Beaucoup de personnages, dans ce qui est par essence, en référence au genre même du high school movie, un film choral. La grande surprise est que tous ces personnages sont admirablement définis, et échappent malgré tout aux clichés (sauf Spicoli, mais Sean Penn est tellement bon qu'on lui pardonne tout, surtout quand, au téléphone pour prouver à un copain qu'il est complètement défoncé, il se tape consciencieusement le crâne avec une chaussure...). Tout en restant constamment sur le fil du rasoir, le film évite l'écueil de la vulgarité gratuite et la caricature est d'une grande subtilité: grâce probablement au travail de repérage effectué par le scénariste Cameron Crowe, qui a carrément endossé en secret le rôle d'un lycéen pour prendre des notes...
Même les coupes et aménagements apportés par le studio (Universal en l'occurrence) ont malgré tout laissé intactes la plupart des transgressions du film, qui avait une tâche redoutable: venir après le foutraque Animal house, une comédie estudiantine de John Landis qui avait été un énorme succès... le montage a donc été refaçonné parfois contre la volonté d'Amy Heckerling afin de s'approcher de ce modèle. Mais Fast times va plus loin qu'Animal house qui reste fermement ancré sur la caricature.
C'est drôle, attachant, et parfois bien brut de décoffrage: il y est question, bien entendu, de dope, de triche, de masturbation, de drague, de perdre sa virginité, de garder sa virginité, d'avortement, de travail au fast-food, et parfois de travail scolaire, grâce à un professeur qui a bien du mérite: Ray Walston incarne Mr Hand, professeur d'histoire obsédé par le fait que la plupart de ses élèves tendent à amener leur vie privée dans sa classe. Sinon, quelques jeunes acteurs au gré des scènes: Jennifer Jason-Leigh, Phoebe Cates, Judge Reinhold, Forest Whitaker, voire Nicolas Cage ou Anthony Edwards, sont tous là... Et le film possède un privilère certain par les temps qui courent, c'est le classique ultime des consommateurs du vidéo-club où travaillent Steve et Robin dans Stranger things, les garçons de la série ont tous un souvenir ému de Phoebe Cates.
Un frère et une soeur, en villégiature sur la côte ouest de la Grande-Bretagne, à deux encablures de Bristol, tombent en arrêt devant une magnifique maison totalement vide... Ils décident de l'acheter, et ça tombe bien car elle est à vendre, en dépit des réticences de la petite-fille du propriétaire... celle-ci est en effet très attachée à la bâtisse, seul lien tangible avec la sombre histoire de sa mère, disparue dans de tragiques circonstances quand elle avait trois ans. Les Fitzgerald achètent donc la maison, et s'installent. Très vite ils vont se rendre compte que les rumeurs qui en font une maison hantée pourraient avoir un petit fond de vérité... Et ce fantôme, qui pourrait bien être la mère de la jeune Stella, a l'air bien vindicatif...
C'est un modèle de film de fantômes, dans lequel on entre en toute tranquillité, avec douceur et une pédagogie qui ne se voit pas. Les effets de terreur sont dosés avec un goût permanent, et c'est en plus servi par un ensemble de comédiens (Donald Crisp, Ruth Dwyer, et surtout le toujours impeccable Ray Milland) qui n'ont pas à se forcer pour avoir l'air Britanniques... Puisque comme les films "Anglais" d'Hitchcock réalisés après 1940 (Rebecca, Suspicion), ce long métrage a été tourné en Californie. C'est un modèle de dosage, donc, et c'est doté d'une intrigue qui évite les pièges de la complication à l'extrême.
Les ingrédients y sont subtilement dosés, avec des passages obligés du genre: les ragots malsains de la populace, le médecin dépositaire de l'histoire locale, portrait hanté (comme dans Rebecca) et surtout la sacro-sainte séance de spiritisme... C'est aussi un film dans lequel les secrets, le passé, le passif même des personnages, semble faire tout le travail, et derrière ces manifestations fantomatiques, c'est tout un passé inavouable qui va faire surface.