Il aura fallu attendre les années 60 pour que McKimson, animateur respectable mais réalisateur d'une lourdeur et d'une insipidité presque révoltantes, se décide enfin à essayer de retrouver de l'intérêt dans son métier... Et ça passe par une poignée de films nettement plus intéressants que la plupart de ses contributions au canon des Looney Tunes...
Témoin ce petit conte tendre, narré par la voix très générique d'un garçonnet qui nous parle de son chien, un cabot rondouillard, un peu lent et un peu limité, avec un léger décalage entre le commentaire (affectueux) et les images (Bartholomew le chien, c'est quand même un bon gros balourd)... Et l'affaire de la vie de Bartholomew, c'est sa haine des roues, qui le pousse à poursuivre tout ce qui roule, pour les mordre!
Ce qui va le faire voyager...
Le dessin, très travaillé, est rond lui aussi, schématique, et les personnages ont des couleurs simples, la plupart du temps une seule: les chameaux, les éléphants dans la section "exotique" de ce film ont une palette de couleurs qui renvoie aux recherches graphiques d'un Morris...
C'est séduisant, sympathique, court, et je le répète, bien meilleur que tout ce que Mc Kimson a pu signer dans sa longue carrière, avec Bugs Bunny, Daffy Duck et consorts.
Dès le départ on sent qu'il y a quelque chose de changé: ceci est le premier des Looney tunes à disposer du nouveau générique, tout en ligne, abstrait, coloré et bref... Et il n'y aura pas que ça qui change. Le film, co-signé par Maurice Noble, le décorateur préféré de Jones, aurait tout aussi bien pu être attribué à l'ingénieur du son Treg Brown, car comme le titre l'indique assez clairement, il y est question de son...
Il n'y a pas d'histoire, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de continuité. Le cartoon suit en effet un enchaînement de pensée, dans lequel tout tourne autour du son, de l'effet produit par le son, de l'association entre image et son, de la dissociation entre image et son, et de l'association d'idées qui naît d'un son... Tout un programme, dans lequel le générique devient d'ailleurs partie intégrante du film!
C'est intéressant, intrigant, et ça possède un point commun avec l'abominable Old Glory, réalisé en 1939 par Jones: ce n'est jamais vraiment drôle! Mais ce qui était un handicap de poids pour Old glory, tourne ici à l'avantage de ce bien curieux film, qui maintient notre attention quoi qu'il arrive.
C'est de cette façon que certains des personnages emblématiques de la Warner sont nés: prenez le Coyote et le Roadrunner, par exemple, Chuck Jones et Michael Maltese avaient envie de s'amuser entre deux Bugs Bunny ou deux Daffy duck... Et ils ont créé un univers entier, qui a donné lieu à un nombre impressionnant de cartoons. C'est en créant par hasard un oiseau famélique dans un de ses cartoons que Bob Clampett a créé Tweety Pie... Michigan J. Frog (le nom est venu plus tard) est le héros paradoxal de ce cartoon unique, et par contre, il n'y en a qu'un.
Un ouvrier découvre, dans les fondations d'un immeuble New Yorkis qu'il vient de contribuer à détruire, une boîte. Dans cette boîte, une grenouille... Qui chante et danse, avec un répertoire assez varié, en plus. D'où une certitude: il vient de trouver la fortune. Sauf que la grenouille chante et danse, oui, mais uniquement quand il est seul...
C'est un exercice de style, d'une époque où Jones poussait son dessin vers un trait de plus en plus schématique, ais ce qui compte essentiellement ici c'est l'interaction entre un univers muet (nul ne fait entendre sa voix dans ce film, à part la grenouille) et une grenouille certes loquace, mais pas communicative. La démonstration, sur l'absurdité de l'appât du gain et de la vie en général, est cinglante, parfaite, et du coup... il n'y en a qu'un.
Droopy se retrouve embarqué dans un remake de Dumb-Hounded, son premier film, qui est aussi comme son titre en témoigne inspiré du film Northwest-Mounted police de Cecil B. DeMille. Un loup s'évade, et prend la direction du grand nord Canadien pour se planquer, mais ce qu'il ne sait pas encore mais va ne pas trop tarder à savoir, c'est qu'il est suivi par le sergent Droopy McPoodle, un limier redoutable...
Le film reprend donc la formule simple de l'évadé qui doit systématiquement se retrouver face à son poursuivant, et réagir de façon toujours plus folle. Si certains gags sont repris plus ou moins verbatim (à commencer par le génial moment où le loup pressé sort du cadre de la pellicule sous nos yeux), le rythme s'est accéléré, et les torrents de fou-rire déclenchés par le précédent film ont poussé l'équipe à en rajouter: les réactions du loup sont ici encore plus folle que dans Dumb-hounded.
Sinon, on l'a échappé belle: Avery a cherché à donner une explication rationnelle à l'omniprésence de Droopy, ce qui aurait pu déboucher sur une séquence inutile. En lieu et place il termine le film par un emprunt à Tortoise beats hare, un de ses excellents films Warner: il n'y a pas qu'un seul Droopy...
Un bandit redoutable arrive dans une petite localité pour y dépenser le butin de son dernier méfait, mais il y découvre une belle chanteuse, et décide de la kidnapper. Poursuivi par un "posse", il va se retrouver confronté au justicier... Droopy.
C'est un classique, qui mélange certains aspects de The shooting of Dan McGoo (le numéro de la chanteuse face à un loup totalement excité qui fait rigoureusement n'importe quoi) avec une série de gags nouveaux qui sont autant de variations sur le western, un style que Tex Avery cette fois explore avec d'autant plus de bonheur qu'il le situe dans un paysage aride proche de son Texas natal...
Revenant deux années plus tard au personnage de Droopy qu'il avait créé pour Dumb-hounded, dans lequel le héros paradoxal se démultipliait pour rendre la fuite impossible à un bagnard évadé, Tex Avery rend une fois de plus hommage à un aspect du western, mais cette fois sur le versant Nord Ouest: ce film se passe en effet en Alaska, et se paie le luxe de ne pas vraiment développer une intrigue: en effet, à l'instar de son "pre-make" (Dangerous Dan McFoo à la Warner), The shooting of Dan McGoo ne raconte pas autre chose que l'arrivée d'un bandit, son installation dans un saloon, sa rivalité avec le héros et une bagarre...
Mais évidemment, tout est une fois de plus dans la manière de le raconter: en détournant les codes du western (la table des tricheurs), en jouant sur les formes (la voiture étonnamment longue), sur le quatrième mur ("what corny dialogue") , et en ajoutant une petite touche de tradition, avec une chanson interprétée par une pin-up devant un loup conquis et chauffé à blanc... Bref, un classique, dans lequel les verres et les barmen jouent avec les lois de la physique, et Avery avec la censure tatillonne.
Ce premier film mettant en scène Droopy est tiré de l'époque merveilleuse durant laquelle Tex Avery, nouveau venu à la MGM, s'amuse encore, n'est pas tenté par l'imitation servile et un peu embarrassante des styles des autres (UPA d'un côté, Chuck Jones de l'autre), et bénéficie du soutien sans faille d'une équipe d'animateurs solides, parmi lesquels Preston Blair, ancien de chez Disney, brille d'un éclat particulier. L'unité de Tex, par ailleurs, est en "concurrence" amicale avec celle de Hanna et Barbera et les uns et les autres vont créer une émulation saine qui va brièvement élever la MGM au même rang, voire au-dessus (Screwball Squirrel) de la Warner...
J'insiste sur le "brièvement", car bien vite, les films vont devenir répétitifs et recycler encore et toujours les mêmes gags, et le personnage de droopy perdra en substance. Pourtant ici, il a vraiment un statut de héros, avec une histoire qui prend son temps pour installer le caractère, ce visage marqué par l'ennui et le détachement extrême, cette voix traînante, et bien sûr cette omniprésence suspecte.
Ce film est le premier à mettre Droopy aux prises avec un loup qui croit un peu vite qu'il ne fera qu'une bouchée d'un ennemi aussi insignifiant, et va y perdre bien vite la raison et la santé. L'animation en est superbe et parmi les nombreux morceaux de bravoure impeccablement enchaînés, comment résister au moment hallucinant durant lequel l'animal a tellement pris de vitesse qu'il sort littéralement de la pellicule dans sa course... Et si comme on le disait, jouer la comédie ("acting") c'est réagir ("reacting") alors le loup (et ses animateurs) sont les plus grands acteurs du monde: voyez la gamme délirante des réactions du loup à la présence de Droopy derrière lui...
Il y a plusieurs Droopy, en fonction du film et du script, et j'imagine des besoins du réalisateur... Si on retient bien sûr le personnage dans son manque total d'implication émotionnelle, Droopy pouvait aussi être plus encore absent qu'indifférent, remplaçant ses émotions par une omniprésence impossible. Il était aussi très souvent malin, très malin... mais pas ici, car il interprète un chien employé à la chasse au renard, et le renard justement est très malin.
Même s'il lit Fox-News...
Quoi qu'il en soit, si j'ai souvent des réserves quant aux films réalisés à la MGM par Tex Avery, celui-ci, qui prend sa source dans un Warner (Of Fox and Hounds) est excellent, notamment avec le fantastique renard imaginé par Avery et impeccablement mis en image par l'expert Michael Lah, souvent utilisé pour animer l'élégance. Et on a toute la grammaire Averyenne, ce rythme adapté à l'apparition des gags, et ces soudaines fulgurances: voyez l'extraordinaire réaction du renard au mot "steak", par exemple... Pour finir, le film date résolument de l'époque où le studio ne cherchait pas à rendre ses graphismes trop anguleux, pour concurrencer les nouveaux animateurs. Ici, c'est rond, et c'est beau!
Tom le chat a pris une mauvaise habitude: il écoute une émission de radio qui raconte aux enfants des histoires à dormir debout... Et comme il est particulièrement impressionnable, ça donne à Jerry la souris, qui a tout vu, l'idée de jouer un bon tour à son pire ennemi...
C'est un ressort comique assez traditionnel, qu'on a déjà souvent vu, chez Hal Roach par exemple: Harold Lloyd, Laurel et Hardy ou Charley Chase ont tous eu droit à leur "film de fantômes" à un moment ou un autre. Ce qui est intéressant, en plus du fait que le film soit évidemment soigné et très drôle, c'est le fait que Jerry la souris se définit de plus en plus comme étant le véritable meneur du duo.
Mais rappelons qu'il s'agit d'un court métrage de "Tom et Jerry", pas de Jerry seul: le film prend le parti de révéler le pot-aux-roses à Tom à peu près à la moitié, ce qui relance de façon très agressive la rivalité entre les deux...
Une petite faim nocturne de Jerry la souris, qui mène à une autre petite faim nocturne, de Tom le chat: dans ce film, le premier effort "conscient", après le succès mérité de Puss gets the boot, Hanna et Barbera ont complètement évité le thème du chat qui souhaite manger la souris... Et en tirent un effet maximum, en campant une souris qui souhaite juste vivre sa vie, et un chat dont la tâche naturelle est de l'empêcher justement de le faire!
Tout est en place dans ce superbe court métrage, où Jerry assume désormais le rôle principal et récupère une grande dose de sympathie du public, mais ça n'enlève rien à la réussite du personnage de Tom le chat (qu'on entend encore se faire appeler Thomas par la bonne "Mammy Two-Shoes"), un chat débonnaire et foncièrement sympathique, mais qui peut être particulièrement menaçant si l'envie lui en prend... Même si comme ça va vite devenir une habitude il s'en prend vraiment plein la figure à la fin du film!