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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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31 décembre 2020 4 31 /12 /décembre /2020 10:25

M. et Mme Trévoux (René Navarre et Renée Carl) vivent heureux, ils ont un garçon, et les affaires de Monsieur sont prometteuses. Mais Madame a une attirance pour la chiromancie qui va lui jouer des tours: une dame inquiétante lui révèle que sa main trahit un avenir sombre, elle va "perdre un être cher". Elle a, forcément, des appréhensions quand son mari quitte Paris pour Cherbourg, afin de prendre le bateau pour New York... Et ces appréhensions seront vite confirmées, car le bateau va rencontrer un iceberg...

Deux préoccupations pour Feuillade ici: d'une part intégrer à sa série de films "la vie telle qu'elle est" un scénario sur la chiromancie, vaste entreprise d'exploitation des nigauds très en vogue à l'époque... Mais d'autre part, le réalisateur est à l'écoute de l'actualité, comme le Danois August Blom (réalisateur du film Atlantis la même année): il a été lui aussi frappé par l'anecdote du Titanic, et il introduit cette réalité-là dans son film; ce qui aura pour effet de pilonner un peu plus le charlatanisme des chiromanciennes, d'ailleurs, ce qui était l'intention première.

Comme souvent dans cette série, c'est dans les intérieurs que Feuillade révèle l'étendue de son talent, et on se souviendra longtemps de cette scène captée dans la pénombre, où seule apparaît la silhouette de Renée Carl, éternelle mère inquiète qui veille sur son enfant, et éclairée seulement d'une petite lampe...

Notons pour finir que le film est réduit à 24 minutes, il manque le dernier acte, celui dans lequel on confond les escrocs de la chiromancie. Dommage...

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Published by François Massarelli - dans Louis Feuillade Muet 1912 *
1 novembre 2020 7 01 /11 /novembre /2020 15:49

Kiki (Norma Talmadge) est une jeune parisienne qui end des journaux à deux pas d'un music-hall; elle y entend les répétitions des revues et rêve tout haut de s'y faire une place... Pas pour devenir une vedette, non: parce que ça la rendrait toute proche de M. Renal, le producteur (Ronald Colman). A la faveur d'une défection, elle va user de tous les stratagèmes y compris les plus malhonnêtes pour se faire engager, puis y parvenir... La revue va en souffrir, mais pas autant que Renal car une fois dans la place, Kiki n'est pas du genre qu'on déloge...

C'est une superbe comédie, qui bénéficie de tout le soin apporté habituellement aux films de Norma Talmadge. Et pourtant on ne l'attendait pas vraiment sur ce terrain, mais Clarence Brown est vraiment l'homme de la situation, sa mise en scène enlevée réussissant à nous mettre à 100 % aux côtés d'une indécrottable peste, une jeune femme dont la passion n'a d'égale que la débrouillardise. On en vient bien sûr assez rapidement à deviner qu'elle parviendra à ses fins coûte que coûte, mais les moyens qu'elle utilise sont quand même assez impressionnants: un chantage au suicide (qui ne débouchera sur aucune tendance excessive au pathos, c'est remarquable) et surtout une fausse crise de catalepsie qui fait que la star va jouer toute la dernière bobine, contrainte et forcée, en poupée totalement immobile...

Le scénario est solide, signé de Hanns Kräly arrivé de Berlin dans les valises d'Ernst Lubitsch; les décors sont impressionnants par le soin qui leur a été prodigué; outre les deux stars, on a des performances de premier choix de Marc McDermott, Gertrude (la rivale en amour de Kiki) et même George K. Arthur qu'on a jamais connu aussi bon, et qui interprète le domestique Adolphe, devenu l'ennemi juré de Kiki une fois celle-ci installée dans la maison de son patron... Et le film est en prime constamment enthousiasmant, grâce à sa structure qui culmine dans la plus jubilatoire des comédies physiques.

 

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Published by François Massarelli - dans Norma Talmadge Clarence Brown Muet 1926 Comédie *
5 septembre 2020 6 05 /09 /septembre /2020 18:14

Dans une mine de diamants en Afrique, pas trop loin du Kalahari; le patron Hugh Rand (John Gilbert) reçoit la visite de quatre personnes importantes: l'un d'entre eux est l'un des actionnaires principaux, un Lord Anglais (Ernest Torrence). Pendant la visite, Rand courtise sa fille la très belle Lady Diana, (Mary Nolan) mais... ce sont en fait des imposteurs, des escrocs qui préparent un coup sans précédent: le vol d'un certain nombre de diamants de grande qualité. Durant leur fuite, ils prennent Rand en otage, afin qu'il les guide dans le désert... Mais qui manipule qui?

C'est un petit film d'aventures, qui pour la plupart des scènes a été tourné dans un environnement désertique en Californie. Le parti-pris de Nigh et de Gilbert a été d'imposer des conditions difficiles, aussi proches que possible de ce qui est supposé se passer à l'écran. Au vu du film il est absolument évident que ça n'a pas été de tout repos, surtout pour Torrence, dont le malaise physique (ses lèvres sèches par exemple) est plus que palpable... Mais le film ne se veut en aucun cas un compte-rendu réaliste, juste une romance provocante dans laquelle deux personnes qui s'aiment (Gilbert et Nolan) s'imposent un enfer pour se mériter!

Gilbert, dont c'était le dernier film muet, allait donc jusqu'au bout de sa punition, en faisant finalement ce qu'il souhaitait faire, et qui faisait tant horreur à Louis B. Mayer (le conflit entre les deux hommes est largement documenté sur la toile, je vous invite à chercher): des films à petit budget, qui échappent à la romance et aux fadaises, et qui préparent déjà ce que seront les films de l'époque pré-code. Mais si ce film était une punition dans l'esprit de Mayer, il semble qu'elle n'ait pas été trop dure pour l'acteur, qui s'amuse visiblement à promener son petit monde dans le désert...

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet John Gilbert *
25 août 2020 2 25 /08 /août /2020 16:46

Deux voyageurs arrivent à Alger, et en quittant le bateau, leurs regards se croisent... Claudie Duvernet est venue pour hériter, et Pierre Hoffer pour soutirer de l'argent à son oncle. Repartiront-ils de la colonie, ou vont-ils se trouver un destin local? Mais les cousins de Claudie, qui n'ont pas hérité, eux, vont tout faire pour faire main basse sur la fortune de la jeune femme...

On n'imagine pas, quand on connaît un peu l'histoire, marquée à gauche, du personnage, un Jean Renoir faire la retape pour l'Algérie Française! Et pourtant... En 1929, le cinéaste est bien mal en point, la plupart de ses projets personnels ont débouché sur des échecs commerciaux, et il n'a pas, loin de là, fait ses preuves. Et il n'a plus de toiles du père Auguste pour financer le moindre projet! Il a donc accepté une commande, celle de réaliser un petit film sentimental et d'aventures tourné en Algérie pour y insérer aussi clairement que possible des séquences qui pouvaient lui permettre de vanter les mérites de l'endroit, l'industrialisation bénéfique et bien évidemment, les bienfaits de la colonisation!

Dire que ça l'a désintéressé serait bien en dessous de la vérité, mais l'apprenti cinéaste, par ailleurs cinéphile engagé, se fait plaisir en se consacrant, plutôt qu'à l'intrigue, aux personnages qu'il va aider à se révéler avec une certaine attention sur les détails: on n'est pas un fan de Stroheim pour rien. Et il se réveille lorsqu'il doit diriger ses acteurs en plein règlement de comptes dans le désert. Sinon, pour retrouver le Renoir "historique", il faudra attendre le parlant...

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Jean Renoir *
9 août 2020 7 09 /08 /août /2020 10:45

Un tout petit garçon laissé seul par les circonstances dramatiques à Ellis Island, un capitaine bourru, une riche grand-mère qui a perdu toute trace de son petit-fils dont la mère est décédée tragiquement en route vers les Etats-Unis: mélangez, vous avez un film! C'est donc l'un des premiers "véhicules" pour le petit Jackie Coogan, dont l'interprétation avait fait sensation dans The kid, de qui-vous-savez.

Et c'est un mélodrame à peine relevé par un ton de gentille comédie familiale, dans lequel toute l'équipe fait bien attention à cocher toutes les cases nécessaires à l'identification de ce film avec l'image qu'a forgé Chaplin du jeune acteur: circonstances tragiques, présence d'un adulte affectueux mais pas trop démonstratif, quiproquos, présence menaçante des autorités, et pathos sous contrôle... C'est plaisant, même si on sent ici une volonté consciente de capitaliser sur le génie d'un autre: ce n'est pas Coogan junior que j'accuse, mais un autre acteur, John Coogan senior, qui est d'autorité crédité "superviseur" du film. Ce qui fait qu'il y a ici beaucoup de metteurs en scène...

Le principal artisan reste sans doute Victor Heerman, qui est crédité en premier, et fera une petite carrière de réalisateur dans les années 20; et sinon vous connaissez Albert Austin, qui était l'un des plus proches collaborateurs de Chaplin. Sa présence ici au poste de co-réalisateur vient peut-être d'un besoin de Jackie Coogan d'être à l'aise sur le plateau, avec une personne de confiance: Austin était l'un des assistants dévoués à Chaplin, et avait selon toute vraisemblance été souvent à la manoeuvre sur le premier long métrage de son patron, lorsque ce dernier était pour sa part derrière la caméra. Lui aussi fera une petite carrière, principalement dans la comédie, et souvent dans l'ombre de Chaplin; non seulement il a tourné un autre film avec Coogan, mais il a aussi été amené à réaliser un film avec le petit Dean Riesner, fils du réalisateur Chuck Riesner, lui-même assistant sur The pilgrim et la première version de The Gold Rush: son fils jouait le gamin qui en voulait aux deux frères Chaplin dans The Pilgrim...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 *
7 août 2020 5 07 /08 /août /2020 11:46

C'est l'un des rares films qui prenne pour cadre les croisades et leurs conséquences. Les quatre héros du film sont le sultan Saladin, héros de la cause Musulmane, et souvent dépeint comme un fin politique, sage et ouvert. Mais en matière de sagesse, le titre est clair: c'est Nathan, un notable Juif de Jérusalem, qui l'emporte. Il va représenter pour Saladin le visage des Juifs de Jérusalem, avec lesquels il va devoir composer. Sinon, deux personnages au destin compliqué complètent la distribution: un jeune croisé, Curd, de noble extraction, et... neveu de Saladin, mais il ne le sait pas. Recha, la fille adoptive de Nathan, ne sait pas non plus qu'elle est la nièce du Sultan et la soeur du précédent. Le drame tourne autour de la situation à Jérusalem après l'installation de Saladin: ce dernier veut gouverner mais sans être injuste envers les autres religions. Les Chrétiens vont comploter pour affaiblir aussi bien Saladin que la communauté Juive, alors que Saladin va faire appel à la sagesse de Nathan...

C'est un film monumental, qui pourtant (ceux qui sont habitués au cinéma Allemand muet comprendront où je veux en venir) ne dure que deux heures... Dans l'ombre de la UFA, il y avait aussi des producteurs indépendants, dont ceux qui étaient regroupés autour de la bannière de la MLK, basée à Münich. Les films de Manfred Noa avaient ceci de particulier d'être en plus de leur indépendance qui garantissait des ennuis de distribution, particulièrement ambitieux. Celui-ci, très soigné, a en plus le privilège d'avoir été, à un moment crucial de l'histoire politique, au coeur d'une controverse: car cette histoire des Croisades montrait dans une intrigue à la grande clarté (et un soupçon de mélodrame bien de son époque, avec révélations à tiroirs), un Sultan sage, en proie à la duplicité et la tricherie de l'Occident, et conseillé par des Juifs sages, posés et incarnés par un personnage prêt à tous les sacrifices pour faire avancer la paix entre les peuples. Bref: les nazis, ces cons-là, étaient fort mécontents...

Raison de plus: le film en vaut la peine. Maintenant, si l'ancien costumier et décorateur n'est pas un grand directeur d'acteurs (le ton général est au déclamatoire sur le proscenium) il se rattrape largement sur un montage très serré, et un sens aigu du décor. Quant au découpage, qui doit tenir le choc devant une telle production, il est exemplaire de ce qu'on est en droit d'attendre d'un film Allemand de cette époque. Noa réalisera deux ans après un spectaculaire film, Helena, basé sur les récits de la Guerre de Troie.

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Published by François Massarelli - dans 1922 Manfred Noa Muet *
29 juin 2020 1 29 /06 /juin /2020 15:10

En Norvège, il y a bien longtemps, Söfren et Mari sont deux jeunes fiancés, et lui, étudiant en théologie, est candidat pour le poste de pasteur d'un petit village... Il gagne haut la main,, face à deux concurrents qui ne font pas le poids, face aussi bien à la rigueur de ses vues théologiques, que face à son humanité chaleureuse... Mais ils ignoraient un détail: le job a pour coutume d'impliquer le mariage avec la veuve du prédécesseur, et celle-ci, Dame Margarethe, n'est plus de la dernière fraîcheur. Söfren et Mari vont donc devoir composer avec cette nouvelle inattendue, et bien sûr, avoir hâte que le temps fasse son travail et rende le jeune homme veuf à son tour... Mais c'est que Dame Margarethe a épuisé déjà trois maris...

Le troisième long métrage muet de Dreyer nous change de l'atmosphère de tous ces films, par un ton de comédie inattendu et qui reste après tout totalement dans l'esprit d'un conte médiéval: il n'en reste pas moins un film situé dans un cadre très religieux, qui nous raconte l'histoire d'une vocation et d'un passage inattendu, dans lequel la foi joue le premier rôle. Ce passage, c'est celui de la passion et de la rigueur du métier, que ne pratiquait certes pas la vieille dame, mais dont elle est elle aussi garante, par son infatigable règne sur le presbytère! Elle n'hésite d'ailleurs pas à montrer par la menace physique à Söfren qui est la patronne, dans une scène dont le comique cuisant est fortifié par le côté frontal de la mise en scène...

Car Dreyer a rendu compte de l'intrigue d'une façon aussi directe que possible, sans fioritures, ni aucun filtre... Il laisse la comédie jouer son rôle et ça lui va bien. Le film bénéficie aussi du naturel de tous ses interprètes; la mention spéciale va, c'est inévitable, à l'extraordinaire Hildurg Carlberg qui joue le difficile rôle de la Veuve; celle-ci doit passer du statut de quasi-sorcière à celui d'une aïeule chérie et respectée, et est la cible de toute l'invention de Söfren, qui passe par bien des stratagèmes pour tenter de se débarrasser d'elle...

Söfren est un personnage précurseur dans l'oeuvre de Dreyer, un jeune frimeur qui avait semble-t-il, avec à peine vingt ans d'âge. Dreyer se moque gentiment du jeune coq, très sûr de lui, qui va se déballonner quand il apprendra le prix de son poste... Il nous montre aussi l'importance de la femme dans le foyer, avec la séquence mentionnée plus haut... Un photo de publicité existe d'ailleurs, qui montre comment Söfren a eu symboliquement les bras sectionnés en arrivant au village et en acceptant d'épouser la vieille dame. Il va subit toute l'épreuve comme une initiation, et devenir sans doute un bien meilleur pasteur à l'issue de l'expérience.

Ce film Suédois, tourné en Norvège dans des décors formidables (un village-musée qui reconstitue un hameau à l'ancienne, donc des décors aussi authentiques que possible) permet à Dreyer de questionner la trace de la foi dans une certaine vision d'un quotidien rigoriste; il est une première incursion dans l'intimité d'un peuple, avant son incursion dans la famille Danoise en 1925 (Le maître du logis)... C'est aussi la première fois que Dreyer sort du Danemark pour participer à d'autres cinématographies: il y en aura d'autres, bien sûr, et non des moindres.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Carl Theodor Dreyer Comédie *
1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 08:02

On devait beaucoup aimer John Gilbert à la MGM en 1926: le principal acteur de The Big Parade passe du statut de jeune premier à celui d'un acteur polymorphe, montreur de monstres dans The Show, artiste amoureux transi dans La Bohême, et enfin bretteur et séducteur énergique dans Bardelys...

Le Marquis de Bardelys (John Gilbert), surnommé Le magnifique en raison de ses succès auprès des dames, accepte un pari avec un rival, le louche comte de Chatellerault (Roy D'Arcy): sous l'arbitrage du roi Louis XIII, il va devoir séduire Mademoiselle de Lavedan (Eleanor Boardman), la très difficile à atteindre fille d'un opposant au Royaume. Mais Bardelys n'avait pas compté sur trois imprévus: d'une part il va usurper l'identité d'un homme mort dans ses bras pour approcher la belle, et cet homme étant un anti-Royaliste notoire cela va lui porter préjudice; Chatellerault, l'infâme, va profiter de la situation pour tenter de se débarrasser de lui; mais surtout, surtout, Christian de Bardelys va pour la première fois de sa vie tomber amoureux...

Après The big parade qui montrait l'étendue de son talent, de son importance et de ses capacités, Vidor avait accepté La Bohême à contrecoeur, et je pense que c'était le cas aussi pour ce film. Il fera d'ailleurs un clin d'oeil appuyé dans Show People, quand William Haines et Marion Davies seront partagés lors d'une projection-test de Bardelys au studio, elle pleurant et lui prenant de très haut ce qu'il appelle un "punk drama"... Mais après la tragédie que Lillian Gish n'entend absolument pas atténuer par un happy-end, au moins Bardelys est-il l'occasion de se détendre un peu, et de s'amuser. Un film de vacances presque, qui permettra au metteur en scène de passer à autre chose (The Crowd), et à l'acteur, du moins le croit-il, d'acquérir un peu de contrôle sur ses films futurs, voire de les mettre en scène... ce qui n'arrivera jamais.

On est mitigé, finalement, tant le pensum semble s'être transformé en plaisir pour tout le monde: John Gilbert se fait un peu passer pour Douglas Fairbanks avec des duels à l'épée, bien réglés; Eleanor Boardman assume avec aise (elle qui dira jusqu'à la fin de ses jours garder un souvenir maussade de son admirable prestation de The Crowd) un rôle classique de jeune femme à marier doublée d'une "damsel in distress"; Roy D'Arcy accomplit son art ultra codifié de villain mélodramatique à souhait en ressortant exactement la même partition que dans The merry widow, ce qui le rend automatiquement impossible à prendre au sérieux; et en filmant une évasion spectaculaire, Vidor a bien du se faire plaisir lui aussi...

Maintenant si tout ça c'est pour rire malgré le budget conséquent et le soin apporté à la pièce montée par la MGM (Ars gratia artis, disaient-ils...), la principale raison pour laquelle le film est précieux aujourd'hui, c'est sans aucun doute parce qu'il a été longtemps perdu avant d'être miraculeusement retrouvé, amputé d'une seule bobine. Enfin, perdu, c'est un bien grand mot: il a été détruit. En 1936, pour libérer des places sur ses étagères, la direction de la MGM a sélectionné quelques-uns de ses films muets, et celui-ci était en tête de liste. On ne devait décidément pas aimer beaucoup feu John Gilbert en 1936 à la Metro-Goldwyn-Mayer... Mais le fait d'avoir été découvert dans des circonstances improbables (en France, et confié à Lobster) lui donne un petit je-ne-sais-quoi que le film n'aurait jamais eu autrement.

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 Muet King Vidor *
13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 15:32

Anna Karenine, réactualisé, non dans son intrigue, mais bien dans ses costumes, et un peu dans ses moeurs, aussi. Il faut au comte Vronsky (John Gilbert) beaucoup de courage pour convaincre la belle Anna (Garbo) de se laisser aller à un petit amour adultère de derrière les fagots, et la dame gardera d'une certaine manière un peu de sa vertu en ayant pour son fils (Philippe de Lacy, qui est comme d'habitude excellent) un amour inconditionnel...

D'ailleurs Vronsky s'en émeut et lui demande directement lequel des deux, l'amant ou le fils, a la préférence de la mère... Bref, on l'aura compris, après le danger de la vamp du XXe siècle dans le très esthétique Flesh and the devil, la mission de Garbo et Goulding, dans ce film qui n'a pas vraiment eu les faveurs de l'actrice, était sans doute de montrer Garbo, après les femmes fatales et maléfiques de ses deux films précédents, en mère, dont le pêché sera au final racheté par sa maternité...

On s'ennuie un peu dans un film dont Goulding réussit la composition, mais qui souffre généralement d'un manque d'enjeu. Gilbert sort un peu la panoplie habituelle, et Garbo ne s'illumine qu'en présence du petit garçon qui reste sans doute l'un de ses meilleurs partenaires sur toute sa carrière...

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Published by François Massarelli - dans Greta Garbo 1927 Muet *
10 mai 2020 7 10 /05 /mai /2020 17:11

Dorothy Gish a été en quelque sorte rebaptisée à vie en 1918, lorsque Griffith (qui a toujours eu un faible pour elle, parce qu'elle devait lui en faire sérieusement baver) lui a confié le rôle d'une espiègle créature, complètement à l'inverse de sa soeur la toujours digne Lillian, dans Hearts of the world. Cette 'little disturber', comme elle était nommée au générique, allait façonner bien des rôles à venir, à commencer par l'une des deux plus visibles de ses interprétations, celle d'une mendiante dans Romola aux côtés de sa soeur. C'est aussi le cas pour ce film: il y a fort à parier que Wilcox avait vu dans cette petite peste à l'écran une actrice capable de remplir ses images de la dose d'espièglerie voulue...

Le cas de Nell Gwyn (comme il était orthographié, au mépris du nom historique de son héroïne, avec deux N) est plutôt curieux: il s'agit sans doute du film Anglais ayant eu le plus de succès aux Etats-Unis durant les années 20. Son auteur, un jeune réalisateur-producteur ambitieux, avait eu du succès avec Chu-chin-chow, avec Betty Blythe en 1923. Blythe était plus ou moins lessivée après avoir été une star importante pour la Fox, et cherchait des opportunités en Europe, alors que Wilcox cherchait justement à percer sur le marché Américain; le film ayant été distribué par MGM en 1925 aux USA, le réalisateur s'est dit qu'il fallait retenter le coup, avec une autre vedette Américaine. Dans ce film désormais distribué par Paramount, c'est à Dorothy Gish que le metteur en scène a fait appel pour interpréter la maîtresse du roi dans ce film en costumes pour lequel la publicité insistait bien sur l'aspect fripon: il est surtout ici question de coucheries, et l'obsession mammaire (Si on en croit les gestes déplacés qu'il tente par-ci, par-là ) de Charles II est plutôt mise en valeur par les décolletés impressionnants affichés par la star (Oui, oui, la soeur de Lillian). C'est d'ailleurs un cas d'école, et on n'a jamais l'impression que Dorothy Gish soit très mal à l'aise avec ces tenues plus que suggestives; elle assume les poses et les déshabillés provocants avec un remarquable aplomb.

Est-ce parce qu'elle savait qu'elle n'avait plus aucune chance de concurrencer sa soeur, et qu'elle n'avait plus vingt ans, ou qu'elle ne pouvait rivaliser avec les nouvelles venues de Hollywood (Evelyn Brent, Janet Gaynor, Clara Bow, Joan Crawford, Greta Garbo sont là et bien là)? Dorothy Gish, exubérante (A plus forte raison à 24 i/s!) et mutine, domine l'écran, et on n'attendait pas une telle franchise dans la sexualité de la part de la soeur de Lillian Gish: lorsque le roi, qui a installé Nell dans un palais luxueux, vient récolter son dû et éteint une à une toutes les bougies, on voit le visage de Dorothy passer de l'appréhension à la curiosité, puis à un franc sourire sans aucune ambiguité. Elle joue de toute sa candeur aussi, notamment dans les scènes du bain (Rassurez-vous, la baignoire est un tonneau suffisamment haut pour que la morale y trouve son compte) ou quelques instants après ses ablutions quand elle essaye des bas, qu'elle montre à ses amis sans aucune pudeur. Le film qui prend assez clairement le prétexte de redonner à cette personne connue de tous mais plus ou moins écartée de l'Histoire, la grande, louvoie entre la comédie avec les provocations de la star, sa rivalité affichée avec Lady Castlemaine, l'autre favorite (Juliette Compton), et le marivaudage entre le roi et la fille du peuple, et une certaine tendresse à l'égard de ces coulisses de l'histoire, qui culmine dans une belle scène de passage de témoin à la fin: le roi est mort, vive le roi... et Nell disparaît de l'Histoire.

Voici un film historique dans lequel la nécessaire reconstitution s'arrête aux costumes, aussi révélateurs soient-ils, car le film a été assez économique: Wilcox fait reposer l'essentiel de son film sur une reconstitution sans grand faste, des costumes soignés, et l'ambiance. Mais c'est cohérent dans la mesure où le film parle plutôt d'intimité à travers la belle actrice qui a réussi à faire plier un roi et à vivre un amour plutôt qu'une promotion canapé. Tout le film est subordonné à ses personnages, et surtout, surtout, à celle qui lui a donné son titre... Le film a été un succès à l'époque, mais il n'a pas engendré de réel intérêt pour le cinéma Britannique au-delà de la curiosité de voir Dorothy Gish, alors éclipsée par sa soeur, dans un inhabituel véhicule. Le film sera refait en 1934 avec Anna Neagle, qui n'est pas Dorothy Gish. Cette fois, l'orthographe initiale de Nell Gwynn sera respectée.

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Dorothy Gish *