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20 mai 2018 7 20 /05 /mai /2018 17:00

On peut sans doute parler d'un film maudit... Car cette production Paramount de 1921 n'est pas sortie aux Etats-unis avant...1981. Si vous ne savez pas pourquoi, j'en parle plus loin , mais je vous préviens: c'est triste, injuste et révoltant.

Pas le film, en revanche, qui n'est certainement pas le meilleur film de 1921, mais qui a au moins le mérite d'adapter avec intelligence une farce boulevardière à l'économie, mais sans lésiner sur la rigolade. Ce qui n'est pas étonnant, puisque le personnage principal en est interprété par celui qui s'est autoproclamé "Prince of Whales", le comédien et cinéaste Roscoe Arbuckle, qui après avoir fait le bonheur du public depuis le début des années 10 avec des courts métrages d'une, deux, ou trois bobines poilants et à l'humour foncièrement décalé, accédait enfin au droit de sortir des longs métrages. Il était le premier des acteurs comiques à interpréter des comédies de longue haleine exclusivement, depuis 1920. Et il en avait un peu payé le prix, en renonçant à son style volontiers absurde et surréaliste. Ce qui ne l'empêchait pas d'insuffler aux comédies de moeurs qu'on lui confiait, un esprit frondeur de comédie physique. C'est exactement ce qui fait le sel de cette adaptation, qui sans lui aurait probablement été inintéressante...

Stanley Piper (Roscoe Arbuckle), héritier de la fortune de son oncle Jeremiah, un authentique misogyne, est quant à lui un admirateur complexé de la beauté féminine. Complexé, car il est bègue d'une part, et d'autre part il est irrésistible. Lors d'un séjour à la mer, il tombe toutes les femmes sans le vouloir, et est sérieusement embêté de devoir gérer quatre fiancées auxquelles il est impossible d'expliquer qu'elles ont tort... Surtout que la femme qu'il aime (Mary Thurman) débarque à l'improviste. 

Sans Roscoe, qui assume pleinement d'être un véritable aimant à jeunes femmes dans le film, on n'aurait eu ici qu'une série de scènes de portes qui claquent, et quelques intertitres amusants. Mais Arbuckle sait fort bien faire monter la température en interprétant physiquement une scène, et en s'y investissant avec génie. Bref, ce film s'il était sorti ailleurs qu'en Finlande (en 1924...) aurait sans doute obtenu un succès mérité, et rappelé après The round-up, le western controversé de George Melford qui manquait paraît-il cruellement de gags, que Roscoe Arbuckle était un comique, et l'un des plus grands.

Sauf qu'avant la sortie du film, le premier mai 1921, l'actrice Virginia Rappe décédait lors d'une soirée arrosée, organisée par Arbuckle. le comédien, accusé, arrêté, acquitté du meurtre, blanchi par la justice qui a établi la preuve de son innocence totale, était désormais un paria, marqué du sceau de l'infamie pour le simple fait d'avoir été potentiellement le coupable. Interdit de travailler à Hollywood sous son vrai nom, déchu, bref: à plus ou moins court terme, foutu. Pour la Paramount, sortir le film Leap year était plus qu'un risque: c'était une impossibilité.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1921 James Cruze Roscoe Arbuckle *
20 mai 2018 7 20 /05 /mai /2018 16:48

Avec son complice (Et neveu) Al St-John, Arbuckle a trompé son spleen en tournant quelques films pour la compagnie Educational dans les années 20, dont celui-ci qui est peut-être le meilleur... Le meilleur que j'aie vu en tout cas. Il y parodie sans aucun scrupule les cliffhangers des années 20, en nous livrant tous les épisodes d'un feuilleton idiotissime en moins de 20 minutes, avec rythme, génie, et un humour qui ne connait aucune limite.

Al St-John, typiquement, y est un bandit particulièrement dépravé, dont la seule occupation (mais aussi le seul intérêt dans la vie, semble-t-il) est de pourrir la vie d'une pure jeune femme un peu naïve, qu'il asticote avec tous les moyens à sa disposition, y compris une bande d'hommes de mains, qui ont la particularité d'apparaître un peu n'importe quand: par exemples, cachés dans la sciure, à côté d'une scierie.

Oui, il y a une scierie, car dans un serial des années 20, avec cliffhanger de concours, il y a forcément une scierie. Arbuckle, auteur et réalisateur de ce désastreux et glorieux feuilleton de 17 mn en cinq épisodes (oui, certains sont TRES courts) a résolu de nous montrer une variation sur le vieux gag qui consiste à créer du suspense en menaçant de scier une femme en deux (intertitre: "now we are going to see what girls are made of!"). Il a aussi une obsession pour le fait de tenter de tuer quelqu'un à coup de pancakes.

C'est merveilleux...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Roscoe Arbuckle
20 mai 2018 7 20 /05 /mai /2018 10:05

Au début du XXe siècle, à San Francisco, quand les familles Chinoises (les "Tongs") s'opposent, on fait appel au Hatchet man, un médiateur désigné qui rend la justice... de manière expéditive. Son arme? Une hachette, manipulée d'une main experte. Wong-Low-Get (Edward G. Robinson) est cet homme, et la mission qu'il doit accomplir au début du film n'est pas de tout repos, pas plus qu'il ne l'accomplira de gaieté de coeur. En effet, il doit exécuter son meilleur ami, Sun-Yat-Ming (J. Caroll Lynch), celui-là même qui, sentant le vent venir, s'apprête à tout lui léguer, y compris la garde, puis la main de sa fille Toya. Une fois sa mission accomplie, Wong-Low-Get accède donc à la fortune de son ami, et devient le tuteur de sa fille, sans jamais lui cacher que le but ultime est de se marier avec elle.

Les années passent: les coutumes changent, et la communauté Chinoise de San Francisco s'est adaptée. On ne parle plus de "Hatchet man", et Wong-Low-Get est désormais un paisible et prospère négociant en soie, qui attend patiemment le jour si lointain où, sa pupille Toya (Loretta Young) devenue majeure, il pourra enfin l'épouser... Lorsqu'il faut reprendre les affaires de la communauté, toujours soumise à des troubles, l'ancien justicier se retrouve flanqué d'un certain nombre de gardes du corps, dont le séduisant playboy Harry En Hai (Leslie Fenton), que la jeune épousée a déjà rencontré sur une piste de danse: elle tombe amoureuse...

On n'attendait pas William Wellman sr ce terrain, et d'ailleurs, il y a de fortes chances que pour lui non plus, la mission n'a pas été un plaisir. Il s'acquitte de son travail de metteur en scène avec tact et métier, et dirige un Edward G. Robinson fidèle à sa légende, dont on a parfois le sentiment qu'il est engagé ici sur un terrain qui renvoie à Lon Chaney: un amour inconditionnel pour une femme plus jeune, des liens quasi filiaux, une personnalité sombre, à la fois aimante et criminelle... Et l'orient! Si pour Lon Chaney en son temps, le fait d'incarner les Chinois était souvent un défi de maquillage qui débouchait sur des conventions théâtrales ou cinématographiques admises, il y a quand même une gêne à voir tant d'acteurs anglo-saxons dans les rôles de Chinois: Loretta Young, Tully Marshall, Charles Middleton ou Leslie Fenton, voire, un nom particulièrement familier, Edward Peil... Et ça ne passe généralement pas. 

Mais Wellman étant Wellman, il passe assez rapidement outre la stupidité conventionnelle et prévisible du script, pour s'amuser: plans-séquences muets dans tous les sens, jeu sur l'atmosphère et la lenteur (il semble rivaliser avec tous ses acteurs engager pour jouer lentement car "ça fait Chinois et mystérieux"), et se permet comme d'habitude de nous frustrer de la scène de flambée de violence au moment où on s'attend à la voir. Et il semble prendre plus de plaisir encore que Leslie Fenton (Qui a, et je m'excuse de cette considération mais il faut que je le dise, une vraie gueule de raie, et le maquillage n'arrange rien!) à s'occuper de Loretta Young, dont au passage je tiens à préciser que, seule épargnée parmi tous ces acteurs, le maquillage est plutôt honnête.

Bref, on a tendance à ronger un peu son frein, devant cette histoire de vengeance un peu prévisible, et devant cet homme qui prétend être le serviteur légitime et aveugle de la justice de Buddha, avec son tout petit ustensile ridicule... Jusqu'à ce que... Non, je vous laisse voir.

...Mais si jamais il y eut un film qui nécessite impérativement d'être vu et revu pour ses dernières soixante secondes, c'est celui-ci.

 

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Pre-code
19 mai 2018 6 19 /05 /mai /2018 09:02

Cinq jeunes filles, cinq soeurs, cinq doigts de la main. Elles rentrent un jour de l'école, juste avant les vacances d'été, en passant par la plage. Elles se baignent en chemin, avec des garçons et en uniforme, mais le mal est fait: on les a vues. Rentrées chez elles, c'est à dire dans la maison de leur grand-mère qui les a élevées seule suite au décès de leurs parents dans un accident, elles se prennent une volée monumentale. Elles croient que c'est à cause des pommes qu'elles ont chapardées chez le voisin, mais non: c'est parce qu'en se baignant avec les garçons, en chahutant avec eux dans l'eau, elles se sont 'frottées impudiquement', et 'masturbées sur la nuque des garçons'. La seule solution pour la grand-mère pour laver la honte va être d'enfermer les cinq soeurs, puis de faire appel à leur oncle Erol, un homme à la droiture morale et aux principes très affirmés: on est en Turquie, et on s'interroge sur un certain nombre de sujets: les femmes sont-elle les égales des hommes? Ont-elles droit à la liberté? Une scène située à la fin de l'exposition nous annonce la situation d'une métaphore simple, mais efficace: Erol vient d'obtenir pour ses trois nièces les plus âgées, un certificat de virginité; il ramène toute la troupe à la maison, et nous voyons la voiture qui les contient tous les six s'enfoncer dans un long tunnel...

Les filles de 11 à 17 ans sont jouées par des actrices de tout premier choix, dont plusieurs se ressemblent: Ilayda Akdogan joue Sonay, l'aînée; Tunga Sunguroglu Selma, la deuxième. La troisième soeur Ece au destin tragique est interprétée par Elit Iscan; les deux dernières, Nur et Lale, sont interprétées respectivement par Doga Deynep Doguslu et Gunes Nesihe Sensoy. C'est cette dernière qui va nous fournir l'essentiel du point de vue, à travers une caméra embarquée à leurs côtés, qui ne quittera jamais le groupe, ou en tout cas la petite Lale: le nombre de plans dans lesquels les jeunes filles sont absentes est franchement quantité négligeable, et mieux encore, dans la première demi-heure, elles sont quasiment totalement soudées, inséparables. C'est là que la société patriarcale en pleine reconquête va justement intervenir, en faisant tout pour les séparer de manière contrôlée, par l'arrangement de mariages notamment. L'été commence, pour les jeunes femmes, par l'enfermement, puis la maison, peu à peu, se transforme en prison sous l'influence de l'oncle Erol (Ayberk Pekcan), qui ne leur passe absolument rien. De manière intéressante, les femmes, parfois, tout en maintenant la tradition ("On va la marier avec le premier venu, elle sera heureuse"), se permettent de petits actes discrets de rébellion: quand une tante voit, horrifiée, en allumant la télévision, que les cinq filles qu'on croit cloîtrées dans leur chambre, sont en fait dans les tribunes d'un match retransmis en direct, elle n'hésite pas, prend un marteau et bousille le transformateur d'électricité...

A propos de ce match de football, il est basé sur une anecdote authentique: lorsque les supporters d'un match se sont conduit d'une manière excessive (émeutes, violence, etc, vous connaissez ces petits animaux très vindicatifs), les autorités ont décidé que les seuls fans admis dans les stades pour certains clubs, seraient les femmes et les enfants! Un acte assez comique en soi, mais qui met en lumière une règle essentielle de cette société patriarcale: la séparation des hommes et des femmes... Mais après une demi-heure environ, l'atmosphère s'alourdit: la grand-mère se lance dans une quête de maris, pour Sonay d'abord (qui réussit à échapper à son destin en obtenant de la vieille dame qu'elle l'aide à imposer son petit ami comme futur promis), puis pour Selma (qui se retrouve fiancée à un parfait inconnu) et lors de la nuit de noces de cette dernière, l'absence de sang la condamne presque; toute la famille se rend donc à l'hôpital en pleine nuit, pour exiger des réponses d'un docteur qui viendraient confirmer l'affirmation de sa virginité par la jeune femme. L'employée qui voit débarquer la troupe aux urgences voit tout de suite que le beau-père de Selma a une arme à la ceinture... Car tout cela n'est pas une farce.

La plus rebelle des cinq n'est pas Sonay, qui réussit à faire sa vie à peu près à sa guise; pas Selma non plus, à laquelle on prédit un mariage atroce; ni Ece, qui à la perspective d'un mariage arrangé pour elle aussi, commence à se comporter de façon erratique, mangeant des gâteaux en permanence, provoquant sa famille, couchant avec le premier venu dans une voiture sur un parking, ou... se tirant une balle dans la tête. Enfin ce n'est pas Nur, tiraillée entre l'ennui et la peur: Lale, l'héroïne du film, n'est pas que la plus jeune, ou celle qui possède la plus grande vitalité: c'est elle qui dirige la rébellion, qui essaie de trouver des portes de sorties et parfois les trouve: elle apprend à conduire en douce, elle persuade ses soeurs de la suivre à un match de football en contrebande, elle prend systématiquement la direction des opérations, et enfin, elle sauve sa dernière soeur le jour de son mariage en organisant une évasion spectaculaire!

La charge contre le patriarcat est violente, mais pas dirigée expressément vers un corps constitué, que ce soit la religion ou l'éducation. Tout se passe comme si un mouvement naturel vers le raidissement des rapports hommes-femmes avait lieu, ce qui est bien sûr la manière dont Lale, en particulier, qui est trop jeune pour analyser les rapports entre politique, tradition en montée du rigorisme religieux, vit les choses. Mais cette affirmation méthodique des dangers, faite de vitalité et d'une chronique de moins en moins douce et de plus en plus amère, fait mouche, par sa générosité de la réalisatrice (dont c'est le premier film!), la justesse impressionnante de son interprétation, et la verve de ses actrices. Qu'elles jouent à un remake méchant des Virgin suicides, ou à une version Turque et réaliste des Little women (Les quatre filles du Dr March), elles sont toutes fantastiques.

 

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Published by François Massarelli - dans Turquie Alice Winocour
18 mai 2018 5 18 /05 /mai /2018 17:31

Claude Ridder (Claude Rich), rescapé d'un suicide, est choisi par une équipe de scientifiques qui travaillent sur le voyage dans le temps. Ils sont à la recherche d'un humain qui n'a pas grand chose à perdre, et l'homme est le cobaye idéal, comme il le dit lui-même... Il est donc enfermé dans une structure étrange, et va voyager en revivant littéralement une minute de son passé. Mais la machine se détraque, et Claude part pour un voyage en lui-même, qui passe sans s'arrêter, et de façon aléatoire, d'une minute à l'autre de sa vie.

Et ainsi nous remontons jusqu'au moment où Claude a attenté à sa vie, point d'orgue d'une relation tumultueuse avec son épouse Catherine (Olga George-Picot).

Le film était prévu pour le festival de Cannes de 1968, celui qui n'a pas eu lieu, et n'a absolument pas intéressé le public lors de sa sortie. Privé de soutien de la part de la critique, il a quasiment disparu des radars, malgré des diffusions occasionnelles à la télévision dans les années 1970. c'est pourtant un film de Resnais qui reste bien dans la lignée de ses oeuvres plus connues et plus fêtées, comme Hiroshima mon amour ou L'année dernière à Marienbad.

L'intrigue de science-fiction y devient le prétexte à une expérience narrative formidable, qui permet au spectateur de tenter de reconstituer le puzzle de la vie de Claude Ridder, dans lequel Claude Rich y joue le jeune, l'adulte, et y est parfois confronté à des variations inattendues. On ne saura pas quelle est la part du rêve, des souvenirs, de l'hallucination, ni de la poésie langagière ou surréaliste, lors de ces minutes disjointes, poignantes ou absurdes, pathétiques ou drôles, aux répétitions aléatoires et toujours changeantes... Mais pour ça, il faudra se laisser aller, d'abord dans l'introduction froide, puis dans le grand plongeon narratif, et se laisser faire.

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Published by François Massarelli - dans Alain Resnais Science-fiction
13 mai 2018 7 13 /05 /mai /2018 18:26

Ceci est le film choral ultime, dans lequel sans thématique préalable, sans lien réel entre les personnages, une vingtaine de personnages vivent trois jours à Los Angeles, et le spectateur est comme un visiteur qui aurait le droit de soulever le toit des maisons pour les regarder vivre. Trois jours, depuis le moment précis lorsque sur ordre des autorités locales, un bataillon d'hélicoptères pulvérise des doses massives d'insecticides pour préserver la population d'attaques de plus en plus fréquentes de mouches des fruits (une espèce de diptère particulièrement invasif et agressif), jusqu'à un tremblement de terre qui apporte une sorte de résolution à un certain nombre de personnages, et semble aussi marquer le début des ennuis pour d'autres...

C'est une somme, en soi, d'une dizaine d'intrigues, toutes adaptées (Sauf une, ajoutée par Altman) de Raymond Carver, et de neuf de ses nouvelles, plus un poème. Afin d'apporter de l'unité, un certain nombre de liens ont été créés pour le film, des liens familiaux, ou environnementaux: telle personne devient ainsi le voisin de telle autre, et dans certains cas les personnages font un peu plus que marcher dans le décor des histoires des autres, mais ce n'est pas de lien qu'il est question dans le film, plutôt d'une tentative de singer la vraie vie des vraies gens, en particulier des W.A.S.P. de Los Angeles: un pilote d'hélicoptère qui en a marre de partager sa femme avec la terre entière, un flic matamore qui trompe son épouse et est persuadé qu'elle ne le sait pas, une chanteuse de jazz revenue de tout, qui ne se rend pas compte qu'elle a totalement négligé sa fille unique, grandie dans la frustration de ne pas avoir connu de père, un couple bancal, à l'histoire tordue, formé d'un chauffeur à louer alcoolique et d'une serveuse qui essaie de s'en sortir... A une ou deux exceptions près (un médecin très en vue, et un chroniqueur vedette de la télévision), les gens sont d'extraction modeste, et parfois ont du mal à joindre les deux bouts. Mais surtout ils ont la frustration visible, le mal-être à fleur de peau: on rit parfois, mais jamais longtemps. 

Tourné dans un Cinemascope superbe, le film est une plongée magistrale dans le quotidien pas toujours reluisant des Américains des années 90. Altman se contente (Si on peut dire) de travailler autour de ses acteurs, qui ont une part importante dans l'improvisation: le metteur en scène utilise sa méthode développée à l'époque de M.A.S.H. et Nashville: filmer autour, laisser vivre, et voir où ça va aller pour prendre la bonne décision au montage. A chaque fois, le plan de départ est représenté par la nouvelle adaptée, et le résultat est d'un réalisme, et parfois d'un naturalisme, assez affolant. Pour finir, j'ajoute que tous le acteurs sont des pointures (Chris Penn, Tom Waits, Jennifer Jason-Leigh, Madeleine Stowe, Matthew Modine, Tim Robbins, Lyle Lovett, Andie McDowell, Bruce Davison, Julianne Moore, Huey Lewis, Frances McDormand, Annie Ross, Lily Tomlin, Lili Taylor, Robert Downey Junior, Lori Singer, Anne Archer, et Jack Lemmon!), que les trois heures passent comme cinq minutes...

 

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Published by François Massarelli - dans Robert Altman Criterion
13 mai 2018 7 13 /05 /mai /2018 14:31

Will Rogers a eu deux carrières au cinéma, finalement: une première tentative à l'époque du muet, qui s'est finalement soldé par un échec de ses longs métrages, qu'il avait commis l'erreur de vouloir produire lui-même, et la courte mais glorieuse période durant laquelle, le cinéma devenu parlant, l'acteur chéri de l'Amérique s'est totalement réconcilié avec le grand public en tournant dans des films de Henry King, Frank Borzage et bien sûr John Ford. Ce film de trois bobines (une curiosité en soi) est donc situé à la toute fin de la première lorsque Rogers ayant essuyé une banqueroute sévère après ses tentatives de production, a trouvé refuge chez Hal Roach.

Il y incarne Jubilo, un vagabond qui, selon la tradition des histoires des années 20, cherche à la fois la fortune et la planque, en voyageant sous les trains. Une habitude prise par tellement de monde, que dans un petit patelin de Californie, le shérif Noah Young  a décidé de tout faire pour débusquer et arrêter les gens qui s'y risquent. Si dans un premier temps Jubilo tente d'échapper à la loi, il se ravise, car il a entendu parler du fait qu'à la prison locale, on allait servir un plantureux repas au nom de Thanksgiving... Mais pour des raisons qui sont difficiles à expliquer, à moins, il est difficile de se faire arrêter quand on en a le besoin...

Trois bobines, soit ici 27 minutes dans ce qui est une version intégrale de l'un des premiers courts métrages de Will Rogers pour Roach: je le disais plus haut, c'est une curiosité, car le studio se risquait peu à réaliser des moyens métrages, préférant soit des courts de une à deux bobines, le gros de la production, soit des longs métrages de six à sept. mais trois bobines, c'est soit trop long, soit pas assez... Un problème que n'a pas ce film, qui a l'avantage de laisse les personnages vivre leur aventure jusqu'au bout, et surtout de laisser Will Rogers, qui ne pouvait pas travailler dans la folie hystérique, prendre son temps. Quant à Charley Chase, le metteur en scène de ce film (signé sous son vrai nom), il a su fournir le cadre parfait pour le film, très soigné, et particulièrement bien interprété, par la fine fleur de chez Roach.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1923 *
13 mai 2018 7 13 /05 /mai /2018 14:20

Réalisé en 1922, ce film d'une bobine fait partie de la série lancée par Hal Roach, mettant en vedette Harry "Snub" Pollard, l'ancien partenaire de Harold Lloyd, et comme je le dis toujours, une bobine, ce n'est pas suffisant pour développer de vrais personnages, une vraie situation pour un film. On ne s'étonnera pas qu'ici on fasse l'économie de la subtilité au profit de l'efficacité...

Et pourtant Pollard et son metteur en scène, qui n'est autre que Charley Chase sous son vrai nom, ont décidé de s'amuser en trompant allègrement le public de prime abord: quand le film commence, en effet, c'est une comédie domestique dans laquelle Pollard interprète un homme âgé, à la santé fragile, qui est surveillé à l'heure des repas par des spécialistes qui veillent à sa santé et donc à son régime. Tous les gags y sont liés à la nécessité de dissimuler de la nourriture, avant que ne nous soit révélée la vérité: c'est le tournage d'un film, et Pollard est donc l'acteur principal, qui déplaît fortement au metteur en scène (Noah Young). Celui-ci prend donc la décision de le virer. Les deux patrons du studio, auxquels il fait peur, décident plutôt d'inverser la situation en donnant le poste de metteur en scène à Pollard à condition qu'il vire la brute...

Il y a trois parties dans ce court métrage étonnant justement par sa structure, et qui à deux reprises, prend soudain une direction différente de celle qu'on attendrait. Il est sympathique aussi par le fait que Chase a convoqué un grand nombre des acteurs sous contrat chez Roach, ce qui fait qu'on les voit en action, et impliqués comme de juste dans le tournage d'un film: Walace Howe, Noah Young, Marie Mosquini, ils sont tous là...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charley Chase
13 mai 2018 7 13 /05 /mai /2018 00:05

En 1994, Zemeckis  triomphé au-delà de toute espérance avec Forrest Gump: il aurait pu cesser toute activité, et se reposer jusqu'à la fin de ses jours sur ce film, un des rares des années 90 à avoir acquis et conservé le statut enviable de classique absolu et universel. Un film qui a révolutionné à sa façon le cinéma, tout en offrant une vision du passé, qu'on peut prendre ou laisser, mais qui est malgré tout une philosophie en soi, et qui parle, finalement, à la terre entière... Mais Zemeckis est un joueur, envers et contre tout, un artiste aussi; quand il s'exprime, il peur être cassant, voire désarmant parce qu'il donne l'impression de ne s'intéresser qu'à la technique. Mais ses films, ses séquences, ses plans mêmes parlent d'eux-mêmes...

Et Contact, le projet immédiatement suivant, nous montre le cinéaste se mettre en danger, car d'une certaine façon il tente d'y résoudre la quadrature du cercle: d'une part, il souhaite réaliser un film de science-fiction plausible, en utilisant la machine à mentir qu'est le cinéma (il vient de le prouver en faisant dialoguer Tom Hanks avec le président Kennedy!); d'autre part il entend confronter la foi en Dieu et la foi en la science au sein d'un film unique. Celui-ci est une adaptation d'un roman de Carl Sagan, qui a eu un énorme succès en 1985, d'ailleurs ravivé par le film. 

Ellie Arroway (Jodie Foster), une scientifique obsédée par l'idée de créer le contact avec les exta-terrestres, est récompensée le jour où elle reçoit enfin un message d'une intelligence inconnue. Avec l'aide de nombreuses personnes, elle va réussir à suivre les instructions des êtres mystérieux qui l'ont contactée, et tenter d'entrer en contact, à travers une mission qui connaîtra bien des péripéties... Mais en même temps, elle va entrer en conflit plus ou moins pacifique avec un supérieur, qui entend bien lui dérober la paternité de sa découverte (Tom Skerritt) et rafler les honneurs à sa place, un responsable ambitieux et sceptique de la défense (James Woods), plusieurs représentants de la foi Américaine, dont un sénateur de droite (Rob Lowe) qui parle au nom des fondamentalistes, un fou de Dieu (Jake Busey) tenté par le terrorisme, et surtout Palmer Joss (Matthew McConaughey), un jeune pasteur progressiste avec lequel elle a eu une aventure. Pour Ellie, la foi religieuse telle que Palmer la conçoit, qui croit en raison de convictions impossibles à étayer, est non-scientifique. Pour lui, la foi reste un élément indissociable de l'humanité. Les questions posées par le déroulement du film sont les suivantes: Ellie va-t-elle oui ou non rentrer en contact avec les aliens? Si oui, va-t-elle pouvoir retirer quelque chose au-delà de la satisfaction, de cette rencontre, qui lui permette d'avancer? Et enfin, va-t-elle se réconcilier avec Palmer, le convaincre ou être convaincue par lui?

En d'autres termes, Zemeckis choisira-t-il de céder aux sirènes du politiquement-et-religieusement correct en rangeant sa scientifique auprès des religieux, ou saura-t-il être un peu plus subtil?

Je ne répondrai pas, parce que la réponse fait le sel du film; ça, et bien d'autres choses: la façon dont Zemeckis inclut son film réaliste dans la fiction des images de synthèse, à moins que ce ne soit le contraire. Il y aura de la sale manie, dans les films d'animation des années 2000 (Beowulf en tête) où le cinéaste s'abîmera, mais la maîtrise qu'il garde sur son film de science-fiction est impressionnante. Il est d'ailleurs intimement lié à Forrest Gump: derrière Ellie Arroway, petit bout de bonne femme qui court contre l'univers entier, Zemeckis donne du sens à l'existence en honorant à la fois la part de conquête et de recherche du savoir inscrite en l'homme, et sa part d'absolu. Bref, il réussit à trouver une manière respectueuse de chacun d'allier la science et la foi, ou plutôt de les faire cohabiter. Sans jamais prendre parti, mais en épousant la part de merveilleux contenue dans la recherche spatiale, et en créant à partir de là un majestueux album d'images qui s'émerveillent d'un rien, et en faisant évoluer ses personnages dans des décors fabuleux (et souvent réels), Zemeckis crée un film d'aventures et de science-fiction à la fois concret et inépuisable: un film qui garde pour lui ses clés, laissant le spectateur se faire son idée. C'est aussi une montagne russe d'émotions, servi sur un plateau à une actrice de génie: bref, c'est un chef d'oeuvre. ...Auquel il faut accéder sans cynisme.

 

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction Robert Zemeckis
12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 18:48

Ce film de cinq bobines produit par la société Triangle est le cinquième de Douglas Fairbanks, son deuxième avec son complice préféré Allan Dwan, sa première contribution à l'écriture d'un film, et son premier western! Ca fait beaucoup pour un seul film, mais The Good Bad Man est suffisamment solide et pétri de qualités pour soutenir le choc... 

Sous le nom de "Passin' through" ("je ne fais que passer"), un bandit mystérieux (Douglas Fairbanks) irrite considérablement les braves gens et la loi des contés de l'ouest: en effet, il ne se comporte même pas comme un bandit: il vole un peu aux braves gens pour redistribuer aux enfants de père inconnu. Et systématiquement, il se contente de très peu, avant de faire des espiègleries. Le hors-la-loi trouve refuge auprès d'une bande de malfrats, sous les ordres de The Wolf" (Sam De Grasse), un monte-en-l'air autrement plus dangereux que notre héros. Il trouve aussi en la jolie Amy (Bessie Love) une cause à défendre, mais doit d'abord régler son problème principal: tuer le mystérieux Bud Frazer, qui a supprimé son père...

Bon, je ne révélerai pas l'identité cachée de Frazer, ce serait mal... D'autant que quiconque a l'habitude des mélodrames du temps du muet l'a déjà facilement trouvée! Ce film est un exemple de ce que faisaient Dwan et Fairbanks ensemble: du cinéma solide, riche en péripéties, mais aussi en liberté absolue, dans des décors fabuleux. Le héros est un personnage typique de Fairbanks: faussement enjoué, hanté par une quête, qui plus est liée à sa propre condition de garçon ayant grandi sans père, comme Douglas Fairbanks lui-même. Ce petit western qui a eu un énorme succès a décidé Douglas a récidiver, et à souvent revenir à la même formule, avec bonheur...

Tout ça est déjà fort intéressant, mais j'ai gardé le meilleur pour la fin: c'est aussi la première fois (Sur trois films en tout) que Fairbanks joue en compagnie de miss Bessie Love, et c'est vraiment la cerise sur le gâteau...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Western Allan Dwan 1916 Douglas Fairbanks **