Mario (Lido Manetti) entame ses études: il souhaite étudier le droit et se rend à Turin; il y trouve une chambre idéale pour vivre, tenue par une dame dont la fille Dorina (Maria Jacobini) est plus que charmante: les deux jeunes deviennent amoureux, jusqu'au jour où une dame sophistiquée (Helena Makowska) commence à attirer l'oeil de Mario...
A l'origine de ce film, il y a une pièce écrite par Nino Oxilia et Sandro Camaso. Une première adaptation a été réalisée vers 1911, qui est perdue, mais Oxilia, devenu metteur en scène, comptait bien en réaliser un remake. Son départ pour le front, puis sa mort en 1917 l'en ont empêché. C'est donc le co-adaptateur Augusto Genina qui a été désigné réalisateur...
Et c'est une belle surprise. Le film se départit rarement de son ton indubitablement tourné vers la comédie, et utilise au maximum les décors de Turin, beaucoup de scènes ont d'ailleurs été tournées en pleine rue, mais aussi dans des cages d'escalier qui sonnent particulièrement véridiques! Le cinéma Italien a entamé sa grande mutation, et désormais l'heure n'est plus aux divas et aux femmes fatales: c'est la leçon de ce film, qui comme si souvent à l'époque du muet, oppose deux femmes, la mystérieuse Elena et la douce Dorina, cette dernière opposant à la fois son bon sens et sa joie de vivre à la froideur manipulatrice de sa rivale. Mais si cette dernière reste volontairement esquissée (elle en devient une ombre, une fatalité qui retournera vers le néant à la fin du film), on est ébahi du jeu tout en invention permanente de Maria Jacobini qui souvent porte le film à bout de bras. Du coup, c'est son point de vue qui prime...
Le titre est d'ailleurs à double sens: certes, le passage de Mario, qui achève ses études et devient un avocat promis à un bel avenir à la fin, est un peu le baroud d'honneur de sa jeunesse, mais on pense plus volontiers au sacrifice que Dorina fait, elle qui comprend qu'elle ne verra plus jamais l'homme qui a failli la trahir... Dans la joie ou l'amertume, Jacobini est solaire, nuancée, et son visage est un festival d'expressions, qui nous font regretter que si peu de ses films aient survécu.
La vie et la mort de l'extravagant Louis II (Wilhelm Dieterle), un roi qui cédait volontiers à ses impulsions, mais artistiques, financières et affectives... Ses combats contre les financiers de son petit royaume, son face à face avec une cour déterminée à lui mener la vie dure...
Le sujet passionnait Dieterle, qui se rêvait en souverain excentrique, romantique à souhait, erratique et isolé. Pas de surprise sans doute si on considère que l'un des films précédents majeurs du réalisateur, Geschlecht in Fesseln, était consacré à l'isolement affectif, là encore, d'un homme qui revenait de prison, où il était tombé amoureux d'un co-détenu... Mais là où son héros risquait effectivement la condamnation dans une législation qui en Allemagne ne lésinait pas sur l'oppression des gays, son nouveau héros est un paria face à l'histoire, et qui plus est elle est assez récente. Et ça joue de façon spectaculaire contre le film...
...Car en prenant à bras-le-corps cette intrigue, Dieterle la réalise pour le peuple Allemand, et attend de son public qu'il en sache suffisamment. Il a conçu son personnage de l'intérieur, et par bien des côtés Ludwig se comporte en metteur en scène, dans ses obsessions extravagantes, de construire des châteaux et des mausolées, pleurant Wagner un jour et sa mère le lendemain... Mais aujourd'hui, difficile d'entrer dans un film exigeant, dont l'essentiel est dans des non-dits extrêmement difficiles à décrypter... Ou tout simplement profondément ennuyeux. A moins que ce ne soit les deux hypothèses...
Schenstrom et Madsen ont trouvé un coin de paradis, une plage sur laquelle ils essayent de séduire des baigneuses... Ils se font une amie, Mona, dont ils sont tous deux amoureux. Mais ils sont rattrapés par le service mirlitaire! Sommés de rejoindre leur base, ils vont se retrouver en cantonnement dans une ferme qui est tenue... par la tante de Mona:le monde est petit...
Ca manquait, sans doute, à leur panoplie: ceux qu'on connaît ici sous le nom de Doublepatte et Patachon ont, en effet, été minotiers, artificiers, acteurs, politiciens, photographes, vagabonds, maîtres de danse, voire Quichotte et Panza, mais jamais soldats, à une époque où a tradition du comique troupier était encore vivace: la même année, Maurice Tourneur sortait Les gaietés de l'escadron d'après Courteline... Mais ce n'est pas le meilleur du film, pourtant.
Non, le meilleur ce sont les dix premières minutes, qui voient les deux héros rivaliser d'ingéniosité bizarre pour se faire une place sur le sable: cet univers reste celui auquel ils revenaient toujours, avec Lau Lauritzen qui reste de toute évidence le meilleur metteur en scène qui ait pu travailler avec eux, ou en tout cas celui qui les comprenait le mieux, leur laissait mener leurs personnages à leur guise, et ne cherchait pas à les diriger plus que nécessaire...
Ce film très moyen est le dernier muet du trio, un film muet tardif: seuls quelques pays, à l'est de l'Europe (l'URSS, la chine et le Japon notamment) pratiquaient encore l'art de la pantomime au cinéma. Et comme d'autres, Carl Schenstrom et Harald Madsen vont être à jamais assimilé à cette merveilleuse période du cinéma mondial. Y compris avec des films parfois médiocres, ce qui st clairement le cas de ce long métrage...
Don Quichotte de la Mancha a lu, beaucoup lu, et principalement des romans de chevalerie. A tel point que ça lui est carrément monté à la tête, et il est donc parti en quête d'aventures... le problème c'est qu'il est vieux, et , on l'aura compris, fou. Aidé, plus ou moins, de son écuyer Sancho Panza, il parcourt les routes à la recherche de rencontres guerrières. Et quand il ne trouve rien, eh bien! ...L'imagination débordante du vieil homme fait le reste... Mais bientôt, le légende se répand, et les deux hommes deviennent la cible des moqueries...
Carl Schenstrom et Harald Madsen, alias Fy og Bi au Danemark, étaient mieux connus sous le nom hallucinant (mais justifié) de Doublepatte et Patachon en France, ils étaient Pat und Patachon en Allemagne ou encore Long and Short dans les pays Anglophones. Leurs films souvent réalisés par Lau Lauritzen (Senior) sont encore aussi populaires en Scandinavie que le sont Laurel et Hardy aux Etats-Unis, pour situer.
Pourtant ce film très ambitieux est à part: clairement, il n'a pas été tourné au Danemark mais bien en Espagne, et très peu de concessions apparentes ont été faites aux deux personnages habituels de Schenstrom (Qui interprète un Quichotte très convaincant avec sa silhouette de géant filiforme) et Madsen (Qui prête à Sancho sa rondeur et sa petite taille). Et surtout pour ce dernier, le personnage de Sancho Panza est très éloigné des emplois habituels de clown lunaire lent et timide du comédien. Sancho est roublard, calculateur, dédié aux plaisirs... Juste, peut-on faire remarquer, il est quand même un peu naïf, surtout lorsqu'un canular pendable lui est joué, afin de lui faire croire qu'il est gouverneur d'une île.
Ce film, qu'on peut enfin voir entier (voir plus bas) est une fascinante entreprise: il s'agissait pour Lauritzen de faire une adaptation stricte de la tragi-comédie de Cervantès, avec deux comiques dans les rôles principaux; et en plus, comme c'est le seul film dans lequel on ne reconnaisse pas le maquillage traditionnel des deux comédiens Schenstrom et Madsen, c'était un risque commercial certain; mais l'idée de décalage entre un monde qui tourne dans un sens et deux hommes qui tournent dans l'autre (Surtout Quichotte, cette fois c'est Schenstrom qui est le plus à part !) est somme toute présente dans le film.
Reste quand même une interrogation: qu'est-ce qui a bien pu pousser dans cette direction Lauritzen, metteur en scène et producteur d'une série de films de comédie qui, s'ils n'ont sans doute pas révolutionné le médium, ont quand même provoqué un succès considérable pour lui et ses interprètes, l'excellente fortune de la Palladium, et même une réputation très enviable de poule aux oeufs d'or pour la scénariste et productrice Alice O'Fredericks? Le film est ambitieux, soigné même, l'intrigue du roman y est respectée, les personnages en sont bien définis, surtout bien sûr Quichotte et Panza, mais aussi les deux chevaliers ennemis d'une intrigue secondaire, deux beaux jeunes hommes comme il y en avait toujours pour "seconder" les héros joués par Schenstrom et Madsen, mais cette fois dans des personnages tangibles et riches... La photo de Julius Jaenzon, confrontée à l'aridité Espagnole, est d'une luminosité exceptionnelle, et les décors souvent printaniers nous rappellent que nous sommes entre les mains de maîtres Danois. Les deux acteurs principaux sont absolument géniaux mais ça on le savait déjà!
...Et pourtant le film est réussi mais sans plus. Lauritzen a soigné sa partition, bien utilisé les décors existants, et bichonné ses effets spéciaux: la scène mythique des moulins, par exemple, donne lieu dans cette version à une visualisation très baroque des « monstres » et géants aperçus par le vieux chevalier fou... Il manque à cette superproduction un peu austère la gentille folie douce habituelle des films du duo, et dans ce contexte le ton du film, de la romance picaresque jusqu'à l'inévitable tragédie, on débouche sur une version soignée d'un grand roman, qui se cantonne à une sagesse embarrassante. Fallait-il absolument, pour exister, que les deux clowns et leur metteur en scène prouvent une bonne fois pour toutes que oui, ils pouvaient aussi faire un film sérieux, ou un "grand sujet"?
Pendant des années, on ne pouvait voir de ce film que des extraits diffusés dans le cadre d'une série télévisée Allemande qui recyclait les longs métrages du duo; de ces dix bobines (soit 135 minutes à 20 images par seconde), il nous restait 48 minutes en tout, dénuées d'intertitres, et remontées afin de donner une idée du film plus qu'autre chose. Le remontage avait été fait afin de privilégier la comédie, mais le début était à peu près intact. La seconde intrigue, qui voit se développer une trahison chez d'authentiques chevaliers, qui vont ensuite être authentiquement aidés par Quichotte et Panza, ne mettait pas suffisamment les deux stars en valeur et avait été tout bonnement supprimée. Maintenant, le Danske Filminstitut a enfin rendu publique sa version restaurée (un tirage soigné, mais aux marques du temps bien visible) de la version intégrale, disponible pour l'heure sur Vimeo (mais pas pour longtemps), et bientôt sur le site Stumfilm du DFI, où il sera visible en permanence, comme la digne pièce de musée qu'il est enfin.
Film hallucinant, The blue bird est un conte, pour enfants, certes, mais le merveilleux est sans doute une affaire trop sérieuse pour la laisser à n’importe qui, alors Tourneur a tout fait pour éviter les pièges de ce genre de film: voir à ce sujet les tentatives contemporaines, comme la série des films autour du Magicien d’Oz, vers 1914/1915, ou encore le Alice de 1915, ces films qu’on peut consulter, sont tous tellement irritants à regarder dans leurs choix esthétiques, leur gaucherie et leur vulgarité (les gestes, plus frénétiques encore que chez Sennett) qu’on accueillera avec d’autant plus de satisfaction ce film au rythme délicat et aux images composées avec soin, qui conte la quête merveilleuse de l’oiseau bleu par deux enfants qui partagent un rêve baroque.
Alors, après, on aime ou pas, mais force est de constater que l’esthétique de ce film, forgée de film en film par Tourneur et augmentée de belles idées rendues possibles par l’irréalité de son sujet (Des silhouettes de gens en carton –pâte, des décors effectivement nus, dont on voit aussi bien le sol, que les murs, l’utilisation de surimpressions, etc) tient encore la route.
Néanmoins, cela restera une expérience unique, Tourneur revenant ensuite à plus de réalisme dans les films suivants. A ce propos, un nouveau clin d’œil adulte dans ce film: lorsqu’au début de leur rêve les enfants partent après une discussion avec les fées, animaux et ustensiles qui les accompagneront dans leur périple, les parents qui ont entendu un bruit se lèvent, font une tournée d’inspection, puis se recouchent rassurés: Tourneur nous montre alors les deux enfants que nous venons de voir partir, dans leur lit, profondément endormis.
La vie de Jésus, présentée à travers des tableaux élaborés, de l'arrivée de ses parents à Bethléem jusqu'à la résurrection, en passant par tous les événements marquants... C'est une compilation très propre sur elle, visant autant à l'édification des masses sous l'égide de la bonne morale catholique, la seule qui vaille pour Léon Gaumont, qu'une tentative consciente et militante de montrer et démontrer la puissance du cinéma... D'ailleurs, c'est le premier film de long métrage (in extremis, mais l'intention est là) réalisé en France, et une fois de plus Alice Guy est à la manoeuvre...
Et c'est aussi, de façon importante, la base d'une injustice profonde: parmi les assistants de mademoiselle Alice, il y avait un futur cinéaste, ce qui a permis à de nombreux soi-disant historiens dont le toujours approximatif George Sadoul, de se dépêcher d'enlever tout crédit à Alice Guy. Et comme ce genre d'injustice stupide est toujours vouée à faire école, le film est présenté aujourd'hui par Gaumont sous le double patronage de sa vraie réalisatrice, et de son assistant. A ce régime-là, si vous voulez, je parlerai bientôt de La ruée vers l'or (1925) d'Henry D'abbadie D'arrast, ou des Nouveaux Messieurs (1928) de Marcel Carné... Je vous laisse bien sûr le soin de chercher le nom du réalisateur que les imbéciles ont décidé de promouvoir afin d'éviter qu'une grande première soit considérée comme l'oeuvre d'une femme.
Blague à part, le film n'est sans doute pas folichon, mais c'est quand même, à sa façon, une grande date...
Le miroir aux alouettes: Holywood et le cinéma Américain n'ont pas attendu très longtemps avant de s'auto-représenter, et par exemple en Californie, à la Keystone, dès les années 10 le pli était pris. Plus loin vers l'Est, dans les studios de Fort Lee où on résistait encore à la tentation de l'exil vers le Pacifique, Maurice Tourneur a mis en chantier cette petite comédie avec Doris Kenyon, où une jeune femme de la campagne est repérée lors d'un tournage en extérieurs par l'acteur principal d'une série de westerns... Kenneth Driscoll (Robert Warwick) est vain, attaché à son statut de star et il séduit sans trop de problème Mary (Doris Kenyon), qui en dépit d'un début difficile (son essai est une catastrophe) va s'accrocher, et sous la protection de Driscoll, devenir une vedette... Mais sa mère (Jane Adair) vient la voir pour son anniversaire, et tombe sur une soirée bien arrosée...
C'est touchant: d'une part, le film part des ressorts du mélodrame et réussit à en faire quelque chose d'assez solide, de par l'ironie dont fait preuve le cinéaste face à ses pantins qui sont tout à coup confrontés à la vraie tendresse, rustique mais sincère, d'une mère éplorée; d'autre part Tourneur se fait plaisir à tourner en montrant les studios où il travaille quotidiennement, et où il a déjà accompli un nombre important de grands films. On le verra d'ailleurs en plein travail, sauf qu'il joue un accessoiriste... Il montre également le studio sous un jour bien moins glamour que ce qu'on aurait pu imaginer, avec ses acteurs farceurs et dragueurs, mais de fait, dans le film, tout le monde ou presque a l'air de prendre du bon temps dans son métier.
Le film est adorable, même s'il est mineur. Le réalisme de la situation, au milieu de ce mélodrame très classique, donne un intéressant mélange. Quel dommage que les copies qui circulent soient assez peu glorieuses, sauf la version abrégée disponible un temps dans une anthologie consacrée, justement, aux studios du New Jersey.
C'est une épure, un film de complément de programme qui ne totalise pas une heure, et que Ozu et sa troupe habituelle ont fini en six jours...
Chikako (Yoshiko Okada) est la grande soeur de Ryoichi (Ureo Agawa), un étudiant brillant. Is habitent ensemble, elle le nourrit, paie pour tout et surveille de loin sa vie amoureuse, qui n'a pas besoin d'elle: il voit régulièrement Harué (Kinuyo Tanaka), une jeune femme très bien comme il faut. Ils vont voir des films ensemble (nous assistons à une projection du film collectif If I had a million, et c'est la contribution hilarante de Lubitsch: Ozu, Ryoichi et Harué ont manifestement les mêmes goûts!). Bref, tout va bien, sauf que... La police semble s'intéresser aux activités nocturnes de Chakiko et vient se renseigner à l'entreprise où elle travaille. Il semblerait que les cours du soir que la jeune femme donne pour arrondir ses fins de mois soient moins catholiques que ne le croit Ryoichi... Le frère (Shin'yo Nara) d'Harué révèle à cette dernière ce qui se dit sur sa future belle soeur, et elle en parle à Ryoichi, qui le prend très mal...
Le poison du patriarcat, comme dans les films de Mizoguchi, voilà le vrai sujet du film, qui prend la forme d'un mélodrame sans une once de graisse... Mais contrairement à Mizoguchi qui dépeint avec une grande ambiguité la prostitution depuis les bordels eux-mêmes, le cinéaste ici prend un point de vue qui part du grand public et de sa morale en révélant peu à peu les dessous sordides de la vie de Chikako, qui assume pleinement un sacrifice qui permettra à son frère de réussir: une mission donnée par ses parents, et on pourrait même dire par l'empereur lui-même... Alors le mélodrame fonctionne à plusieurs niveaux, bien sûr, et le drame ira loin, jusqu'à la mort d'un des protagonistes.
C'est un très grand film en dépit de sa taille, dans lequel Ozu montre qu'il n'a pas besoin nécessairement, contrairement à ce qu'il a fait ailleurs (Va d'un pas léger, L'épouse d'une nuit, Femmes et voyous) du cadre du film de gangsters pour toucher à des sujets plus graves voire criminels... Ici, le crime est l'un des fondements paradoxaux d'uns société qui fait avancer les hommes en marchant sur les femmes: faites tout pour que votre frère, fils, mari réussisse, vraiment tout... mais ne vous faites pas prendre sinon on ne peut rien pour vous. Les derniers plans, qui semblent reposer le cadre du drame en nous montrant les rues vides de façon apparemment anodine, sont une façon comme une autre de nous dire que la vie continue, mais que le drame aussi.
Horino (Ureo Agawa) est un étudiant qu'on ne qualifiera pas de modèle. Sans doute la perspective inéluctable de reprendre à l'avenir l'entreprise familiale florissante joue-t-elle un rôle dans ce laisser-aller... Avec ses copains qui ont moins de chance, il passe du temps à la petite pâtisserie à côté de l'université, où travaille la belle Oshige (Kinuyo Tanaka), qui est tellement plus intéressante que toutes les candidates au mariage arrangé que lui propose son père; des liaisons qu'il sabote d'ailleurs consciencieusement par un comportement irresponsable, tout comme ses études. Mais le père meurt et tout va changer...
Le titre est clair: une fois passé à la vie d'adulte, finie la rigolade! Du mois partiellement, parce que dans un premier temps, Horino maintient fermement un contact inchangé avec ses copains de l'université, au point de les embaucher en leur donnant les réponses du test d'entrée! Mais même excentrique, c'est le patron et on est au Japon, et le message d'Ozu est clair: il s'attaque ici au poids des convenances, sous couvert d'une aimable comédie autour de la nostalgie estudiantine (un thème souvent présent dans son oeuvre, au passage)...
Une comédie? Sur le papier et officiellement, oui, bien sûr, mais la comédie s'effrite vite: le premier coup qui lui est porté est bien sûr la mort du père, une scène troublante: quand on le lui dit, Horino ne semble pas réaliser; il est en plein examen, sort de la salle, et croise Oshige avec laquelle il échange quelques mots. Arrivé chez lui, il se rend vraiment compte que son père va mourir, et le film bascule... Tout en ménageant quelques scènes inspirées directement des personnages les plus pro-actifs de Harold Lloyd, son idole, Ozu assène sa vision très critique des effets de la hiérarchie et de la réalité socio-économique du Japon patriarcal, et même une fin en douceur finit par être bien plus amère que douce...
Deux jeunes garçons, les deux enfants d’une famille qui vient de s’installer dans la banlieue de Tokyo, affrontent leur quartier, devant s’affirmer devant une bande de petits voyous qui les menacent de représailles s’ils osent se rendre à l’école… Il va leur être dur de s’imposer. Mais pendant ce temps, nous suivons les efforts du père (Tatsuo Saito) pour s’imposer également, lui qui a le but de devenir le bras droit de son patron, et ne recule devant aucune opportunité pour attendre ce but…
C’est l’un des plus connus sinon LE plus connu, des films muets d’Ozu : une épure aussi, un de ces films que le réalisateur refera dans les années 50, car le mélange de chronique du quotidien et de poignante critique sociale fait mouche sans aucun effort apparent, se reposant pour commencer sur deux personnages formidables : parfaitement dirigés, totalement complémentaires (leurs gestes sont aussi naturels que simultanés), les deux garçons fournissent un fil rouge totalement séduisant, avec leurs histoires de bagarres, de défis à la noix (gober un œuf de moineau en classe) et les anecdotes autour de leur intégration, de plus en plus inéluctable.
Le titre français ne traduit pas vraiment l'original, qui correspond à toute une série de films du metteur en scène qui se terminent en "mais" avec des points de suspension. Je suis né, mais... est autrement plus amer que le fonctionnel mais générique Gosses de Tokyo, et laisse entendre que la vie ne sera pas facile...
Tatsuo Saito, souvent clown en chef dans les films d’Ozu, a un rôle intéressant ici, en père plus préoccupé par son propre avancement que par les frasques de ses deux galopins, mais il est à la source d’une scène formidable : les deux garçons sont invités par le fils du patron, qui a lui-même invité ses employés à regarder les films amateurs qu’il a tournés. Sur l’écran, les deux garçons qui ont une image sanctifiée et assez autoritaire de leur père le découvrent tout à coup en boute-en-train avide de devenir le préféré de son supérieur, et commencent à douter de leur envie de « réussir à l’école pour devenir quelqu’un d’important », comme on le leur serine en permanence…
Avec ses deux anti-héros de la débrouille, qui affrontent l’enfer de l’enfance avec élégance et la main près des fesses (qu’ils se grattent en permanence !), cette comédie douce-amère est un joyau.