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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 10:19

Voila un film étonnant à plus d'un titre; évidemment, DeMille s'est targué toute sa vie d'avoir fait avec ce film le premier long métrage du cinéma Américain. C'est faux, dans la mesure ou Kevin Brownlow a rappelé (Silents please, paru le 24 mars 2007 dans The Times) que la compagnie Kalem a sorti en 1910 une Vie de Moïse en 5 bobines, mais à raison d’une bobine par semaine. Quoi qu’il en soit, The Squaw Man reste une grande date. Pour un premier film de cette époque, sa durée et sa capacité à maintenir l'intérêt tout au long de ses 80 minutes sont remarquables, surtout avec un tel scénario:

Un Aristocrate Anglais accusé (A tort) d'un vol crapuleux fuit aux USA, protégeant du même coup son frère, le véritable voleur, dont  il est amoureux de l'épouse... Devenu ranchman, il épouse une jeune Indienne, qui lui donnera un fils. Celle-ci tue un homme pour protéger son mari, et lorsque le frère félon meurt, il prend le temps d'une ultime confession; Diana, sa veuve, arrive aux Etats-unis pour proposer au"Squaw man" de revenir, mais celui-ci pleure sa femme qui s'est suicidée... Le film finit assez brutalement, et on se doute que le héros restera aux Etats-Unis pour y finir ses jours.

La force de ce film est d'enchaîner les péripéties avec un incroyable aplomb, sans le moindre temps mort et avec une grande lisibilité, grâce à un scénario qui tient la route (la pièce originale était rodée, mais le film la transpose dans une multitude de décors: les Alpes, Londres, un port anonyme, l'ouest... Tout ça à Hollywood, bien sur), des acteurs qui sont plutôt sobres, et une caméra qui tient sa distance... Disons-le tout net, le DeMille de toujours est déja là, tout entier dans ce film et dans ce sens du cadrage simplissime mais idéal, sans forcer sur la profondeur de champ, en évitant les pièges de la composition théâtrale trop compassée (Contrairement à ses Dix commandements de 1956), et en prime, on sent dans ce petit film la joie de tourner en extérieurs et en Californie par dessus le marché. De plus, n'oublions pas que, non content d'avoir lancé la carrière imposante de son metteur en scène, The Squaw Man a contribué à établir la future Paramount...

Un doute demeure, malgré tout, puisque sont crédités deux réalisateurs, à savoir De Mille, dont c’était la première expérience de mise en scène, aussi bien cinématographique que théâtrale, et Oscar Apfel, l’un des acteurs qui lui a apporté assistance. Ce double crédit sera également au générique de The call of the North, le deuxième long métrage du metteur en scène, et Wilfred Buckland sera ainsi également crédité à la co-mise en scène de The rose of the Rancho en 1914.

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille Western 1914 *
30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 09:51

Réalisé entre les expériences de The cheat et The golden chance d'une part, et les audaces formelles de The whispering chorus d'autre part, il est tentant d'attendre de grandes choses d'un tel film; en 1916, le très long métrage est dans l'air; à la suite des européens, et notamment des Italiens qui ont montré la voie (Quo vadis?, 1912; Cabiria, 1914) Griffith s'est, le premier, engouffré dans la brèche et en a largement récolté les fruits avec The Birth of a Nation (1915); en cette nouvelle année, le maestro travaille sur Intolerance, son rival Thomas Ince va sortir Civilisation; quant à DeMille, qui avait le premier dégainé son long métrage en 1914 avec The Squaw Man, il avait déjà rodé sa diva Geraldine Farrar sur un Carmen en 1915, il lui confie donc un rôle spectaculaire dans un Jeanne d'Arc scénarisé par l'inévitable Jeanie McPherson. A coté des deux films de ses concurrents précédemment cités, ouvertement pacifistes, la présence de ce Jeanne d'Arc, qui fait d'ailleurs une petite intrusion sur le front de 1916 peut paraître intrigante: l'Amérique de 1916 est non-interventionniste; créant un film spectaculaire à destination du public, l'accent mis par sa Jeanne sur l'action, l'hommage rendu aux belligérants Anglais restent étonnants... A moins qu'il n'y ait une explication "politique" toute simple... Sur laquelle nous reviendrons.

Geraldine Farrar, la première star de Cecil B. DeMille, était cantatrice avant d'interpréter quelques rôles auprès du metteur en scène; soucieux de publicité personnelle, le réalisateur avait à coeur de créditer convenablement ses acteurs, à plus forte raison s'il étaient déjà des vedettes, et il sera le premier à le faire, poussant Griffith à faire de même, à la demande des intéressés eux-mêmes. Farrar n'est pas un modèle de subtilité, et sa Jeanne est largement tributaire des traditions de jeu ampoulé des premiers temps du cinéma, d'autant que DeMille l'a souvent laissée faire.

La mise en scène est parfois décevante, confirmant le soupçon d'un DeMille faisant le choix soit d'expérimenter, soit de raconter des histoires à grande échelle, et cela explique la mise en scène simpliste et peu aventureuse de films ultérieurs comme ses Ten commandments de 1956, qui ne brillent pas par l'avant-gardisme. Comparé à Intolerance de la même année, les scènes "intimistes" de ce Joan sont parfois plates. Par contre, lors du siège d'Orléans, passage obligé, DeMille s'en sort avec un impressionnant panache, grâce à l'armée de figurants qu'il a mobilisés, et un montage assez serré; lors du procès, un passage délicat pour tous ceux qui ont vu et revu La passion de Jeanne d'Arc de Dreyer, il entame la scène par une vue d'ensemble de la salle d'audience, puis nous montre les juges par deux panoramiques sur leurs faces inquiétantes, qui souligne l'impression de Jeanne d'être soumise à un destin contraire. En revanche, il gâche tout en nous montrant celle-ci arriver encadrée de gardes géométriquement rangés à la façon des girls dans les films Pathé de 1905... Il nous gratifie de belles scènes plus tard, lorsqu'il souhaite souligner la duplicité des juges qui montent une fausse évasion pour mieux confondre la jeune femme et, heureusement, il réussit l'exécution, utilisant la fumée pour masquer/montrer Jeanne, et alterner suivant la tradition les plans de la suppliciée, les plans de la foule désormais acquise à la jeune femme, et les plans des gardes et des juges (Wallace Reid est en charge de la célèbre réplique, sur un intertitre: nous avons brûlé une sainte). La couleur y est aussi convoquée avec des plans dans lesquels les flammes sont colorées à la main...

Mais ce n'est pas la fin du film; encadrée par la vision des tranchées de 1916, l'histoire de Jeanne trouve un écho lorsque Geraldine Farrar, en robe blanche de sainte avec une armure, apparaît à un soldat Britannique à l'heure du sacrifice pour le pousser à commettre une action héroïque, afin d'être pardonné définitivement de la mort de Jeanne d'Arc. La séquence fait à nouveau appel à la couleur, avec une utilisation intelligente du virage et du teintage, lors des scènes de nuit. Mais ce final un peu ridicule n'a rien à envier à Intolerance, dont les dernières images sombrent dans l'imagerie la plus dégoulinante, mais le message reste plutôt remarquablement interventionniste. Sans doute s'agissait-il de rassurer le public Anglais, mis à mal par le film, tout comme les Français,qui lâchent Jeanne de façon assez brutale: une façon diplomatique pour DeMille d'assurer ses arrières, dans la mesure où il vise une exploitation en Europe. Et puis le film tente l'impossible: parler de la guerre de cent ans, de Jeanne d'Arc, sans s'aliéner le public Anglais, sans mettre à mal le public français. Il fallait l'oser... Tout ceci me semble être après tout une justification suffisante pour le prologue et l'épilogue. 

On s'en doute, il ne faut pas chercher ici la vérité historique, c'est plutôt la vignette qui intéresse le metteur en scène, le spectacle, le souffle. La simplification et l'altération de l'intrigue sont de mise, mais tout celle n'empêche pas les obsessions DeMilliennes d'apparaître, depuis le sacrifice du personnage principal (Une constante chez DeMille, de The Squaw Man aux Ten commandments) jusqu'à l'inévitable assimilation entre la débauche d'une classe et la tentation du mal, ainsi nous montre-t-on Charles VII, après avoir lâché Jeanne, qui s'adonne en sa cour à une crapuleuse orgie dont le metteur en scène avait décidément le secret, et qu'il resservirait à bien des occasions, notamment son Manslaughter (1922)... Quant au féminisme ou à la féminité affichée dans le titre, c'est tout simplement un moyen d'attirer les foules plus qu'un commentaire social; le personnage de Jeanne se trompe lourdement lorsqu'elle sauve le personnage (Fictif) de Trent (Wallace Reid) dont elle est amoureuse: celui-ci sera sa perte, son Judas. Mais elle nous est souvent soulignée comme avenante, séduisante (Dans la plus pure tradition de l'opéra, cantatrice de 1916 oblige), et bien sur elle est une tentation pour les plus avinés de tous les soudards. Donc on serait peu tenté de parler de féminisme ici...

Le plus drôle dans tout cela, c'est de penser que DeMille était probablement sincère, qu'il croyait dur comme fer en cette paysanne dont il avait trituré l'histoire de façon assez grossière, obtenant de la sorte un film certes ambitieux, mais qui manquera singulièrement son but: le film ne sera ni un flop, ni un succès, à l'instar des productions concurrentes. Le film de très long métrage attendra la décennie suivante pour fleurir, et DeMille reviendra à de type de spectacle en 1923. On peut d'ailleurs extrapoler, et émettre l'hypothèse de la sincérité du metteur en scène sur tous ses films, y compris les pires... En attendant, nous voici avec un bien étrange objet sur les bras, fascinant et encombrant à la fois... Mais crucial pour son personnage principal: c'est le premier long métrage d'une impressionnante série; c'est le dernier film "libre" (C'est-à-dire avant les obligations imposées par la canonisation et le passage du statut de personnage de légende à héroïne nationale pour les Français, surtout ceux des franges Catholiques les plus droitières) consacré au personnage, et c'est le seul à prendre suffisamment de libertés avec le personnage pour en faire, justement, une femme. D'où le titre. Et DeMille a quand même su utiliser certains motifs qui rappellent son talent: on notera une constante obsessionnelle de Cecil B., le feu qui devient,comment y échapper, le motif principal de toute la dernière bobine; envahissant l'écran lors de l'exécution, faisant littéralement disparaître Geraldine Farrar, puis autorisant un fondu magistral avec le présent, centré sur la flamme vacillante d'une bougie; enfin, l'explosion d'une bombe, promise dès le début du film dans le prologue 14-18, offre à cette histoire de flamme historique un point d'orgue approprié. De plus, le film a été tiré en couleurs, avec des teintes concurrentes, du plus bel effet. Et puis le chef-op Alvin Wyckoff fait des merveilles du début à la fin, comme toujours. DeMille et lui ont eu recours à leur péché mignon, dans une scène au sens obscur: les surimpressions, lorsque Jeanne est visitée par de fantomatiques juges en cagoule. Quel dommage que sur l'ensemble de ce film, DeMille ait manqué de l'inspiration géniale de The Golden Chance , même si les films sont de deux genres différents, ils concernent tous deux une femme parfois tiraillée entre sa conscience et sa mission. DeMille féministe? ...Voir plus haut pour mes doutes sur le sujet.

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille Muet 1916 *
29 décembre 2014 1 29 /12 /décembre /2014 16:37

Après des années 60 largement dominées par les succès (Breakfast at Tiffany's, Days of wine and roses, The Pink Panther, The Party), Darling Lili a du sembler à Blake Edwards comme un réveil difficile... le film a été un échec cuisant, et a mis fin à une période de tranquillité du metteur en scène qui parvenait à faire aboutir ses projets de façon indépendante. Les films suivants seront marqués par des interférences des studios, notamment la MGM sur Wild Rovers et The Carey treatment, et le succès ne reviendra vraiment qu'avec le grand retour de Peter Sellers, et de l'inévitable Panthère Rose, en 1975 (The return of the Pink Panther)... Si ce film est bien celui qui a sans doute le plus pâti de relations difficiles entre le metteur en scène et un studio (En l'occurence la Paramount), on peut sans doute aisément deviner quel est le problème, en voyant une copie complète de la version sortie en 1970... et minimiser l'impression d'échec.

1917; Lili Smith (Julie Andrews) est une vedette adulée de la scène Anglaise, qui ne manque pas une occasion d'afficher son soutien aux troupes alliées. Mais Lili, dont le père s'appelait Schmidt, et en fait une espionne Allemande, profitant des meilleures tables auxquelles elle est conviée (Tout l'état-major la courtise) pour passer des renseignements aux espions de l'Empire... La mission qui l'attend au moment où le film commence est de coller aux basques du Major Larrabee (Rock Hudson), un as de l'aviation... Mais va-t-elle pouvoir le faire sans tomber amoureuse? Et le bel aviateur est-il vraiment sincère?

Darling Lili commence et finit par des chansons, et est souvent considéré comme un musical (Comme Victor Victoria, du reste), ce qu'il n'est pas. Voilà qui en tout cas met bien en valeur l'importance des chansons de Julie Andrews dans le film, entièrement conçu autour d'elle par un jeune mari très amoureux. On peut d'ailleurs s'interroger sur le choix de faire de Julie Andrews, si marquée dans l'inconscient collectif par ses rôles dans Mary Poppins et The Sound of music, pour interpréter une Mata Hari, mais selon moi l'actrice n'est pas en cause, elle joue son rôle avec énergie, et est absolument adorable en mode 1917... Mais le film ne se contente pas d'être une évocation de la France en pleine guerre mondiale, ni un film chanté, il est aussi une comédie, avec l'irruption fréquente de personnages qui proviennent de la galerie d'hurluberlus de Blake Edwards, notamment les deux policiers Français déjà souvent vus en d'autres films, André Maranne et Jacques Marin, ou encore, un aviateur saoul comme un cochon (Lance Percival). Plus que du comic relief, ces trois personnages apportent une véritable perturbation de l'intrigue... Et comme Edwards a confié à sa seconde équipe le soin de tourner des plans acrobatiques dans les airs pour y figurer les affrontements entre l'escadron de Larrabee et le fameux "Baron rouge" Von Richtoffen, le film s'enrichit... Ou s'alourdit selon les points de vue.

Mais le pire, c'est que si on comprend l'embarras de la Paramount devant ce qui ressemble essentiellement à un caprice sérieusement hors des modes, d'un réalisateur légitimement amoureux de sa star, le film n'est pas mauvais, et se laisse voir. Certes, dans sa version intégrale de 143 minutes (Quoiqu'une rumeur persistante fait état d'une version de 190 minutes, mais ça me semble bien louche...), le film est trop long, mais ce mélange des genres, bien dans l'esprit d'Edwards, et dont l'allure est aujourd'hui impeccable, avec ses costumes, ses décors naturels et son interprétation, vaut bien plus que d'être le vilain petit canard de la filmographie de Julie Andrews et de son mari. Et il plane sur ce film comme un soupçon d'avant-gout d'une revanche que les deux artistes prendront 13 ans plus tard avec l'admirable Victor Victoria, non sans avoir au préalable réglé leurs comptes avec les studios dans le très caustique S.O.B.

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Published by François Massarelli - dans Blake Edwards
29 décembre 2014 1 29 /12 /décembre /2014 09:28

A la fois film intemporel et pur produit de son époque, The party est la profession de foi d'un grand cinéaste, dont on n'a probablement jamais reconnu le talent singulier. Bien sur, sur ce film en particulier, ou sur Breakfast at Tiffany's, Victor Victoria ou 10, on a reconnu sa relative importance, mais Blake Edwards, dont la carrière s'est faite à Hollywood, est souvent pour les critiques l'objet d'un "oui, mais" cinglant: comme si on ne pouvait parler de lui sans mentionner à un moment ou à un autre les films supposés "indignes" qu'il aurait commis. Selon les uns, ce sera The Pink Panther et ses suites, selon d'autres toute sa production depuis 1982... On ne sortira jamais d'un débat comme celui-ci: Blake Edwards est un metteur en scène qui a parfois été amené à faire des films qu'il n'avait pas envie de faire. C'est le cas de The Pink Panther, dont il était finalement assez fier dans la mesure ou il avait réussi à en détourner le style, le propos, jusqu'à y imposer sa propre touche. Et je pense que si le réalisateur pouvait revendiquer un film (en plus de sa superproduction de 1965 The great race, une merveille assumée d'un bout à l'autre de ses deux heures et demie), c'est bien The Party.

Rappelons les faits: égaré dans les années 60, l'auteur vouait un culte particulier au burlesque des années 20, et surtout à Laurel et Hardy. cet aspect se retrouve dans toute son oeuvre, et cet amour du duo le plus notable de l'histoire du cinéma s'affiche au générique de The great race qui leur est dédié. De fait, durant les turbulentes, bruyantes et bavardes années 60, Edwards est sans doute le seul aux Etats-Unis à se pencher avec insistance sur le cinéma muet, sa science de la comédie, et sa logique purement visuelle. Voilà l'enjeu véritable de The party, qui n'est pas qu'une caricature de Hollywood au repos: certes,il fallait bien un cadre. Celui-ci est admirablement campé (Une villa richissime qui appartient au richissime directeur d'un studio, dans laquelle ses richissimes employés, amis et obligés viennent participer à une réception), et suffisamment réaliste pour qu'on ne se pose aucune question; le principal ingrédient de ce film sera le grain de sable. Celui-ci s'appelle Hrundi V. Bakshi, est figurant, distrait et maladroit, et il est interprété par Peter Sellers, qui n'a pas son pareil pour rompre la glace dans une situation embarrassante d'une phrase comme "Parlez-vous Hindoustani?".

Faire rire, c'est un métier, un savoir-faire: ça nécessite des idées, du talent, mais aussi une science des rouages, et un sens du dosage. C'est tout cet art qui est ici exposé, de gags en gags, à travers des enchainements, des relations de cause à effet, et une prise à témoin du spectateur, aussi douce et didactique que possible tout en étant invisible. Si on résume ce film, on obtiendra une phrase, et une seule: un acteur maladroit et qui a été invité par erreur se rend à une party, et va tout détruire... Mais dès le départ, se pose la question: comment cet homme (Un acteur Indien raté, devenu figurant minable et rayé de toutes les listes par sa maladresse ingérable) peut-il se retrouver invité d'une telle occasion? C'est bien sur par un enchainement de circonstances que l'erreur va être produite, parce qu'il ne peut en aucun cas s'agir de malveillance: pour qu'on puisse le suivre, Bakshi doit être absolument persuadé qu'il a sa place dans cette petite sauterie, du moins au début... Chaque gag, chaque situation ressort de cette logique, et le film coule tout seul, en 99 minutes parfaitement menées. On n'oubliera pas les mésaventures de Bakshi tentant de récupérer une chaussure, trouvant des stratégies pour échapper aux conséquences de ses gaffes, essayant sans savoir que tout le monde l'entend un système de haut-parleur qui envoie sa voix disant le fameux "Birdie-num-num" dans toute la maison, et la réaction de toute la bonne société Hollywoodienne à ce personnage qui ne leur ressemble décidément pas, est toujours parfaite: indifférente, surprise dans un premier temps mais pas trop; quand les gens commencent à vraiment s'impliquer, et que la colère l'emporte, c'est toujours trop tard; l'oeuvre de destruction massive est belle et bien enclenchée...

Voilà, je m'efforce de ne citer ou de ne démonter aucun gag, parce que ça casse tout, et que ça ne sert à rien: si on ne connait pas ce film, il faut le voir séance tenante. Si on n'aime pas l'humour visuel, alors on a tort, mais je pense qu'il est inutile d'aller voir cette merveille. Mais ce film est bien un chef d'oeuvre de l'humour cinématographique, qui nous peint superbement l'ambiance d'une époque, la fin des années 60, dans le Hollywood essentiellement blanc soudainement envahi par l'esprit sans malice d'un Indien qui va tout transformer en une soirée, et finir dans la mousse.

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Published by François Massarelli - dans Blake Edwards Comédie
28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 16:46

Léon Poirier était un homme de traditions, dirons-nous. Elevé dans le cadre d'une institution privée rigoriste, il est devenu régisseur de théâtre puis est passé à la demande de Léon Gaumont à la réalisation de films en 1913, lorsque Poirier vient d'avoir un grave accident qui l'éloigne de ses théâtres. Il tourne cinq films avant de s'engager (Il avait été exempté en raison de son accident) dans l'artillerie. A ce titre, il participera aux combats autour de Verdun... dans les années 20, il s'oriente vers un nouveau cinéma, proche du documentaire, et éloigné des studios. Il tourne notamment en décors naturels La brière, une fiction d'après un autre Léon, Daudet celui-là: pas vraiment un démocrate, mais n'anticipons pas... Après un autre film ambitieux, La croisière noire (Documentaire sur un périple mi-colonialiste, mi-publicitaire organisé par Citroën en Afrique), Poirier décide de fournir sa vision d'une commémoration de la Grande Guerre (Celle qu'on n'appelait pas encore Première guerre mondiale...) afin de coïncider avec le dixième anniversaire de l'armistice. Ne faisant rien comme tout le monde, il va réaliser un film impressionnant, ambitieux, et... profondément humaniste. Bien sur il va aussi laisser par endroit libre cours à sa vision patriotique des choses, mais il va aussi et surtout donner la parole à l'ennemi, et ne jamais céder à la tentation de représenter les forces Allemandes sous le visage d'ogres assoiffés de sang, comme c'était l'usage en France. Cela lui sera d'ailleurs reproché...

Verdun, visions d'histoire n'est pas un documentaire, ni une fiction classique. S'il fallait trouver à le comparer, le seul titre qui me vienne à l'esprit serait The longest day (1962), né comme Verdun de la vision d'un seul homme, Darryl F. Zanuck, et qui retraçait l'histoire du débarquement à travers ses petites histoires, en adoptant les points de vue de la population, de la Résistance, des forces alliées, qu'elles soient Américaines, Anglaises ou Française, et bien sur des Allemands. Poirier, qui a divisé son film en trois parties (Trois "visions", pour reprendre le terme utilisé par le cinéaste dans son découpage), a choisi des "types " de personnages, affublés le plus souvent d'étiquettes plus que de noms: on a donc le "soldat Français", le "fils", "l'intellectuel", la "fille", mais aussi "le soldat Allemand", ou le "Maréchal", un vieil officier Prussien qui tire les ficelles. Et le cinéaste ne se cantonne pas à des prises de vue du côté Français. Il situe son tournage sur les lieux même de l'action, entre Verdun et Douaumont, là ou entre février et décmebre 1916 les forces Allemandes ont centré leur avance, jouant leur va-tout pour trouver la voie vers Paris à travers la vallée de la Meuse.

La première partie, La force, est surtout consacrée à un état des lieux, des forces en présence, mais aussi du moral: moral de l'arrière (Une famille Parisienne attend la suite des évènements, en confiance; un de ses enfants est engagé sur le conflit, l'autre va s'y rendre), moral des troupes (Deux soldats discutent de ce que les civils savent ou ne savent pas), puis état des lieux à Verdun dont les habitants fuient par dizaines. Le choc est imminent, mais Poirier joue plus sur l'aspect solennel que sur le suspense. Le deuxième, L'enfer, retrace les batailles décisives: Douaumont, Vaux, puis l'avancée vers la ville de Verdun. Le cinéaste situe son action au plus près des combats, à hauteur de poilu, et il a fait revenir des protagonistes de laction pour leur fairerejouer les batailles sur les lieux même. Un pari gonflé, mais qui paie par son réalisme. La troisième partie enfin, Le Destin, conte la reprise en mains de la région par les troupes alliées, et la reddition des Allemands. La leçon d'histoire globale, bien menée pais un peu trop riche pour qui consulte le film près d'un siècle plus tard, est accompagnée de scènes qui font mouche: la bataille de Vaux, avec ses condictions hallucinantes pour les soldats Français, est vue par les deux côtés, y compris dans une scène formidable, ou une porte blindée, obstacle à l'avancée des Allemands, est l'objet d'un champ-contrechamp ultime: d'un côté les Français, de l'autre les Allemands...

Le film possède des défauts, hélas, à commencer par son abondance: passionné par son sujet, Poirier a voulu rendre les spectateurs plus proches encore de l'action, et utilise par moments des cartes qui ne font qu'assécher le propos. Il a su rendre les doutes et les passions humaines, mais se heurte aux écueils de son didactisme par endroits. Et, inévitable me dira-ton, à plus forte raison pour un homme de droite, il a une tendresse pour les généraux, y compris ce vieux salaud de Pétain. Il ose un intertitre infect dans sa troisième partie, dans lequel il clame que les soldats vainqueurs de Douaumont l'ont été grâce à l'âme de leur général... Mais il montre aussi un jeune soldat Allemand (Interprété par un certain Hans Braüsewetter) envahi par le doute comme ses confrères Français, et il nous montre également les Prussiens se comporter de façon respectueuse vis-à-vis des Français qui se rendent à l'issue de la bataille de Vaux. et si Poirier laisse parler son nationalisme, et son catholicisme, au moins ne le fait-il que dans sa troisième partie, une fois qu'il a pris le soin de tout mettre en place, puis de narrer le gros des combats. La deuxième "vision" se clôt d'ailleurs sur un sentiment de défaite des Français. La fin du film, après es couplets nationalistes, philosophe un brin sur le sens de l'armistice, et la reddition, puis l'abdication de Guillaume II, représentée comme la possible naissance de la liberté: notre brave soldat Hans Braüsewetter peut enfin briser ses chaines. Pourtant, selon moi, le plus notable aspect de ce film, situé en début de troisième partie, est une scène qui doit autant à The four horsemen of the Apocalypse, de Rex Ingram, qu'à The Big Parade, de Vidor: un soldat Français blessé mortellement s'écroule aux côtés d'un Allemand. Les deux, au moment de mourir, auront le même cri: Mama/maman. Symboliquement, les deux mères, en surimpression, viennent chacune ramasser le corps de son fils, et toutes deux les posent sur la même civière. Puis elles gravissent ensemble un chemin vers le ciel... Au moins les intentions sont-elles claires: Poirier est un pacifiste.

Cette vision à la fois touchante et profondément ridicule est complétée à la fin d'une messe, dans laquelle on sent bien que le vieux fond du metteur en scène reprend le dessus. Au terme de ses 151 minutes, Verdun visions d'histoire est exténuant, et frustrant pour le spectateur habitué aux films Américains contemporains. Mais on ne reprochera en tout cas pas à Léon Poirier d'avoir été ambitieux, et désireux de toucher à l'universalité avec son film: il est parfois naïf, souvent trop riche, mais il contient des dizaines de séquences qui sont impressionnantes par leur mise en scène est leurs parti-pris novateurs. Et le fait qu'on ait ensuite, charcuté le film en en prenant les séquences les plus réalistes, en pensant qu'il s'agissait d'images d'archives, rend paradoxalement justice au réalisateur... Qui s'est empressé de continuer sa carrière en se faisant le chantre du coonialisme, avant de chanter en 1943 les louanges de ce vieux salopard de Pétain. Bah!

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Published by François Massarelli - dans Muet Première guerre mondiale 1928 *
28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 10:00

Voilà un film muet restauré à grands frais, qui tombe à pic pour qu'on y voit le traitement de la première guerre mondiale, non pas telle qu'on la voit en cette année centenaire, ni alors qu'elle se déroulait: Le film du poilu est une tentative de commémoration, réalisée en 1928, à l'occasion du dixième anniversaire de la fin du conflit. Le but clairement affiché est de donner à voir la guerre aux enfants, afin qu'ils n'oublient jamais. Et c'est raté, ils ont oublié, les enfants de 1928: je m'explique.

Dans la première partie, on assiste à la petite vie de tous les jours de trois personnes qui habitent le même immeuble Parisien: une veuve de guerre et son fils, d'une part; un ancien poilu, artiste qui vit dans son atelier de peinture d'autre part. Celui-ci prend l'initiative d'inviter un cinéaste qui vient de finir un montage de prises de vues de la Grande Guerre chez lui, afin de sensibiliser la jeunesse (et les spectateurs) à ce qu'était vraiment le conflit mondial... Nous assistons ensuite à une chronologie des évènements, résumés en à peu près une heure, compilée d'après les cinématographies mondiales, mais surtout les alliés. Le montage en est rehaussé ça et là d'inserts tournés par Desfontaines afin de rendre l'ensemble un peu plus dramatique.

Si le but était de sensibiliser la jeunesse afin qu'un tel conflit n'arrive plus jamais, c'est comme je le disais raté: durant l'heure passée à montrer la guerre, le point de vue unique est celui des alliés, et on y glorifie à tour de bras les généraux, tous isolés de la narration par leur petit intertitre personnalisé... A aucun moment l'ennemi n'y est montré comme autre chose qu'une menace, un mal. Les évènements n'y sont pas mis dans la moindre perspective: certes, l'archiduc François-Ferdinand a été assassiné à Sarajevo, mais pourquoi? et en quoi cela a-t-il précipité la guerre? Et si Verdun a bien été une boucherie, quelle responsabilité les officiers Français ont-ils pris dans les massacres? Et ces merveilleuses armées coloniales qui nous sont montrées, si colorées dans leurs défilés, pourquoi personne ne mentionne-t-il qu'ils ont souvent monté au combat en premier pour essuyer les premières salves? Enfin, on appréciera à sa juste mesure la séquence de 25 secondes qui nous indique que les Américains ont un peu pris part au conflit. Merci, au passage, les gars, et vous nous excuserez, mais on va quand même finir ce beau film par une vision de ce beau drapeau, ce torchon dégueulasse pour lequel le service des armées, qui a pris le soin de restaurer ce film sans qu'aucune réserve idéologique ne l'accompagne (Lisez les textes présents sur le DVD, c'est à vomir), est sans doute prête à nous dire qu'il conviendrait de nouveau d'aller se faire tuer.

Je sais ce qu'on va probablement me rétorquer: autres temps autres moeurs, et en 1928, on ne disposait pas de recul suffisant, mais en fait, historiquement c'est faux: dès 1917, des voix se sont élevées, depuis l'armée Française même, pour contester les façons de faire des officiers, et réfléchir sur la véritable finalité de ce conflit. Dès 1919, dans un film qui cède parfois au délire anti-Allemand ambiant (J'accuse), Gance a pris soin de faire le voeu d'un arrêt généralisé des conflits, au nom du respect du aux morts, TOUS LES MORTS. Dès 1925; trois ans avant ce film, King Vidor a débarrassé l'évocation de la guerre de tout nationalisme avec son somptueux The big parade, auquel Walsh (What price glory) puis Wellman (Wings) ont bien vite emboité le pas. Ils seront suivi en 1930 par deux cinéastes, l'un aux Etats-Unis (Milestone, avec All quiet on the Western Front) , et l'autre en Allemagne (Pabst, avec Westfront 1918). Et pour enfoncer le clou, cette même année 1928, le pourtant très droitier Léon Poirier a commis un autre film commémoratif, le souvent ennuyeux Verdun, vision d'histoire. Lui aussi sacrifie à la mode qui consiste à se mettre à plat devant les généraux, mais au moins rappelle-t-il à toutes fins utiles que dans un conflit comme celui dont il est question, les deux côtés ont souffert. Voilà. Le parti-pris affiché par Desfontaines de rester calé sur l'image d'Epinal est tout simplement impardonnable.

Alors rangez-moi ce torchon bleu-blanc-rouge, il est obscène.

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Published by François Massarelli - dans Muet Première guerre mondiale Navets 1928 *
28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 09:19

C'est avec ce film que Tim Burton va cimenter son style, et du même coup véritablement faire son entrée dans le cercle des auteurs, disons... singuliers. Soyons juste: certes, ce n'est en rien son premier film, le metteur en scène a été très actif durant cette décennie qui l'a vu passer de Disney (où il était animateur sur deux longs métrages dont nous tairons les noms) à la Warner, en passant par des courts métrages, des travaux pour la télévision, et bien sûr un premier long métrage, disons, particulier, Pee-Wee's big adventure. Mais ce qui a toujours fait le prix de Beetlejuice, en plus d'être un film franchement appréciable en tant que tel, c'est de nous donner à voir une matrice du style, de l'univers, de la thématique Burton. En quelques sorte, des films comme Mars Attacks!, Dark shadows, Sleepy hollow et le long métrage Frankenweenie viennent directement de celui-ci, avec lequel ils partagent un humour frontal, et une certaine tendance à méler de façon unique le fantastique parfois le plus morbide avec une peinture du quotidien le plus banal...

Les Maitland (Geena davis, Alec Baldwin) sont un jeune couple, qui a choisi de se délasser de la vie dans la grande ville (New York) en passant du temps au calme dans une petite ville du Connecticut où ils ont acheté une maison. Ils y coulent manifestement des jours sans histoires, madame décorant tranquillement la maison, pendant que Monsieur construit inlassablement une maquette de la ville. Il y a malgré tout une ombre semble-t-il persistante au tableau: ils n'ont pas d'enfant, malgré les tentatives, et n'en auront d'ailleurs jamais, puisque, on va vite l'apprendre, ils meurent au bout de quelques minutes dans le film, une mort idiote, mais radicale: bref, la mort. Dans un premier temps, il ne s'en aperçoivent même pas, puisque leur trépas les force à revenir à leur maison, mais ils se rendront vite compte que quelque chose a changé...

Très vite, le principal souci auquel ils devront faire face, en plus de s'adapter aux formalités et au quotidien liés au fait d'être mort, sera de voir arriver dans leur maison un couple de New Yorkais, avec une adolescente: Charles Deetz (Jeffrey Jones) cherche une évasion de la vie New-Yorkaise, sa seconde épouse Delia (Catherine O'Hara), une artiste du dimanche totalement snob, cherche l'inspiration et un endroit à recréer à son image, et sa fille Lydia (Winona Ryder), adolescente solitaire, toute habillée de noir, cherche à cultiver tranquillement son spleen en nourrissant une certaine haine raisonnable à l'égard de sa belle-mère. Les deux fantômes, normalement invisibles (sauf aux yeux de Lydia, qui va vite sympathiser avec eux), vont tout faire pour se débarrasser des opportuns, y compris pactiser avec l'innomable "bio-exorciste" Betelgeuse (prononcer -trois fois- Beetlejuice), interprété par Michael Keaton, qui a des moyens raadicaux mais indéfendables pour effrayer, voire pire, les vivants...

On le voit, Burton s'amuse avec les codes du cinéma fantastique comme il le refera souvent, en investissant sur un plateau de comédie familiale et bucolique, les abords de la mort, un au-delà qui, on ne s'en étonnera pas, n'a pas de place pour toute divinité, quelle qu'elle soit: un monde dangereux, fait de débrouillardise, de formalités, de rencontres hilarantes avec d'autres morts, qui ont tous conservé de leur passage vers l'infini une particularité, physique ou autre. Le visuel du cinéma d'épouvante est rapidement envahi par l'humour, à moins que ce ne soit le contraire. Pour le reste, Burton ne se distingue pas par le montage ou une mise en scène particulièrement voyante: il s'amuse à diriger ses acteurs en fonction de l'effet voulu, en privilégiant pour certains un surjeu bon enfant: Catherine O'Hara, Michael Keaton, Baldwin et Davis ont droit d'y aller franco... Et il installe une gaelrie de personnages qui reviendront, à travers la marâtre maléfique, le sbire (Otho, joué par Genn Shadix, est le décorateur attitré de Delia, et en fait une véritable sangsue), ou les marginaux, qui se détachent du lot par certains codes vestimentaires: le noir et blanc domine, ils sont décalés par de nombreux détails: condamnés à "vivre" leur mort dans les vêtements de leur mort, comme Barbara et Adam, portant un costume fait de bandes noires verticales sur un fond blanc (Betelgeuse), ou tout simplement de noir vêtue par choix culturel (Lydia). Tout ce petit monde s'agite, en une sorte de lutte entre normalité et monde de l'au-delà, pour notre plus grand plaisir. Et Burton s'attache à pourfendre la normalité en attaquant une certaine Amérique, conformiste et prétentieuse, à travers les personnages de M. et Mme Deetz, le businessman venu se reposer et qui voit très vite le délire de l'appropriation dans le but de faire du dollar le reprendre, tandis que son épouse s'évertue à n'exister qu'en créant des horreurs prétentieuses, tout en détruisant ce qui est beau chez les autres. Il oppose des petites gens, qui n'ont certes pas grand chose pour eux, et le monde d'une certaine élite, qui s'en prend plein la figure... Mars Attacks! ne fera pas grand chose de plus, quelques années plus tard. Et là encore, comme ici, Burton "sauvera" quelques humains du jeu de massacre.

Rondement mené (le film totalise 92 minutes), parfaitement mis en musique par le désormais complice de (presque) tous les films Danny Elfman, Beetlejuice est donc aujourd'hui comme hier le meilleur moyen de commencer à se familiariser avec le style et l'univers de Tim Burton, un monde hanté par des fantômes tous distinctifs, dans lequel l'animation en volumes, image-par-image (de très loin le mode d'animation préféré d'un Burton qui a pourtant grandi à Burbank, le royaume de l'animation en 2D, le paradis de Disney et de la Warner), se confronte à des prises de vue réelles, dans lesquelles on demande à des acteurs d'interpréter une scène de repas au cours de laquelle ils doivent démontrer qu'ils sont possédés... Par une chanson de Harry Belafonte. Ca ne s'invente pas... Et puis il y a le mal poli Betelgeuse, interprété par Michael Keaton en roue libre, dont on peut se demander quelle mouche a piqué Tim Burton pour qu'il lui demande ensuite d'être Batman, mais ça c'est une autre histoire...

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton
26 décembre 2014 5 26 /12 /décembre /2014 18:09

1917: La guerre s'invite aux Etats-Unis, et les volontaires affluent: de tous horizons, les Américains s'engagent dans ce qu'ils imaginent être un simple tour de chauffe en Europe au service de la démocratie triomphante. Là ou des hommes du peuple, comme Slim (Karl Dane), soudeur de son état, ou Bull (Tom O'Brien), barman à New York, vont rejoindre l'armée sans détour, un gosse de riche, le fringant Jim Apperson, ne va partir qu'après avoir vu une parade qui passait dans la rue. Et comme d'une part sa fiancée pense qu'il serait absolument adorable en officier, et que ses parents le considèrent comme un bon à rien, il s'engage... On retrouve les trois quelques mois plus tard, à la veille de leur première participation à l'offensive. Ils fraternisent avec les jeunes françaises, surtout l'adorable Mélisande (Renée Adorée, enfin autorisée à "parler" Français sur le tournage de ce film muet, et ça se voit pour qui sait lire sur les lèvres...), ils bricolent des douches, piquent du vin aux paysans locaux, jusqu'au moment ou ils sont amenés sur le front, pour une mission suicide. Deux d'entre eux ne reviendront pas, et c'est dans un trou d'obus qu'il est amené à partager avec un jeune Allemand mourant que Jim va se faire une opinion sur la guerre...

Qu'un studio comme la MGM ait été à ce point engagé dans ce film me dépasse. Je pense que pour la plupart des professionnels qui y travaillaient, la firme au lion était sans doute le rempart absolu d'une certaine idée calibrée et divertissante du cinéma contre un cinéma engagé... Mais Vidor devait avoir des arguments, puisque c'est à l'initiative bienveillante d'Irving Thalberg que ce film révolutionnaire s'est fait. Bien lui en a pris, puisque le film a fait un triomphe au box-office... Pourquoi "révolutionnaire"? Parce que jusqu'à The big parade, la vision de la guerre dans le cinéma mondial est assez simple: il y est généralement question de la lutte du bien contre le mal, de la démocratie Chrétienne contre la barbarie Allemande: J'accuse, The Four Horsemen of the Apocalypse, Hearts of humanity, Hearts of the world, et même Shoulder arms!, tous même combat... Seul Stroheim, qui n'a jamais filmé la guerre, mais en a parfumé ses films, à commencer par Foolish Wives qui regorge d'allusions, a semble-t-il intégré que pour les populations quelles qu'elles soient, la guerre est un enfer. Et ce film, enfin, va aborder le sujet avec réalisme, lyrisme, et en fait Vidor a peut-être changé la donne à tout jamais: il y aura un avant et un après The Big Parade, qui engendrera d'autres chefs d'oeuvre, partageant cette vision plus objective, moins, le mot une fois de plus est grossier et vulgaire, patriotique.

Le film prend son temps, d'ailleurs, et se contente d'une bataille, anticipant d'une certaine manière sur l'économie d'un Kubrick. Les soldats arrivent, pas très rassurés, et on leur dit de marcher. La scène est célèbre, souvent commentée: les Américains, filmés de front, avancent dans un sous-bois, cibles de la mitraille. Ils voient, ou entendent autour d'eux, les copains tomber les uns après les autres, mais doivent avancer. Au bout de la route, façonné er refaçonné par le pilonnage incessant, le terrain devient un gruyère, et l'enfer s'installe. Résumé en un seul conflit, toute l'expérience d'une guerre semble désormais privée de but, et la seule action d'éclat commise par Jim Apperson le sera sous le coup de la colère, lorsque pour venger la mort d'un camarade il va se livrer à un massacre sans raison valable...

Mais les scènes qui nous font attendre ce conflit, en elles-mêmes, sont d'une grande force, installant la confrontation humaine entre les soldats d'un côté (Jim Apperson perdant de sa superbe assez rapidement, confronté à la camaraderie ambiante), ou entre les soldats et les Français de l'autre. Les scènes de flirt avec Mélisande sont sublimes, d'abord parce que Vidor a su installer une complicité (Qui resservira à la MGM) très forte entre Gilbert et Adorée, et a pu les inspirer à trouver un naturel un peu gauche, qui s'approche, mais oui, d'un certain naturalisme. Cela donne d'autant plus de force au film que la romance entre les deux va servir de structure, et bien sur de motivation pour un héros revenu de tout, sauf de son amour pour la petite Française. Et la scène de séparation en fin de première partie, qui laisse éclater le lyrisme cher à Vidor, est inoubliable.

Et puis si ce film est une grande date, c'est aussi parce que le metteur en scène, qui a permis souvent au mélodrame de se doter d'une âme pas toujours tranquille (Wild Oranges peut en témoigner...) semble d'une seule pièce maitresse doter le cinéma Américain d'un classique qui le fait instantanément passer à l'âge adulte... Ce que Stroheim tentait de faire dans son coin, Vidor l'a fait, et dans le confort d'un studio encore en plus! on connaît la suite: grâce à son sens du compromis (La Bohême, Bardelys the Magnificent, deux films qu'il n'avait pas vraiment envie de faire), Vidor pourra récidiver en tournant The Crowd. Mais la suite, c'est aussi l'arrivée de Raoul Walsh, William Wellman, Lewis Milestone, et tant d'autres qui vont continuer à donner à la représentation de la première guerre mondiale ses chefs d'oeuvre.

 

The big parade (King Vidor, 1925)
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Published by François Massarelli - dans King Vidor Muet Première guerre mondiale 1925 **
22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 09:30

C'est le travail distinctif de Tim Burton sur Vincent et Frankenweenie, ses deux étranges courts métrages pour Disney, qui lui ont valu d'être engagé par la production de ce premier court métrage. Pee-Wee Herman, de son vrai nom Paul Reubens, est un personnage comme les télévisions locales des années 50 en proposaient à la pelle (Voir le biopic Ed Wood à ce sujet!), né pour un show de comédie qui avait du succès dans les années 80: un personnage lunaire, semblant tout droit sorti, le maquillage compris, des films muets des années 20, et qui vivrait dans une sorte d'état d'enfance en constant décalage avec la réalité qui l'entoure. Et le film ne montre rien d'autre: le scénario (Co-écrit par Reubens) conte en effet les déboires de Pee-Wee l'homme-enfant qui fait le our des Etats-Unis à la recherche de son vélo disparu... Prétexte à gags, rencontres cocasses, et visite à tout casser d'un studio de cinéma (Warner, qui distribue la film, a donné les clés à la production).

Chercher l'univers de Burton dans ce qui est avant tout un exercice imposé, s'avère un peu malaisé, mais on peut quand même voir ici une ébauche de certains des aspects burlesques de bien des films (Beetlejuice, Batman, Mars attacks!...) et constater que Pee-Wee, aussi horripilant (Voire insupportable) soit-il, est un peu un cousin de ces personnages décalés en noir et blanc, à peine sortis de l'enfance mais par une porte dérobée, qui peuplement les films du metteur en scène. Et l'humour particulier, mélange de cynisme et de premier degré parfois embarrassant, sera présent dans les longs métrages de Burton jusqu'à Dark Shadows. Mais s'il fallait retenir un aspect positif et un seul, au-delà de l'entrée en scène de Tim Burton comme metteur en scène de longs métrages, c'est bien sur le fait que Danny Elfman y ait composé et enregistré sa toute première bande originale de film, du moins la première pour un film de studio majeur. Et dès le départ, le talent hallucinant de ce disciple de Steiner, Herrmann, Stravinsky et Korngold est présent.

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton
22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 09:00

Ce film de 30 minutes est bien sur le premier Frankenweenie, puisque Burton y reviendra: c'est probablement normal, puisque dans ce projet très personnel, tourné en prise de vue réelles pour Disney (Par opposition à son remake sorti en 2012, qui lui sera tourné en stop-motion, comme le film de Selick The nightmare before Christmas, ou bien sur Vincent, le court métrage fondateur du style Burton), Burton y installe son univers très personnel, qui se retrouvera de film en film, entre Beetlejuiceng>, Edward Scissorhands, voire Big Fish: le monde, trop propre, trop ennuyeux, vu à travers les yeux créatifs d'un enfant trop doué, et trop porté sur les histoires horrifiques. Et comment ne pas penser à l'enfance de Tim Burton lui-même, passée à Burbank, banlieue somme toute normale, dont l'essentiel de l'activité (Studios Disney, studios Warner) se déroule sur les plateaux de cinéma à créer du rêve aux antipodes de cette normalité à se rendre malade? Frankenweenie a beau être en noir et blanc, on imagine sans peine les couleurs rose bonbon, jaune canari et bleu ciel, des robes, nappes, chemises Lacoste des protagonistes et voisins. Et Tim Burton a fait appel, pour interpréter les parents de Victor le héros, à deux acteurs qui vont parfaitement incarner cette normalité trop tranquille...

Ben et Susan Frankensein (Daniel Stern, Shelley Duvall) sont les heureux parents de Victor, un enfant qui s'amuse à tourner des films avec une caméra super 8, qui mettent essentiellement en scène son chien Sparky, déguisé le plus souvent en monstre ultra-destructeur à la Godzilla. C'est innocent, c'est drôle, ça ne prête pas à conséquence, et le lien entre Victor et Sparky est si touchant... Mais un jour, Sparky se fait heurter par une voiture, et Victor est inconsolable... Jusqu'au jour où un cours de sciences lui donne une idée: il va tenter de redonner vie à son chien en usant de l'électricité... Mais cela va surtout créer des problèmes, car comment faire comprendre à un chien comme Sparky, une fois revenu d'entre les morts, qu'il lui faut montrer profil bas, lui qui a tant l'habitude de se promener dans le voisinage? La confrontation entre le chien zombie et les voisins W.A.S.P va être douloureuse...

A travers ce gentil Victor, ces gentils parents, et cette édifiante histoire d'amour d'un garçon de 11 ans pour un chien, Burton s'amuse à peindre une banlieue dont les cloueurs doucereuses semblent cacher un monde terrifiant, fait de suspicion, de lutte territoriale, d'espionnage même. Un monde soumis à une quête effarante de la normalité: la fille des voisins, en tenue d'aérobic, fait subir à sa Barbie un entrainement intensif en lui disant qu'elle ne travaille pas assez; le voisin vient frapper à la porte des Frankesnstein en accusant un hypothétique chien au moindre problème, et une petite dame utilise son activité principale (Et unique), d'arrosage des plantes, pour espionner le voisinage et écouter les conversations. Et au milieu de tout ça, Tim Burton convoque le mythe cinématographique du Frankenstein de James Whale (Expérience avec l'électricité, coutures apparentes, électrodes qui dépassent et moulin en flammes) tout en commençant subrepticement à installer son univers: le bric à brac du grenier de la famille Frankenstein, un désordre qu'on retrouvera dans Beetlejuice, recèle déjà de suprenants trésors: des rennes pour une décoration de Noël, une bicyclette assez similaire à celle de Pee-Wee Herman... Pour son expérience, Victor utilise des cerfs-volants, dont un qui n'est pas sans rappeler la chauve-souris de Batman... Quant au mythe de Frankenstein, il reviendra par la grande porte avec Sleepy Hollow. Le monde de Burton est d'une grande cohérence, et ce film est sans doute la meilleure des introductions, juste adaptée, le temps d'un film, aux exigences raisonnables de Disney. Mais bon, ça raconte quand même l'histoire d'un garçonnet qui redonne vie à son chien mort, et les tribulations du zombie canin qui s'ensuivent, ce n'est pas rien!

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton