
Après Bambi, il y a eu une assez longue période pour les studios Disney, qui nous est finalement assez peu connue: autant les longs métrages d'avant (Snow White, Pinocchio, Dumbo) ont été sortis et ressortis de génération en génération, ainsi que Fantasia qui avait forcément un statut très particulier, autant les films qui ont suivi jusqu'à 1950 ont été ignorés des ressorties de fin d'année, et pour cause: c'était tous des compilations assez disparates, pour ne rien dire de Victory through air power, film de propagande, et The reluctant dragon film d'auto-promotion au pedigree incertain...
Il y a pourtant beaucoup à prendre dans ces films, et pour commencer je pense qu'ils sont beaucoup plus libres que ne l'étaient les longs métrages qui devaient toujours subir un formatage: l'intrigue devait satisfaire aussi bien le grand chef, que les animateurs, que le public visé... Avec des films à sketches, l'aventure et l'expérimentation restaient tout à fait possibles, et c'est précisément ce qui fait le sel de ces étranges films, avec leurs hauts et leurs bas.
J'ai déjà dit le bien que je pensais des oeuvres liées à l'Amérique du Sud avec lesquelles les studios Disney entendaient s'adapter à la drôle de situation née de la guerre, les privant du marché Européen. C'était en 1942-1943, et le mode de fonctionnement des longs métrages était donc devenu cette tendance à compiler les histoires liées plus ou moins par une thématique, soit musicale soit culturelle, et de laisser les équipes assemblées autour de chaque projet faire leur travail. Comme Make mine music de 1946, ce nouveau long métrage est centré sur la musique, et construit afin de donner de plus en plus satisfaction au fur et à mesure de son visionnage...
Sept séquences se suivent, toutes plus ou moins axées sur une chanson. Once upon a wintertime joue sur la fibre nostalgique en s'amusant avec la tendance la plus marquée chez Disney, celle d'associer les animaux aux humeurs des humains dans l'ombre desquels ils vivent. L'animation est inventive et illustre bien la façon dont le style Disney devient légèrement plus anguleux sans rien perdre de son harmonie (ce qui se retrouvera bientôt dans Cinderella, le grand retour au conte unique). Bumble Boogie est presque abstrait et se situerait presque dans une optique "jazz" de Fantasia avec son interprétation du Vol du bourdon par le pianiste soliste Jack Fina. Johnny Appleseed est un conte Américain, un brin lénifiant, dont l'animation est soignée mais classique. Little Toot, conte pour enfants avec des objets anthropomorphiques (cette fois des remorqueurs) est l'instant hautement édifiant du film, avec un retour assumé à l'animation "ronde" des années 30.
Trees est ce que j'appellerais volontiers une pause-pipi, suivie des deux meilleurs moments du film: tout d'abord, dans la grande tradition instaurée par Fantasia avec L'apprenti sorcier, une "star" Disney vient contribuer à Blame it on the samba, il s'agit de Donald pour une nouvelle aventure en compagnie de Joe Carioca, cette fois ils nous entraînent de nouveau au pays de la Samba. C'est époustouflant, et l'animation se mélange sans dommage à un film de la multi-instrumentiste Ethel Smith. Le dernier segment est assez long, et consacré à la légende de Pecos Bill qui non seulement tient très bien la route en dépit de l'apparition inutile d'authentiques cow-boys chanteurs aseptisés avec d'insupportables enfants blonds, mais en prime est une fête d'animation qui prouve que les gens de chez Disney étaient très attentifs à ce qui se faisait chez la concurrence...
Sans surprise, les segments ont ensuite été exploités de façon séparée, à la télévision notamment, ou sur des vidéos jusqu'à l'ère du DVD. Il n'empêche, ce format ingrat a beau être la porte ouverte à du remplissage occasionnel, il a au moins l'avantage de libérer complètement les animateurs, qui se livrent ici à une fête d'expérimentation permanente sur la texture, le jeu des couleurs, les incrustations d'images filmées avec des acteurs, etc... On rêverait d'avoir autant d'idées sur les films des années 50, qui a une exception près m'ont toujours parus plus insipides que ce genre de film-compilation...






