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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 08:59
Corpse Bride (Mike Johnson, Tim Burton, 2005)

Produit entre la fin du tournage de Big Fish et celui de Charlie and the chocolate factory, Corpse Bride est un effort curieux de réappropriation de son propre univers par Burton, cette fois (Par opposition à "son" film le plus célèbre) co-crédité à la réalisation aux côtés de l'animateur Mike Johnson. Par rapport à ce co-crédit, on pet toujours spéculer, mais rappelons que le partage des tâches est une constante de l'animation depuis toujours, et que le film a été vraiment selon leurs dires, co-dirigé par les deux hommes, Burton assumant l'inspiration, la vision et le cap du film, tandis que Johnson effectuait la mise en oeuvre technique. La partition est bien sur confiée à Danny Elfman, qui est à peu près infaillible, y compris en pilotage automatique, et les acteurs sont bien sur dirigés par Burton. On ne s'étonnera pas, dans un casting une fois de plus très Britannique (Joanna Lumley, Richard Grant...) de retrouver les sempiternels Johnny Depp et Helena Bonham Carter, flanqués également d'une troisième apparition de Christopher Lee (Après Sleepy Hollow et Charlie and the chocolate factory) et d'une deuxième d'Albert Finney. Comme dans The nightmare before Christmas, Danny Elfman joue un petit rôle fort musical...

Corpse bride conte l'histoire, située dans une Angleterre de pacotille du 19e siècle, donc en pleine époque de gothique littéraire, d'un jeune marié tellement benêt qu'il a peur de faire tout capoter, et malgré lui rencontre une jeune fantôme, Emily, qui a été abandonnée et tuée par son fiancé le jour de son mariage. Par un quiproquo, Victor se retrouve marié à Emily, et le voilà donc passé dans l'autre monde, celui des morts. Pendant ce temps, Victoria Everglot, la fiancée vivante, tombe dans un piège, celui de l'infâme Lord barkis, chasseur de dot...

On aimerait être aussi enthousiasmé par ce film qu'on l'a été par celui de Selick, bien sur, et c'est sans doute la grande malédiction qui pèsera sur tous les projets d'animation de Burton. C'est déloyal pour ce nouveau film, mais d'un autre côté la présence, à l'esprit de ses concepteurs, de The nightmare before Christmas est tellement évidente qu'elle appelle à la comparaison. Et celle-ci est impitoyable pour ce film joliment fait, soigné, mais qui donne systématiquement l'impression d'être forcé, voire de virer à l'autoparodie. Et cet "univers" Burton, tant vanté et mis en avant par les publicistes de tout poil, finit par devenir une formule vide. D'autant que dans ce film ou la caméra virevolte inutilement en permanence, on n'est pas dans le cinéma de Tim Burton, mais dans une sorte de sous-produit: agréable à regarder, certes, plaisant, mais pas vraimemtn accompli. On se prend à s'ennuyer, à chercher sur les côtés si tel ou tel détail ne mériterait pas d'être regardé avec attention plutôt que les pauvres pantins qui s'agitent devant nous. Il en est ainsi, mais heureusement, les auteurs nous ont donné quelques consolations: une belle animation à la fin, qui renvoie un peu à la magnifique scène de fin d'Edward Scissorhands, le piano aperçu dans une scène qui est de marque Harryhausen, ou bien sur l'asticot verdâtre qui tient lieu de conscience à Emily, et qui est une caricature de Peter Lorre. Pour le reste...

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton
4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 17:09

Après la parenthèse nihiliste jouissive mais un peu courte de Mars Attacks!, Sleepy Hollow va redorer le blason de Tim Burton, et lui permettre de faire un film qui est à la fois une synthèse de son oeuvre passée, une ouverture sur l'avenir et la possibilité pour le metteur en scène de mettre son savoir-faire au service de projets ambitieux mais qui ne lui sont pas propres, et une extravagante collection de contradictions assumées et orchestrées de main de maître... Et pour commencer, le film est hérité d'un projet avorté de Francis Ford Coppola, qui s'était lancé à l'aube des années 90 dans une relecture de mythes gothiques passés à une nouvelle postérité par le cinéma: Dracula avait ouvert le bal, avec une vision plutôt baroque et inédite de l'univers de Bram Stoker; inévitablement, un Frankenstein avait suivi, mais la mauvaise réputation du film de Kenneth Branagh a la peau dure, et a sans doute poussé Coppola à revoir ses ambitions... Et Sleepy Hollow, la nouvelle de Washington Irving, est bien différente de ces deux oeuvres séminales: elle met en scène un jeune instituteur, Ichabod Crane, qui est victime de farceurs à Sleepy Hollow, une ville de Nouvelle-Angleterre dans laquelle un fantôme morbide et sans tête est supposé semer la terreur...

Chez Burton, par le truchement du script de Andrew Kevin Walker, l'histoire s'étoffe et devient authentiquement gothique et horrifique, tout en se parant des aspects inattendus du roman policier. Le récit d'Irving a été oublié en 1820, mais Walker situe son film en 1799, à l'aube d'un siècle dont certains visionnaires estiment qu'il apportera à l'être humain l'illumination de la raison. Des meurtres atroces (Des décapitations) sont en effet perpétrés à Sleepy Hollow, mais on ne dit pas tout à Ichabod Crane (Johnny Depp), le détective chargé de l'enquête; il faut dire que la lui confier relève essentiellement du gag! C'est afin de faire taire l'impudent je-sais-tout, obsédé par les méthodes modernes de police scientifique dont ses supérieurs n'ont que faire, qu'il est envoyé au diable résoudre une sombre histoire dans laquelle tout le monde, en ces temps reculés, flaire le parfum hideux et capiteux de la sorcellerie. Et Crane va en effet tomber, à Sleepy hollow, sur une communauté endeuillée par des meurtres dont chacun sait qu'ils sont le fait du fantôme d'un cavalier sans tête, célébrité locale qui s'est tout à coup réveillé pour distribuer du haut de son cheval fantomatique des coups tranchants d'épée au hasard de ses chevauchées... Au hasard? Non, car il apparaît très vite que les victimes sont liées: les notables, liés par un lourd secret, et une famille sont les cibles d'une vengeance qui remonte à loin, très loin...

Les retrouvailles avec Johnny Depp, pour la troisième fois, vont donner lieu à un personnage unique en son genre, que Burton a piloté de loin: à nouveau un personnage en noir et blanc à la vie intérieure contrariée, figure imposée par Burton, Ichabod est un détective efficace et intelligent, mais obsédé par la raison et la raison seule. Ce qui l'a poussé à se débarrasser d'un double héritage traumatique: son père était un pasteur rigoriste, et sa mère une sorcière, et devant l'attrait de la magie, le père avait fini par sévir et tuer la maman d'Ichabod, laissant d'ailleurs au garçon un stigmate étrange. On notera que dans les flash-backs découpés en épisodes, qui correspondent systématiquement à des évanouissements d'Ichabod soit aux moments où il échappe à sa raison pour laisser aller son inconscient, l'outil qui sert au meurtre, a déjà été aperçu dans les greniers de Bruce Wayne dans Batman Returns... Mais ce meurtre originel est pour Ichabod Crane le signal d'abandonner tout lien avec la magie, et de privilégier la raison, pas la religion, en toutes circonstances. Sauf que le personnage, guidé en permanence par sa raison, est aussi un pleutre, qui s'évanouit souvent et affronte le sang (Et il y en a beaucoup) et les cadavres avec répulsion, dégoût, et aussi une certaine lâcheté. De même, il s'attache très vite d'un amour réciproque à la belle Catrina Van Tassel (Christina Ricci) qui elle aussi risque la mort, mais au lieu de la protéger tend à s'en faire un bouclier. L'anecdote contée par le film sera cathartique pour Ichabod, lui permettant de faire la paix entre les deux héritages, la rigueur paternelle et la magie protectrice de sa maman. On notera, pour une dernière apparition (On la reconnaît à peine dans The planet of the Apes, leur dernier film en commun), Lisa Marie en mère sublimée, la seule à avoir le droit d'évoluer dans de franches couleurs chaudes. Pour tout le reste du film, la magnifique photographie d'Emannuel Lubezki fait la part belle aux sous-bois sombres et hivernaux, en couleurs désaturées... Dans lesquels les à-plats de rouge éclaboussent souvent les protagonistes.

S'il emprunte une atmosphère très marquée à des films de la Hammer (Sleepy Hollow a d'ailleurs été tourné en Angleterre, et est une production Britannique de la Paramount bien que sensée se situer dans l'état de New York), s'il ajoute un atout de poids en la personne de Christopher Lee, le juge qui envoie Crane se faire pendre ailleurs, Burton rend quand même à sa façon un hommage vibrant, une fois de plus, au Frankenstein de James Whale, dans ce qui est à mon sens une synthèse très assumée de l'univers baroque du cinéaste. A la fin du film, une confrontation entre la créature et Crane mène à un moulin en flammes, comme dans la conclusion du film de James Whale, et un dialogue insiste sur la notion de façon implicite: quand le moulin s'écroule sur la créature, Ichabod dit: le problème, c'est qu'il était déjà mort. De même, revenu d'entre les morts contre son gré, la créature sans tête superbement interprétée par Christopher Walken semble être le jouet d'une volonté extérieure, mais rira bien qui rira le dernier... Parmi les acteurs Britanniques qui se sont prêtés avec bonne humeur à ce film, on remarquera du beau monde: Michael Gambon, Ian McDarmid, Miranda Richardson... ils sont rejoints par rien moins que Walken, bien sur, Martin Landau, brièvement (Tchac!), et Jeffrey Jones... Bref, on est un peu en famille.

Mais le film célèbre avec un clin d'oeil à sa façon l'imminence d'un changement de siècle, en montrant la lutte de la raison contre la magie, chez un détective qui s'efforce de garder la tête froide ainsi que sur ses épaules; il finit par triompher, grâce à ses appuis nombreux, de la créature, mais on constatera que ce sera après bien des homicides. Et lorsqu'il arrive enfin à New York, flanqué de Catrina Van Tassel devenue sa femme et d'un orphelin qui est entré à son service, on ne peut que remarquer que celui-ci est chargé de tous les paquets du couple, qui baguenaude dans les rues de la grande ville. Un signe discret qui nous indique que si Ichabod Crane se veut le champion de la modernité, il n'en est pas moins un homme de son temps qu'une société à deux vitesses dans laquelle tout le monde est à sa place, ne rebute pas. Et le changement de siècle, pour l'homme qui visait l'avenir de sa profession, mais a été obligé de retourner au plus profond de son inconscient pour affronter la magie, n'apporte finalement pas grand chose... Le film, si: il a montré la maîtrise de Burton pour s'approprier un sujet a priori mal parti, et en triompher. On aurait aimé que cela ne le mène pas au film suivant...

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton
1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 16:56

Warlock, petite ville du Sud-Ouest, bien trop grande pour que les citoyens fassent justice eux-même, mais trop petite pour qu'un vrai juge ou un vrai Shériff y fasse la loi. Et justement, le "deputy" (Adjoint) en charge de la ville est, au début du film, tué une fois de plus, car la bande d'Abe McQown a décidé de montrer qui est le patron: McQuown lui-même, un riche propriétaire terrien qui sème assez facilement la terreur avec ses cowboys, et qui couvre à peu près tout ce qui peut se pratiquer comme activité illicite: vol, attaque de diligence, vol de bétail, meurtre voire (Pour une anecdote) massacre pur et simple. Dans ce contexte, les habitants font appel à un redresseur de torts professionnel, Clay Blaisedell (Henry Fonda), un homme que sa réputation précède, et qui agit entre une certaine froideur et un sens aigu de la mise en scène: il a une paire de colts à crosse dorée dont tout le monde a entendu parler. Et il ne vient pas seul: Morgan, son alter ego, son ombre au passé trouble (Anthony Quinn) vient avec lui, et pour commencer fait main basse sur le saloon local. Une fois arrivé, le nettoyage commence, et Blaisedell encourage les vocations: un des hommes de la bande McQuown, Johnny Gannon (Richard Widmark) a depuis longtemps des scrupules à faire partie de la bande de malfrats qui tuent les gens en leur tirant dans le dos; il franchit le pas et devient, contre toute attente, le vrai "deputy" shériff de Warlock. Pendant ce temps, les agisements de Morgan font parler d'eux, et il devient assez rapidement clair que si Blaisedell et Gannon vont débarrasser la ville du problème McQuown, qui s'occupera de Morgan?

Les limites de la loi, et les frontières entre le bien et le mal: un bon vieux thème du western, habillé de neuf pour ce film qui louche par de nombreux aspects sur l'anecodte de Tombstone, mais bien loin de My darling Clementine. N'empêche, il est assez ironique de confier à Fonda le rôle, en version bling-bling, d'un autre Wyatt Earp... Et Morgan, avec son pied-bot et sa tendance à l'acoolisme, fait lui aussi bien penser à Doc Holliday, mais on remarquera assez facilement que la relation entre les deux est rendue particulièrement ambigue par le discours permanent de Quinn. Bien sur, d'une part, les deux hommes représentent chacun un aspect de la lutte impromptue contre le crime: une certaine rigueur, une certaine droiture un peu vieux-jeu d'un côté, l'histrionisme triomphant avec vantardise permanente de l'autre... Mais Morgan est obsédé par la place de héros que son ami doit occuper, et va jusqu'à tuer dans son dos les gens qui pourraient entâcher sa légende: homme, femme, peu importe... Et quand Blaisedell envisage de se marier et d'arrêter le cirque, la réaction de Morgan oscille entre le désespoir alcoolisé et l'agression.

De son côté, Johnny Gannon est un rôle en or pour Richard Widmark, un peu moins torturé qu'à l'accoutumée: il sait dès le départ de quel côté de la loi, ou plutôt de la morale, il doit pencher. Choisir de servir la loi comme il le fait est à la fois une façon de régler son compte à son passé de bandit, mais aussi de montrer le chemin, dans une ville en devenir, qui n'a que trop souffert d'être exposée au crime sans que les forces de la police ne puissent agir. Il est, à la fin du film, non seulement un héros local, il est aussi légitime et légal, ce qui ne peut que confirmer le soupçon de Blaisedell, qui avait bien dir en arrivant: ils m'accueillent en héros, mais à la fin ils voudront ma mort. Au moins pourra-t-on dire qu'avec Gannon, la ville s'est dotée d'un vrai défenseur de la loi... Et contrairement à Blaisedll, Gannon aura fait passer la morale avant la tuerie... Mais en attendant, la violence va s'installer, et les armes vont parler! Bref, un western, un beau, un vrai, un grand.

Warlock (Edward Dmytryk, 1959)
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Published by François Massarelli - dans Western
30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 08:29
Ed Wood (Tim Burton, 1994)

Pour commencer, il faut bien sur oublier Ed Wood lui-même, sa carrière, sa vie et ses films, car ce n'est paradoxalement pas le plus important en ce qui concerne ce sixième long métrage de Tim Burton, le premier à se situer en périphérie du fantastique, dans un monde qui est à peu près réel, et dans lequel en tout cas toute manifestation surnaturelle est en réalité du spectacle, du faux, de l'illusion assumée comme telle: ce ne sera pas souvent... Mais en effet, ce pauvre Edward Wood Junior a beau avoir existé, le film ne sera en aucun cas l'histoire de sa vie, mais plutôt un parcours allégorique et sublimé qui parle bien plus que de cinéma. Et soyons justes: non, Tim Burton ne s'est en aucun cas identifié à Wood!

Le film épouse donc la forme d'un biopic, mais bien sur il n'est pas comme les autres: dès le départ, le metteur en scène épouse la forme de son sujet en choisissant de tourner en noir et blanc, et demande à son compositeur (Howard shore, car une fois n'est pas coutume, Elfman et Burton sont fâchés) d'écrire une partitition à la manière de, qui sonne comme une bande originale de film de science-fiction... Mais aussi bien l'image, riche en contraste et gothique à souhait (Burton a choisi d'utiliser du vrai noir et lanc au lieu de se contenter de désaturer les couleurs, et ça se voit), est très soignée, ce qu'on ne peut décidément pas dire des films de Wood...

Nous suivons donc la trajectoire dans les années 50 du jeune aspirant metteur en scène (Johnny Depp), fasciné par Orson Welles, et qui a choisi de vivre à Hollywood, ou il végète en attendant une reconnaissance qui ne viendra jamais. Il a des amis, avec lesquels il monte des pièces de théâtre improbables, qui font un flop après avoir été vues par quatre personnes en moyenne. Il vit avec une jeune femme, Dolores Fuller (Sarah Jessica Parker), une actrice qui ignore un fait pourtant essentiel de la personnalité de son ami: il aime se travestir, sans pour autant être homosexuel... Un jour, il saisit une opportunité inespérée lorsqu'il apprend qu'une compagnie s'apprète à tourner un film à partir d'une anecodte de transsexualisme. il écrit un script, vite fait mal fait, et tourne en quatre jours une oeuvre qu'il estime cruciale, Glen or Glenda, qui sera jugé par les quelques rares personnes l'ayant vu comme un navet intersidéral. Mais Wood est désormais un réalisateur, et il va tour faire pour le rester, en saisissant toutes les occasions de tourner, trouvant au passage le moyen de rencontrer et de faire tourner l'une de ses idoels, Bela Lugosi lui-même (Martin Landau). Ensemble, ils vont poursuivre un but commun: réaliser une oeuvre pour laquelle ils resteront à la postérité...

Tim Burton réussit à donner à son film une énergie très positive, alors que les côté lamentable des agissements de Wood et de sa bande de bras cassés et de minables, aussi bien intentionnés soient-ils, ne peut échapper à personne. Du coup, le film acquiert une tendresse pour les personnages qui fera sérieusement défaut à Mars Attacks! deux ans plus tard... Et à travers Ed Wood et son entourage, se dessine une sorte de marge merveilleuse, un univers à part dans lequel une troupe d'amis s'entr'aident, pour créer ce qui est inconsciemment un plaidoyer pour la différence. Comme le fait remarquer Wood, ses tournages absurdes sont l'occasion de faire travailler des marginaux qui ne trouveraient sans doute pas de travail autrement, et la plupart d'entre eux ne sont pas dupes de leur manque de talent! Bunny, l'homosexuel militant, Criswell le voyant médiatique, Vampira la gothique présentatrice de films à la télévision, Bela Lugosi, star lessivée et au bord de l'éejection à la rue, Tor Johnson le catcheur au vocabulaire incomplet, sont tous une famille, unie dans sa médiocrité militante, et à eux tous, ils forment un univers bien proche des films fantastique, une sorte de famille Addams, qui en plus, luxe notable, a presque existé...

Un monde qui a presque existé, inspiré des anecdotes réelles des tournages d'un type un peu louche, mais avec un coeur gros comme ça, qui a accumulé les rencontres avec des losers ous plus sympathiques les uns que les autres: le parallèle avec un autre film "à part" de Burton, Big Fish, me parait particulièrement facile à souligner, et c'est exactement ça: deux films qui affichent avec tendresse et humour, une humanité à tout épreuve, mais racontée depuis les coulisses, la marge, à l'écart de notre monde. Et cette énergie dépensée à tourner des navets est tout simplement une des manifestations les plus magnifiques de la beauté de la vie d'un artiste au cinéma!

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton
28 janvier 2015 3 28 /01 /janvier /2015 13:39

Couple exemplaire, les Dunne? Même à première vue, même dans les premières minutes de ce film à tiroirs dont le principal du message porte sur les apparences, forcément trompeuses, avant même de commencer à entrevoir l'ironie particulièrement marquée du film, on sait qu'il y a quelque chose qui cloche entre les deux... Amy, jeune femme d'une famille riche, s'est mariée à Nick, un journaliste de la presse masculine. Elle est déjà passée à la postérité car elle est le modèle qu'ont choisi ses parents pour créer durant son enfance un personnage littéraire de petite fille dont les albums ont fait le tour du monde, et lui, ma foi, n'est pas vraiment connu. Et même pire: il a été licencié et elle l'a suivi dans le Missouri, elle qui ne voyait aucun horizon au-delà de New York. Et la vie, dans le Missouri, ne lui convient décidément pas. Mais tout ça, on le saura après: les premières séquences nous présentent Nick Dunne, maussade, qui sort de chez lui, et se rend à son bar (Qu'il tient avec sa soeur Margo, et qui est payé par les économies d'Amy), et qui a l'air plutôt remonté contre son épouse. Le problème, c'est que quand il rentre chez lui, Amy n'est plus là, qu'il y a des traces de lutte, du sang dans la cuisine, et qu'il devient très vite évident pour tout le monde, sauf pour Nick et sa soeur, qu'il pourrait bien l'avoir tuée. Les indices vont s'accumuler, l'opinion publique choisir très vite son camp, et comme Nick n'est pas un saint (Il avait une maîtresse depuis un an et demi déjà), la route va être longue, pénible et semée d'embûches...

S'il adopte certains aspects du thriller, tout en étant réalisé par un maitre du genre, Gone girl n'est pourtant pas vraiment un film policier, pas plus que la recherche de la solution à une énigme: ce qui est arrivé à Amy, on le sait très tôt dans le film... Alors je ne vais pas prendre de gants, si vous ne l'avez pas vu cessez immédiatement la lecture.

Maintenant qu'on est entre nous, rappelons donc qu'avant d'arriver à la moitié, Fincher rembobine. Donc, après nous avoir donné quelques bribes de flash-back impliquant Amy, permettant de se faire une idée sur la nature de l'écart entre les deux époux, qui avait en cinq ans de mariage pris des proportions impressionnantes, il passe de l'expression du point de vue de Nick (Ben Affleck, salement embêté d'avoir vu partir son épouse, même s'il admet qu'il ne l'aime plus, mais ne peut pas le dire publiquement à cause des soupçons qui pèsent sur lui) à celui d'Amy (Rosamund Pike), du moment où elle a pris la décision de simuler sa disparition en faisant tout pour accuser son mari, parce qu'elle a senti ce dernier lui échapper. Le mener à l'exécution devient pour elle la seule façon de reprendre définitivement la main sur lui... Le spectateur se voit donc face à une série de batailles, entre Nick et le reste du monde, sous l'arbitrage de la presse et de la justice d'une part, entre Amy et elle-même, car si elle a tout quitté en faisant tout pour accuser son mari, elle envisage aussi de se supprimer pour achever de le confondre. Il est donc question de manipulation, d'un genre particulièrement tortueux, et de gens qui vont utiliser les apparences à des fins personnelles: utiliser les médias (D'une simple annonce de disparition locale orchestrée par la famille d'Amy, à la couverture nationale de la disparition par la presse écrite), la télévision (Y compris et en particulier la plus crapuleuse) et internet; mais aussi anticiper et utiliser les réactions de la presse, de la justice... Le but étant de modifier durablement dans l'esprit des gens l'image de celle qui n'est plus là afin de laisser les conséquences accuser Nick. Rosamund Pike est extraordinaire, dans un rôle fabuleux de manipulatrice aguerrie, maladive, qui cherche justement dans son mariage des apparences qui lui conviennent. Et la société Américaine qui est peinte par le film s'accommode semble-t-il fort bien de l'existence d'un tel monstre: tous, le public, les policiers, les journalistes, les avocats, trouveront leur place dans l'orchestration.

On comprend un peu les accusations des féministes qui ont décelé ici une sorte de misogynie, à travers cette femme qui finit par ne plus exister à force de jouer sur les apparences, mais rappelons que pour Amy, le ver était dans le fruit dès le début, dès la création par ses parents d'une double de papier qui vivait tout ce à quoi elle échappait, qui était systématiquement une version améliorée et sublimée d'elle-même, la condamnant à vivre dans l'ombre de son double fictif... et donc à surfer en permanence sur les apparences. Un dispositif qui, dans le film comme dans le roman de Gillian Flynn (c'est d'ailleurs elle qui a signé le script de ce film) permet de montrer le destin d'une femme qui apprend dès le départ à contrôler l'image faussée que les gens ont d'elle. Mais le film est aussi et surtout magistral dans sa façon de montrer les mécanismes de la propagation de l'information, et son effet sur le public. Dans une scène, Nick et son avocat préparent une communication pour annoncer les infidélités du héros au public, et se font doubler par les parents d'Amy et la maîtresse, qui ont rendu l'info publique quelques minutes avant l'émission... Comme Fincher aime compliquer la tâche de ses personnages, il a du particulièrement apprécier le scénario de Gillian Flynn, qui va mettre des bâtons dans le roues de Nick, ça on l'a compris, mais qui va aussi saupoudrer de délicieux imprévus le parcours pourtant pensé dans ses moindres détails de la "merveilleuse Amy", pour reprendre le nom donné à la créature fictive de ses parents.

Et fidèle à ses habitudes (Tous ses films ou presque depuis Seven obéissent à cette structure), Fincher se dirige non vers une fin mais vers une ouverture béante, faisant de Gone Girl le point de départ d'une ironique spirale du mensonge et de la manipulation, qui nous rappelle que Fincher s'est trouvé, le temps de deux épisodes, comme un poisson dans l'eau à travailler pour House of cards, la splendide série qui dissèque les rouages de la communication et de la conquête du pouvoir dans la politique Américaine contemporaine. Un flirt avec la télévision qui pourrait bien mener l'auteur à se consacrer de façon définitive à ce média... Alors profitons bien de Gone girl, l'un des films les plus jouissifs et riches de David Fincher.

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Published by François Massarelli - dans David Fincher
25 janvier 2015 7 25 /01 /janvier /2015 18:28
Batman returns (Tim Burton, 1992)

Batman, le film qui a installé Burton, était une somme de compromis. le retour du metteur en scène à cette saga sera, cette fois, un film très personnel. On se réjouit bien sur que Burton ait de nouveau fait appel à Michael Keaton pour ce deuxième et dernier opus, mais celui-ci est désormais en retrait, car Batman returns est essentiellement le film dans lequel l'homme-chauve-souris va devoir partager la vedette avec l'homme-pingouin (Danny De Vito), la femme-chat (Michelle Pfeiffer) et l'ignoble Max Schreck (Christopher Walken), un humain à 100 % celui-ci, mais cela ne va pas le rendre plus sympathique pour autant... Exit l'intrigue amoureuse du premier film, Kim Basinger n'était sans doute pas disponible, mais cela va justement servir les desseins de Burton, qui va incorporer cette absence dans la nouvelle intrigue.

A Gotham City, on fait la connaissance de Max Schreck, l'homme qui tient les clés du pouvoir dans ses mains, parce qu'il est à la fois le plus riche et le plus corrompu. Mais il est un jour enlevé par "Le Pingouin", un homme qui a grandi dans les égouts, et a été élevé par ces grands oiseaux sans ailes qui viennent du froid, et qui vivent à l'écart dans le parc zoologique de la ville. Abandonné par ses parents à l'age d'un an parce qu'il leur faisait peur, le Pingouin voue une haine farouche aux hommes. Schreck, qui n'est pas à un compromis crapuleux près, s'en sort en promettant à l'abominable et difforme petit homme un retour triomphal à la surface... Pendant ce temps, une secrétaire de Schreck, Selina kyle, découvre les agissements malhonnêtes de son patron. Il tente de la supprimer, mais elle survit. De son existence à l'écart des gens heureux, la petite secrétaire va émerger en féline vengeresse, et rentrer à sa façon, très personnelle, dans la lutte pour redresser les torts faits aux femmes, mais toutes griffes dehors. Et Batman, quant à lui, tente de panser ses plaies, suite au départ de Vicki Vale, qui ne supportait plus la double vie de Bruce Wayne-Batman. Sa rencontre avec Selina, transformée par sa nouvelle vie, va faire des étincelles...

Un héros, trois étranges destins, et une fripouille, c'est le bestiaire proposé dans ce film baroque et pour lequel il est clair que Burton fait ce qu'il veut. Il a pu construire un Gotham City glorieusement factice, et ce film va être l'occasion pour lui de tout casser avec une énergie impressionnante. et surtout, en multipliant les créatures, le film redéfinit tout l'univers d'un super-héros. d'une part, comment il vit: Entre le choix implicite de Bruce Wayne, à la fois de se retirer du monde et d'en surveiller les agissements afin de lutter contre le crime, la soudaine réalisation par Selina qu'elle est Catwoman, et le traumatisme vécu dans sa plus tendre enfance par le Pingouin, qui fait de lui un être repoussant qui n'aura de cesse de clamer son identité et sa non-humanité, il y a ici une richesse thématique qui dépasse de très loin les babutiements du premier film. D'autre part, dans le comportement différent des trois créatures, Burton examine les possibilités qui s'ofrent à des êtres d'exception, qu'ils soient Superman ou Lex Luthor: l'un (Batman) choisit la lutte contre le mal, l'autre (Pingouin) la lutte contre l'humanité, et au milieu, Catwoman choisit... la vengeance personnelle, le coup de griffe, et la colère permanente. Pourtant la femme-chat et l'homme-chauve-souris vont pouvoir tenter un rapprochement, mais la nouvelle identité de Selina la prive lentement de son humanité, et elle glisse, lentement mais surement, vers son identité de chatte... Et Max Schreck ne se contente pas de compter les points, identifié comme étant l'essence même du crime dès le début du film.

Keaton est excellent, d'un jeu contenu. De Vito peut s'en donner à coeur joie et ne se prive pas, et Michelle Pfeiffer s'amuse beaucoup dans toutes les facettes de son personnage à neuf vies... Mais, et on ne s'en étonnera pas, Christopher Walken est merveilleux, à l'aise en toute circonstances comme toujours. Le jeu outré que Burton demande à ses acteurs (Sauf Keaton, bien sur) glisse sur lui comme un second naturel, et sa froideur nous rappelle qu'il n'a pas été nommé au hasard, Max Schreck était rappelons-le l'acteur qui a composé le personnage inquiétant et horrifique du Nosferatu de Murnau. Autre allusion à l'horreur muette, une apparition lors d'un bal costumé de la Mort rouge, le costume porté par Lon chaney dans le bal en Technicolor de The Phantom of the opera, de Rupert Julian (1925): un clin d'oeil qui n'a rien de gratuit, car si Catwoman tend à s'élever vers les toits en bonne chatte de gouttière, il n'empêche que l'essentiel du film suit un mouvement amorcé dès le prologue, vers le sous-sol, comme le fantôme de l'opéra qui quitte la surface pour se rendre sous Paris: vers les égouts, aux tréfonds de la ville, là ou vit le Pingouin, là ou il va entrainer les trois autres, là ou deux d'entre eux mourront, et un troisième révèlera son identité. Batman démasqué, on s'en doute, c'est une façon pour Burton de dire adieu au personnage. il le fait avec un film grandiose, baroque, déraisonnable et particulièrment réussi, qui va (temporairement?) fermer le chapitre le plus baroque de sa carrière.

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton
24 janvier 2015 6 24 /01 /janvier /2015 08:41
Mars attacks! (Tim Burton, 1996)

Un malentendu; voilà le fin mot concernant Mars attacks!, ce qu'on en attendait, ce qu'on imaginait qu'il serait, et la déception généralisée mais relative du public et de la critique à son égard. Mais comment aurait-il pu en être autrement? Le film s'est construit sur deux bases: d'une part, l'adaptation de la série de cartes du même nom, disponible en 1962, et qui faisait envie à certains réalisateurs et producteurs depuis 1985. Alex Cox était le premier a avoir eu l'idée de tourner un film à partir de cette étrange collection de cartes graphiques représentant surtout de l'horreur bien sadique... Jonathan Gems, scénariste, avait donc repris le concept, et écrit un traitement en 1993. Il a proposé le film à Burton en 1993, alors que celui-ci, devenu intouchable, finissait Ed Wood. D'autre part, Tim Burton, qui ne faisait pas mystère de son gout pour la science-fiction à l'ancienne, y compris les films les plus douteux ou les plus ringardisés, avait depuis longtemps l'envie de prolonger sa filmographie d'une incursion parodique dans le domaine de l'attaque d'extra-terrestres méchants, avec explosions, destruction massive, et surtout un puissant second degré... Avec le succès public de ses films de Beetlejuice à Batman returns, Tim Burton est un metteur en scène à suivre, auquel la Warner va donner un budget conséquent; et avec la sortie d'Ed Wood, la critique enfin conquise atend de pied ferme le nouveau film du jeune prodige de Burbank... Surtout que sort en 1996 un film qui va faire du bruit et remettre au gout du jour le concept d'attaque massive de martiens méchants, le très pesant, quasi teutonique et immensément crétinissime Independence Day.

Mais revenons à Tim Burton: le succès a parfois un revers de la médaille: un metteur en scène comme Burton peut effectivement bénéficier de moyens, et se permettre des ambitions sur un film comme Ed Wood, Big Fish ou Charlie and the chocolate factory; mais si l'idée de base est de rendre hommage à des nanars, des films qu'on ne regarderait plus qu'en se cachant, et dès le départ tout en se livrant à quelques piques à l'égard du gros film de l'année, les ambitions parodiques de Burton vont se heurter à la conception du "toujours plus" qui prévaut quand à Hollywood on laisse les studios sentir le vent... Sorti en 1996 aux Etats-unis, le film Mars Attacks! déçoit terriblement: les uns attendent un jeu de massacre sans foi ni loi, qui forcément sera impertinent et mal élevé, et ils sont déçus car la parodie, absolument impossible à prendre au sérieux, domine largement, avec une absurdité généralisée dans l'intrigue. Et les autres qui prennent le film au premier degré (Oui, je sais, c'est incroyable, mais comment expliquer autrement le succès des films de Michael Bay ou Roland Emmerich?) s'offusquent de voir les martiens s'amuser à tout casser, y compris le président des Etats-Unis se faire dessouder comme un malpropre au terme d'un mandat surtout marqué par des décisions toutes plus stupides les unes que les autres. Donc, Mars attacks! déçoit, on dit que Burton s'est planté, et on attend de pied ferme la relève.

Pourtant, piégé dans un projet qu'il ne voulait pas rendre pharaonique, Burton s'est défendu! Il a réussi à imposer à la production un compromis sur le design des martiens. Lui voulait les animer en stop-motion, afin de mettre l'accent sur le côté factice, et renvoyer au système D de la science-fiction des années 50; le studio voulait de la 3D hyperréaliste (Du moins celle à laquelle on pouvait prétendre à l'époque de Jurassic Park). Le compromis, bien sur, est dans le film représenté par l'idée de tourner les scènes d'animation en 3D stylisée... Avec des formes rondes, des soucoupes flambant neuves, des aliens à grosses têtes de squelette et cerveau apparent. Et l'un des apports essentiels de Jonathan Gems est de structurer le script comme un film catastrophe, avec le casting de luxe qui est inévitable au genre: Burton bénéficie donc d'un groupe conséquent d'acteurs de premier plan: Jack Nicholson, Annette Bening, Glenn Close, Jim Brown, Pam Grier, Danny de Vito, Michael J. Fox, Pierce Brosnan, Sarah Jessica Parker, Martin Short, et Rod Steiger vont donc être les protagonistes du jeu de massacre, aidés par un ensemble de jeunes talents (Lukas Haas, Natalie Portman, Jack Black, Christina Applegate) et quelques cins d'oeil: Sylvia Sidney (Beetlejuice) sort de sa retraite pour interpréter la petite vieille dame qui sauve le monde sans vraiment s'en apercevoir, Lisa Marie (Mrs Burton depuis Ed Wood) va jouer l'inaccessible et étrange beauté venue d'ailleurs d'une scène parmi les plus typiques du film, et Tom Jones, le chanteur Gallois qui travaille à Las Vegas, va interpéter Tom Jones, chanteur Gallois qui travaile à Las Vegas. Et un gros casting dans un film catastrophe, ça veur dire qu'il va falloir permettre à chaque personnage une exposiion valide. C'est un des aspects les moins réussis du film, cette introduction de 20 minutes qui donne surtout l'impression de tourner à vide... Mais c'est aussi une tradition de ce genre de films.

Une fois les martiens arrivés (Dans une scène exemplaire, frontale, et qui bénéficie de l'impeccabilité du style sans fioritures de Burton en matière de montage, rythme et déplacement de caméra), le jeu de massacre commence et ne s'arrête plus. On oscille ensuite entre des batailles meurtrières avec moult bruitages idiots, et des scènes de conciliabule, faites d'une grosse dose de clichés pleinement assumés: par exemple, un scientifique lève les yeux au ciel après avoir examiné un martien, et assène, l'air grave: "ils respirent de l'azote!". Ou encore, les héros (Ou d'autres personnages moins héroïques) qui meurent tous en prononçant de malencontreuses dernières paroles: un général belliciste va mourir après avoir fourni une involontaire parodie d'un fameux discours de Winston Churchill, le président Américain qui propose l'amitié entre les peuples, un soldat (Jack Black) qui a droit à deux dernières répiques: le martial "Die, you alien piece of shit", suivi du moins glorieux, mais très réaliste "I surrender!"... Ma préférence va à Glenn Close, la 'first lady' des Etats-Unis, qui meurt en prononçant ces mots, désignant l'objet responsable de son trépas, qui lui est tombé dessus lors d'une attaque de martiens sur la maison blanche: "Le chandelier de Nancy Reagan!" Les humains se révèlent, face à la mort, face aux martiens, comme ce qu'ils sont, soit des minables, et c'est bien ce nihilisme qui pose problème à certains... Difficile de s'y retrouver, voire de s'identifier à ces personnages, pour le grand public. Pourtant une comparaison avec d'autres films de Burton, Edward Scissorhands en tête, révèle le même dispositif: les "gens normaux" dans ses films, ne sont pas des héros. le mot lui-même est irritant: pourquoi faut-il des héros? L'un des avantage de ce film est de poser la question: a-t-on vraiment besoin de comportements exemplaires dans un film? Ici, le metteur en scène flingue tous ses héros, privilégie les préoccupations personnelles: c'est parce qu'il veut sauver sa grand-mère qu'il aime que Riche Norris va par hasard découvrir comment tuer les martiens massivement, pas dans le but expressément assumé de sauver le monde; mais il ne lèvera pas le petit doigt pour assiter ses parents qui se font massacrer dans son dos; tous ceux ou presque qui s'en sortent dans le film le font d'abord parce qu'ils sauvent leur propre peau. D'autres survivent parce qu'ils sont à l'écart: Tom Jones, prisonnier de Las Vegas, Taffy Dale, qui survit à son président de père, est une sorte de reprise du personnage de Winona Ryder dans Beetlejuice: une ado à part, nihiliste et blasée. Florence Norris est atteinte d'Alzheimer, et Byron, boxeur lessivé qui décide de retourner à sa famille coûte que coûte, est lui aussi un paria. Mais cette fois-ci, Burton, qui a si souvent représenté des personnages à part, qu'ils soient gothiques (Le Pingouin, Max Schreck, Beetlejuice, Vampira), retirés du monde (Bruce Wayne, Bela Lugosi), ados en crise (Winona Ryder, là encore, dans ses deux rôles, a montré la voie) ou de simples benêts gauches et mal adaptés, tend ici à s'auto-parodier avec le 'donutophile' Richie, interprété par ce grand échalas de Lukas Haas, qui a bien grandi depuis le film Witness. Cette auto-parodie est parfois gênante, bien sur. Mais elle reviendra si souvent qu'on peut sans doute la mettre sur le compte du style...

Restet à régler le cas d'un prétendu message: dans ce film, semble passer en effet une sorte de tendance à pointer du doigt les politiciens (Le président Dale et son éternelle incapacité, il fait penser à un Jimmy Carter en pire), les décideurs (Donald Kessler, professeur et "je-sais-tout" horripilant qui fume en permanence la pipe, comme tout scientifique le faisait dans les films des années 50), l'armée (Deux généraux, un pacifiste et un belliciste, qui s'avèrent tous les deux être d'affreux crétins, ce qui bien sur me fait plaisir à titre personnel), la presse (Un couple de présentateurs-vedettes de la télévision, se fait une compétition farouche, alors que lui est un journaliste de premier plan, et elle une spécialiste de la mode)... Il renvoie dos à dos le président Dale, et un homme d'affaires véreux et vulgaire (Il habite las Vegas et y fait la loi, c'est dire) en les faisant tous deux interpréter par Jack Nicholson: en mode contenu pour le président, en Joker habité par l'esprit de Jack 'The Shining' Torrance pour l'incroyablement vulgaire Art Dale. Cette charge anti-capital, anti-politique, anti-tout, ne tient pas la route... si on la prend au sérieux. Mais Burton voulait tellement faire son film 'à la manière de...' qu'il n'a pas résisté à la perche tendue par le scénario. Donc comme les films des années 50 dissimulaient à peine un message (Gébéralement furieusement anti-communiste), Gems et Burton se sont payé les fiole des paraboles politiques des années 70, avec un plaisir gourmand.

Et du coup, en laissant les martiens ariver sur terre, et tout casser (Mais alors, tout!!), ils ont un peu laissé l'impression d'avoir choisi plutôt de s'identifier à ces sales bestioles, ce que montre à coup sur la réaction de Sylvia Sydney-Florence Norris devant sa télévision lorsque les martiens tuent toute la représentation nationale, donc Sénateurs et Représentants, d'un seul coup: elle se marre, et elle sait pourquoi: "They blew up Congress!", ils ont fait sauter le Congrès... Ce n'est pas du meilleur gout, certes, ça a fait grincer quelques dents, mais là encore, il ne faut pas le prendre au premier degré: Burton et la politique? Voyez ses autres films, les politiques n'y sont jamais qu'une caricature fonctionnelle, du vent. Ils n'ont aucun intérêt. Donc on pardonnera à Tim Burton d'avoir choisi de s'incarner dans d'horribles sales bêtes qui respirent de l'azote, viennent sur terre (Pourquoi? Pour tout casser bien sur) et détruisent tout ce qui est sacré, avant de mourir stupidement parce qu'ils ne supportent pas le yodel d'un obscur chanteur de pop country des années 40. L'Amérique triomphe toujours? Disons que son mauvais gout à la peau dure... Donc ce bilan, forcément mitigé, d'une blague cinématographique soudain étalée sous les projecteurs à cause d'un budget gonflé au-delà du raisonnable, aurait pu être bien pire, et pour l'avoir vu une dizaine de fois, j'en vois toujours les coutures, mais j'y prends toujours du plaisir... C'est déjà ça, non?

Mars attacks! (Tim Burton, 1996)
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Published by François Massarelli - dans Tim Burton
18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 10:10

Dans le Vermont en 1959, Welton Academy, une école très rigoriste et conservatrice accueille sa nouvelle promo. Les jeunes, en uniformes, assistent avec leurs parents à une cérémonie d'ouverture de l'année scolaire, menée par le principal, Mr Nolan (Norman Lloyd), mettant en particulier l'accent sur les traditions immuables d'une école désormais centenaire, et à l'impressionnant pedigree, et sur les "quatre piliers" qui la soutiennent: la tradition, l'honneur, la discipline et l'excellence. On fait rapidement la connaissance de quelques jeunes hommes dont un nouveau (Ethan Hawke), timide, effacé, et pour tout dire peu enclin à s'assumer avec fierté. Les autres (Dont Neil Perry, interprété par Robert Sean Leonard) vont vite l'intégrer, dans un groupe de jeunes gens qui, une fois les adultes partis, sont un peu moins laudatifs au sujet de leur école, dont les rigueurs et le climat trop disciplinaire les ont poussés à reprendre le surnom traditionnel de l'établissement 'Hellton'.

C'est dans ce contexte que les jeunes hommes vont faire la connaissance d'un autre nouveau venu, John Keating (Robin Williams), un professeur de lettres qui va leur enseigner la poésie. Ancien de Welton (Il en connait lui aussi le surnom), il a transité par la Grande-Bretagne avant de revenir au bercail pour y faire ce qu'il aime tant: enseigner. Il va s'avérer très vite étrange, erratique, tout sauf traditionnel, et va donner à certains une envie irrationnelle de repousser les frontières de leur apprentissage en s'investissant vraiment dans la poésie, l'art et la recherche hédoniste mais constructive du plaisir bohémien. Autant dire que le clash est inévitable: entre les jeunes et leur hiérarchie, entre les jeunes et leurs parents, mais aussi entre Keating et les autres adultes...

Il est troublant de mettre dos à dos Dead Poets society et Picnic at Hanging Rock: les deux films de Weir prennent pour point de départ une institution rigoriste dans un cadre corseté, le Vermont de 1959 dans l'un apporte ici un écho à l'Australie Victorienne de l'autre.Tous ces jeunes gens, les filles de Hanging Rock comme les garçons de Welton, n'ont besoin que d'une étincelle pour aller voir ailleurs, et cette étincelle dans Dead poets Society, est bien sur John Keating. On le sait maintenant, ce rôle est le meilleur de Robin Williams, celui dans lequel il aura su faire la part entre ses débordements et la nécessité d'une interprétation complexe et intérieure. A la fin du film, Keating ne nous est pas vraiment familier, il reste celui qu'ont vu, rencontré, aimé ou détesté ses élèves, et on n'en saura pas plus; car le film parle essentiellement d'eux... Et à travers eux, de la capacité de l'être humain à trouver sa part de liberté, comme tant d'autres oeuvres de Weir: les jeunes filles qui disparaissent à Hanging Rock, happées dans la sensualité terrienne de l'Australie de toujours, les Amish de Witness, l'immigré Français à la recherche d'une Green Card, le personnage d'émission télévisée qui décide de briser ses chaines dans The Truman Show, le capitaine fuyant la monotonie de sa vie à terre dans Master and Commander, ou les prisonniers évadés du goulag dans The way back: tous ces personnages sont, consciemment ou non, en quête d'un idéal de liberté absolue qui leur accordera leur statut d'être humain... Et tous le font dans le cadre d'un choc, entre eux-mêmes, leur condition d'origine, et l'autre monde, représenté ici par John Keating et sa vision délirante et sensuelle de la poésie.

On a reproché au film, à sa sortie, une tendance à l'académisme, ce qui me semble déloyal et surtout absurde: le film, justement, est intégré dans le cadre rigoureux de Welton, et se déroule comme le feront plus tard les films de la saga Harry Potter sur une année scolaire. Le point de vue est celui des jeunes, qui se rebellent à peine, mais vont avoir le plus grand choc de leur vie à la rencontre de Keating. Mais celui-ci ne sera que l'élément déclencheur: c'est parce qu'ils le veulent bien que les jeunes lui piquent l'idée du "Dead Poets Society", le 'Cercle des poètes disparus', des rencontres nocturnes et clandestines, passées à fumer, boire, réciter de la poésie, jouer du saxophone, etc... Cette petite rébellion s'accompagne d'un éveil des possibilités: l'étudiant modèle destiné à prendre la voie fixée par ses parents, va se tourner vers le théâtre; le garçon amoureux de la copine d'un autre va tenter sa chance; l'étudiant timide va sortir de sa coquille... Welton devient enfin le théâtre d'un peu de vie et d'humanité, pour une brève période car tout à une fin... Et Weir de conclure son film sans plus de commentaires qu'une vision de dix jeunes hommes remerciant un professeur de les avoir ouverts à leur propre désir de liberté, en montant sur une table. Certes, la rébellion ici est légère, ne prête pas trop à conséquence et on sait que es jeunes en question vont tous finir médecins ou chefs d'entreprise... Mais en montrant cette petite poussée de révolte bon enfant, Peter Weir nous montre l'étincelle qui va peut-être faire de grandes choses, qui elles aussi auront une fin, mais qui est l'essence même de l'humanité. D'ailleurs, que deviendra Keating après Welton? Welton après Keating? Les jeunes garçons du film? Comme à Hanging Rock, comme avec The Truman Show, Weir ferme la porte sur ce qui va être une autre histoire, à laquelle nous n'avons pas le droit d'assister, car c'est la vie privée de ses personnages.

Dead Poets society (Peter Weir, 1989)
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Published by François Massarelli - dans Peter Weir
18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 10:06

Le film séminal de Browning et Chaney est un classique, certes, mais me semble correspondre à une idée pragmatique des dirigeants de la MGM, qui entamait alors sa production: Ils savaient qu'un film était désormais consommé en deux mois, et qu'après il ne servirait plus. Parce que ce film est fait strictement pour être vu une fois, jouant sur l'improbable, l'absurde et le choc. Il concerne un trio de forains-voleurs qui se dissimulent derrière une couverture incroyable: L'un d'entre eux (Lon Chaney) est ventriloque, et déguisé en vieille dame, il vend des perroquets qui ne parlent qu'en sa présence. Lorsque les riches clients se plaignent, il visite les lieux avec son complice, le nain Tweedledee (Harry Earles), se faisant passer pour un bébé. celui-ci profite de la confusion pour repérer les maisons, et ils reviennent et raflent les bijoux avec l'aide d'Hercule (Victor McLaglen, l'homme fort de la foire)...

Ca parait improbable. d'ailleurs, ça l'est: on peut quand même tiquer de voir une telle entreprise germer comme étant une idée de génie pour les trois malfaiteurs! Tout est donc dans l'effet produit, immédiat. N'analysez pas, donc... ne voyez pas le film trop souvent!

C'est du rêve, qui tourne parfois au cauchemar comme avec la présence de ce chimpanzé géant, qui menace de tuer tout ce qui bouge...Mais c'est surtout un film entièrement conçu comme un tour de passe-passe (Ce qui n'a rien d'étonnant quand on connait la carrière de Browning), avec sa fascinante vision sans concession des coulisses du spectacle, ce qui reviendra de film en film. Un film policier dont l'intrigue illogique ne résiste pas à la deuxième vision, mais qui dégage, Chaney oblige (Et il y a Mae Busch), une certaine poésie de l'étrange qui s'exprime, avec un certain humour en prime... Et le film a entamé une collaboration intéressante entre la star, le metteur en scène et le studio, donc il a, à sa façon, fait ses preuves... Et il y eut un remake parlant, réalisé par Jack Conway, mais ça c'est une autre histoire. Tout aussi improbable; tout aussi peu crédible.

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Published by François Massarelli - dans Tod Browning Lon Chaney Muet 1925 *
18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 09:40

Sur un lac de l'Arizona, les festivités hormonales et siliconées d'un spring break qui sannonce haut en température sont un peu gâchées par l'arrivée inopinée, suite à un tremblement de terre, d'une espèce de Piranha préhistorique qui avait jusqu'à présent survécu à l'écart, dans un lac souterrain. Ca va être la fête du poisson, et ils vont se servir un peu partout: les garçons et les filles décérébrés qui dansaient comme des crétins autour du lac, les vieux les jeunes, les baigneurs, pêcheurs, bronzeurs, géologues, pom-pom-girls, et y compris les skieurs nautiques, avec ou sans parachute. D'ailleurs, comment pouvez-vous prendre de la hauteur lorsqu'un groupe de piranhas affamés est en train de vous grignoter l'arrière-train? Toutes les figures du film d'horreur au second degré vont donc y passer...

Prenons de la hauteur nous aussi... Même pas un remake du film originel de 1978, réalisé avec trois euros et quatre centimes par le grand Joe Dante, ce nouvel effort est d'une impressionnante efficacité, en plus d'être un fascinant documentaire. Non sur les sales bêtes qui le peuplent (Et il y en a beaucoup, et demain ils seront des milliers, et ils ont faim, et ils mangent, if you see what I mean), non sur le spring break, cet abandon viscéral de toute humanité qui pousse l'étudiant Américain moyen à se déhancher comme un crétin en comptant les nichons siliconés autour de lui; non, le documentaire en question est plutôt consacré au genre, le film-de-bestiole-lâchée-en-plein-sur-un groupe-d'humains-qui-vont-tout-faire-pour-se-faire-bouffer. Aja ne rate aucune cible, est très complet, et ajoute même un certain nombre de nouvelles pistes à explorer pour l'avenir, comme les poches de silicone qui se détachent du squelette, ou la quéquette tellement indigeste qu'un piranha la recrache, avec ce que j'aime à interpréter comme un air de dégout.

Car non, mais comment eut-il pu en être autrement, ce film frontal et au pedigree flou (Métafilm ou exploitation, la frontière a été abolie) ne fait pas dans la dentelle, mais dégage une atmosphère de comédie qui a le bon gout de ne reculer devant rien. Bien sur, tout le monde y trouvera son compte, et certaines scènes du film tombent sans scrupules dans l'exploitation pure et simple, le ballet aquatique en tout premier lieu; les acteurs, conscients du second degré de l'ensemble, ne se privent pas non plus. Si les jeunes talents et les jeunes pousses (Au premier rang desquels Kelly Brooke, supermodèle qui a du talent, et pas qu'en 3D, et compose avec intelligence un personnage de superbimbo qui ressemble à l'image qu'elle est supposée véhiculer, je vous dis qu'on est dans le métafilm!!) font bien leur boulot en criant ou en agonisant au bon moment, on appréciera les présences de six acteurs de premier plan, qui semblent confirmer l'intérêt de l'entreprise: Ving Rhames, qui trouve un moyen certes polluant pour maigrir tout en se débarrassant d'un grand nombre de poissons mangeurs d'hommes; Elizabeth Shue, désormais maman, mais qui traine sa sexitude et un uniforme durant tout le film, lassée de devoir menotter tous les rednecks qui la draguent; Ricardo Chavira, en géologue lassé de s'enuyer à compter les cailloux, et qui est attiré par la foultitude de nichons alentours; Jerry O'Connell, qui en fait des tonnes, et qui a le rare privilège d'incarner un homme qui doit mourir en prononçant, par deux fois, les dernières paroles les plus nulles du monde: "The wet T-shirt contest!!"; Christopher Lloyd, en vieux propriétaire d'une boutique de poissons (Située à côté d'un lac d'eau douce, ce qui quelque part est d'une piquante absurdité...) qui mérite une mention spéciale tant son jeu est réjouissant à force d'être forcé, mais quand on connait le Doc Brown, on a l'habitude. Tous, pourtant, sont à mes yeux symboliquement eclipsés par la présence, dans l'ouverture du film, de Richard Dreyfuss, dont on rappelle qu'il était l'une des stars du film par lequel tout a commencé: non pas le Piranha de Dante, mais bien sur Jaws, de Spielberg. Eh bien, croyez-moi si vous le voulez, mais ici, il aurait bien eu besoin d'un plus gros bateau.

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Published by François Massarelli - dans Yum yum