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29 septembre 2023 5 29 /09 /septembre /2023 22:17

Tourné en 1946, monté et déposé en 1947, et sorti en fin 1948... ce film tend à prouver que hawks aimait à prendre son temps... Mais il ne s'agit pas ici seulement de commenter la production compliquée d'un western hors-normes qui entendait changer un peu la face du genre, mais aussi de prendre en compte la façon dont, dans tant de films et en particulier ses westerns, (celui-ci étant le premier qu'il achèvera seul), les personnages sont lents, méthodiques, appliqués... Ce qui leur donne une efficacité imparable.

Tom Dunson (John Wayne) désire monter un ranch au Texas, mais en partant en compagnie de son assistant Nadine (Walter Brennan) pour accomplir son rêve, il apprend la mort de sa fiancée dans un raid indien... Sur les lieux de l'attaque, il recueille un rescapé, un adolescent choqué, chatouilleux... et armé. Les trois se mettent en route pour créer le ranch Red River D. Les années passent, l'adolescent, Matt, est devenu un homme (Montgomery Clift), et Dunson en est fier. Mais les temps sont durs, et une solution pour se tirer des ennuis est de se rendre dans le Missouri pour y vendre du bétail... Le voyage s'avérera difficile, car non seulement les éléments extérieurs (bandits, attaques d'indiens, une caravane rencontrée en chemin) compliqueront les choses, mais la relation entre Matt et Dunson s'enveimera jusqu'à la rupture...

voilà un film exceptionnel, qui commence à l'écart du monde et semble ne jamais vouloir se reconnecter à la moindre communauté établie. Dunson, son copain et son fils adoptif semblent avoir vécu leur vie entière dehors, au soleil, et on ne les verra jamais dans une ville, attablés dans un saloon, ou dans quelque endroit "civilisé que ce soit... Ni ville, ni ville fantôme, ce qui s'y apparente le plus serait sans doute la caravane et ses chariots. Il s'en dégage une impression de liberté totale qui traduit bien l'idéal romantique d'une vie à la dure, d'une quête perpétuelle du bout de la prarie, là où l'herbe se fait remplacer par les constructions. Un monde qui tend vers la civilisation, donc, mais sans jamais l'atteindre car une fois atteint ce rivage, l'histoire ne sera plus la même. Le film en devient donc l'égal de ces grands films fondateurs du genre que sont The covered wagon (James Cruze), Three bad men (John Ford), The big trail (Raoul Walsh), ou d'autres classiques qui offrent une réflexion romantique et amère sur la perte de l'innocence et de la liberté de l'ouest, notamment The searchers, de John Ford...

En cherchant à construire cette épure du western, il peut nous sembler normal voire évident que Hawks ait choisi de confier à John Wayne, encore jeune (il se vieillira pour une bonne part du flm afin de coïncider avec l'âge de son personnage), le rôle principal de son film. Aujourd'hui, derrière son conservatisme alarmant, le bonhomme est encore qu'on le veuille ou non un symbole de cette image du cow-boy, épris de la liberté, qui s'épanouit plus en cherchant la fortune qu'il ne le fera jamais en la trouvant, et qui finit par se fondre dans un environnement hostile dont il saura prendre et célébre le meilleur. Mais voilà, il restait à Wayne à écrire ces pages du western, un genre où à l'exception des films de Ford et de Walsh (en particulier The big trail en 1930) pour lequel il n'avait quasiment tourné que des séries B voire des navets... Quand il tourne Red River, il n'a pas encore participé à la trilogie de la cavalerie, à The Searchers, Hondo, et tant d'autres films... Au même titre que Stagecoach, Red River sera donc une oeuvre majeure pour sa carrière.

La façon dont Hawks présente l'équipe (composée principalement mais pas uniquement de trois personnages) est typique de son oeuvre: là où d'autres (Curtiz, par exemple) auraient préféré exposer les personnages rapidement en ayant recours à des types (Alan Hale et Guinn Williams, dans Dodge City, sont de pittoresques faire-valoirs unidimensionnels, qui se différencient considérablement du valeureux Irlandais au sourire suave de Erroll Flynn... Lui aussi est un stéréotype bien pratique. Pas ici: les personnages n'en finissent pas de se définir, et de se dévoiler lentement, dans une approche pourtant ni naturaliste ni psychologique... Tout est dans l'art de la digression, comme je le disais: ces gens se définissent dans le travail, dans l'action, la décision froide, mais réfléchie et jamais précipitée. C'est d'autant plus notable que bien souvent les personnages de Wayne (notament dans les films qu'il produira, qui seront souvent marqués d'un sceau très idéologique de droite, voire libertarien avant l'heure) finiront par être un rien trop infaillibles dans leur jugement, dans leur radicalisme aussi. Mais Tom Dunson, marqué au fer rouge par la perte d'un être cher, est un homme qui garde jusqu'au bout du film le droit de mener sa barque en se trompant...

Dans cet art consommé de la digression érigée en fil narratif, on ne peut que remarquer et souligner, d'un côté le rôle primordial joué par Walter Brennan, auquel il suffit d'enlever son dentier pour apparaître plus vieux... Véritable conscience de John Wayne, il effectue dans certaines versions du film la narration avec un certain bonheur. Il commente tout, mais on évite toute redondance un peu trop pittoresque justement parce qu'il humanise le héros, en lui conservant son amitié, mais surtout en montrant que ses errements et sa colère sont motivés, justement, par la perte. Et l'autre partie de ce fil digressif concerne le personnage de Matt, le comlice et l'héritier, qui complère Dunson, mais s'oppose à lui quand ça lui semble légitime. Et justement, c'est ce qui fera le sel du film dans sa deuxième moitié... Mais Matt est également un adolescent à peine grandi, où Hawks va aussi bien mettre des qualités de professionalisme et matière de maniement d'arme, qu'on retrouvera chez d'autres (Ricky Nelson dans Rio Bravo, et James Caan dans El Dorado), qu'une certaine tendance à dégainer pour frimer, voire des allusions à certaines manies adolescentes ("ton bras pour tirer fonctionne bien?" "oui, je m'entraîne tous les soirs"...). Au-delà donc de la fascination de Hawks pour le travail des cow-boys dans la prairie, et de la façon dont Wayne joue un homme qui porte en lui une impression de responsabilité telle qu'il s'arroge le droit de vie et de mort sur ses employés, le film devient le conte d'une confrontation entre un homme et son fils adoptifs, une querelle liée aussi bien à un héritage matériel (le ranch, les bêtes) que culturel (l'ardeur au travail, la loi de la prairie)... 

Et plus que tout, à travers ce conte en liberté et au grand air, c'est la naissance, après vingt ans de comédies, films de gangsters, films noirs et films d'aventure, d'un maître du western, qui n'allait pas en tourner beaucoup (trois autres, j'en exclus The Big Sky dont la période n'est pas celle du "Wild West"), mais en délivrer deux chefs d'oeuvre absolus. Celui-ci est donc le premier... Un film dans lequel l'impulsion d'aller vers l'Ouest, cet appel fondamental de l'aventure, se retrouve dans deux hommes, un ancien, qui court après tout ce qu'il a gagné puis perdu, mais qui refuse de remettre en question son approche fondamentale, à la dure, et un jeune, un homme d'avenir élevé à la dure mais foncièrement adaptable, adepte aussi bien des armes que de la négociation, et qui porte en lui l'espoir d'un ouest pacifié, dompté, et civilisé. Un conflit de génération qui se mue en une parabole de la construction d'un monde, il n'y a pas de meilleur sujet pour un western.

 

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Published by François Massarelli - dans John Wayne Howard Hawks Western Criterion
20 septembre 2023 3 20 /09 /septembre /2023 10:17

Ce film de propagande est la première chance officielle de Lean de diriger un film, et ça a bien failli ne pas vraiment se faire, ou du moins il a bien failli ne pas être crédité: Noel Coward, réalisateur en titre, avait bien besoin d'un "technicien" pour le relayer et le compléter durant un tournage placé sous le signe de l'effort national... Lean avait déjà officié en sous-main pour épauler, puis remplacer le réalisateur erratique de Major Barbara (Gabriel Pascal, producteur d'Europe Centrale, n'avait lui non plus jamais fait de film auparavant...) en 1941, et il assistait aux tournages en tant que monteur depuis fort longtemps...

In Which we serve est essentiellement l'histoire d'un bateau qui coule, entrelacée de flash-backs autour de trois personnages: le capitaine Kinross (Noel Coward), un officier de marine décent et professionnel, dont l'humanité profonde s'oppose à la barbarie nazie; Hardy (Bernard Miles), un sous-officier d'origine modeste, qui perd son épouse dans un bombardement durant le film; et enfin 'Shorty' Blake (John Mills), un marin cockney, jeune marié et père d'un bambin né lors du même bombardement qui a couté la vie à Mrs Hardy. Le film se déroule globalement sur une période qui va de la déclaration de guerre jusqu'à 1941, et le naufrage du destroyer Torrin se déroule en crête. Jamais, dans In which we serve, on n'assiste à la moindre représentation directe et brutale de la barbarie nazie: le film reste une affaire essentiellement Anglo-Britannique.

L'aspect "propagande" est totalement indissociable du film, et à ce point de vue c'est une jolie réussite. Ici, il ne s'agit pas de s'appesantir sur des drapeaux ou quoi que ce soit d'autre, mais plutôt d'ausculter et de célébrer la solidité fondamentale de l'âme Britannique, sans aucune considération pour les différences sociales ou les disparités d'opportunités entre les uns et les autres. D'où l'insistance mise sur la droiture et l'affection qu'il porte à ses hommes, du capitaine. Mais tous les personnages (Aussi bien les marins que leurs épouses, dont l'admirable Celia Johnson) sont marqués par la pudeur, et le courage, plus que par un quelconque patriotisme. Et le film, de tranche de vie en séquence pleine d'émotion, est souvent poignant... Et fabuleusement monté: Lean metteur en scène vient à son premier film avec l'expérience fabuleuse de montage qui a été la sienne des années durant.

 

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Published by François Massarelli - dans David Lean Criterion
30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 14:56
1982, Hollywood... Paul Paul Bartel) et Mary (Mary Woronov) sont de très prudes Américains, désireux d'acheter un restaurant, qui sera un temple du bon goût.. Pas comme tous ces échangistes qui se retrouvent dans l'appartement d'à coté. Mais le jour ou l'un d'entre eux assaille la belle Mary, le sang de Paul ne fait qu'un tour, et il le tue. Une idée saugrenue leur traverse l'esprit: et s'ils les appataient avec le stupre afin d'assainir la ville? Sauf qu'ils ne connaissent pas Raoul, le bellâtre Chicano qui va leur apporter un paquet d'ennuis...
La publication par la prestigieuse collection Criterion de ce film pouvait ressembler à un gag, c'est pourtant une comédie très soignée, un portrait (au mauvais goût parfaitement assumé) de l'envers d'Hollywood, et un film réjouissant: le seul d'ailleurs dans lequel on puisse entendre l'immortelle phrase "Go to sleep, I'll bag the nazi!".
A travers les deux très convenables et très coincés anti-héros, Paul le sommelier (qui se fait réprimander à son travail parce qu'il se refuse à vendre aux clients la piquette qu'ils réclament) et Mary l'infirmière qui se refuse à céder aux avances des plus obsédés des patients de urgences, Paul Bartel se plaît à montrer un monde sérieusement corrompu d'une part, mais va aussi jusqu'à démontrer que la logique des "réformateurs" auto-proclamés (car à n'en pas douter, Paul et Mary sont du genre à vouloir sauver l'humanité malgré elle!) débouche aussi sur la corruption et la malfaisance... Sans parler du portrait hilarant de deux personnes qui sont tellement habitués à réprimer leurs émotions et leurs pulsions qu'ils en deviennent de vrais psychopathes...
Tout n'est donc pas que dans le titre, dans cette comédie débridée et totalement mal polie. On est complètement à l'écart de tout formatage, dans une sorte de no-man's land socio-culturel où une équipe de film fauché peut sans vergogne se lancer dans une oeuvre underground qui va réussir à ironiser sur la mode de l'échangisme, l'obsession sexuelle, la manie des Américains de se mêler en permanence de ce que font leurs voisins, les excès de la vertu, et bien sûr, mais je l'ai manifestement gardé pour la bonne bouche, le cannibalisme... Et le pire c'est que Bartel a réussi à tourner son film en privilégiant pour lui et sa compagne un jeu parfaitement posé, détaché et d'une grande subtilité.
C'est donc un vrai OFNI, mais avec le choix entre moutarde et ketchup...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Criterion Yum yum
23 juillet 2023 7 23 /07 /juillet /2023 18:44

C'est la nuit... André Jurieux (Roland Toutain), un aviateur atterrit au Bourget. La presse est là, un public disparate et excité le fête mais lui est au fond du désespoir: il a accompli un exploit impressionnant, mais c'était pour une femme, et elle ne s'est pas déplacée, lui dit son ami Octave (Jean Renoir).

Christine, la femme en question, a entendu à la radio le désespoir de son amant... Elle finit de se parer, et rejoint son mari, le marquis de La Chesnaye (Marcel Dalio). Ils habitent une grande demeure, ils se vouvoient, et ils sont richissimes... Lui sait qu'il y ait un semblant de liaison mais n'en fait pas grand cas.

De son côté, il téléphone avant de sortir avec son épouse, à sa maitresse...

La ronde n'ira pas beaucoup plus loin mais le film est posé: il y aura une monumentale partie de chasse organisée, on y parlera d'amour, de la société, des inégalités, de réussite frelatée et de ratages embarrassants.

L'amour? Compliqué, et mal parti: bien qu'on soit à l'époque moderne, il n'en reste pas moins que les mariages sont parfois mal assortis. Et les amants ou autres amis amoureux ne sont pas beaucoup mieux lotis. Car si Jurieux aime Christine de la Chesnaye, Octave aussi est amoureux de la jeune femme. Le marquis de la Chesnaye aime-t-il sa femme? Comme sa maîtresse Geneviève (Mila Parély) lui signale, citant Chamfort, que "l'amour, c'est la rencontre de deux fantaisies, et le contact de deux épidermes", ce qui semble disqualifier la relation un rien froide des deux époux. De son côté, Octave a semble-t-il une relation avec Lisette (Paulette Dubost), la bonne, qui est mariée à Schumacher (Gaston Modot), le garde-chasse du château des La Chesnaye. Et pour compléter le tableau, Octave qui est semble-t'il le trait d'union entre les différents personnages, doit aussi gérer les amours distants entre Christine et André, mais aussi entre le marquis et Geneviève! Le film accumule ainsi les conversations autour des marivaudages...

Des marivaudages à la mode du vingtième siècle, car ici les classes se mélangent... Un peu. Disons qu'elles ont à faire les unes avec les autres. Christine a épousé le marquis de La Chesnaye pour s'élever, mais c'est un mariage sans amour. Tous ses amis sont plutôt des gens de la société civile, comme on dit. Chacun des protagonistes, à l'exception d'Octave qui fricote avec la bonne, et a des discussions sur beaucoup de choses avec son amie Christine, tous restent quand même sur un certain niveau... Et même schumacher, le garde-chasse, doit accepter la présence d'un subalterne, le braconnier Marceau (Julien Carette), qui lui en fait voir de toutes les couleurs... Et pour s'lever, hors le mariage, pas beaucoup de solutions, si ce n'est le sport. D'où l'exploit, bien de son temps (douze ans après Lindbergh), de Jurieux... Mais le marquis,qui a le sens des contradictions, se prend d'amitié pour Marceau qu'il engage... Au grand dam de son employé qui conçoit la chose comme une insulte personnelle... 

"cette petite Christine a de la classe. ca se perd, à notre époque!", dit un invité de la partie de chasse, un général... Derrière cette "classe", la réussite, donc, est sociale, financière (les La Chesnaye sont riches, et organisent des fêtes et des réceptions impressionnantes... comment s'étonner après que chacun reste à sa place en les fréquentant? Pourtant, la réussite n'est jamais complète. Christine a acquis un statut par son mariage, mais au détriment des sentiments. André a réussi une traversée en vol, qui épate tout le monde, mais le considère comme un échec. D'ailleurs, quand il arrive au château, Jurieux arrive sous une pluie battante, ce pauvre garçon n'a décidément jamais de chance... Et les domestiques qui sont réunis à manger entre eux, commentent à leur façon sur les strates supérieures et leurs patrons. Certains décernent d'ailleurs des certificats d'homme du monde à leurs anciens maîtres. Et c'est aussi lors de ce dîner des domestiques qu'on apprend que le marquis de La Chesnaye a des oigines, comme on disait alors (et comme l'extrême droite de dire parfois continue de dire parfois pour cacher son antisémitisme virulent), "cosmopolites". Il a eu des Rosenthal dans sa famille... Cela fait-il de lui un cousin du héros déjà joué par Dalio, de La Grande Illusion?

"Les mensonges, c'est un vêtement très lourd à porter" dit Christine dans sa première scène, qui parle d'ailleurs avec sa bonne (elle aussi, comme Octave, semble prompte à oublier les barrières de classe). Une lassitude par rapport à une histoire d'amour qui la tente mais dont elle ne veut pas, ou par rapport aux obligations de classe, pour lesquelles la "règle du jeu" est, justement, le mensonge? en posant ainsi, à l'orée d'une série apparemment innocentes de considérations sur les amours potentielles ou réelles, Renoir place en exergue de son film un portrait au vitriol de toute une société, de tout un monde. Pas vraiment surprenant, dans ce cas, que la droite et l'extrême droite (pas beaucoup de différences durant la 3e république) ait sauté sur le film à bras raccourcis avec une phénoménale virulence... C'est au cours du deuxième acte que Renoir s'est montré particulièrement méchant avec cette bonne société en montrant les élites se livrer à la chasse comme on fait un jeu de massacre... une chasse sitôt finie, sitôt oubliée par le marquis.

Et comme chacun sait sans doute le film a eu un destin particulier, qui en fait d'ailleurs une exception: coupé (avec l'approbation de Renoir, semble-t-il) en 1939 avant sa sortie après des premières désastreuses, réduit de 94 à 81 minutes, il a été remonté et ressorti dans une nouvelle version plus longue en 1959: c'est désormais une version de 106 minutes, qui d'ailleurs pose des problèmes: si certaines scènes étaient absentes en 1939, et que Renoir ne souhaitait pas les présenter à l'origine, fallait-il les intégrer? On n'aura pas de réponse, la version remontée en 1959 ayant été confectionnée avec le soutien plein et entier eu metteur en scène.

Un film étrange, fascinant, une comédie qui ne nous fera pas souvent rire, ou alors jaune... S'il visait sans doute juste en 1939 et était un état des lieux de la société de l'époque, aujourd'hui on n'a parfois pas toutes les clés. Mais au sein de l'oeuvre de Renoir, il brille d'un éclat assez singulier. Un fim typique par ses thèmes, mais aussi ses motifs (amours ancillaires, arrivisme, observation ironique, spectacle amateur, déguisement...). Mais un film qui tranche aussi, en une décennie de films combatifs (notamment ceux qui prennent fait et cause pour le Front Populaire, ou qui affirment leur pacifisme), par sa noirceur... Trop subtil, trop riche, trop tout, le film a fini par quitter son statut de film maudit pour devenir le chef d'oeuvre officiel, ce qui est sans doute, aussi lourd à porter... que les mensonges...

 

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Published by François Massarelli - dans Jean Renoir Comédie Criterion
22 juillet 2023 6 22 /07 /juillet /2023 16:15

Un étudiant qui excelle en base-ball universitaire, Goro Kurita (Minoru Oki) devient l'enjeu des convoitises de plusieurs personnes: Kishimoto (Keiji Sada), un recruteur pour une équipe professionnelle de Tokyo; deux autres clubs ont également des recruteurs sur les rangs. Sinon, la famille de Kurita a des plans pour lui, et sa petite amie Fudeko (Keiko Kishi) essaie de le préserver de l'univers corrompu du base-ball professionnel... Pendant ce temps, le manager de Kurita, Kyuki (Yunosuke Ito) a des ennuis de santé et les négociations entrent dans une phase difficile...

C'est un film de sport? Si on veut, car on y fait assez peu de base-ball finalement. Kurita est au centre du film et de ses enjeux, mais ce qui a intéressé Kobayashi, c'est justement de peindre le monde impitoyable et corrompu qui tourne autour du sport... Il a donc choisi de donner le point de vue principal à Kishimoto, et on l'entendra parfois en voix off, dans ce qui ressemble furieusement à un film noir, mais plutôt dans la lignée de Ace in the hole de Billy Wilder, avec ses anti-héros qui profitent de la naïveté d'un tiers... 

Donc c'est aussi âpre que pouvaient l'être justement les oeuvres noires et sans concession du jeune auteur qui profitait de ce film pour dire adieu à un cinéma sentimental lénifiant, qui l'intéressait beaucoup moins, justement, que ces intrigues brutes liées à la société Japonaise de l'après-guerre, et qui allaient devenir une partie essentielle de son oeuvre.

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Published by François Massarelli - dans Masaki Kobayashi Criterion
19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 12:15

Quatrième film de Kurosawa, et sa première incursion dans un Japon médiéval, ce petit (59 minutes) film nous montre sept hommes, un prince poursuivi et son escorte, qui sont déguisés en moines pour traverser les lignes ennemies.

Une série de figures, et un thème, qui reviendront encore et toujours, de Forteresse Cachée en Sept samouraïs... Mais le film est plus tributaire du théâtre traditionnel que le seront ses futurs succès, pour pallier aux limites du budget. Deux acteurs qui seront fréquents dans son oeuvre sont également présents: Masyuki Mori et surtout Takashi Shimura, le fabuleux chef samouraï de son film le plus célèbre, et le vieux professeur mourant dans Ikiru...

Le film est centré sur le passage d'une barrière, et la confrontation tactique et stratégique entre les sept (et leur porteur, un paysan vaguement idiot) et un seigneur magnanime et son lieutenant qui flaire le coup fourré. Tout le courant médiéval de l'oeuvre à venir (Les sept samouraïs, Rashomon, Ran, La forteresse cachée, etc) vient de ce film. Effort de guerre oblige, le budget a été très serré, mais l'intimisme qui en résulte, et sa théâtralité, jouent en faveur de l'ensemble. 

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Published by François Massarelli - dans Akira Kurosawa Criterion
19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 12:10

Ce film a été préparé durant la période qui précède la reddition du Japon. On y sent une volonté de propagande (les Américains y sont présents et pas vraiment sympathiques...), mais il est sorti à quelques jours de la capitulation nazie.

Kurosawa ne voulait pas donner une suite à son talentueux premier film, mais il s'est exécuté quand même. Il s'est amusé à en prendre le contrepied partout ou il pouvait, Sanshiro (Susumu Fujita) étant désormais une figure établie des arts martiaux, et il a fait une très belle variation du duel lyrique dans les champs du premier film, avec une rencontre physique dans la neige, qui a du jeter un froid pour les acteurs.

Deux, trois allusions à la propagande anti-occidentale pré-Hiroshima, et au final un film dont il n'y a pas à avoir honte, avec un petit peu d'humour, et une bonne humeur qu'on retrouvera rarement aussi solide chez Kurosawa dans l'avenir. Mais on comprend l'auteur agacé de devoir se redire...

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Published by François Massarelli - dans Akira Kurosawa Criterion
19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 12:06

Après le martial et réjouissant premier long métrage de sa carrière (La légende du grand Judo, 1943), Kurosawa a accepté une commande de circonstance, avec ce film de propagande situé dans une usine d'instruments optiques, où des jeunes femmes parrticipent à l'effort de guerre en essayant de dépasser leurs capacités.

Le film est, sans surprise sans doute, anecdotique et bien sûr marqué par le fait qu'il s'agit de pure propagande... Mais le doute, la détresse (les visages déconfits à l'annonce des défaites subies par le Japon: les Nazis n'auraient jamais fait ça dans un film de propagande), ces qualités si humaines, font quand même leur apparition dans un film totalement accessoire et de circonstace, mais quand même d'une grande délicatesse... Paradoxal.

 

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Published by François Massarelli - dans Akira Kurosawa Criterion
19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 12:00

Le premier Kurosawa!

Bien que tronqué par la censure impériale tatillonne, le film est une merveille! Sugata Sanshiro (Susumu Fujita), attiré par les arts martiaux, rejoint après l'avoir vu en action le légendaire maitre Yano (Denjiro Okochi), qui a inventé le judo. Sanshiro est fougueux, mais se transforme au cours du film, au fil de combats magnifiquement interprétés et filmés!

L'univers de Kurosawa est déja en place, avec sa mise en scène qui se concentre sur l'humain, tout en l'intégrant dans une nature sans cesse en mouvement, et ses moments forts et lyriques dans lesquels tout, y compris les éléments, concourt au drame. Takeshi Shimura, le samouraï vieillissant (mais aussi puissant que Yoda) des Sept samourais, est déja là, interprétant le beau-père du héros... Le film aura une suite, quelques années plus tard.

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Published by François Massarelli - dans Akira Kurosawa Criterion
19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 11:54

L'idiot sorti en 1951, adapyté de Dostoievski, était un souvenir cuisant pour Kurosawa. Le plus gros échec commercial de sa carrière, jusqu'à ce film... L'idiot était sérieusement handicapé par l'incompréhension du studio, mais Vivre dans la peur est une autre affaire.

Après le succès des Sept samouraïs, Kurosawa a livré cette étonnante allégorie, influencé par la nouvelle de la santé déclinante de son collaborateur et ami le compositeur Fumyo Hayasaka, atteint de tuberculose, et qui allair décéder avant la fin du tournage. Il a d'ailleurs composé une partition intéressante, réminiscente de Duke Ellington.

Mais le film ne parle pas de maladie, plus de la peur de mourir collective, celle qui nait d'une interprétation de ce qui s'est passé en 1945: l'age atomique est là. Toshiro Mifune, vieilli, est un patriarche, capitaine d'industrie, et père de famille(s) nombreuse, qui est obsédé par la menace des bombes, et a décidé d'amener toute la famille contre son gré en Amérique du Sud, afin de la préserver...

De leurs côtés, les fils, filles, légitimes ou non, tentent de déclarer le vieil homme incompétent, ce qui pose problème: la famille officielle serait ainsi protégée, mais les enfant illégitimes se verraient couper leurs ressources. Un sujet qui aurait pu passionner le jeune Masaki Kobayashi... Un médiateur (Takashi Shimura), touché par le vieil homme, commence lui aussi à se poser la question du devenir du Japon en cas d'attaque nucléaire...

Conçu dans un premier temps comme une satire au vitriol, le film dérive de façon assez chaotique vers la parabole. Le sérieux de l'ensemble (Mifune et Shimura, la crise familiale douloureuse et la folie galopante du vieil homme) sont sensés aller vers la tragédie, mais on peine à trouver la résolution autrement qu'embarrassante... Kurosawa, revenant sur l'ensemble de son oeuvre, gardait un souvenir mitigé de ce film dans lequel il s'était jeté à corps perdu en compagnie d'une équipe soudée, et qui fut un flop apocalyptique...

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Published by François Massarelli - dans Akira Kurosawa Criterion